Pour la Recherche n° 14, Septembre 1997 : Economie et Santé mentale
Coût de la dépression pour la société aux Etats-Unis
Chaque année aux Etat Unis, au moins 11millions de personnes (6% de la population adulte) présentent un épisode de dépression.
Le coût total de ce trouble a été estimé à 44 milliards de dollars. 28 % de cette somme correspondent au coût médical, psychiatrique et médicamenteux direct ; 17% proviennent des plus de 18000 suicides associés (au moins la moitié des personnes qui commettent un suicide sont sévèrement déprimées) ; 55% (24 milliards de dollars) sont dus à l'absentéisme et à la perte de productivité parmi les 72% des personnes déprimées qui travaillent.
Ces éléments, naturellement, ne prennent pas en compte le coût non monétaire de la mort et de la souffrance personnelle, ni les coûts associés par la consommation de cigarettes, l'abus de médicaments et les maladies somatiques.
Ces estimations excluent également le coût financier qui revient aux familles dont le temps de travail est amputé et qui doivent faire appel à des services de soin à domicile pour la personne déprimée. (J.M. Thurin)
Harvard Mental Health Oct. 1994 Entretien avec N. Finkelstein et P. E. Greenberg
Le psychiatre français, sa pratique et la crise
Une étude* sur ce sujet a été réalisée en 1996 par l'Ecole de psychosomatique auprès de 4000 psychiatres. Quatre cent ont répondu, représentatifs de la distribution géographique, de l'âge (de 31 à 80 ans, avec une moyenne à 49 ans) et du secteur d'activité (3/7 public ou 4/7 privé) de la population des psychiatres français.
Cette étude a fait apparaître les éléments suivants :
u Pour le psychiatre praticien, les trois manifestations les plus importantes des évolutions récentes de la société et des changements d'ordre économique sont (par ordre décroissant) : la crise de la famille et des liens sociaux, la crise économique, la crise des valeurs traditionnelles ; insécurité, crise du politique, migrations et mobilités ne recueillent que peu de réponses positives.
Pour le psychiatre "citoyen", c'est la crise économique qui est placée en premier, suivie de la crise du politique puis de celle de la famille et des liens sociaux.
u Le psychiatre a développé ses lectures en philosophie et en économie. Il s'intéresse à cette évolution par des recherches personnelles. 60% des psychiatres qui ont répondu participent à un mouvement associatif, 47% sont impliqués dans la psychiatrie sociale, 41% dans une démarche syndicale.
u Pour 2/3 des praticiens, leur démarche thérapeutique s'est modifiée au cours des deux dernières années. Cette évolution s'est faite, pour 65% d'entre eux dans le sens d'une psychiatrie plus relationnelle et sociale, pour 24% dans le sens d'une psychiatrie plus biologique.
u Les plaintes liées à l'environnement social rencontrées le plus souvent dans leur pratique sont : 1) problème d'emploi, 2) isolement social, 3) crise familiale
u Du point de vue psychopathologique, les conflits liés à la crise seraient plutôt : 1) structuraux et identitaires, 2) relationnels, 3) intrapsychiques.
u Du point de vue psychopathologique les manifestations les plus fréquentes seraient : troubles dépressifs légers, majeurs, psychosomatiques ; ensuite viennent l'alcoolisme et l'abus de médicaments.
u Le contexte social affecterait plutôt 1) les états limites, 2) les névrosés, 3) les psychotiques et se répercuterait d'abord au niveau de la clinique sociale : insertion et liens.
u Les facteurs qui paraissent constituer un risque supplémentaire sont les événements de vie, les conditions physiques pré-existantes et l'âge.
* collectif scientifique : B. Doray, G. Lopez,
N. Quemada, M. Thurin, JM. Thurin.
Consommation d'anxiolitique
En 12 semaines, 11% de l'ensemble de la population française effectue au moins un achat d'anxiolytique ou d'hypnotique. Ces produits représentent une dépense annuelle de 33,61 f par personne, soit 2,7% de l'ensemble de la dépense pharmaceutique. En moyenne, la dépense annuelle des consommateurs réguliers est de 293,68 f.
