FAMILLES
ET TOXICOMANIES
La remise en
cause culpabilisante
Le passage � l'acte, transgression de l'interdit, a souvent valeur
d'affirmation de soi et conforte le sentiment d'identit� de l'adolescent
On analyse plusieurs types de relations au niveau de la cellule
familiale : interg�n�rationnelle et transg�n�rationnelle :
Interg�n�rationnel
On constate
souvent l'intervention �ducative des grands-parents, surtout les
grands-m�res maternelles ; cette action arrive parfois � la
d�stabilisation des relations parents/enfants.
Deux types de
familles sont d�crite:
 |
La
famille jeune � " conflictuelle ",
marqu�e par des conflits et ruptures. |
 |
La
familles �g�e � " d�pressive ",
marqu�e par les deuils, la maladie. |
Transg�n�rationnel
Entre le rejet de
la part des membres de la familles et une acceptation synonyme parfois de
culpabilit�, la palette des r�actions est tr�s diverses. Entre les
membres de la fratrie, la question qu'on peut se poser est la raison de
celui ou de ceux qui sont devenus toxicomanes par rapport aux autres.
La multitude des
transgressions r�p�titives d'une g�n�ration � l'autre fait partie du
tableau " pathologique " de ces familles. La
non-int�gration de la loi parentale et la transgression constante des
lois au niveau familial, mais aussi l'admiration de la part de certains
membres de la familles pour les conduites d�viantes, renforce le
comportement des jeunes toxicomanes.
La plupart des
familles pr�tent une attention majeure au sympt�me
" toxicomanie " pour fonder une demande d'aide. Dans
la plupart des cas, l'analyse du contexte familial permet de mettre en
�vidence des pathologies diverses.
Deux cas de
figure se d�marquent :
a.)
 |
La
minimisation, voire la banalisation de l'intoxication : des
parents qui ne pr�te pas attention � l'�tat physique et
psychique, qui consid�rent les sympt�mes comme signes d'un
�tat d�pressif. En fait, ces parents ont
" peur " d'affronter la probl�matique de
la toxicomanie - et pas que celle-ci avec leurs enfants. |
 |
La
c�cit� familiale face aux sympt�mes fait appel � des
m�canismes de d�ni. |
 |
Souvent
les familles sont incapables de saisir la r�elle dimension du
signal d'alarme que repr�sente les passages � l'acte de leur
enfant. |
 |
Il
s�agit souvent des familles qui ont recours aux diff�rentes
substances psychoactives dans les situations de stress
quotidien (l�exemple de l�armoire � m�dicaments, de la
bouteille du bar souvent bien rempli). |
b.)
 |
La
dramatisation de la toxicomanie, avec un rejet qui ne laisse
plus sa place au dialogue ; les ponts sont coup�s, les
liens intrafamiliaux semble bris�s d�finitivement. |
 |
Les
passages � l�actes � tentatives de suicides, overdoses,
actes antisociaux � repr�sentent autant de signaux d�alarmes
de la part des jeunes qui se retrouvent confront�s � ces
situations. |
La demande
familiale est centr�e sur le " sympt�me � drogue "
; progressivement, l'analyse du contexte familial permet aux th�rapeutes
de mettre en �vidence les vrais interactions de la drogues dans
l'histoire familiale.
Une explication
psychanalytique du ph�nom�ne de la toxicomanie est celle fournie par
Claude Olivenstein. Partant du constat de Freud que le stade du miroir est
une �tape indispensable dans le d�veloppement du jeune enfant,
Olivenstein conceptualise le " stade du miroir bris� ".
Freud avait constat� dans l��volution de son petit-fils l�importance
du premier contact visuel avec son propre image ; l�enfant avait
fait � quatre pattes le chemin de toute sa chambre et une fois arriv�
devant la glace il a d�couvert avec �tonnement son image. Pour
Olivenstein, l�enfant issu d�un milieu familial instable,
non-s�curisant, aurait devant la glace l�impression d�un �clatement
de son image, les milliers de morceaux de glace �tant �parpill�s
partout.
Th�rapies
syst�miques
Les syst�miciens, sont des th�rapeutes qui privil�gient le
"syst�me", qu'il soit familial, scolaire, hospitalier ou autre.
Ils �tudient les relations � l'int�rieur de ce syst�me pour comprendre
le dysfonctionnement qui a pu s'y installer et tenter d'y porter rem�de.
De m�me qu'il y a plusieurs �coles psychanalytiques, il y a plusieurs
�coles syst�miques, comme je l'indiquais plus haut; certaines
s'apparentent au comportementalisme, ignorant superbement l'inconscient,
que les tenants de cette tendance appellent "la bo�te noire".
D'autres ont gard� une fid�lit� � leurs sources psychanalytiques �
des degr�s divers, mais ils y ont ajout� une dimension suppl�mentaire
capitale, celle de l'importance primordiale de l'environnement,
c'est-�-dire des syst�mes auxquels appartiennent les sujets.
Aux Etats-Unis,
et en Europe, mais pas en France, une �cole syst�mique psycho-dynamique
form�e d'anciens psychanalystes qui cherchaient � �largir leur point de
vue, �tait n�e dans les ann�es 60. Leurs travaux �taient soit
ignor�s, soit combattus, par beaucoup de psychanalystes fran�ais parce
qu'ils les consid�raient soit comme trop h�t�rodoxes, soit comme trop
simplistes.
Dans beaucoup de
th�rapies de couples, les patients et le th�rapeute butent sur des
ph�nom�nes inconscients qui venaient d'ailleurs, par exemple des mythes
familiaux de la famille d'origine ou des d�l�gations contradictoires des
parents. Dans combien de th�rapies d'enfants n'avons-nous pas senti se
profiler l'influence redoutable d'un secret de famille ou l'ombre port�e
d'un anc�tre rest� tout-puissant.
