La recherche en psychiatrie. Rapport de la Fédération Française de Psychiatrie

présenté par le Dr Jean-Michel Thurin


I - Recherche en psychiatrie : réflexions d’une profession et état des lieux


Bases et objectifs de ce rapport
La recherche clinique en psychiatrie
Le champ d'investigation et l’objet de la recherche clinique
Les objectifs de la recherche en psychiatrie
Des difficultés intrinsèques mais aussi des potentialités
1. La psychiatrie a connu et connaît encore une mutation extrêmement importante. Son champ s’est modifié avec l’évolution des traitements mais aussi de la société française
2. Les approches et les lieux thérapeutiques sont diversifiés. Ils impliquent avec eux des espaces sémiologiques, cliniques et référentiels spécifiques
3. Il existe plusieurs modèles théoriques, dont découlent des orientations thérapeutiques et de recherche différentes. Toutefois : la dissolution de l'identité de la psychiatrie par la parcellisation et l'idéologisation des théories, voire des pratiques, s'atténue. Une nouvelle attitude se fondant sur la complémentarité des approches et des pratiques est possible. 9
4. La psychiatrie tient une place particulière au sein de la médecine. Différente à maints égards des autres spécialités, elle a un rôle à jouer dans l’évolution des connaissances médicales et des modèles de la biologie humaine
5. Le “scientifique” soulève en psychiatrie pose différents problèmes
La fausse réponse du réductionnisme. Contours d’une autre voie
a) Le statut de la scientificité : d’une expérience reproductible à une émergence du général dans des faits réfutables
b) Le réductionnisme, la réduction scientifique et le travail de la complexité
c) La science classique travaille sur du quantitatif et est mal à l'aise pour aborder le qualitatif, qui concerne directement
la psychiatrie : le qualitatif.
d) La saisie de l’objet est difficile : une utilisation maladroite de l’analyse sémiologique et de la mesure dénature l’expérience humaine que l’on prétend saisir
6. Il existe une réelle difficulté de conception et de mise au point des protocoles que ne règle pas le simple constat de l’inadéquation en psychiatrie du réductionnisme et de la méthode expérimentale
a) Une premier difficulté : les références diagnostiques. Celles-ci posent dans la pratique le problème de l’évolution dans
le temps d’une psychopathologie, de ses critères de définition, de la relation entre subjectivité et objectivité, singularité et
généralité
b) Une seconde difficulté : comment appréhender et transmettre une connaissance de processus complexes, longs et
imprégnés de subjectivité comme ceux de la pathologie mentale ?
c) Aux difficultés présentées ci-dessus, associons celles qui tiennent à des réserves d'ordre technique et
déontologique
7. Les médecins, et notamment les psychiatres, dans leur immense majorité, ne sont pas formés à la
recherche 15
8. Les habituels enjeux de pouvoir
9. L'absence de moyens
10. Le risque de perversion des finalités
Recherche personnelle et recherche institutionnelle
1. Esprit de recherche, transmission de la recherche et formation par la recherche
2. Éviter l’éparpillement et améliorer la rigueur des recherches.

II - Propositions pour un nouvel essor des activites de recherche en psychiatrie

Concrétiser une dynamique de recherche
1. D’abord, rompre le cercle vicieux des projets présentés et refusés en commission parce que ne correspondant pas aux critères de sélection
2. Dans le même temps, rénover l’organisation de la profession
a) Liaison et information entre les différentes sociétés, les équipes de recherche et plus généralement entre
psychiatres
b) Rencontre entre cliniciens, chercheurs et décideurs
c) Soutien à la mise en oeuvre des recherches
- En informant les équipes qui s’adressent à la Fédération
- En suivant les projets
d) Recensement des problèmes rencontrés, avec la volonté de les résoudre tout en maintenant la rigueur de la démarche. Publication et information largement sur ce travail
e) Représentation de la profession et initiatives
f) Renforcement de la formation à et par la recherche
3) Développer les structures de recherche, en associant des pôles assez forts, éventuellement spécialisés et des structures souples sur thèmes, multidisciplinaires
a) Sites et centres de recherche
b) Les réseaux
4) Dégager les moyens nécessaires
a) les appels d’offre
b) Les moyens en personnel statutaire et en temps de recherche
. Multiplication des postes d'accueil en psychiatrie
. Temps de recherche
c) La documentation, le secrétariat et les outils informatiques
d) La formation
e) L’information
Le cadre des recherches
1) Les études de cas, les monographies
2) Les recherches épidémiologiques
3) Les études évaluatives
4) Les recherches biologiques et psychopharmacologiques
Quelques thèmes et secteurs de recherche soulignés par la profession
1) Épidémiologie
2) Stratégies thérapeutiques (y compris institutionnelles)
3) Psychopathologie
4) Processus thérapeutiques
5) Recherches générales et fondamentales
6) Évaluation
7) Psychiatrie légale
8) Handicaps


III - En résumé


Bibliographie


Sont intervenus dans la rédaction de ce rapport






I - Recherche en psychiatrie : réflexions d’une profession et état des lieux.

Bases et objectifs de ce rapport

 

Ce rapport a été élaboré à partir d'une vaste concertation réalisée au sein de la Fédération Française de Psychiatrie et sur la base des réflexions et propositions qui avaient déjà été formulées par des psychiatres particulièrement intéressés par la recherche en psychiatrie.

Il reflète donc non seulement les réflexions d’experts et de chercheurs professionnels qui se sont penchés sur cette question mais plus généralement celles d'une profession. Celle-ci a voulu se donner les moyens, avec la création en 1992 de la Fédération Française de Psychiatrie, regroupant à ce jour 32 Associations, de donner une impulsion nouvelle et collective à la recherche dans cette discipline.

Ce rapport tient compte des besoins des utilisateurs de la recherche : professionnels, soignants et malades. Les décideurs en verront leur tâche facilitée.

 

La recherche clinique en psychiatrie

 

Cet intitulé fait apparaître d’emblée une difficulté de fond : recherche (scientifique), clinique, psychiatrie sont trois termes qui semblent ne pouvoir s'associer aisément[1].

       . La démarche des sciences humaines est différente de celle des
sciences naturelles. La recherche en psychiatrie relève à la fois de méthodes empirico-formelles et herméneutiques ; celle des sciences naturelles, de l'expérimentation et, pour une part, de l’empirisme.

                   . Le chercheur ne peut être qu'un clinicien, un praticien[2] ; ou plutôt, il ne peut y avoir de recherche en psychiatrie en dehors des cliniciens : ni sans eux, ni a fortiori contre eux. Mais il est difficile d’être simultanément chercheur et clinicien[3],[4],[5] pour des raisons qui tiennent aux buts poursuivis, à l'éthique et à la méthode. Il existe ainsi de nombreuses résistances de la part des cliniciens envers la recherche. Certaines de ses règles générales : déterminer une question précise et une hypothèse, s'inscrire dans un travail collectif (ce n'est pas une règle générale, c'est une nécessité de fait dans la plupart des cas), peuvent sembler inutiles, voire contradictoires, avec la vocation de soin du clinicien et ses modèles de référence.  De même, la nécessité de limiter, voire d'évacuer, l'imprévu dans certains protocoles est une démarche très différente de la pratique qui est holistique .

 

Le champ d'investigation et l’objet de la recherche clinique

                  

 La recherche clinique en psychiatrie prend appui sur les études étiologiques, les travaux épidémiologiques et les constructions nosographiques. Elle se situe dans un registre épistémique d'élaboration critique qui s'inspire de sources multiples en constante évolution[6]. Son objet : d’une part, le sujet humain psychiquement malade ou souffrant  (sa définition est complexe ;  précisons simplement qu'il ne se réduit pas à l’individu isolé et comprend l’activité humaine dans ses relation au soma, à l'autre, au langage, au désir et à l'inconscient) ; d’autre part, le processus thérapeutique, dans lequel le contexte (auquel participe le clinicien) intervient directement[7]. L'approche se fait essentiellement à partir des manifestations et des productions psychopathologiques, dont l'interprétation fait intervenir les modèles de référence de celui qui les appréhende.

Les objectifs de la recherche en psychiatrie

 

Chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître le retard accumulé en France et l'importance de la recherche clinique en psychiatrie[8]. Mais au delà de cet apparent consensus, les mots ont-ils le même sens, les objectifs sont-ils les mêmes du côté des cliniciens  et des décideurs financiers ou institutionnels ?

- Ils se rejoignent quand il s'agit d'essayer de trouver des méthodes et des théories nouvelles dans les cas qui sont considérés comme non "traitables" et pour lesquels les références classiques ne semblent pas adéquates[9] ; ou encore, de comparer et transmettre les connaissances acquises à travers des expériences cumulées, ce qui suppose de vérifier leur validité générale ; de proposer des éléments d'interprétation de phénomènes rencontrés et de rendre intelligible une réalité complexe, ce qui ouvre la voie d'attitudes thérapeutiques plus adaptées.

 La finalité est alors double théorique et pratique : "Fournir des données théoriques qui permettent une activité thérapeutique" (Delay & Pichot, 1962)

"Mieux connaître la nature et l'origine des troubles qui altèrent l'activité mentale pour leur opposer des actions préventives et thérapeutiques efficaces. Dégager des connaissances acquises une compréhension meilleure des rapports de l'homme avec lui-même et avec son environnement (ce qui est le propre de la démarche psycho-pathologique) et des mécanismes neurophysiologiques qui assurent l'exécution et la régulation de cette activité relationnelle."(Widlocher,19804 )

- Ils peuvent devenir divergents si l'application est trop proximale ou orientée. La réduction de la recherche à l'évaluation, conçue dans une optique de technocratie comptable  où les bénéfices humains et sociaux, à court et à long terme, disparaîtraient derrière des préoccupations budgétaires immédiates, risque de générer  une opposition franche ou du moins une inhibition vis à vis de la recherche pour la majorité des psychiatres. Ceux-ci y verront, à la limite, une atteinte à leur liberté de penser, une annexion de la pensée[10]

Des difficultés intrinsèques mais aussi des potentialités

 

La recherche ne s'est développée que dans une partie de son champ d'investigation ; elle est, en outre, confrontée à une insuffisance notoire de moyens[11], [12].

La profession unie devra exiger que ces moyens lui soient attribués ; mais il ne faut pas pour autant ignorer les difficultés propres à la recherche en psychiatrie, déjà soulignées par de nombreux auteurs, si l'on ne veut pas qu'elles deviennent des points de butée générateurs d'un nouvel immobilisme.

Ainsi se posent à cet endroit les questions suivantes :

- Nos connaissances psychiatriques permettent-elles de constituer une base solide pour l'élaboration d'une méthodologie sophistiquée, la réalisation de recherches reproductibles, avec des résultats fiables et valables pour tester les hypothèses de départ et répondre aux objectifs proposés[13] ?

