Pour la Recherche n° 14, Septembre 1997 : Economie et Santé mentale
Économie et santé mentale
Dr F. Chapireau
L'économie est le domaine des échanges de biens et de services. S'agissant de la santé, les agents économiques sont producteurs ou consommateurs de soins. Il est utile de faire une présentation des travaux effectués dans ce domaine, et ce pour au moins trois raisons. En premier lieu, leur diffusion en dehors d'un cercle restreint date seulement de 10 ou 15 ans : à l'heure actuelle, aucun manuel de psychiatrie de langue française ne comporte de chapitre consacré à l'économie. Même le rapport de la Cour des Comptes consacré en 1988 à "la lutte contre les maladies mentales" (pp. 159-167) ne comporte pas de véritable analyse économique à l'appui de son étude des politiques mises en oeuvre. Deuxièmement, ces travaux sont surtout connus pour leur usage dans la gestion financière au point que les deux domaines sont parfois pris l'un pour l'autre. Or, les travaux en économie de la santé vont bien au delà de la maîtrise des coûts. Enfin, il existe désormais un désir largement partagé de mieux comprendre la dimension économique de la santé : le moment est venu de diversifier les recherches. Il y a lieu d'insister dès cette introduction sur l'importance fondamentale de la rigueur méthodologique, plus si c'est possible que dans d'autres domaines de recherche, car une erreur ou une imprécision à une étape du travail peut retirer toute validité à l'ensemble des résultats et des conclusions.
Quelques éléments bibliographiques généraux
EVERS S.M.A.A., Van WIJK A.S., AMENT A.J.H.A. (1997) Economic evaluation of mental health care interventions. A review. Health economics, 6, 161-177.
u Vaste revue de la littérature de langue anglaise, portant sur 91 études dont le contenu est analysé d'après une grille en 21 points. Il est aisé, pour chaque item de cette grille, de se reporter aux publications qui traitent du sujet. Bibliographie de 161 titres.
(Février 1997), La santé à quel prix ? Esprit
u Excellente présentation des questions d'actualité en économie de la santé. La psychiatrie n'est pas abordée de manière individualisée, mais les problèmes posés touchent de près notre domaine.
(1991), Economie de la santé et psychiatrie, Confrontations psychiatriques n° 32.
u Ce numéro reste une référence importante parce qu'il fait un tour d'horizon complet de la question et aborde clairement les aspects méthodologiques : les relations entre le secteur de la santé et la vie économique, l'estimation des dépenses médicales et de santé, l'évaluation économique de la psychiatrie, l'analyse du coût des médicaments, des C.H.S. et des alternatives à l'hospitalisation, l'économie de la désinstitutionnalisation en Italie, etc.
L'économie générale
A un premier niveau, celui de l'économie générale, la connaissance économique s'attache à décrire les agents et les échanges. Les travaux réalisés sont des enquêtes : il s'agit de décrire de vastes ensembles, soit par un recensement exhaustif, soit par l'intermédiaire d'un échantillon représentatif, dont la taille doit être importante pour que les résultats concernant les sous groupes soient statistiquement significatifs. Connaître les agents producteurs, c'est par exemple dénombrer les personnes travaillant dans le domaine de la santé, préciser leur répartition géographique, le type de soins dispensé par chaque profession, etc.. Connaître les consommateurs, c'est par exemple rechercher leurs caractéristiques d'âge, de profession, de revenu, etc., mais aussi les maladies déclarées, le type de soins recherché, etc. La connaissance économique porte aussi sur les soins dispensés, les journées d'hospitalisation, les prescriptions, etc.. Les flux monétaires dépendent le plus souvent d'un ou de plusieurs tiers qui payent à la place du consommateur ou le remboursent, et sont ainsi introduits dans le système. Chaque étape de ces enquêtes pose des problèmes méthodologiques précis dont l'importance ne peut jamais être sous estimée. L'interprétation des résultats, ou exploitation, met en oeuvre des techniques statistiques explorant les relations que les variables entretiennent les unes avec les autres. La comparaison avec d'autres enquêtes analogues, effectuées en France ou à l'étranger, est un élément important à l'appui de la validité des résultats et des conclusions qui en sont tirées. Comme D. Antoine le précise dans ce même numéro, les données concernant la santé mentale en France sont parcellaires et difficiles à interpréter. De plus, à la différence de plusieurs grands pays étrangers, il existe en France peu ou pas d'études portant sur les personnes qui souffrent de troubles mentaux mais ne recourent pas du tout aux dispositifs de soins, pour une raison ou pour une autre.
