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   Dr. Dan VELEA

 

 

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     ADDICTION AU SPORT ET A L’EXERCICE PHYSIQUE  

Dr Dan VELEA

danvelea@aol.com 

Psychiatre-Addictologue, 

Hôpital Marmottan, Paris

L’addiction à l’exercice physique in : Conduite Dopante, Psychotropes, 2002, 8 (3-4) :39-47

La pratique excessive du sport apparaît comme une récente forme d’addiction sans drogue. Comme pour d’autres comportements addictifs on peut considérer que l’addiction sportive commence par des excès, par la recherche de sensation de plaisirs et désinhibition à travers la pratique sportive, qui va aboutir à l’installation d’un besoin irrépressible et dans certains cas des signes de sevrage. 

Etre sportif de haut niveau nécessite un investissement sans mesure et l’acceptation d’un processus intra-psychique lié à la transformation corporelle, résultat d’une pratique intense et de longue durée. Combien de sportifs de haut niveau n’ont ils pas sacrifié leur jeunesse (au moins dans le sens que les non-pratiquants peuvent donner au terme sacrifice). La reconnaissance de leurs efforts, des années de galère et de sueur arrivent sous forme de médailles, d’applaudissements et malheureusement d’un enjeu au niveau de la « pub » et de contrats mirobolants.

La maîtrise et la programmation de la transformation corporelle confronte souvent l’individu aux limites de ses compétences psychomotrices. Selon J. BIROUSTE2 « le sportif est un tacticien /praticien de la limite ». Le sportif cherche sans cesse l’idéal de la perfection, de l’harmonie, le sportif est un « jusqu’au boutiste ». Le sportif récupère une reconnaissance individuelle et sociale, ses efforts sont applaudis et corrigés par un public de plus en plus exigeant. Cette situation ne peut-elle pas expliquer les difficultés que les sportifs éprouvent de manière régulière dans leur pratique quotidienne ou la nécessité pour certains d’avoir recours aux tuteurs d’accompagnement investi à la manière dont les toxicomanes peuvent investir leur produit ?

Pour certains sportifs la répétition d’entraînements, l’accoutumance du corps au mouvement, la ritualisation et la répétition obsessionnelle ou compulsive des gestes peuvent prendre une dimension compulsive voire d’addiction au geste. Ces sportifs ressentent la nécessité de remplir un vide de la pensée ou un vide affectif, et dans ce cas l’objet investi est le sport et le mouvement. Ce besoin compulsif qu’on pourrait décrire comme un lien addictif se manifeste souvent par une nécessité de pratiquer sans relâche son sport, de contrôler sans cesse son image dans la glace et dans le regard des autres. Cette conduite addictive – bigorexie - est actuellement étudiée (surtout aux USA).

Pour une partie de sportifs de haut niveau, le sport interviendrait de la même manière qu'un stupéfiant comme remède à la souffrance corporelle ou psychique. Ainsi, le sport, pratiqué au quotidien de manière répétitive, empêcherait « la pensée douloureuse » et l'anesthésierait comme peut le faire l'héroïne. Dans le cas des body-builders, la fixation au niveau d’une recherche de sensations est intriquée avec la valorisation des états douloureux conséquences de la contraction musculaire répétitive en anaérobie. Pour certains sportifs, « la phobie de la passivité, décrite par Claire CARRIER3 amène une demande d’auto-excitation avec parfois prise de produits dopants ou même des drogues ». Dans le cas des body-builders, on sait que des substances comme l’acide gamma-hydroxybutirique (ou le GHB), voire actuellement le bêta-hydroxy beta-methylbutyrate (ou le HMB), ont été et le sont même aujourd’hui largement employées. Ces substances dont le potentiel addictif est reconnu, fournissent un état de bien être par désinhibition et effet antalgique puissant. Au niveau kinesthésique, cet effet aide à surmonter des douleurs parfois insupportables, mais l’effet le plus recherché est la maîtrise d’un effet de type orgasmique. Si on feuillette des revues spécialisées, celles-ci foisonnent des publicités pour les produits réputés dopants, ayant des effets sur la prise de masse musculaire ou sur l’accentuation d’un effet anabolisant qui favorise la prise de masse. Ces revues sont des véritables vitrines pour des corps exhibés et montrés dans la meilleure lumière. Certains sportifs avouent que leur objectif est de pouvoir un jour se montrer dans les pages d’une revue ou d’un calendrier. Dans une des ces revues, un article consacré au vieillissement portait comme sous-titre « La qualité de la vie ne se trouve pas dans une pilule »4. Cet article signé par Joe WEIDER, fondateur d’une prestigieuse école de fitness, essaye de démontrer que « …la pratique régulière de l’exercice et une hygiène alimentaire n’ont pas leur pareil pour rétablir et préserver les processus physiologiques de l’organisme ». Mais si on feuillette seulement ce numéro, on retrouve que sur les 120 pages du magasine, plus de la moitié sont des pubs directes pour des produits et que la grande majorité des articles qui ornent ce numéro parlent d’une pratique sportive et des résultats extraordinaires obtenus grâce à ces produits. Comment dans ces conditions ne pas tomber dans le piège ?

