AIDE A LA RECHERCHE INSERM 1998

" Santé et situation sociale "

 

 

L’intercommission n°6 " Analyse et évaluation des systèmes de soins et de prise en charge, de prévention et de protection sociale " souhaite susciter des recherches sur les liens entre la situation sociale et les états de santé, centrées sur deux grands champs : la précarité, la précarisation et la santé d’une part, les inégalités sociales en santé d’autre part.

 

I - PRECARITE, PRECARISATION ET SANTE

Les processus de précarisation ont partie liée avec les problèmes de santé, les modalités d'accès aux soins et de prévention. Ce ne sont pas seulement les publics les plus défavorisés (allocataires du RMI, migrants, personnes à la rue, jeunes évoluant hors des circuits d'insertion, personnes engagées dans des conduites de prise de risques...) qui sont concernés, mais toutes les populations qui connaissent une fragilisation de leurs bases sociales (isolement, précarisation et tensions professionnelles, poids des problèmes matériels, impact d’une maladie grave ...).

Beaucoup s’accordent aujourd’hui pour considérer que la plupart des personnes se trouvant dans ces diverses situations ne présentent pas de pathologies spécifiques. La précarisation induit néanmoins un ensemble de difficultés de santé, de relations et d'organisation matérielle, qui ont conduit dans les dernières années à la création de dispositifs spécialisés de prise en charge. Les travaux proposés devraient apporter un meilleur éclairage sur les processus de fragilisation physique et mentale en rapport avec la précarité, ainsi que sur les actions de prévention menées auprès des publics concernés.

 

Trajectoires de santé et processus de précarisation

L’objectif des recherches sera d'appréhender les liens entre les processus de précarisation et les trajectoires de santé des individus, concernant aussi bien les effets de la précarisation sur la santé que l’influence des événements de santé sur les processus de précarisation. Ces recherches pourront intégrer l’analyse d'interactions entre états de santé, capacités individuelles à se protéger et à se soigner, relations familiales et réseaux de sociabilité. Elles pourront porter sur la santé physique et mentale, ainsi que sur les points suivants :

Œ L’accroissement de la vulnérabilité et de l'exposition aux risques morbides, en s'intéressant en particulier au rôle des difficultés psychiques et des troubles mentaux dans la fragilisation de la santé, ainsi qu’à la relation entre manifestations pathologiques et histoire familiale et professionnelle des individus ;

 Les formes particulières des problèmes de santé des individus et des familles en situation de précarité : ensembles de maladies associées, recours à la maladie comme mode de réponse aux cumuls de difficultés ;

Ž Le rapport des familles en situation de précarité à la maladie et à la santé : représentations de la maladie, du risque, de la santé, rationalités particulières appliquées dans ce domaine, usages du système de santé et d'accès aux soins ;

 Les obstacles matériels (coûts des soins, distance...) d’accès aux soins pour les populations précaires, et le point de vue de ces populations sur les contacts avec les professionnels et les institutions de santé ainsi que sur certaines modalités de prise en charge (interrogatoire clinique, demandes de documents administratifs, écoute ...).

Les projets associeront :

 

Analyse et évolution des pratiques des professionnels et des institutions

Les obstacles rencontrés par les publics précaires pour accéder aux prestations de santé ou pour les utiliser, comme les difficultés rencontrées par les professionnels, les services et les institutions de santé pour exercer leur activité auprès de telles personnes, ont conduit à mettre en place différents dispositifs:

Seront particulièrement prises en considération les orientations suivantes :

Œ L’analyse des adaptations ayant conduit à la mise en place de ces dispositifs :

. évolution des pratiques des institutions et des professionnels, en particulier dans le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie, lorsqu'ils interviennent auprès de publics précarisés,

. expérimentations engagées pour se rapprocher des publics précarisés, par exemple travail de proximité, dispositifs mobiles, lieux de soins gratuits, lieux d’écoute, travail de rue ...,

. utilisation par les professionnels et institutions concernés des dispositifs de solvabilisation particuliers tels que l’AMG, les cartes santé, la mutualisation.

 L’étude des publics de catégories particulières (allocataires du RMI, jeunes dans les dispositifs d’insertion, usagers de drogues, personnes confrontées à l’extrême précarité) en analysant :

. les représentations des catégories de personnes en difficulté chez les professionnels de santé et les modes différenciés de prise en compte et de prise en charge qui peuvent en résulter,

. l’influence sur cette prise en charge des systèmes de désignation ou de nomenclature : classement des populations et des risques.

Ž L’étude des mesures en rapport avec la santé incluses dans diverses politiques publiques sociales générales, ou ciblées sur la prévention secondaire auprès des publics en grande difficulté :

. analyse des cadres et des logiques de décision ayant présidé à la mise en place de ces mesures, analyse des champs de compétences des acteurs impliqués,

. sens et modalités des pratiques de multipartenariat,

. instruments d’évaluation et de diagnostic utilisés (catégorisations, indicateurs d’efficacité retenus), puis utilisation des résultats et possibilités de transfert des méthodes et des modèles d’action.

Enfin, la comparaison avec des recherches et des politiques étrangères, en particulier européennes, sera appréciée.

 

II - INEGALITES SOCIALES EN SANTE

Parmi les pays qui se trouvent dans des situations comparables, la France apparaît, à travers de nombreuses données, comme celui où les inégalités sociales en matière de mortalité et de santé sont les plus fortes. Cette particularité souligne l’importance de développer des recherches aussi bien sur ses causes que sur les moyens d’y remédier.