Points de références bibliographiques
ANTOINE D. (1993), A propos de l'estimation des dépenses de soins psychiatriques. Solidarité Santé -Etudes statistiques, 1, 101-103.
u Cet article fait pour la première et unique fois une évaluation détaillée du coût direct de la psychiatrie, et conclut pour l'année 1990 à une dépense de 550 francs par français et par an (il s'agit d'une évaluation basse qui n'inclut pas tous les éléments de la Consommation Médicale Totale). Par comparaison avec l'ensemble des dépenses de santé, calculées sur la même base, le taux est d'environ 10%. Le rapport Massé l'évalue à 15%, tandis que le rapport Joly, du Conseil Economique et Social parle de 13%, mais ni l'un ni l'autre ne cite de source, ce qui empêche de savoir comment le calcul a eu lieu, et ne permet donc d'en tirer aucune conclusion.
ANTOINE D. (1994) L'organisation des soins psychiatriques en France, in M. REYNAUD et A. LOPEZ, Evaluation et organisation des soins en psychiatrie, Frison-Roche, Paris.
u Description des établissements publics et privés de santé mentale. Par exemple, les dépenses des hôpitaux publics et privés en psychiatrie représentent 11% des dépenses de soins hospitaliers en 1990 (à comparer avec la proportion de lits et de journées ci dessous : 15%)
PENOCHET JC (1994), Economie de la santé et répartition des moyens : vers un PMSI en psychiatrie ? in
M. REYNAUD et A. LOPEZ, Evaluation et organisation des soins en psychiatrie, Frison-Roche, Paris.
u Présentation didactique de l'économie de la santé, des principaux indicateurs, et du projet de P.M.S.I. en psychiatrie.
(1997), Annuaire des statistiques sanitaires et sociales, Ministère des affaires sociales.
u Présentation brute de l'ensemble des données chiffrées recueillies par le ministère à propos de l'activité des dispositifs sanitaires et médico-sociaux, et des dépenses qui leurs sont consacrées. Ainsi, par exemple la psychiatrie représente 14,96% de la totalité des lits d'hospitalisation à temps plein (HTP), et 15% de la totalité des journées HTP.
L'économie spécialisée
A un deuxième niveau, celui de l'économie spécialisée, l'étude ne porte plus sur l'ensemble de la santé, mais sur un ou plusieurs aspects particuliers des soins, définis par telle ou telle caractéristique des patients, des soignants, du dispositif concerné, etc.. L'économie spécialisée s'appuie en partie sur l'exploitation des bases de données immenses que représentent les grandes enquêtes nationales, telle l'enquête décennale "santé" conduite par l'INSEE et le CREDES, pour laquelle la MIRE lance régulièrement des appels d'offre. En effet les informations recueillies sont loin d'être toutes analysées et interprétées. Cette enquête comporte plusieurs visites d'un enquêteur professionnel, qui laisse à la personne enquêtée un carnet où noter toutes les informations pendant trois mois. Ce carnet est revu régulièrement en compagnie de l'enquêteur, qui constate lui même les quantités de médicaments réellement utilisées. Un tel travail nécessite un budget important, mais apporte en contrepartie des informations particulièrement précises et fiables. Dans d'autres cas, il s'agit d'enquêtes consacrées à un sujet plus limité : un domaine qui a donné lieu à de nombreuses publications dans la littérature internationale est celui du coût de la dépression. Ce domaine, quoique circonscrit, n'en pose pas moins toutes les questions méthodologiques liées aux études économiques. Citons par exemple la nécessité de bien définir ce qui est appelé dépression dans chaque recherche, de manière à ne comparer que des choses comparables. Rappelons la grande enquête actuellement en préparation à l'INSEE sur "Handicaps, Incapacités et Dépendances", dont les lecteurs de Pour la Recherche sont déjà informés, et dont les données pourront être confiées à des équipes de chercheurs en vue de l'exploitation plus approfondie de certains aspects. Une partie de ces données portera sur des aspects économiques.