La transmission
transg�n�rationnelle est constitutive de la formation de notre
personnalit�; sans cette transmission, nous n'existerions pas, c'est elle
qui nous rend nous-m�mes. Nous sommes faits des transmissions de nos
parents et de nos anc�tres, et bien s�r de ce que nous en avons fait.
Nous ne les recevons pas toutes brutes, nous les �laborons, nous les
assimilons, nous les recr�ons, nous les renvoyons en feed-back aux
parents qui y r�agissent � leur tour. Cela vaut aussi bien pour les
transmissions b�n�fiques que pour les transmissions pathologiques. On
voit souvent les enfants d'une m�me famille �laborer diff�remment des
transmissions parentales qui paraissent identiques; cela s'explique d'une
part parce que chaque enfant effectue sa propre �laboration, et d'autre
part parce que ces transmissions ne sont pas identiques en r�alit� : on
ne transmet pas les m�mes choses � un fils a�n� qui porte les espoirs
de la famille, � une fille cadette qui peut repr�senter une s�ur
cadette tr�s aim�e ou ha�e ou morte, ou � un dernier enfant non
d�sir�, ou au contraire tr�s chouchout�.
Toxicomanie
et psychanalyse
Les d�bats
autour de la cure psychanalytique et la toxicomanie, animent les
th�rapeutes depuis plusieurs d�cennies. Ainsi, d�s 1916, Freud �crit
� Ferenczi pour lui faire part de son scepticisme concernant la cure
analytique des consommateurs de drogues. La question principale soulev�e
par Freud est la reconnaissance de la d�pendance et sa probl�matique -
la place de la drogue et sa fonction de r�ponse � tout, face aux
malheurs. Selon Freud, "nul ne peut �tre tu� in absentia ou in
effigie".
Le sujet
toxicomane �voque le probl�me de la d�pendance comme sympt�me du mal
�tre, mais laisse souvent en suspense les causes et la description du
probl�me. Or, on le sait pertinemment, que dans ce sympt�me se trouve
quelque chose de tr�s personnel que le sujet ne ma�trise plus. La suite
logique prouve que les deux conditions n�cessaires � la cure sont
rarement remplies par les sujets. D'abord la reconnaissance de la
nocivit� du probl�me, afin d'�prouver l'envie de s'en d�faire.
Deuxi�mement, le sens du probl�me, qui lui �chappe le plus souvent.
Pour les consommateurs des substances psychotropes, le rapport qui
s'�tablit avec la drogue se trouve sous le signe de l'utilit�. a partir
d'un certain moment, l'identification du toxicomane int�gre la drogue �
c�t� du nom, de la filiation.
La reconnaissance
du probl�me et la prise de conscience sont ralentie par le mode de
r�gulation - la prise de la drogue - et par le caract�re pulsionnel,
r�p�titif, incontr�lable de cette r�solution. La pulsion appara�t
dans le cadre d'un mouvement circulaire, r�p�titif. L'�chec de la
r�ponse apport�e par la drogue explique cet �ternel recommencement.
Finalement, la
prise de produit appara�t comme une solution et une r�ponse adapt�e aux
panels de probl�mes que le sujet rencontre dans sa vie quotidienne -
facilitation des contacts et des liens sociaux (pensons simplement au
" boum " des drogues dites socialisantes), apaisement
ou m�me anesth�sie d'une souffrance morale.
Plusieurs auteurs
ont d�j� insist� sur le caract�re sexuel de la prise de drogue et la
comparaison de la prise de drogue � un orgasme. Selon la description
lacanienne, il y a opposition entre le type de satisfaction procur�e par
le produit et celle r�sultant de la jouissance sexuelle.
Les tentatives de
r�paration du Moi, la r�gulation des dysfonctionnements � travers
l'usage des substances psychoactives, sont suivies souvent des �checs qui
peuvent d�clencher des troubles psychiatriques. La comorbidit�
psychiatrique s'intrique dans la trajectoire des toxicomanes, la
fr�quence de ces troubles �tant des facteurs de mauvais pronostic
th�rapeutique.
La n�cessit� de
s'attarder sur l'analyse des difficult�s rencontr�es par les toxicomanes
- traumas psychiques � r�p�tition, dysfonctionnement familiaux -
appara�t comme une �vidence. Cette �tape pr�liminaire � toute prise
en charge th�rapeutique permet la mise en place des moyens ad�quats,
sp�cifiques et adapt�s � la personnalit� de chaque toxicomane. Il faut
garder � l'esprit l'id�e que ces troubles mentaux - cause ou
cons�quence de la prise de produit - influencent l'�volution des
toxicomanies.
Le
mythe familial
Ensemble de
croyances bien int�gr�es que partagent tous les membres de la familles
au sujet de leurs r�les respectifs. Le mythe caract�rise la nature des
relations intra-familiales dont la d�finition est mutuellement accept�e.
La mythologie familiale � une fonction d�fensive et permet de renforcer
la coh�sion du groupe. Toute mise en cause du mythe est v�cue comme
mena�ante pour l'hom�ostasie familiale.
 |
Le
mythe de l'harmonie familiale : tout
rentrerait en ordre si la drogue dispara�t. |
 |
Le
mythe de la marginalit� :
la fascination de la famille pour la d�viance. |
 |
Le
mythe de l'expiation :
le jeune porte toute la culpabilit� de la famille. |
Toxicomanie,
famille et la mort
La mort
repr�sente un risque de rupture de l'�quilibre familial.
|