 

Mécanismes sous-jacents aux inégalités sociales en santé

Les recherches sur ce thème ont progressé dans les quinze dernières années, mais de façon inégale selon les domaines et les problèmes de santé : les recherches épidémiologiques ont apporté de nouvelles connaissances, notamment en ce qui concerne les affections cardio-vasculaires ; des hypothèses ou des éclairages nouveaux ont été évoqués sur les mécanismes biologiques par lesquels les facteurs sociaux peuvent intervenir sur la santé. L’aide à la recherche vise à susciter des études qui prolongent ces travaux et les étendent à de nouveaux problèmes de santé, avec pour objectif d’élaborer de nouvelles hypothèses.

Seront favorisés les projets portant sur :

Œ Le développement d'outils ou de modèles, biostatistiques ou sociaux, permettant de prendre en compte simultanément plusieurs niveaux de déterminants, en particulier les déterminants collectifs et individuels ;

 Les rôles propres de facteurs explicatifs individuels et de déterminants collectifs concernant deux phénomènes en particulier : comportements à risque dans diverses situations sociales ; place des facteurs psychologiques et des réactions immunologiques dans la survenue ou le décours de diverses pathologies ;

Ž Les effets à long terme de certains déterminants sociaux, en particulier les effets de "transmission entre générations" ;

 Le rôle du système de soins et de prévention dans la formation des inégalités qui, bien que réduit en ce qui concerne les déterminants directs de la mortalité, peut être plus important pour d’autres indicateurs de santé ;

 La comparaison de résultats fondés sur différentes modalités d'identification ou de mesures de la situation sociale, susceptible d’apporter un éclairage à la fois sur les mécanismes sociaux en cause et sur les effets de transformations sociales en cours.

 

Particularités de la situation française

Dans plusieurs domaines de la morbidité, les données nationales sont insuffisantes ou encore peu exploitées. Les éléments manquent qui permettraient d’avancer dans la compréhension des spécificités françaises, en particulier sur les facteurs et les mécanismes en jeu. En effet, non seulement les inégalités sociales en matière de mortalité sont particulièrement importantes en France, mais en outre les causes de décès dans les catégories sociales les moins élevées y présentent un profil propre : par exemple, relativement à d’autres pays, les décès par cancer y sont plus nombreux que ceux liés aux affections cardio-vasculaires.

Les recherches considérées en priorité porteront sur :

Œ Les comparaisons internationales concernant des pathologies ou problèmes de santé particuliers, qui permettraient de tester ou de valider de nouvelles hypothèses concernant les spécificités françaises ;

 La validation sur des données françaises d’hypothèses explicatives développées dans d’autres pays ;

Ž Les relations entre position sociale et santé dans des secteurs où les connaissances sont insuffisantes, en particulier : santé des enfants, santé respiratoire, accidents, santé mentale et suicides;

 Le rôle de l’alcool en France dans les inégalités sociales en santé.

 

Evaluation de mesures et de politiques de santé spécifiques

La sensibilité au thème des inégalités sociales en santé est variable selon les pays. Pour diverses raisons, dont l’analyse pourrait, le cas échéant, faire l’objet de propositions de recherche structurées, le débat public en France a fait particulièrement peu de place à ce problème. Toutefois, les politiques publiques de santé se voient assigner progressivement, depuis les dernières années, des objectifs précis dans ce domaine. Cette évolution va de pair avec un besoin accru de connaissances sur les méthodes et les indicateurs permettant une évaluation des mesures et des politiques destinées à agir sur ces inégalités.

Seront soutenues les propositions permettant l'analyse de l'impact, évalué sur des critères de santé, de dispositifs destinés à compenser ou combattre des inégalités sociales en santé. De tels dispositifs peuvent concerner :

Œ l'accès aux services de santé ou une adaptation de la distribution de ces services à la situation sociale des populations destinataires,

 des mesures de prévention médicale ou sociale particulières. 

L’accès aux soins ou l’utilisation de services ne feront l’objet de recherches que s’ils interviennent comme des déterminants d’inégalités dans le domaine de la santé ou de la maladie.

 

 

PRESENTATION ET EVALUATION DES PROJETS

Il est prévu de financer des recherches pour une durée de 2 ans maximum.

L’aide à la recherche s’adresse aux équipes des universités et des organismes publics français de recherche. Les projets proposés pourront relever de disciplines variées (biologie, épidémiologie, sociologie, économie ...).

Les projets seront évalués par l’intercommission n°6 de l’INSERM; les projets portant sur le SIDA seront évalués par l’intercommission et par l’ANRS.

Des renseignements complémentaires peuvent être demandés auprès de :

Virginie RINGA, Service des Programmes de l'INSERM

INSERM - 101 rue de Tolbiac - 75654 PARIS Cedex 13

Tél : 01 44 23 67 07 ou 61 40 - E-mail : ringa@tolbiac.inserm.fr

 

Les formulaires seront disponibles jusqu’au 7 septembre 1998 (dernier délai) sur demande écrite au :

Bureau des Contrats

INSERM - 101 rue de Tolbiac 75654 PARIS Cedex 13

Tél : 01 44 23 63 17 ou 63 18 - Fax : 01 44 23 63 74

Date limite d’envoi des dossiers : 14 septembre 1998 à minuit