Points de références bibliographiques
COMPAGNON A., SCHNEIDER M., (1975), Économie et marché de la psychanalyse en France, Critique, XXXI, 333, 101-129.
u Cet article, l'un des premiers à aborder le domaine, a fait sensation lors de sa parution.
RAFFAITIN F., POIRIER M.-F., LEROY J.-F., (1986) Le coût de la chimiothérapie en psychiatrie,
Psychiatries 71, 2, 55-75.
u Après avoir rappelé à partir d'études anglaises, l'augmentation de la prescription de psychotropes dans les années 1970, les auteurs évaluent le coût du traitement journalier de chaque psychotrope ou correcteur prescrit à l'hôpital ; ils citent une étude d'un laboratoire pharmaceutique sur le coût des médicaments prescrits aux patients schizophrènes suivis en ambulatoire (qu'ils appellent improprement "coût de la schizophrénie ") ; puis rapportent une étude personnelle sur le coût en chimiothérapie d'une population de patients hospitalisés, classée par diagnostic (classification dite INSERM).
LECOMTE T. (1989), Dépense de soins et morbidité, CREDES, Paris.
u Cette enquête porte sur les dépenses de soins dans les ménages, sur une période de 3 mois. Les troubles mentaux viennent en huitième position avec 5% des dépenses. Les soins hospitaliers en représentent 60%, la pharmacie 22,5%, et les honoraires médicaux 11,4%.
LEGRAIN et coll. (1990), Rapport du groupe de réflexion sur l'utilisation des hypnotiques et tranquillisants en France Multigraphié.
u "Les données internationales font apparaître de grandes différences entre les divers pays. Entre 1982 et 1989, la consommation française des seuls tranquillisants était trois fois supérieure à celle de la Grande Bretagne et de la République Fédérale d'Allemagne. L'évolution en fonction des pays, durant cette période, est particulièrement frappante. La consommation a diminué de façon importante, en Hollande (-32,5%), en République Fédérale d'Allemagne
(-47,4%) et en Grande Bretagne
(-57,6%) tandis qu'en France, elle s'élève légèrement entre 1981 et 1987 puis se stabilise. Ces statistiques posent le problème de l'adéquation du traitement à la pathologie observée. Aucune étude disponible ne permet de répondre rigoureusement à une telle question."
TIGNOL J., MARTIN C. (1992), Evaluation des soins en psychiatrie, Masson, Paris.
u Ce rapport au Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de Langue Française comporte un chapitre sur l'évaluation médico-économique (pp. 161-174) qui évoque principalement les questions du coût par pathologie (dépression, schizophrénie) et l'évaluation d'une stratégie médicamenteuse.
WEISBROD B.A. (1993), Economics of mental illness : costs, benefits and incentives. In JÖNSSON B., ROSENBAUM J., Health economics of depression, John Wiley and Sons, Chichester, pp.15-34.
u Après avoir présenté et critiqué la notion de coût social de la maladie mentale (direct et indirect), l'auteur présente une étude comparative randomisée de deux groupes de malades mentaux, traités les uns à l'hôpital de manière traditionnelle, les autres selon un programme multidimensionnel expérimental basé dans la communauté. L'auteur conclut que la sortie pure et simple des malades hors des hôpitaux est en fait un transfert des coûts de la maladie hors du secteur de soins alors qu'un programme basé dans la communauté a un bien meilleur rapport coût-bénéfice que l'hospitalisation traditionnelle.
LE PAPE A., LECOMTE T. (1996), Aspects socio-économiques de la dépression. Evolution 1980-81 / 1991-92. CREDES, Paris.
u Cette enquête décrit la prévalence de la dépression déclarée, et présente les corrélations avec plusieurs critères socio-économiques.
La consommation de soins est décrite en détail (consultations, hospitalisations, pharmacie, coût). Ainsi, "à la polypathologie des dépressifs s'associe bien évidemment une consommation médicale élevée : elle est trois fois plus importante que celle des non dépressifs".
MARTIN P. (1997), Impacts économiques des troubles bipolaires de l'humeur, L'Encéphale, SpI, 49-54.
A partir de données américaines, l'auteur indique les coûts des troubles bipolaires de l'humeur.