L'infinie complexité de ce domaine est-elle compatible avec une recherche structurée ? Ne risque-t-on pas, en simplifiant par nécessité les problèmes traités pour pouvoir les approcher, de les dénaturer[14] ? La diversité des approches et des exercices ne rend-elle pas illusoire la production d’une connaissance générale ?

Inversement, faut-il admettre qu'une discipline qui a si considérablement progressé doive rester "empirique" et fondamentalement individuelle ? Et sinon, existe-t-il un autre moyen de réduire son éparpillement et d'améliorer sa communication qu'une vaste action de recherche impliquant largement les cliniciens ?

Ce débat est déjà largement engagé et n'est pas exempt de passion. Il devient dès lors parfois difficile de faire la part des problèmes réels, difficilement franchissables, de ceux qui demandent une nouvelle approche pour les dépasser ou au moins les contourner. Nous prenons donc le parti de présenter ceux qui sont le plus souvent posés, en nous fiant au principe que cela peut en faciliter leur solution.

1. La psychiatrie a connu et connaît encore une mutation extrêmement importante. Son champ s’est modifié avec l’évolution des traitements mais aussi de la société française.

2. Les approches et les lieux thérapeutiques sont diversifiés. Ils impliquent avec eux des espaces sémiologiques, cliniques et référentiels spécifiques.

 

                   - sémiologiques : un patient peut ne pas présenter pas la même sémiologie dans un milieu ou dans un autre. Il existe une véritable interaction entre le déclenchement, le type des manifestations psychopathologiques et le cadre. L’idée même que se fait le praticien des troubles de son malade et de leur origine intervient aussi pour une part dans la symptomatologie, comme en témoignent des enregistrements d'entretiens[15].

                   - cliniques : plusieurs auteurs2,[16] insistent sur la subjectivité du thérapeute dans le recueil des signes et nous reviendrons sur cette difficulté ; mais on peut également noter que selon l'abord et l’intérêt du praticien, (qui est pour une part directement lié au cadre institutionnel et à ses présupposés théoriques), le patient peut manifester ses troubles de façon différente. Ici, il présentera surtout des symptômes dont on aura tendance à apprécier l’évolution et l’importance, là comme une souffrance qui s’exprime.

                   - thérapeutiques : ainsi tel lieu sera plus spécifiquement corrélé au traitement psychothérapique, tel autre au traitement médicamenteux, tel autre encore au traitement social. Toutefois, et c'est une difficulté pour la recherche, les modes de traitement psychothérapique, chimiothérapique ou social sont généralement associés.

 

3. Il existe plusieurs modèles théoriques, dont découlent des orientations thérapeutiques et de recherche différentes. Toutefois : la dissolution de l'identité de la psychiatrie par la parcellisation et l'idéologisation des théories, voire des pratiques, s'atténue. Une nouvelle attitude se fondant sur la complémentarité des approches et des pratiques est possible.

 

La conviction a priori d'une découverte pharmacologique qui résoudrait le problème de la causalité et de la thérapeutique en psychiatrie a manifestement orienté les crédits et les critères de scientificité dans cette optique. Il s'agit pourtant d'une réduction extrême de la perspective psychiatrique. Même au niveau théorique, bien peu se hasardent aujourd'hui à considérer le primum movens exclusif de telle affection psychiatrique dans le dérèglement d'un groupe cellulaire. Les modèles biologiques ont, de façon générale, beaucoup évolué : la distinction génotype - phénotype s'est imposée et le déterminisme des affections réputées somatiques (diabète, cancer …) prend de plus en plus en compte le psychisme et la mise en résonance avec l'histoire personnelle ; du modèle d’un déterminisme local fixé on est passé à une conception systémique communicative et interactive dont on étudie les régulations et les transformations, accidentelles ou “naturelles”. Cette évolution se répercute naturellement en psychiatrie. Le débat âme-esprit-matière, organe-globalité du sujet s'est ainsi transformé et il semble bien aujourd’hui que l’approche par niveaux, une meilleure connaissance des interactions entre le “somatique” (moléculaire, hormonal, immunitaire), la vie mentale et ses incitations puissent permettre de concilier des points de vue qui ne pouvaient s'affirmer autrefois que sous un mode idéologique. Ainsi, le psychiatre peut-il s'intéresser au sujet biologique, au sujet physique, au sujet affectif et au sujet parlant  sans qu'il y ait nécessairement réduction de l'un à l'autre ; il peut même envisager leurs manifestations, leurs coopérations ou leurs conflits.

L’approche dynamique devient alors inséparable de l’approche statique, appréhendée comme celle d’un état plus ou moins réversible ou se renforçant suivant des conditions qu’il s’agit de définir. Il est difficile de concevoir de façon générale un déficit isolé (ou un surplus) biochimique qui déterminerait de façon permanente, sans interaction avec l’ensemble des activités psychiques et sociale, l’activité mentale d’un sujet. Inversement, la stabilisation de certains fonctionnements psychiques engendre sans doute des spécificités structurelles biologiques. D’autre part, un même symptôme peut avoir des origines différentes chez un individu et chez un autre et même deux ou plusieurs origines peuvent cumuler leurs effets. En fait, la véritable révolution conceptuelle réside dans le passage d'un modèle de fonctionnement individuel et localisé à celui d’un fonctionnement interactif associant le contexte. Dans tous les cas de figure, l'activité du contexte - y compris biologique - sur le fonctionnement psychique  ne peut être ignorée ; mais elle est très variable d’une personne à l’autre et selon les moments. Il s’agit, aujourd’hui, d’étudier les ressorts de cette variabilité.

 

On aurait pu craindre que la diversité des références aboutisse à une véritable babélisation. En fait, hormis les cas extrêmes, les psychiatres français, qui se réclament volontiers d'un courant particulier, parlent une langue commune. De façon générale, ils n'ignorent pas les concepts et les modalités techniques issues d'autres approches. Il y aurait un programme de recherches à mener sur les attaches officielles, les références et l'art thérapeutique "au quotidien" des psychiatres français.

Il ne s'agit pas cependant  de remplacer l'exclusive par le mélange pur et simple des genres ; mais de poser les limites de validité, de concevoir les passages, du point de vue théorique et pratique, d'une approche à une autre. Dans un premier temps, cette approche ouvre la voie à des études couplées ; par exemple, l’évolution de paramètres biologiques, linguistiques, sémiotiques, voire des activités cérébrales au cours d'un traitement psychothérapique[17].

 

4. La psychiatrie tient une place particulière au sein de la médecine. Différente à maints égards des autres spécialités, elle a un rôle à jouer dans l’évolution des connaissances médicales et des modèles de la biologie humaine.

 

La psychiatrie est une spécialité, une discipline médicale. Mais l’approche du psychiatre est souvent plus globale que celle de ses confrères. Il est impossible de dissocier la maladie du malade et de sa souffrance. La clinique est historiquement l'observation au lit du malade. Mais précisément, cette observation diffère selon les moments et le lieu de l'examen (à l'hôpital, chez le patient ou dans un cabinet). Le rapport au temps est particulier. Le risque de chronicisation fait intervenir de multiples paramètres et, du fait des traces et de l’évolution qu’engendrent une affection mentale, on ne peut généralement parler de retour à l’état antérieur.  Les connaissances acquises sur les données familiales et sociales qui contribuent au déclenchement ou à la stabilisation d’une affection mentale font que le soin est souvent indissociable de la prévention. D’autre part, l'indication thérapeutique ne dépend pas seulement du patient, de sa maladie et de son milieu de vie mais de la capacité de l'institution thérapeutique - fut-elle réduite à une personne - d'effectuer tel ou tel type de prise en charge. Il peut exister différentes stratégies de soin et l’essentiel, pourrait-on dire à la limite, est que le thérapeute soit à l'aise avec celle qu'il adopte. Cette réalité peut sembler très lointaine d'une pratique médicale idéale pour le scientifique où le traitement serait ajusté au plus près de la réalité somatique mise à jour par les examens paracliniques, le médecin et le malade étant mis entre parenthèses. Pourtant, apparaît aujourd’hui dans de nombreuses autres spécialités l’intérêt d’associer à l’approche locale, une approche psychologique, comportementale et événementielle de la pathologie en cause. A ce titre, la recherche en psychiatrie a un rôle particulier à jouer dans l’évolution des connaissances médicales et des modèles de la biologie humaine.

 

5. Le “scientifique” soulève en psychiatrie pose différents problèmes. La fausse réponse du réductionnisme. Contours d’une autre voie.

 

a)     Le statut de la scientificité : d’une expérience reproductible à une émergence du général dans des faits réfutables

 

Il implique généralement une expérience répétable, vérifiable, reproductible, généralisable ; cela demande de construire au départ un cadre conceptuel ayant une certaine plausibilité et contrôlé pour s'assurer que les qualités requises seront respectées et que rien  n'interviendra qui pourrait remettre en cause le protocole et les items de départ. Appliquée à la psychiatrie, ce projet risque en fait, dans bien des cas, de dénaturer la recherche ou simplement, d’être impossible à réaliser.  D’une part, il faudrait avoir véritablement recensé et formulé les éléments de réalité qui doivent être pris en cause ; d’autre part, on risque d’être conduit à ignorer - voire à rejeter -, faute de pouvoir réellement les maîtriser, des éléments essentiels : par exemple, la subjectivité, la disponibilité du praticien au moment de l'entretien[18] ou l’évolution du malade .

Inversement, on a peut être trop tendance à considérer aujourd’hui comme impossible la reproduction d'une situation psychiatrique, comme la conduite d'entretien. Y compris les spécificités qui peuvent modifier une conduite pathologique, par exemple psychotique ou hystérique. La personnalisation de la situation est peut-être quelquefois majorée. Certes, toutes les expériences humaines sont par nature singulières ; et pourtant, elles se reproduisent avec suffisamment d'invariance pour pouvoir être comprises par autrui (en particulier le psychiatre) et même représentées et jouées, comme au cinéma. N'y-a-t-il pas une dimension encore partiellement refusée par le clinicien d'être un acteur d'un drame humain finalement assez banal mais qui pour être opérant demande d'en avoir saisi, au moins inconsciemment les éléments, les règles et les pièges ? Ainsi, la psychiatrie peut contribuer à une meilleure connaissance des interactions humaines, à travers leurs caricatures pathologiques et les activités thérapeutiques qui peuvent les modifier. Parallèlement, toute la démarche clinique ne peut que bénéficier de cette connaissance approfondie.