Après avoir étudié les marathoniens et découvert une poursuite de l’activité physique malgré un état de fatigue et de routine, William Glasser a crée en 1976 le concept d’ « addiction positive », concept qui mettait en opposition une dépendance ayant des conséquences bénéfiques, visibles immédiatement avec les addictions dites négatives (toxicomanies, alcoolisme). On ne va pas s’attarder sur le bien fondé d’un tel concept qui crée en quelque sorte des addictés nobles et des pauvres addictés, mais il faut mentionner que les dérives sont possibles.

Critères de la dépendance à l’exercice

(D. Veale, 1991)[1]

 

  1. Réduction du répertoire des exercices physiques conduisant à une activité physique stéréotypée, pratiquée au moins une fois par jour.
  2. L’activité physique est plus investie que tout autre.
  3. Augmentation de la tolérance de l’intensité de l’exercice, d’année en année.
  4. Symptômes de sevrage avec tristesse lors de l’arrêt (volontaire ou contraint) de l’exercice physique.
  5. Atténuation ou disparition des symptômes de sevrage à la reprise de l’exercice.
  6. Perception subjective d’un besoin compulsif d’exercice.
  7. Réinstallation rapide de l’activité compulsive après une période d’interruption.
  8. Poursuite de l’exercice physique intense en dépit de maladies physiques graves causées, aggravées ou prolongées par le sport. Négligence des avis contraires donnés par les médecins ou les entraîneurs.
  9. Difficultés ou conflits avec la famille, les amis ou l’employeur liés à l’activité sportive.
  10. Le sujet s’oblige à perdre du poids en suivant un régime, pour améliorer ses performances.

Le principe de l’addiction à l’exercice physique tient dans l’usage d’une situation routinière (la pratique d’un geste répétitif, sans satisfaction immédiate), afin d’obtenir une augmentation de l’estime de soi, à travers une multitude d’effets physiques et psychiques. Dans le cas des coureurs de fond, le remplacement de la dépendance au tabac était immédiatement bénéfique. Dans le cas des dépendants aux exercices physiques de type body-building, stretching, l’essentiel réside dans l’appropriation de ce style de vie sportif qui devient la seule manière de vivre (la plupart de pratiquants intensif du body-building se retrouvent souvent à faire leur métier).

Il existe à l’heure actuelle plusieurs échelles d’évaluation de cette nouvelle addiction dont nous vous proposons celle qui s’adresse au coureurs de fond et aux body-builders. 

Running Addiction Scale

(Champan et Castro, 1990)[2]

 

  1. Je cours très souvent et régulièrement (+ 1)

  2. Si le temps est froid, trop chaud, s’il y du vent, je ne cours pas (- 1)

  3. Je n’annule pas mes activités avec les amis pour courir (- 1)

  4. J’ai arrêté de courir pendant au moins une semaine pour des raisons autres que des blessures (- 1)
  5. Je cours même quand j’ai très mal (+ 1)
  6. Je n’ai jamais dépensé d’argent pour courir, pour acheter des livres sur la course, pour m’équiper (- 1)
  7. Si je trouvais une autre façon de rester en forme physique je ne courrais pas (- 1)
  8. Après une course je me sens mieux (+ 1)
  9. Je continuerais de courir même si j’étais blessé (-1 )
  10. Certains jours, même si je n’avais pas le temps, je vais courir (+ 1)
  11. J’ai besoin de courir au moins une fois par jour (+ 1)

 

Critères de dépendance au body-building

(D. Smith, 1998[3])

 

  1. Je m’entraîne même quand je suis malade ou grippé.

  2. Il m’est arrivé de continuer l’entraînement malgré une blessure.

  3. Je ne raterais jamais une séance d’entraînement, même si je ne me sens pas en forme.

  4. Je me sens coupable si je rate une séance d’entraînement.

  5. Si je rate une séance, j’ai l’impression que ma masse musculaire se réduit.

  6. Ma famille et/ou mes amis se plaignent du temps que je passe à l’entraînement.
  7. Le body-building a complètement changé mon style de vie.
  8. J’organise mes activités professionnelles en fonction de mon entraînement.
  9. Si je dois choisir entre m’entraîner et travailler, je choisis toujours l’entraînement.

 

Dr Dan VELEA

danvelea@aol.com 

Psychiatre-Addictologue, 

Hôpital Marmottan, Paris

L’addiction à l’exercice physique in : Conduite Dopante, Psychotropes, 2002, 8 (3-4) :39-47


2 BIROUSTE, J. « Economie pulsionnelle des goûts des sportifs », Sport et psychologie, Revue EPS Dossiers EPS no. 10, 367-372

3 CARRIER Claire, « Modèle de l’investissement sportif de haut niveau et risque de lien addictif au mouvement », Annales de Médecine Interne, vol. 151, avril 2000, A60-A64

4 WEIDER Joe, « Lutter contre le vieillissement », Muscle et Fitness, nov. 1998, no. 133, 8

[1] Veale DM : Psychological aspects of stalness and dependance on exercise, International Journal of Sports and Medecine, 1991, 12(1), 19-22
  

[2] Chapman CL, Castro JM : Running Addiction : measurement and associated psychological characteristics. Journal Sports Medical Physical Fitness, 1990, 30(3),

[3] Smith, D., Hale, B.D., & Collins, D. (1998). Measurement of exercise dependence in bodybuilders. Journal of Sports Medicine and Physical Fitness, 38, 66-74.