L'économie et la gestion
Cette partie de l'économie spécialisée doit être traitée séparément, car ses objectifs sont spécifiques. En premier lieu, il s'agit d'adapter l'offre de soins aux besoins constatés en population générale (mais il n'existe en France qu'un tout petit nombre d'enquêtes permettant d'évaluer le besoin de soins de santé mentale en population générale). Dans le même esprit, il existe un courant de recherche qui explore les conséquences sur la société des pathologies mentales, notamment par la notion de coût indirect, monétaire ou non. Il vise, notamment aux Etats Unis, à montrer la rentabilité des soins et l'intérêt de fournir une assurance à ceux qui en sont dépourvus. Enfin, beaucoup de publications rapportent des recherches visant à limiter les coûts, restreindre l'offre ou la demande. En France, la répartition des ressources hospitalières limitées repose sur le P.M.S.I. (voir ci-dessus, les références de l'article de J-C. Pénochet).
Points de références bibliographiques
JASION C., MULLER C., CARLIER A. (1990), Comparaison du coût des médicaments entre les circuits hospitalier et officinal pour les patients du secteur psychiatrique, Nervure, 3, suppl. Sept., 52-58.
u A partir d'une comparaison entre l'hospitalisation à domicile et le placement familial spécialisé, les auteurs montrent que le coût du circuit hospitalier est 75% du circuit officinal.
SOUBIE R. (1993), Santé 2010 : Rapport du groupe "Prospective du système de santé" ; Commissariat Général du Plan. La Documentation Française, Paris. Trois volumes.
C'est le rapport qui a servi de base à la préparation des ordonnances Juppé : il prévoyait des Agences Régionales de Santé, la future ANAES, etc..
SHARFSTEIN S.S., WEBB W.L., STOLINE A-M., (1995), Economics in psychiatry. In Kaplan H.I., Sadock B.J. (eds), Comprehensive textbook of psychiatry, Sixth edition, Baltimore, Williams and Wilkins, pp. 2677-2689.
u Ce long chapitre situe les dépenses pour soins de santé mentale à 13% du coût total des soins de santé aux Etats Unis en 1991. Les fournisseurs de soins et le système d'assurance sont décrits. L'essentiel du chapitre est consacré à présenter en détail les différentes méthodes de limitations des dépenses effectivement mises en oeuvre aux Etats Unis : franchise de paiement, "managed care" (ou soin dirigé. Voir aussi p. 9), "Health Maintenance Organizations" (organisation intégrée de soins, financée selon le nombre de souscripteurs susceptibles d'y faire appel), "Prefered Providers Organizations" (réseau de fournisseurs de soins indépendants qui se réunissent pour négocier avec les financeurs), "Diagnosis Related Groups" (groupes homogènes de malades, par diagnostic, servant à calculer les coûts dans les hôpitaux. C'est la méthode utilisée en France dans le PMSI).
IGLEHART J.K. (1996), Managed care and mental health, New England Journal of Medicine, 334, 2, 131-135.
u Cet article présente les modalités d'application du « managed care » : dans certains cas, un médecin de la compagnie d'assurances discute avec le spécialiste traitant toutes les indications thérapeutiques (ou les plus coûteuses) et donne ou non son accord avant leur mise en oeuvre ; dans d'autres, la discussion a lieu une fois pour toutes, lors d'un appel d'offre qui met en concurrence divers prestataires de soins. Cette méthode est en pleine expansion aux Etats-Unis, avec le soutien actif des Républicains qui la tiennent pour la meilleure en santé mentale, en vue de limiter les dépenses. La part des dépenses de santé mentale aux U.S.A. est estimée en 1990 à 10% des dépenses de santé. Dans le même numéro, SHORE M.F., et BEIGEL A. discutent les implications, et en particulier les problèmes éthiques posés par le managed care.
La santé dans la Société
Enfin, il est possible d'étudier les conséquences des facteurs économiques (revenus, profession et catégorie professionnelle, actif ou inactif, etc.) sur la santé. Les études ne se limitent jamais à ces seuls aspects, mais les incluent nécessairement dans une discussion de plusieurs déterminants de santé, étudiés en relation les uns avec les autres, dans un ensemble complexe d'interactions. La discussion doit aborder les aspects épidémiologiques, voire sociologiques et épistémologiques (voir à ce sujet le livre très complet et précis de Marcel Druhle, Santé et société. Le façonnement sociétal de la santé, Paris, P.U.F, 1995). En effet, les relations entre la santé et la société sont d'interprétation complexe, même à un niveau général, et à plus forte raison lorsqu'on envisage plus précisément les interactions entre économie et santé mentale.