Le problème de la répétition et de la reproduction de l’expérience se trouve ainsi inversé. Il s’agit de considérer et de présenter les conditions dans lesquelles des phénomènes ou des états analogues (objectivés dans le comportement, le discours ou la symptomatologie) ont de fortes probabilités de se produire.

b)    Le réductionnisme, la réduction scientifique et le travail de la complexité.

 

La réduction fait partie de la construction scientifique. Par contre, le réductionnisme explicatif peut refléter une approche idéologique. L’explication la plus réductrice n’est pas forcément la plus vraie au niveau des pratiques. La complexité des rapports biologiques et leur interaction avec le psychologique apparaît par exemple dans l’effet placebo qui ne devrait plus être considéré comme un artefact mais comme un effet, voire une mesure, de l’alliance positive ou négative somato-psychique envers un traitement. L'échec des approches causales linéaires doit déboucher sur les modes d'approche d’une complexité où intervient le sens. Il s'agit d'ailleurs bien d'avantage d'un mode de pensée qui s'auto-organise que de règles. Une bonne approche de la causalité passe par une formation aux sciences fondamentales (physique par exemple) et au travail interdisciplinaire mais conduit à la déborder.

c)     La science classique travaille sur du quantitatif et est mal à l'aise pour aborder le qualitatif, qui concerne directement la psychiatrie : le qualitatif.

 

De fait, celui-ci devient donnée quasi négligeable. La psychiatrie est partagée sur ce sujet avec des données expérimentales qui se sont historiées et des tentatives de concevoir un cadre conceptuel et instrumental[19]. Ainsi, l’activité d'un traitement médicamenteux sur un délire n’est pas directement liée à la quantité prescrite. Le neuroleptique agit sur l’importance du délire, pas sur sa nature. L'environnement thérapeutique et “l’alliance thérapeutique” ont été des dimensions très tôt prises en compte. On s'est aperçu également, en psychothérapie, que l'intensité, la qualité d'une relation et ses effets ne dépendaient pas directement de la quantité de paroles échangées. Comment faire intervenir le qualitatif (par exemple, l'ambiance, l’autorité du médecin, etc.) dans la recherche clinique psychiatrique ? Comment quantifier la prise de sens, le niveau de signification d'un événement dans le vécu psychique, qui peut se figer à l'extrême dans la dépression ou la paranoïa, par exemple[20] ?

d)    La saisie de l’objet est difficile : une utilisation maladroite de l’analyse sémiologique et de la mesure dénature l’expérience humaine que l’on prétend saisir.

 

L’analyse sémiologique doit être naturellement la plus large et la plus ouverte possible. Et à ce titre, des questionnaires systématisés peuvent être intéressants pour la formation du clinicien. Mais cette approche demande à être relayée par une démarche où il dispose des outils et n’en est pas le simple véhicule. A ce sujet la formation à la clinique des psychiatres est négligée. Elle permet pourtant d'introduire dans le diagnostic la richesse des références qui composent la psychiatrie. On pourrait presque parler de phénomène d'acculturation .

6. Il existe une réelle difficulté de conception et de mise au point des protocoles  que ne règle pas le simple constat de l’inadéquation en psychiatrie du réductionnisme et de la méthode expérimentale

Celle-ci apparaît lorsque l'on s'éloigne de la recherche expérimentale classique qui, comme nous l’avons mentionné, n’est pas adaptée à la psychiatrie pour au moins deux raisons : elle ignore les implications de la relation objet étudié / sujet observateur  et le contexte historique auquel renvoie le "ici et maintenant".

a)    Une premier difficulté : les références diagnostiques. Celles-ci posent dans la pratique le problème de l’évolution dans le temps d’une psychopathologie, de ses critères de définition, de la relation entre subjectivité et objectivité, singularité et généralité.

 

Il est indispensable de disposer de systèmes de référence et de s'en servir à bon escient au bon moment. Le diagnostic est un excellent exemple d'outil conceptuel, un cas particulier exemplaire, mais il n'est que cela. Il semble difficile  d'établir une recherche clinique sans qu'à un ou plusieurs moments soit posé un diagnostic, si l'on veut par exemple comparer l'histoire ou l'évolution de deux malades.

Poser un diagnostic pose différents problèmes. Celui de la limite entre norme et anormalité, (qui fait intervenir également le “milieu” dans lequel évolue le patient), celui de sa permanence dans le cadre d’une évolution thérapeutique ou spontanée[21].

Conçu de façon statique, le diagnostic force le jugement et peut émousser l’engagement du clinicien et du patient. L’affection devient une maladie banale qui peut être traitée de l'extérieur ou à un cortège symptomatique où se dissout le sujet qui en est porteur. C’est, on le sait, le reproche le plus souvent fait au DSM III[22],[23]. De leur côté, les psychiatres français n’ont peut être pas mené toute la démarche nécessaire - faute en particulier de moyens - pour établir une clinique des affections psychiatriques actuelles dont les manifestations sont  généralement différentes des descriptions nosologiques classiques, réalisées dans un cadre institutionnel, thérapeutique et historique déterminé.

 

Si le codifié dissout la personne et se révèle souvent inutilisable et inefficace, la singularité n'élimine pas le général. Cette approche se retrouve aussi bien dans la théorie psychanalytique, avec la notion de complexe et de stade, que dans l'embryologie moderne qui, à partir d'un départ et d'un but semblables, envisage la possibilité d'une multitude de cheminements possibles adaptés aux situations locales rencontrées. Ainsi, on peut ne plus avoir comme modèle l'identité des objets mais celui de la découverte de l'invariant dans le singulier. "Il n'y a plus un modèle auquel se réfèrent tous les individus, mais un portrait robot qui ne résume jamais que les moyennes des propriétés de chaque individu … le type moyen n'est plus qu'une abstraction. Seuls ont une réalité les individus avec leurs particularités, leurs différences, leurs variations (F. Jacob, cité in[24])". On remarquera d'ailleurs que l'on redécouvre là le fonctionnement habituel de l'humain qui extrait d'une multitudes d'objets semblables mais non identiques (comme des arbres) une forme et un concept. L'approche connexionniste de la mémoire s'appuie sur une approche analogue. Mais l’essentiel est peut-être la démarche active d’agencement fondée non seulement sur des signes mais sur une expérience acquise incluant des personnages vivants (que cette expérience soit personnelle ou transmise oralement ou par écrit dans des “cas cliniques”). Ceci  devrait conduire à redonner à la l'approche clinique psychiatrique traditionnelle sa légitimité.  Elle permet au clinicien averti de reconnaître une psychose ou même un "état limite" alors que cette entité n'appartient pas à la nosologie et la psychopathologie classiques. On pourrait ainsi découvrir que la subjectivité, l'intuition clinique acquise sont finalement des approches très fiables et que la fiabilité des premiers systèmes experts est bien moindre que celle du psychiatre clinicien qui fonctionne par intégration-comparaison-échange et non par addition-séparation.

b)    Une seconde difficulté : comment appréhender et transmettre une connaissance de processus complexes, longs et imprégnés de subjectivité comme ceux de la pathologie mentale ?

 

Cette difficulté est en particulier soulignée par  les psychanalystes. Certains d’entre-eux identifient la clinique à une dynamique du transfert qui échapperait, par nature, à toute tentative  de mise en perspective avec l'approche scientifique. La transmission des connaissances issues de la psychanalyse ne pourrait ainsi que difficilement  dépasser le cercle des initiés et impliquerait nécessairement l’expérience personnelle. En outre, dans un certain contexte, la recherche pourrait s'identifier à une tentative d'atteindre le statut de la preuve, ce qui conduirait à une impasse du double point de vue logique et thérapeutique. Cette position très radicale doit évoluer à partir des premiers travaux consacrés aux processus psychothérapiques[25], de l’introduction de nouveaux concepts ou métaphore conceptuelles (par exemple, la théorie du chaos) et de l’apport de disciplines connexes. Tout ne peut  être appréhendé ; cela ne signifie pas que rien ne puisse l'être, en particulier au niveau  de la "matière" des comportements sémiotiques et du langage, des processus inconscients (comme les rêves ou les productions), de la dynamique et des techniques de la cure, des événements corrélés à une pathologie. La psychiatrie de l'enfant a été totalement renouvelée en quarante ans, à partir de la réflexion clinique et psychopathologique, nourrie pour une large part de notions psychanalytiques[26]. A ceci, il faut ajouter les données de l’épidémiologie qui permettent une première approche qui sera approfondie dans différentes directions, y compris celle de l’étude de cas individuels[27]

c) Aux difficultés présentées ci-dessus, associons celles qui tiennent à des réserves d'ordre technique et déontologique.

 

En effet, s'ils considèrent qu'une recherche réalisée par des non cliniciens et sans validation par des praticiens serait une entreprise extrêmement hasardeuse, les psychiatres s'interrogent aussi sur la façon dont pratique clinique et recherche sont conciliables. Le praticien ne peut, au même moment du moins, se situer dans une position de subjectivité, de disponibilité à autrui et de possible surprise nécessaires au traitement, et d’objectivité, dans l’attente ou l’analyse de données prédéterminées. Une possibilité existe : c’est de pouvoir disposer, à la fin du traitement, du matériel correspondant ; reste naturellement le problème du recueil des données, de leur importance, du contexte affectif et relationnel lié à la personne du praticien à un moment donné. Des choix seront nécessairement faits sur ce qui sera sélectionné (notes, enregistrement audio ou vidéo, etc.) et sur les critères qui peuvent définir la permanence du cadre clinique.

D’un point de vue déontologique, de nombreux psychiatres considèrent que la relation médecin-malade, fondamentale en psychiatrie, peut être modifiée par l’inclusion du patient (et du thérapeute) dans un essai thérapeutique[28]. En fait, l’introduction d’un “observateur de séance” (magnétophone ou prise de notes) n’entraîne, selon les personnes qui utilisent régulièrement cette méthode, qu’une perturbation négligeable de la situation. Pour réduire les éventuels inconvénients précédents, certains travaillent à partir des données transmises par le psychothérapeute, en tant qu’observateur. Le consentement du patient peut être difficile à demander ou trop facile à obtenir. Cette situation évolue et évoluera à l’expérience et par une meilleure information des règles et des droits.

7. Les médecins, et notamment les psychiatres, dans leur immense majorité, ne sont pas formés à la recherche

 

Exception doit être faite de quelques uns qui ont la chance, notamment dans certains postes d'interne, de cumuler les deux fonction. Le nouvel internat, avec son année de recherche a permis à certains d’acquérir une formation méthodologique. Il faut souhaiter que cette formation puisse concerner les différents domaines : épidémiologie, psychopharmacologie, évaluation, éthologie, psychosémiotique, etc. et que, devenue attractive, elle ne se ferme pas pour les psychiatres en fonction de ses critères d’attribution.