Qui sont les consommateurs d'anxiolytiques et d'hypnotiques ?
Ce sont plutôt des femmes (14,3 % versus 7, 6 %). La consommation devient régulière après 40 ans.
Les ouvriers (+7%) et employés (+13%), non diplômés (+10%) et disposant de revenus modestes (+12% ) sont plus souvent consommateurs de ces produits alors qu'ils ne sont pas globalement "surconsommateurs" de pharmacie (la consommation globale suit plutôt la courbe des revenus).
Quels sont les facteurs corrélés à la consommation ?
u un mauvais état de santé. Celui-ci est attribué à partir d'une équipe de médecins au vu du nombre de maladies et par la personne elle-même, selon son estimation subjective. Les personnes qui présentent un pronostic probablement mauvais ou sûrement mauvais sont nettement plus consommatrices que la moyenne (+56% et +95%).
Il en est de même pour les personnes qui présentent une invalidité (+89 %).
Inversement, les personnes en bonne santé sont 3 fois moins consommatrices que les autres.
u l'isolement et les difficultés familiales favorisent la consommation. En particulier, le veuvage et le divorce en cours. A noter, qu'à âge égal, la consommation est plus importante chez les célibataires, les personnes mariées mais vivant séparées (+33%) que chez les personnes vivant en couple.
u le chômage et les difficultés d'insertion professionnelle génèrent une forte consommation d'anxiolytiques et d'hypnotiques. Une fois écartés les inactifs pour raisons de santé dont il n'est pas étonnant qu'ils utilisent fréquemment ces médicaments, ce sont les chômeurs qui ont les plus forts taux de consommation d'hypnotiques et d'anxiolytiques (+57%).
En terme de dépenses, le chômage a un effet tant sur les femmes que sur les hommes. Les dépenses des hommes au chômage sont plus élevées de 43% et celles des femme de 25%.
u L'insertion au travail ne se mesure pas seulement par l'existence d'un emploi mais peut s'évaluer également par le plaisir ou le sentiment d'utilité que l'on retire de son travail ou bien encore par la qualité des relations professionnelles. Concernant la consommation d'hypnotiques et d'anxiolytiques, les effets les plus importants sont observés lorsque les relations avec les chefs sont conflictuelles (+237%), lorsque les personnes ne se sentent pas concernées par l'utilité de leur travail (+121%), lorsque les relations avec les collègues (+96%) ou avec le public sont dégradées (+71%) et lorsque le travail est monotone (+66%).
* Résumé de l'étude de Catherine Sermet réalisée à partir de l'enquête INSEE -CREDES sur la santé et les soins médicaux 1991-1992. CREDES Biblio n°1050, janvier 1995.
- Courrier des confrères
Création d'un comité pour
la recherche en psychiatrie
au centre hospitalier
Paul Guiraud Villejuif
La création d'un Comité pour la recherche dans un centre spécialisé psychiatrique nous paraissait de plus en plus nécessaire et indispensable.
Après accord des diverses instances consultatives de l'hôpital, nous avons procédé à la mise en place de ce comité le 3 juin 1996 avec désignation d'un coordonnateur pour l'année et formation de sous-groupes de discussion et d'élaboration de projets diversifiés.
Depuis cette date, le CPRPGV fonctionne régulièrement une matinée tous les deux mois, en groupe largement ouvert, où sont abordés des thèmes variés, quelque soit le type de recherche : psychologique - psychanalytique - psychosociologiques - psychopharmacologique - biologique, etc.
Il est à souligner que ce comité est multidisciplinaire et largement représenté pour chaque catégorie de personnel.
Nous serions intéressés de connaître les autres créations de ce type dans les hôpitaux psychiatriques, sur le plan régional et national, ce qui nous permettrait de communiquer et de pouvoir échanger fructueusement.
Contact : Dr F. Gekiere - 01 45 59 57 00
Dernière mise à jour : 7 juin 99
Monique Thurin