Points de références bibliographiques
LECOMTE T. (1986), Les demandeurs d'emploi : morbidité et consommation médicale, CREDES, Paris.
u Cette étude comporte de nombreuses données : par exemple, dans la tranche d'âge des 25-39 ans, le pourcentage de personnes qui déclarent un diagnostic de troubles mentaux est de 10,0% chez les actifs occupés, et de 20,6% chez les actifs au chômage. Dans la même tranche d'âge, le nombre de conditionnements d'hypnotiques et de psychotropes consommés en trois mois est de 0,20 pour les actifs occupés, et de 0,61 pour les actifs chômeurs.
SOURTY-LE GUELLEC M.J. (1993), Enquête sur les hospitalisés 1991-1992, CREDES, Paris
u "Les inactifs qui sont hospitalisés pour raison de santé le sont certainement très souvent pour des motifs de troubles mentaux car plus de la moitié d'entre eux sont en service de psychiatrie... Les étudiants de plus de 15 ans sont souvent en chirurgie générale (31%), et en psychiatrie (24%)."
KOVESS V., GYSENS S., POINSARD R., CHANOIT P.-F., (1995), La psychiatrie face aux problèmes sociaux : la prise en charge des RMIstes à Paris,. L'Information Psychiatrique, 71, 3, 273-285.
u "On trouve parmi les RMIstes pratiquement le même pourcentage [que chez les parisiens] de psychoses chroniques. Par contre, les RMIstes souffrent beaucoup plus fréquemment de troubles dépressifs sévères, de phobies graves, de troubles somatoformes, de troubles liés à l'usage de substances."
KOVESS V., BOURGET DEVOUASSOUX J., CHASTAND A., ORTUN M., LABARTE S., (1992), La santé mentale dans l'enquête "conditions de vie". Santé Publique, 3, 5-39.
u Pour combler en partie le manque d'enquête nationale permettant de décrire la santé mentale de la population générale, l'INSEE a introduit des questions concernant la dépression dans l'enquête "conditions de vie", conduite en 1986-1987. Un an après, un échantillon représentatif de chômeurs et de familles de chômeurs a été ré interrogé. L'article présente en détail la méthodologie et les résultats. "Les chômeurs souffrent plus de dépression que les membres de leur famille. Ces derniers peuvent être affectés par le chômage du membre de leur famille : les membres des familles de chômeur, surtout les femmes, consomment plus de tranquillisants, sédatifs ou somnifères que les chômeurs eux mêmes".
LECOMTE T., MIZRAHI A., MIZRAHI A. (1996), Précarité sociale : cumul des risques sociaux et médicaux. CREDES, Paris.
u Cette enquête sur un grand échantillon représentatif de la population générale fait apparaître notamment que "parmi les personnes en situation précaire socialement, 16,8% sont aussi vulnérables sur le plan médical, alors que parmi les personnes n'étant pas en situation précaire socialement, 8,4% sont médicalement vulnérables, soit proportionnellement deux fois moins." Or parmi les personnes médicalement vulnérables au sens de cette enquête, 51% le sont pour troubles psychiques.
m En psychiatrie, la distinction producteur-consommateur de soin est beaucoup plus complexe que la simple identification du premier terme au soignant et du second au patient. La réussite même d'un traitement est associée à la façon dont le patient - et souvent sa famille - deviennent eux-mêmes d'authentiques producteurs de soins au sein de la relation thérapeutique soutenue et contrôlée par le médecin. L'interaction est ici un agent économique essentiel (cf. article de M. Bungener)..
D'autre part, les effets sur l'entourage impliquent la durée et sont donc extrèmement coûteux en terme de stress et de tension permanente. Ils peuvent aboutir à une véritable usure physique et émotionnelle et même franchir un seuil de rupture.
m En France, selon une étude menée par F. Facy et J.M. Thurin à partir de l'enquête INSEE et CREDES en population générale, la moitié seulement des personnes identifiées comme déprimées est traitée. Parmi celles-ci, seulement 15% consultent un spécialiste psychiatre.
m Et la psychiatrie libérale ambulatoire ? Rappelons que 14,5 millions de consultations ont été réalisées en 1995 par 6569 psychiatres libéraux conventionnés à 99,9%.
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Dernière mise à jour : 7 juin 99
Monique Thurin