Nous proposerons, dans la suite, une intensification des actions de formation ouverte et intégrée pour des cliniciens déjà insérés depuis longtemps dans la pratique et désirant s’inscrire dans des actions de recherche structurée.

8. Les habituels enjeux de pouvoir

 

Peut-on les dépasser et envisager une réelle collaboration entre les Conseils scientifiques des universités, les chercheurs de l'INSERM et du CNRS  et ceux qui exercent au sein des structures hospitalo-universitaires, hospitalières (et de secteur), libérales et associatives ? Si on le veut, on le pourra.

9. L'absence de moyens

Il s’agit des moyens financiers, du nombre de chercheurs, dont les différents rapports soulignent la faiblesse structurelle, mais aussi des moyens en temps disponible dans les services et indemnisé pour les libéraux.

10. Le risque de perversion des finalités

 

On peut toujurs craindre, dans un contexte d’économies générales, que la recherche soit exploitée dans le sens d’une réduction des moyens. Ce risque sera d’autant mieux maîtrisé que l’assise des travaux scientifiques s’élargira et que la profession préservera son identité et son unité.

 

On le voit, des difficultés existent ; mais pour la plupart d'entre elles, elles peuvent être dépassées et sont souvent déjà en voie de l'être. Pour les autres, la réflexion doit se poursuivre, des garanties obtenues, des choix faits.

 

Recherche personnelle et recherche institutionnelle.

1. Esprit de recherche, transmission de la recherche et formation par la recherche

 

- La plupart des psychiatres s'accorde à reconnaître  et à défendre la nécessité, dans la pratique, d'un travail d'élaboration et de théorisation. Ils y consacrent du temps.

- Toutefois, ce travail dépasse rarement l'enceinte du cabinet, d'un petit groupe de travail, d'un service, exceptés les cas où il fait l'objet d'une publication essentiellement sous forme d'ouvrage. Dans bien des cas, la méthode, le recueil des données sont considérés comme négligeables. Ce qui importe, ce sont les propositions théoriques qui sont présentées et qui entraîneront l'indifférence ou l'adhésion. Cette situation tient sans doute à une histoire particulière de la découverte en psychiatrie ; mais pour beaucoup aussi, à une absence d’information et de moyens, quelque fois d’exigence, qui ne permet pas à de nombreux échanges souterrains et de travaux originaux d'émerger, notamment dans les publications internationales.

De façon plus générale, la médecine n'est pas qu'un ensemble de méthodes et de pratiques. Chaque médecin se réfère, au moins implicitement, à un réseau de modèles et de théories. Sa capacité clinique, d'échange et de transmission, est d'autant plus grande que ces références sont claires et explicites. C'est particulièrement vrai en psychiatrie où des théories complémentaires ont été faussement et complaisamment décrites comme antinomiques (psycho et sociogénèse, psychanalyse et psychiatrie biologique). La recherche, par la formalisation nécessaire des hypothèses, des buts et des références qu’elle implique, ne peut que participer à et améliorer la formation individuelle et interpersonnelle .

2. Éviter l’éparpillement et améliorer la rigueur  des recherches

 

- "Si l'on prend en compte les travaux de recherche clinique issus des services de psychiatrie des C.H.S., ou d'activités de psychiatres libéraux, on peut faire la synthèse suivante : il existe un éparpillement des initiatives et une absence de coordination des efforts. La bonne volonté est générale et n'a d'égale que l'incompétence dans ce que doit être une recherche clinique rigoureuse" (Rapport Massé) .

 

Ce constat un peu abrupt doit être toutefois relativisé par deux éléments de réflexion : d'une part, ces recherches éparses et excessivement intuitives ont produit une connaissance et une pratique psychiatriques qui semblent globalement de très bon niveau ; inversement, certaines recherches aux protocoles lourds n’ont donné que des résultats décevants. Le problème est surtout aujourd'hui de transformer en acquis scientifique les observations et l'art individuel d'un grand nombre de psychiatres, à un moment où les mutations culturelles et le repli social peuvent interrompre le progrès dans ce domaine. Ceci exige de la compétence et de la rigueur, mais aussi répétons le, des moyens. D'autre part, il ne faudrait pas qu'un idéal formel de la rigueur (plutôt qu'une attitude, elle deviendrait un catalogue de règles) interrompe un processus de création individuelle et collective ou réduise le champ de la recherche à un espace tellement limité que l'objet y périsse. Nous ne pouvons que remarquer que dans le domaine même de la biologie, de nombreux chercheurs, parmi les plus éminents, réclament la possibilité d'une recherche fondamentale permettant de penser le vivant plutôt que d'être réduits à un travail tellement pointu que sa finalité même devient obscure et engendre d'avantage l'ennui que l'enthousiasme.

 

- Ces remarques faites, comment coordonner et introduire la rigueur dans la démarche tout en maintenant et stimulant l'intérêt personnel des participants ? Comment améliorer et non bloquer une démarche assez naturelle chez de nombreux psychiatres ?

Il semble important de distinguer clairement la démarche de recherche qui implique interrogation, ouverture, esprit critique, nouveauté, risque ;  la démarche scientifique qui s’appuie ici sur la présentation d’hypothèses, la publicité des fait, la réfutabilité et la possibilité de surprises ; la démarche pratique qui concerne le côté instrumental, la formalisation des questionnements et leur validation. Dans cette mise en place, les psychiatres ont beaucoup à gagner d’un dialogue avec les sciences dures. Non pas dans une tentative mimétique, mais dans une exigence de compréhension qui implique nécessairement des réductions et des clarifications.

D’autre part, il est essentiel que la recherche soit centrée sur des questions en relation directe avec la pratique, où vont être présentées et testées des hypothèses issues de la pratique clinique et qui va produire des instruments qui permettront au praticien une meilleure aisance dans sa réflexion et son exercice. Il est également important que les protocoles puissent être élaborés par les cliniciens eux-mêmes pour la recherche envisagée, éventuellement avec l’appui de méthodologues ou en référence à d’autres travaux,   plutôt que l’inverse.

II - Propositions pour un nouvel essor des activites de recherche en psychiatrie

 

La première partie de ce rapport était consacrée à une réflexion sur la spécificité de la recherche en psychiatrie, ses difficultés et aussi ses potentialités actuelles, qui sont considérables. Elle nous conduit à la démarche pratique qui peut lui donner un nouvel essor en associant la clinique, la recherche fondamentale et la recherche en santé mentale. Nous la présentons sous la forme d’un ensemble de propositions issues de la profession qui, associées, forment l’ébauche d’un programme d’action.

Concrétiser une dynamique de recherche

Rappelons tout d’abord que la dynamique de recherche en psychiatrie existe. Elle a permis la création de la Fédération Française de Psychiatrie. Les articles traitant de la recherche se multiplient dans les revues. Une attitude intellectuelle de recherche est présente chez les psychiatres.

 

Il s'agit aujourd'hui que cette potentialité puisse se concrétiser dans une action coordonnée, où s’associent la démarche scientifique, une grande ouverture, les préoccupations des cliniciens et l’intérêt des malades.

 

Compte tenu de l’état des lieux, des mesures immédiates devront naturellement coexister avec une démarche à plus long terme.

1. D’abord, rompre le cercle vicieux des projets présentés et refusés en commission parce que ne correspondant pas aux critères de sélection ; une concertation avec INSERM est en cours pour améliorer le fonctionnement actuel.

 

Les projets  de recherche présentés doivent pouvoir se multiplier et être menés à bien.

Ceci pose d'établir clairement leur finalité et les progrès attendus. Cela implique également d'obtenir des garanties sur l'accueil qui sera donné aux projets déposés. La perfection souhaitée des projets, avancée pour les refuser, pourrait laisser la place à une position plus stimulante de soutien pour les faire aboutir et peut être même à admettre qu'une "montée en puissance" en quelques années est préférable à un blocage. Une concertation avec INSERM a commencé à concevoir une procédure de pré-expertise et de soutien logistique sur lequel nous reviendrons.

2. Dans le même temps, rénover l’organisation de la profession,

 

Nous avons déjà souligné les obstacles auxquels se heurtent ceux qui tentent de faire de la recherche clinique en psychiatrie : complexité de l’objet, formation souvent insuffisante, isolement, manque de moyens, soutien difficile des dossiers.  A ce niveau, un interface de référence, doué d'une autorité et d’une connaissance précise du problème est indispensable. C’est une des fonctions de la Fédération. Cet interface permettra des actions de :

a) Liaison et information entre les différentes sociétés, les équipes de recherche et plus généralement entre psychiatres.

 

Des activités de recherche existent déjà, qui ont permis d’obtenir des résultats intéressants, tant au niveau des connaissances que des méthodes utilisées. Mais l’information des psychiatres à ce sujet est insuffisante, de même que la liaison entre chercheurs. Un premier temps sera donc de réunir une documentation sur les travaux déjà réalisés, de faire circuler l’information chez les psychiatres et de stimuler les rencontres.

On peut attendre de cette attitude non seulement une dynamisation de ceux qui sont déjà engagés dans des actions de recherche et qui trouveront un soutien dans ce décloisonnement mais aussi une “dédramatisation” de la recherche à travers des exemples concrets de réalisation pour ceux qui n’y participent pas encore.

b) Rencontre entre cliniciens, chercheurs et décideurs.

 

C’est un approfondissement de la démarche précédente,

. en  envoyant ses représentants où se fait, se décide la recherche ;

. en suscitant des mini-colloques inter-associatifs et des sessions de mise en oeuvre et de suivi de recherches multi centriques ;

. en mettant en relation les partenaires et les chercheurs qui s’inscrivent dans les projets de recherche envisagés par les différents organismes institutionnels.

c) Soutien à la mise en oeuvre des recherches

- En informant les équipes qui s’adressent à la Fédération :

La réflexion épistémologique et méthodologique a déjà été l’objet de nombreux travaux auxquels ce rapport fait écho. Il s’agit aujourd’hui également de faciliter la mise en place de recherches à partir d’un recensement des travaux déjà réalisés, des outils disponibles, d’une connaissance des activités en cours et des personnes spécialisées dans les différents domaine. En résumé, de mettre à jour une documentation générale et un carnet d’adresses. La préparation d'interviews avec grilles, d'analyses linguistiques d'entretiens, de protocoles etc.… devrait ainsi impliquer une structure virtuelle multipolaire aidant et suivant les équipes dans l'élaboration des projets à partir des expériences déjà réalisées, en France et à l’étranger.

- En suivant les projets

Ce sera une tâche particulière des représentants de la fédération à l’interface INSERM et auprès des autres organismes.

d) Recensement des problèmes rencontrés, avec la volonté de les résoudre tout en maintenant la rigueur de la démarche. Publication et information largement sur ce travail.

 

Dès à présent, un groupe peut se mettre en place afin de poursuivre le travail de définition et de délimitation de la recherche en psychiatrie déjà engagé ; groupe d'observation et d'écoute de ce qui essaye de frayer un chemin inédit.

Cela peut être aussi une des fonctions des Comités[29], qui réuniront dans un même groupe des personnes d'expérience, des fondamentalistes et des cliniciens ayant témoigné intérêt et de leur engagement pour la recherche clinique en psychiatrie.

Des communications et publications permettront aux psychiatres et à la communauté scientifique dans son ensemble de suivre cette “épistémologie pratique”.

On peut attendre de ce fonctionnement une avancée rapide concernant les concepts et les méthodes spécifiques à la recherche clinique en psychiatrie.

e) Représentation de la profession et initiatives.

A partir des informations recueillies, des consultations et des échanges, elle pourra présenter des thèmes prioritaires et plus généralement intervenir auprès des instances et des organismes concernés.

f) Renforcement de la formation à et par la recherche :

 

Il est nécessaire, dès aujourd’hui, de concevoir des modes de formation à “différents étages” permettant d’éviter le cloisonnement entre chercheurs professionnels et cliniciens. Nous sommes en effet amenés à tenter de parvenir aux objectifs suivants:

-  que les cliniciens puissent intervenir non seulement au niveau du recueil des données mais aussi, directement, dans la conception et la réalisation de la recherche.

 - que la rencontre avec la recherche puisse ne concerner qu’une tranche de vie, un aspect particulier concernant directement le praticien (par exemple l’évaluation d’une stratégie institutionnelle).

- plus généralement, des projets intéressants du point de vue des questions explorées ou des hypothèses avancées et proposés par des cliniciens puissent être retenus.

 

Chacun de ces niveaux implique une formation de base que la plupart  des praticiens n’a pas. Comment la concevoir, pour qu’elle puisse s’intégrer aux différents cursus et situations des psychiatres ?

. Ici encore, l’information générale est essentielle et il faudra poursuivre le recensement des formations générales existantes  (Maîtrise, DEA, DU), et compléter si besoin l’éventail des modules qui les composent. Ensuite, de donner plus de place dans les publications à un écho des recherches menées au niveau national et international.

. Une bonne façon d’acquérir une formation initiale est aussi de participer à des recherches collaboratives. Là encore, une véritable action d’information et d’intéressement est à mettre en oeuvre, en même temps qu’une organisation adaptée.

. La mise en forme des projets de recherche peut donner lieu à une mini-session élargie intégrant quelques cliniciens particulièrement sensibilisés à la méthodologie utilisée à l’équipe responsable du projet.

. En complément de la formation générale en Université, nous proposons un enseignement intégré où les projets de recherche seront préparés et mis en oeuvre avec un superviseur (ou consultant), rodé aux problèmes de la méthode scientifique, sans toutefois appartenir forcément au corps des psychiatres (par exemple, statisticien, linguiste, sociologue …). Les expériences de ce type ont fait la preuve de leur intérêt.

Ceci rejoint la proposition de la commission animée par C. Kordon de constituer un petit groupe permanent qui servirait de conseil aux psychiatres cliniciens (H. Loo) ; il ne s'agirait pas de fonder une Académie mais de favoriser une logistique : ce groupe doit pouvoir se renouveler.

Outre l’utilité pour les projets, on peut attendre du travail des consultants une approche secondaire des problèmes méthodologiques rencontrés qui pourra être répercutée sur le groupe permanent.

 

Ce fonctionnement peut se résumer par l’organigramme suivant :

 

clinicien -> projet de recherche - constitution d’une équipe

documentation <-> consultant <->  groupe permanent

       <------------------------------------------------------------------------------------------------->

mise en place                       enseignement intégré                              réflexion

 d’outils                               enseignement général                        pistémologique

                                                        

  3) Développer les structures de recherche, en associant des pôles assez forts, éventuellement spécialisés et des structures souples sur thèmes, multidisciplinaires

a)  Sites et centres de recherche.

Les sites importent moins que la définition du cadre de recueil des données et des moyens de coordination, de communication et d'échange. On confond actuellement site et centre, comme dans les sciences où le laboratoire est le centre de recueil des données. Ce recueil peut être, à l'extrême, ambulatoire et mobile ; surtout diversifié impliquant différentes institutions et cabinets. Le site peut correspondre alors au centre de rassemblement et de traitement des données des données, sans que cela soit obligatoire. Les moyens informatiques font que cela peut se faire à peu près n'importe où. Nous avons insisté sur l’importance à accorder au dynamisme des personnes et des équipes qui peuvent avoir un rôle pilote.

Par rapport au centre, le site jouit d’une plus grande stabilité : l’ouverture et la coopération avec les cliniciens et d’autres équipes, l’organisation de sessions de rencontre, de formation, l’existence d’un relais de documentation font partie de ses attributions. Ces sites peuvent avoir une spécificité thématique en fonction de leur histoire propre et des personnes qui les composent.

Ainsi, le site devient le noeud d’un réseau, participant de façon spécifique et personnalisée à la dynamique de recherche.

Les sites peuvent être naturellement créés dans des grands centres psychiatriques ou hospitaliers ; mais il faudra veiller à ne pas risquer de superposer localisation et champ clinique. Soulignons ici encore l’importance d’un véritable engagement dans la recherche de la psychiatrie libérale et du secteur associatif[30]. On pourra aussi encourager la création d'équipes issues des différents espaces institutionnels et cliniques, pouvant intégrer des chercheurs d'autres disciplines. L'interdisciplinarité n'est pas la panacée mais elle ouvre des espaces analogiques de réflexion et stimule la pensée critique.

b) Les réseaux.

Leur intérêt réside dans leur souplesse. Ils sont un bon moyen d'associer virtuellement des chercheurs isolés qui se reconnaissent dans l'intérêt pour un thème commun. Il ne s’agit pas d’aller vers un syncrétisme. Les divisions persistent, du fait même des méthodologies utilisées. Mais la juxtaposition permet un éclairage réciproque, par des approches différenciées.

4) Dégager les moyens nécessaires

Les différents rapports soulignent le manque de moyens. Si la profession se mobilise pour mener à bien le travail qui permettra une formalisation satisfaisante des projets et une coordination des actions, il est légitime qu’un effort particulier soit fait pour offrir la possibilité d’un nombre accru de contrats, l’ouverture de postes, la budgétisation de temps, l’organisation de sessions de formation et d’échanges internationaux .

 

Les moyens doivent naturellement permettre que les actions de recherche déjà engagées, notamment en épidémiologie, puissent se poursuivre et être renforcées. Elle vise également un élargissement  de la recherche au delà de ses champs habituels et la possibilité d’un engagement accru des différents acteurs de la santé mentale : hospitalo-universitaires, praticiens hospitaliers et de secteur, psychiatres libéraux, secteur associatif.

a) les appels d’offre.

 

Les appels d’offre lancés par la MIRE en 1985 et 1986 ont montré les potentialités qu’ouvraient des programmes très larges dans leurs thématiques et très ouverts dans la possibilité de constituer des équipes qui associeraient étroitement chercheurs institutionnels ou non et acteurs de santé mentale. De même, de nombreuses recherches épidémiologiques ont pu être menées avec le soutien financier de la DGS. La CNAM représente un autre partenaire potentiel, ainsi que l’UNAFAM en plus des organismes institutionnels de recherche (INSERM, CNRS). Il est possible de réaliser avec les laboratoires pharmaceutiques des recherches dans un esprit de réel partenariat

Une rencontre doit pouvoir réunir très rapidement les représentants de la Fédération Française de Psychiatrie et ses partenaires naturels et potentiels afin de relancer les appels d’offre, en déterminant des secteurs de recherche prioritaires et des objectifs à atteindre.

 

D’autre part, le nombre de contrats de recherche externe INSERM concernant réellement la psychiatrie doit pouvoir s’élever régulièrement.  Compte tenu de la situation,  les Contrats Normalisés d’Études Pilotes en Recherche Clinique (C.N.E.P.) apparaissent comme un bon support pour faciliter l'accès à la recherche de nouvelles équipes de cliniciens. L'objectif pourrait être d'impulser la mise en place pour 1993-1994 de 1O programmes de ce type. Au cours des années suivantes, ces contrats ouvriront à des contrats de recherche externe et  au renforcement des structures. Il est nécessaire d’en prévoir dès à présent le financement.

b) Les moyens en personnel statutaire et en temps de recherche

 

Il s’agit de mettre en place à la fois les conditions d’une stabilité et d’une activité dynamique qui se renouvelle.

. Multiplication des postes d'accueil en psychiatrie.

Ceux-ci devraient pouvoir être ouverts aux plus jeunes mais aussi à des collègues plus âgés avec "recyclage" (bourses pour consacrer une partie de la semaine à se former dans un laboratoire ou avec un superviseur) .

. Temps de recherche.

 C’est une des conditions les plus importantes du développement de la recherche clinique. Sa possibilité doit être ouverte aux praticiens qui ont la volonté de s'y investir. Temps parallèle et complémentaire au temps de formation, réservé institutionnellement (application de la circulaire n°70 du 11.12.92 relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et adolescents ; procédures contractuelles de dédommagement ou d’échange avec les structures hospitalières) ou sous forme de bourse pour les libéraux. Temps validé par une production .

 
 

c) La documentation, le secrétariat et les outils informatiques.

 

Les centres de recherche, c’est à dire les groupes qui se constituent autour d’un projet structuré doivent pouvoir bénéficier d’une infrastructure minimale leur permettant de mettre en place une recherche, puis de la réaliser. Le financement peut être réalisé par l’intermédiaire des contrats. Mais il faudrait alors que les dotations ne soient pas prévues essentiellement pour l’achat de matériel, puisqu’en psychiatrie celui-ci est réduit, mais concerne également les frais de secrétariat, de réunion et de documentation. D’autre part, un financement progressif avec des points réguliers de l’avancement des travaux, y compris de préparation, semble ici adapté.

d) La formation.

 

Il faut distinguer ici celle qui relève de l’Université et relève des ministères concernés et celle qui intervient dans le cadre d’actions formation, plus ponctuelles. Leur financement peut avoir diverses origines : dotation globale sur projet, intervention des organismes concernés agissant en partenariat (INSERM, Formation médicale continue, Université, Hôpitaux, Laboratoires, etc. …). Ce deuxième axe de formation concerne à la fois les sessions centrées sur une méthodologie et le travail des consultants qui suivront les projets.

e) L’information.

Nous avons montré à différentes reprises sa place centrale, dans le but d’une sensibilisation et d’une formation générale ; mais aussi pour parvenir à une politique de publications où la psychiatrie française ne serait pas absente de la scène internationale.

L’essentiel est que trois conditions soient remplies : une diffusion qui puisse concerner l’ensemble des psychiatres pour tout ce qui concerne la vie et les échos des recherches ; l’indépendance du contenu rédactionnel ; sa qualité.

Les différents organismes peuvent intervenir spécifiquement, sachant que l’édition d’un bulletin de liaison et d’actualité recherche d’une part, celle d’un recueil des articles sélectionnés pas les associations au sein de leurs publications constituent deux priorités.

Le cadre des recherches

 

1) Les études de cas, les monographies.

A priori suspectes dans un monde dominé par le quantitatif, il ne faut pas perdre de vue la place qu'elles ont tenu dans l'élaboration de la connaissance psychiatrique. Pour de multiples raisons, un paramètre important en psychiatrie est le temps : il faut suivre ou accompagner un malade pendant des années. Sur une cohorte, cela n'est possible qu'en se limitant à quelques paramètres simples, élémentaires, et fixés à l'avance. En suivant un patient (ou quelques), on accumule les données dont la cohérence se dévoile après coup, donnant ainsi la possibilité d'élaborer des modèles validables collectivement. En psychiatrie, nous en sommes encore, pour une part, à la méthode des "cas princeps". Mais nous disposons aujourd'hui potentiellement d'un matériel clinique considérable et d'outils de traitement ou d'analyse performants (par exemple, les logiciels tournant sur micro-ordinateurs permettant de repérer non seulement des données biographiques mais de dégager des repères de structure et d’évolution à travers les thématiques, l'utilisation et le contenu de certains concepts, les formes syntaxo-sémantiques…).

On peut concevoir très rapidement un protocole de base extrêmement simple :

       - appeler les praticiens qui disposent de notes complètes sur des patients suivis à se faire connaître.

       - dégager une question ou une hypothèse ; mettre en place la méthodologie

       - interroger le matériel clinique (individuellement ou en petit groupe)

       - réunir et valider les résultats.

On peut aussi, dès a présent, solliciter l'accord d'un nombre restreint de cliniciens pour un recueil des données dans des conditions parfaitement définies et examiner le matériel ainsi recueilli dans trois ou cinq ans.

2) Les recherches épidémiologiques

L’épidémiologie peut être définie comme “L’étude de la distribution des maladies et des invalidités dans la population, ainsi que des influences qui déterminent cette distribution” (OMS). Le domaine en est vaste et complexe[31], et, par exemple, l’épidémiologie clinique est l’un des secteurs où la recherche clinique s’approprie des instruments de l’épidémiologie et contribue à l’évolution des nomenclatures et des cadres nosographiques, hors desquels toute recherche clinique est vouée à la confidentialité et à l’incommunicabilité des résultats.

L’évaluation est également une stratégie de recherche qui permet d’aborder le domaine qualitatif, ainsi qu’en témoignent les récents programmes de l’O.M.S., sur l’assurance de qualité des soins.

Dans le domaine de la psychiatrie sociale, les récentes recherches de Brown et Harris sur les événements de vie, montrent toute la finesse d’approche qualitative de données psychosociologiques et le développement nécessaire d’instruments et de méthodes pour le recueil des données (Chanoit).

Par rapport aux recherches épidémiologiques classiques qui établissent des faits, les recherches évaluatives introduisent la notion de programme, avec étude des effets produits par une action, elle même suscitée par l’analyse des besoins, notamment en matière de prévention (Kovess).

3) Les études évaluatives

On en retrouve la démarche dans les travaux de Freud, Janet, Binet et Watson pour lesquels il était licite d’obtenir une confirmation des premières observations et des hypothèses théoriques par l’épreuve thérapeutique[32]. Cette démarche reste habituelle  et spontanée chez de nombreux cliniciens. Le problème actuel est de passer d’approches globales à des études plus précises portant sur les effets thérapeutiques obtenus, selon les patients, en fonction d’une attitude spécifique. Cela implique de définir clairement les techniques et les buts recherchés. Aux USA, des manuels décrivent les stratégies psychothérapiques (interpersonnelle, comportementale, cognitive) ; cette réalisation pourrait servir de base de travail pour un ou plusieurs petits groupes travaillant sur la définition des pratiques en France.  L’évaluation concerne également, de façon plus fondamentale, l’étude des processus thérapeutiques dont la description est loin d’être achevée[33].

 

 

4) Les recherches biologiques et psychopharmacologiques

Les termes de recherches “en psychiatrie et neurosciences” ou “en psychoneurobiologie” seraient peut-être mieux appropriés. Il est juste de distinguer :

       - les recherches portant sur d’éventuels facteurs neurobiologiques en psychiatrie (chimique, psychophysiologique, morphologique, génétique, …) : mise en évidence de supports éventuels dans certaines pathologies psychiatriques (par exemple : anomalies morphologiques cérébrales et schizophrénies déficitaires) ; identification de marqueurs des diverses affections mentales (par exemple : épreuves fonctionnelles type test à la dexaméthasone, ou caractéristiques psychophysiologiques type EEG de sommeil ou potentiels évoqués…) ;

       - les recherches plus finalisées, dont le double objectif est le progrès dans la connaissance des mécanismes d’action des psychotropes et la découverte de nouveaux médicaments.

Ces différentes démarches sont complémentaires les unes des autres. Elles ont d’autre part en commun, quoique à des degrés divers, les difficultés de toute recherche clinique aggravées par les difficultés propres à la recherche clinique en psychiatrie. Enfin, plus que dans d’autres domaines de la recherche psychiatrique, elles impliquent la nécessité d’une approche pluridisciplinaire, et donc d’une formation des psychiatres à la recherche fondamentale, formation que peut par exemple fournir l’acquisition d’un D.E.A. orienté (Scotto).

Quelques thèmes et secteurs  de recherche soulignés par la profession

1)  Épidémiologie

       .  les circonstances de décompensation psychiatrique - place des événements de vie dans les troubles anxio-dépressifs et psychosomatiques - susceptibilité génétique et interaction avec des facteurs environnementaux ; implications pour la prévention,

       . prévalence et incidence des troubles mentaux en population générale,

       . l'utilisation du CIDIS (composite international diagnostic interview simplified version) dans les enquêtes de santé mentale,

       . les nouvelles formes psychopathologiques,          

       . évolution et facteurs pronostiques des affections psychiatriques,

2) Stratégies thérapeutiques (y compris institutionnelles)

       . état des lieux, des pratiques et des références théoriques en France,      

       . l'intervention de la psychiatrie libérale dans la santé mentale,

       . population, cheminement des patients, pratiques,

       . les relations médecine générale, psychiatries publique et libérale,

3) Psychopathologie

       . psychopathologie et somatisations,

       . psychopathologie des nouvelles pathologies (Sida),

       . les troubles de l'identité chez l'adolescent (de la pédopsychiatrie à la psychiatrie d'adultes, de la psychiatrie sociale à l'ethnopsychiatrie, de la psychiatrie à la santé mentale),

       . la dépendance (familiale, institutionnelle, médicamenteuse) ; les toxicophilies,

4) Processus thérapeutiques

       . analyse psycholinguistique du discours du patient et du thérapeute dans une psychothérapie,

       . les facteurs psychothérapiques de changement,

       . les états de crise et leur évolution,

5) Recherches générales et fondamentales

       . sciences cognitives et psychiatrie (en association avec le programme cogniscience) - les troubles conversationnels des schizophrènes et des déprimés du point de vue cognitif,

       . sciences biologiques et psychiatrie - l’articulation psychosomatique, modèles et approche clinique ; relations entre systèmes nerveux et immunitaire,

       . techniques non invasives et approches fonctionnelles du psychisme,

       . représentations de la maladie mentale, des malades, de la psychiatrie et des institutions,

6) Évaluation

       . évaluation de la qualité des soins dans un programme de santé mentale,

       . approche qualitative des conditions dans lesquelles se font les fugues et les sorties contre-avis médical dans un service hospitalier de psychiatrie,

       . effets d’une prise en charge psychothérapique sur la pathologie médicale et la consommation de soins,

       . évaluation des psychothérapies

7) Psychiatrie légale

8) Handicaps

Différents thèmes sont retenus dans l'appel d'offres CNAMTS - INSERM 1994.

 

III - En résumé

 

- Les troubles psychiatriques représentent une part notable du budget de l’hospitalisation et de la sécurité sociale. Chaque personne est exposée, au cours de sa vie, à présenter un épisode psychiatrique. Les répercussions du psychisme sur l’hygiène de vie et, de façon générale, sur le fonctionnement somatique sont importantes. Au niveau professionnel la santé mentale intervient directement dans l’activité non seulement personnelle mais aussi dans celle du groupe.

La psychiatrie représente un enjeu essentiel de Santé publique.

Dans le même temps, les moyens consacrés à la recherche clinique en psychiatrie sont ridicules.

Sollicitée dans ce sens par l’INSERM, la profession a pris ses responsabilités en s’unissant et en concevant une action et une organisation qui permettent d’associer l’ensemble des psychiatres, dans leur diversité d’approche et d’exercice, à une dynamique de recherche scientifique adaptée à la spécificité de la discipline. Le premier temps a été celui de la collection des réflexions, des idées, des projets et des réalisations avec l’aide de toutes les Associations et de personnes particulièrement concernées par la recherche. Il a conduit à l’élaboration de ce rapport.

Celui-ci vise d’abord à faire état de la réflexion déjà menée et à en informer la profession ; ensuite, à faire des propositions de fonctionnement qui permettent très rapidement d’amplifier la recherche, en respectant les différentes sensibilités et en permettant une meilleure cohérence d’ensemble. Dans une telle option on peut faire la pari que le retard peut être comblé, compte tenu de l'intérêt de nombreux psychiatres pour la recherche, intérêt qui, pour le moment, ne sait ni où, ni comment s'investir.

Les propositions ont naturellement pris en compte les difficultés de la recherche en psychiatrie, qui constitue un champ vaste et complexe, et les réticences qui quelque fois la concernent. Celles-ci peuvent être dépassées si l’on respecte les points suivants :

- le laboratoire de recherche en psychiatrie, c’est essentiellement la clinique dont émanent et qui valide les modèles théoriques. Ainsi, la recherche clinique n'exclut pas la recherche fondamentale qui tantôt la complète, tantôt la déclenche, l'initie.

- il faut donc concevoir comment ce qui intéresse le clinicien - une démarche de créativité et de réflexion à partir de la pratique, sur sa propre pratique qui améliore ses connaissances et sa compétence - peut s’inscrire dans une démarche scientifique et collective.

Cela implique de poursuivre le mouvement  réciproque des cliniciens et des chercheurs issus des sciences dites dures, qui a permis une première définition d’un terrain commun. Par exemple :

       . La recherche implique la reconnaissance du fait, non comme une donnée intangible, mais comme un énoncé licite soumis à vérification et toujours récusable[34] ;

       . Elle implique également l'acceptation du non savoir, avec un effort pour définir les conditions propres à faire apparaître les réponses. Cette démarche se distingue donc fondamentalement du scientisme et de son alter ego l'idéalisme pour qui le caractère a-scientifique d'une opinion est un label de qualité. Là encore, il ne s’agit pas toujours d’une démarche naturelle pour le psychiatre et il sera nécessaire de la soutenir dans l’enseignement et dans la politique de fond des publications.

       . Une recherche nécessite l'adhésion collective au projet ; chaque participant doit être d'accord sur les objectifs, les bases théoriques et sur la nécessité des moyens mis en oeuvre[35].

- Il existe une spécificité de la psychiatrie ; la nécessaire  rigueur dans la démarche de recherche ne doit pas faire méconnaître la distinction fondamentale qui existe avec le modèle médical de la maladie. La modèle psychiatrique fait intervenir une série de niveaux d’approche, de complexité croissante. Le dérèglement est multifactoriel et interactif. Le soin également, qui concerne l’individu somatique mais aussi pris dans l'intersubjectivité et plus globalement la réalité. Le temps est une dimension essentielle, autant par une mémoire dont les effets ne peuvent se révéler que tardivement que par les capacités humaines d’intégrer certains traumatismes, de s’adapter à certaines carences, de modifier des comportements. La recherche psychiatrique oscille ainsi entre le “pourquoi” (ensemble des causes psychologiques, somatiques et sociales d’une affection psychiatrique) et le “comment” (rapports interactifs et mécanismes entre le biologique et le psychologique). La relation à la mesure est particulière (on ne mesure pas un délire ; on peut éventuellement quantifier une souffrance, l’impact d’un événement, l’efficacité d’un traitement à partir de données subjectives). La définition d'une affection peut s'avérer compliquée ; à plus forte raison la constitution d'un groupe homogène[36].

 

On pourrait dire que le chercheur psychiatre travaille nécessairement en données relatives, très imprégnées de subjectivité, que c’est dans dans le singulier qu’il découvre ou retrouve le général. Qu’il travaille avec le temps, en termes de processus pathologiques et de changements vers une amélioration voire une guérison. Il ne s’agit pas là d’un défaut, par comparaison avec les sciences naturelles. Mais d’une pratique qui  se doit d’être adaptée à l’objet particulier qui est le sien et dont des sciences connexes comme la biologie, et pour partie de nombreuses spécialités médicales, peuvent bénéficier.

Loin d’être un obstacle infranchissable, la diversité des approches ouvre la possibilité de recherches multicentriques et conçues à des niveaux différents mais complémentaires, sur des thèmes qui intéressent directement la population et la santé publique et situe la psychiatrie comme discipline carrefour.

 

D’un point de vue pratique, les propositions mettent au premier plan :

- l’information des praticiens, la mise en relation des réflexions et des initiatives, la coordination des actions

- le soutien des projets avec un guidage, une documentation, un carnet d’adresses, une aide méthodologique, une meilleure représentation au sein des commissions

- une formation à la recherche renforcée et adaptée aux différents modes d’exercice et à l’engagement dans la recherche. Bien des travaux en psychopathologie souffrent d'abord de faits insuffisamment établis, d'hypothèses mal formulées, de généralisations hâtives ce qui rend suspecte leur validité et les relègue dans le champ de l'amateurisme. Et ceci renforce une approche scientiste qui n'est pas adaptée dans ce domaine. Il importe donc de rappeler et d'enseigner les règles de base de la recherche dans des formations générales mais aussi par la mise en place d'un tutorat institutionnel et personnel.

La formation initiale, doit s'ouvrir largement aux sciences humaines ( psychologie médicale, linguistique, éthologie, etc.…).

- un décloisonnement et une animation multipolaire de la recherche avec :

       . le renforcement des unités fixes et la possibilité de constituer des unités temporaires de recherche (budgets secrétariat , documentation, temps) avec évaluation régulière.

       . des réunions interassociatives, d’interface avec les organismes de recherche et d’autres sociétés professionnelles (par exemple, biologie, neurosciences, sociologie …)

- la poursuite, concurremment aux actions engagées  d’une “recherche sur la recherche”, pour concevoir les outils les plus pertinents en fonction non seulement de la scientificité mais aussi de la faisabilité et  des buts poursuivis et les inclure à la formation.

- la consultation de la profession pour dégager des priorités de recherche, sa représentation et le dialogue avec les partenaires.

 

Toutes ces propositions sont réalistes, de bon sens et font  consensus dans la profession.

 

C’est aujourd’hui aux différents organismes concernés, à la Sécurité sociale, au Ministère, aux élus qui sont directement concernés par la toxicomanie, le retentissement sur la population du chômage et les différentes pathologies associées de prendre leurs responsabilités, au niveau qui les concerne.

 

Développer la recherche clinique en psychiatrie demande des moyens significatifs, mais qui ne mettront pas en péril les finances des organismes concernés, des collectivités et de l’état. On peut en attendre de grands bénéfices pour les malades, la collectivité et la profession. Ces moyens doivent permettre :

       . aux praticiens impliqués dans la recherche de se dégager du temps. Différentes modalités existent et sont à étudier en fonction des modes d’exercice,

       . d’accroître le nombre de contrats  et de réseaux de recherche et corrélativement les institutions et praticiens concernés,

       . de renforcer les structures déjà existantes et d’en créer de nouvelles. Ceci suppose en particulier un accroissement des postes d’accueils.

       . de financer, au moins partiellement sous forme de subvention, les activités d’information (bulletin recherche), de consultation et de documentation de la Fédération. La  "faisabilité" de nombreuses recherches (avec en particulier la difficulté de constituer des groupes homogènes de patients - et de psychiatres -) dépend largement de la mise en place d'une structure centrale chargée de collecter et de faire circuler l'information, de faciliter les regroupements. 

       . de financer un accroissement des activités de formation. En particulier, sous forme de séminaires avec la participation de consultants, chargés non seulement d'aider les équipes cliniques à tester la faisabilité d'une idée et à la mise en forme d'un projet de recherche mais de contribuer à une réflexion méthodologique interdisciplinaire.

       . de soutenir une politique de publication des travaux sélectionnés par les Sociétés et d’accès à des publications internationales.

       . de permettre des échanges avec les sociétés de recherche étrangères, en particulier européennes

 

Il est aujourd’hui nécessaire que les représentants de la Fédération Française de Psychiatrie,  l'INSERM, le Ministère, la CNAM, le CNRS, la MIRE … puissent se réunir afin de définir de concert des objectifs pour les cinq prochaines annnée et les moyens pour les faire aboutir.

 

 

                                                                             

                                                                Dr. Jean-Michel THURIN

 

Bibliographie

 

 

"Appel pour la recherche clinique en psychiatrie, 8/2/88"

Amiel-Lebigre (F.)

Quantification de l'impact événementiel : approche du réel ou chimère ?  Psychologie médicale 1988, 20, 12 : 1715-1717

Audisio (M.)

Recherche clinique en psychiatrie ; qu'entendre par un tel projet ?

Audisio (M.), Cyrulnik (C.), Geier (S.).

La recherche en psychiatrie . Rapport des premières Journées d'Avignon.

Bazot (M.), Chanoit (P-F.), Fagot Largeault (A.), Garrabé (J.), Glowinski (J.), Kipman (S-D), Lantéri Laura (G.), Laxenaire (M.), Léger (J-M), Loo (H.), Marchais (P.), Marie cardine (M.), Moron (P.), Parizot (S.), Rivière (B.), Scotto (J-M.), Soulayrol (R.), Thurin (J-M.), Tyrode (Y.), Wiart (C.), Widlocher (D.)                    

                                               Statuts de la Fédération Française de Psychiatrie. Décembre 1991. 

Chabert (C.), Behar-Azoulay (C.), Chrétien (M.), Guédeney (N.), Jeammet (P.)

Evaluation des processus de changement au cours du traitement d’adolescents psychotiques. Psychiatrie de l’Enfant, XXXIII, 1, 1990, p 189-285

Chanoit (P-F.), Roume (D.)

La place et le rôle d’un service de recherche dans un dispositif psychiatrique de soins. Psychiatrie Française n° 4.88, sept. 88 pp. 71-77.

Chanoit (P-F.), De Barsy (D.), Chastand (A.), Latarjet (L), Sideris (N.)

Evaluation des projets thérapeutiques en hôpital de jour.

Covello (A.), Lairy (G.)

Envoi pour la recherche clinique psychiatrique -

De Bonis (M.).

Sagesse et illusions en psychopathologie quantitative.

Dongier (M.)

Orientations de la recherche psychiatrique en Amérique du Nord. Psychiatrie Française n° 4.88, sept. 88 pp. 101-108.

Flament (M.), Birot (E.), Jeammet (P.)

Etude épidémiologique et clinique des conduites boulimiques et de leur lien avec l’adolescence. Rapport scientifique Réseau INSERM 489014

Fombonne (E.), Fuhrer (R.).

Psychiatrie et épidémiologie. Psychiatrie et psychobiologie - 1986, I, n°4

François (F.).

Interprétation linguistique et psychopathologie. L’Evolution Psychiatrique 49, 1984, pp. 415-449

Gayda (M.), Vacola (G.).

La psychiatrie sociale clinique, fondement de la recherche en psychiatrie. Psychologie médicale 1988, 20,12

Geier (S.)

La recherche clinique en psychiatrie. Ambiguïtés et défis

Gerin (P.), Dazord (A.), Sali (A.)

Psychothérapies et changements, méthodologie de leur évaluation. PUF, Collection Nodules, 1991

Gerin (P), Dazord (A.)

Recherches cliniques "planifiées" sur les psychothérapies. INSERM 1992;

Gerin (P.), Dazord (A.) et Al.

L’évaluation de la qualité de vie dans les essais thérapeutiques. Aspects conceptuels et présentation d’un questionnaire. Thérapie 1989 ; 44 ; 355 - 64

Gerin (P.), Dazord (A.), Sali (A.), Boissel (J-P.)

L’évaluation de la dépression à la lumière du concept de la qualité de la vie subjective. L’information psychiatrique. Supplément au n° 5 - Mai 92.

Giami (A.), Veil (C.)

Sida : représentations, relations et conduites chez les infirmières et les travailleurs sociaux; permanence et changement. Rapport final de recherche à l’ANRS. Juin 92.

Havet (JM.)

Recherche clinique en psychiatrie et industrie pharmaceutique. Psychiatrie Française n° 4.88, sept. 88 pp. 85-88.

Henry (A.), Kress (JJ.)

Les essais thérapeutiques : des malentendus inévitables. Psychiatrie Française n° 4.88, sept. 88 pp. 95-100

Jeammet (P.), Brechon (G.), Payan (C.), Gorge (A.), Fermanian (J.)

Le devenir de l’anorexie mentale : une étude prospective de 129 patients évalués au moins 4 ans après leur première admission. Psychiatrie de l’enfant, XXXIV, 2, 1991, p. 381-342

Kordon (C.), Alperovitch (A.), Ru­meau-Rouquette (C.), Boulanger (JP), Dar­court (G.), Lemoine (P.), Loo (H.), Scotto (JC.), Sechter (D.), Widlocher (D.), Zarifian (E.).

Projet de rapport  sur la recherche psychiatrique à l'INSERM

Kouchner (B.)

Intervention de Monsieur Bernard KOUCHNER au 25° congrès de l'U.N.A.F.A.M.

Luccioni (H.), Koupernik (C.)

Pratique et théorie dans la constitution du savoir psychiatrique. Psychologie médicale 1988, 20, 12 :

Marchais (P.)

Vers un renouvellement de la connaissance en psychiatrie. Annales Médico-psychologiques, 1993, 151, n° 6.

Massé (G.)

Rapport MASSE (1992)

MIRE

Journées de la recherche en santé mentale. 23 - 26 Mars 1988.

46 Recherches financées par la MIRE. Textes de présentation

Misès (R.)

Lettre de Psychiatrie Française. 2/93

Misès (R.), Perron (R.)

L’adolescence des enfants autistes et psychotiques, une recherche. Neuropsychiatrie de l’Enfance, 1993, 41 (1-2), 36-50

Najab (F.), Tijus (C.)

Les représentations cliniques implicites, leur rôle dans la prise en charge psychiatrique. Recherche MIRE (1988)

Parizot (S.)

La recherche psychiatrique française en 1992. Obstacles et potentialités. Information Psychiatrique, n° 5,  6/93

Pedinielli (JL.), Dela­housse (J.)

Epistémologie de la recherche clinique : cliniques du chercheur et du clinicien.  Psychologie médicale 1988, 20,12 : 1835-1840.

Prallet (J.P.), Loo (H), Zarifian (E.)

Organismes de recherche en psychiatrie. Encycl. Méd. Chir. (Paris-France), Psychiatrie, 37960 A30, 6-1988, 6p.

Rebeyrat (Y.)

Les essais thérapeutiques en psychiatrie. Psychiatrie Française n° 4.88, sept. 88 pp. 89-94.

Salbreux (R.)

Les conditions de la recherche clinique en psychiatrie et son avenir. Psychiatrie Française n° 4.88, sept. 88 pp. 79-84.

Singer (L)

Du symptôme psychiatrique à la méthodologie scientifique de recherche : illusion ou réalité ? Psychologie médicale 1988, 20, 12 :1825-1828

Sutter (J)

Recherche, le chemin difficile. Psychologie médicale 1988, 20, 12 :1833-1834

Thurin (JM.)

Pour une recherche clinique sur la psychothérapie -  Dire et Agir. (1990)

Tignol (J), Martin (C)

Evaluation des soins en psychiatrie. Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de Langue Française. Masson 1992

Veil (C.)

A propos d'une entretien avec L. BRAMS

Veil. (C.).

Qu'entend-on par recherche clinique en psychiatrie ? Ann. Méd.-Psychol. 1992, 150, n°4-5.

Vignat (JP.), Parizot (S.).

Conférence nationale des présidents de CME des CHS : La recherche et le service public de psychiatrie .

Widlocher (D.).

Méthodologie de la recherche en psychiatrie. Encycl. Méd. Chir. Paris. psychiatrie, 37040 B 10, 12-1980.

 

 

 

 

 

Sont intervenus dans la rédaction de ce rapport

 

Ce texte a bénéficié, tout au long de son élaboration, des remarques attentives et précises de D. KIPMAN (Fédération, AFP), C. VEIL (AFP et ASFPSP), T. LEMPERIERE (GFEP), JP. KLEIN (A & T), PF. CHANOIT (AFPPS), H. LOO (AFPB),  J. SCOTTO (CNUP),                                                                                 …/…

de sa discussion en entretiens avec V. KOVESS, E. ZARIFIAN, P. GERIN, A. DAZORD,  R. VEZZOLI, F. FRANÇOIS (Linguiste, Paris V), R. MISES, A. MARUANI (I.A. Télécom), B. DORAY (MIRE), Y. GASSER (UNAFAM), P. JEAMMET, D. WIDLOCHER, C. KORDON, J. GLOWINSKI.

et des commentaires et contributions de  V. BRUILLON, H. BIBAULT (A.F.P.E.P.), B. CHEMAMA-STEINER (S.F.P.E.), P. MARCHAIS (M.P.), Y. TYRODE (Fédération, A.S.P.S), J. LEGER (CPLNF), R. NEUBURGER (C.E.F), R. SOULAYROL (S.F.P.E.A.), P. MORON, GAYDA, SOUEDE, C. VASSEUR (AFP)

 

Il s’appuie aussi sur les travaux suivants qui donnent accès, pour la plupart d’entre eux à des bibliographies.

 



Références bibliographiques


[1]Qu'entend-on par recherche clinique en psychiatrie ? C. Veil. Ann. Méd.-Psychol. 1992, 150, n°4-5.

[2] La recherche en psychiatrie . Rapport des premières Journées d'Avignon - M. Audisio, B. Cyrulnik, S. Geier.

 

[3]Envoi pour la recherche clinique psychiatrique. A. Covello, G. Lairy. Psychiatrie Française 1988, n° 4 : 7-37

[4]Méthodologie de la recherche en psychiatrie. D. Widlocher. Encycl. Méd. Chir. Paris. psychiatrie, 37040 B 10, 12-1980.

[5]Epistémologie de la recherche clinique : cliniques du chercheur et du clinicien. JL. Pedinielli & J. Delahousse. Psychologie médicale 1988, 20,12 : 1835-1840.

[6] "Appel pour la recherche clinique en psychiatrie, 8/2/88"

[7] La psychiatrie sociale clinique, fondement de la recherche en psychiatrie. M. Gayda, G. Vacola. Psychologie médicale 1988, 20,12

[8] Intervention de Monsieur Bernard KOUCHNER au 25° congrès de l'U.N.A.F.A.M.

[9] Envoi pour la recherche clinique psychiatrique. A. Covello, G. Lairy. Psychiatrie Française 1988, n° 4 : 7-37

[10] Recherche clinique en psychiatrie ; qu'entendre par un tel projet ?- M. AUDISIO.

[11] Prallet J.P., Loo H. et Zarifian E. - Organismes de recherche et psychiatrie. - Enclycl. Méd. Chir. (Paris-France), psychiatrie, 37960 A30, 6-1988, 6p.

[12] Rapport Massé (1992)

[13] Du symptôme psychiatrique à la méthodologie scientifique de recherche : illusion ou réalité ? L. Singer. Psychologie médicale 1988, 20,12 : 1825-1828

[14]Recherche, le chemin difficile. J. Sutter. Psychologie médicale 1988, 20,12 : 1833-1834

[15] Najab (F.), Tijus (C.), Les représentations cliniques implicites, leur rôle dans la prise en charge psychiatrique. Recherche MIRE (1988)

 

[16] Henry (A.), Kress (JJ.), Les essais thérapeutiques : des malentendus inévitables. psychiatrie Française n° 4-88, sept 88 pp 95-100.

[17]Dongier (M). orientations de la Recherche psychiatrique en Amérique du Nord. Psychiatrie Française n° 4-88, Sept 88 pp 101-108.

[18] Henry (A.), Kress (JJ.) article cité.

[19] Gerin (P.), Dazord (A.) et Al. L’évaluation de la qualité de vie dans les essais thérapeutiques. Aspects conceptuels et présentation d’un questionnaire. Thérapie 1989 ; 44 ; 355 - 64

Gerin (P.), Dazord (A.), Sali (A.), Boissel (J-P.) L’évaluation de la dépression à la lumière du concept de la qualité de la vie subjective. L’information psychiatrique. Supplément au n° 5 - Mai 92.

[20] Amiel-Lebigre (F.) Quantification de l’impact événementiel : approche du réel ou chimère. psychologie Médicale 1988, 20, 12 : 1715-1717.

[21] Zittoun (C.), Fischler (C.) Boulimie et épidémiologie. L’Encéphale, 1992 ; XVIII : 407-12.

[22] Havet (JM.) Recherche clinique en psychiatrie et industrie pharmaceutique. Psychiatrie Française n°4.88, Sept 88, p 85-88.

[23] Henry (A.), Kress (JJ.) Article cité.

[24] Geier (S.). Article cité

[25] Gerin (P.), Dazord (A.), Sali (A.) Psychothérapies et changements, méthodologie de leur évaluation. PUF, Collection Nodules, 1991

[26]Misès (R.) Lettre de Psychiatrie Française. Févr. 93

[27] Flament (M.), Birot (E.), Jeammet (P.) Etude épidémiologique et clinique des conduites boulimiques et de leur lien avec l’adolescence. Rapport scientifique Réseau INSERM 489014

[28] Rebeyrat (Y.). Les essais thérapeutiques en psychiatrie. Psychiatrie Française n° 4.88, sept 88, pp. 89-94.

[29] Cf Statuts de la Fédération française de psychiatrie

[30] Thurin (JM.) Pour une recherche clinique sur la psychothérapie. Dire et Agir n°   02/90

[31] Zittoun (C.), Fischler (C.) . Article cité.

[32]  Widlocher (D.). Article cité

[33] Gerin (P.), Dazord (A.) Recherches cliniques “planifiées” sur les psychothérapies. La documentation française, 1992.

[34] Habermas cité par H. Luccioni, C. Koupernik..  Pratique et théorie dans la constitution du savoir psychiatrique. Psychologie médicale 1988, 20,12

 

[35] Méthodologie de la recherche en psychiatrie. D. Widlocher. Encycl. Méd. Chir. Paris. psychiatrie, 37040 B 10, 12-1980.

[36] Quantification de de l'impact événementiel : approche du réel ou chimère. F. Amiel-Lebigre. Psychologie médicale 1988, 20,12 : 1715-1717.

 


Dernière mise à jour : mercredi 22 août 2001 15:58:57
Dr Jean-Michel Thurin