3ème Conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie (23 et 24 Avril 1998)

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Modalités de sevrage des toxicomanes dépendants des opiacés

organisée avec la participation de l'ANAES
Sous l'Egide du Conseil de l'Ordre des Médecins et du Conseil de l'Ordre des Pharmaciens


Sociétés copromotrices

  • Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France
  • Société de Formation Thérapeutique des Généralistes
  • Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie
  • Société Francophone des Urgences Médicales
  • Société Nationale Française de Médecine Interne
  • Association Pédagogique Nationale pour l’Enseignement de la Thérapeutique
  • Société Française de Pharmacologie
  • Généralistes & Toxicomanies

  • Recommandations
  • Les textes des experts
  • Comité d'organisation
  • Les experts
  • Le groupe Bibliographique



    Texte des recommandations élaboré par les Membres du Jury sous la Présidence du Dr S.D. Kipman


    AVANT PROPOS

    Cette conférence a été organisée et s'est déroulée conformément aux règles méthodologiques prÉconisées par l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES).
    Les conclusions et recommandations présentées dans ce document ont été rédigées par le jury de la conférence, en toute indépendance. Leur teneur n'engage en aucune manière la responsabilité de l'ANAES.

    Le texte long des recommandations est consultable ci-dessous, pour le texte court cliquez ici.

    Les questions posées

  • 1 - Quelle est la place des sevrages dans les stratégies de soin des toxicomanes aux opiacés ?
  • 2 - Quelle préparation et mise en place des sevrages ?
  • 3 - Quelles sont les modalités et les conditions pratiques du sevrage ?
  • 4 - Quels soins après sevrage et suivi ?


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    Préambule

  • Dans un moment où les médias, les milieux politiques, les responsables et les praticiens débattent largement d’un sujet, dès lors supposé connu, on peut se demander quelle est la nécessité d’organiser une conférence de consensus sur un thème touchant à l’usage des drogues.

    Trois arguments ont conduit les professionnels à organiser cette conférence :

    - l’effet de masse qui a transformé une question clinique délicate en un problème majeur et semble t-il, croissant de santé publique ;

    - la complexité des situations des personnes dépendantes des opiacés en particulier la multiplication inquiétante des poly-toxicomanies ; la confusion troublante entre dépendance à des drogues illicites, à des médicaments, ou à des produits utilisés dans le cadre de la substitution ; et

    - les difficultés rencontrées par les professionnels, et l’entourage des patients à assumer leurs activités quotidiennes et à se rencontrer sur des repères et indicateurs communs.

    Deux références assez proches ont pourtant déjà paru :

    - les « guidelines » de l’APA parus en 1995 ; qui parlent uniquement du traitement psychiatrique des patients usagers de drogues en général ;

    - et la conférence inter-universitaire « Intérêts et limites des traitements de substitution dans la prise en charge des toxicomanes » des 23, 24 et 25 juin 1994, parue chez Masson en novembre 1994, sup. 3, Vol 145, qui a abordé la question du seul point de vue de la substitution.

    Le rejet violent des « cures de désintoxication » rapides et imposées, et leur échec patent, l’engouement pour les mesures de réduction des risques, ont logiquement conduit à se réinterroger sur la place des sevrages et du sevrage dans une prise en compte des souffrances des patients et des difficultés des soignants.

    Le jury a été mandaté pour fournir des recommandations médicales. A ce titre, il paraît nécessaire de ne pas continuer à confondre - y compris dans les sigles officiels - les « usagers de drogues », consommateurs dans une société donnée, et les « personnes dépendantes de substances psycho-actives », qui présentent un trouble du fonctionnement psychique.

    Le jury a été frappé des glissements sémantiques dans l’usage des termes techniques, et a donc dû se poser les questions centrales des concepts utilisés, des théories et idéologies de référence, avant de préciser et de détailler des modalités de sevrage.

    L’essentiel de notre tâche a été de suivre, en deçà et au delà des modalités techniques, le cheminement des patients souffrants. Un des paramètres de cette souffrance étant la difficulté collective à leur procurer un lien social assez fort.

    La dépendance - ou l’aptitude à la dépendance - qui est au premier plan de la situation des personnes concernées - ne se résume pas à la description des conduites ou des comportements.

    Elle s’intègre à l’ensemble du fonctionnement psychique du sujet, et dans son évolution passée et à venir.

    Dans ces conditions, le sevrage ne peut trouver sa place que dans le cadre d’une prise en charge globale, continue ou discontinue.

    Le choix de l’objectif, de la forme du moment du sevrage sont étroitement liés à une analyse multidimensionnelle de la situation personnelle médicale et psychiatrique et sociale du sujet, donc un travail d’équipe.


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  • Question 1 - Quelle est la place des sevrages dans les stratégies de soin des toxicomanes aux opiacés ?

    COMPLEXITE DU SUJET

    La complexité de l’approche de la toxicomanie nous oblige à poser, en préalable, les bases fondamentales qui nous servent d’appui. Ce champ recouvre en effet les diverses dimensions humaines : psychologique, sociale, médicale, économique ...

    Les recommandations sont donc liées à l’éthique et la déontologie médicales dont les valeurs sont partagées par l’ensemble de la société. La référence scientifique tient compte de nombreux paramètres qui rendent difficile d’atteindre le niveau de preuve exigé. Enfin l’expérience, reconnue comme essentielle, est une confrontation, dans la durée, de ces paramètres avec la réalité du patient.

    Le patient dépendant aux opiacés oblige les intervenants à travailler ensemble. Une circulaire, à cet effet, a lancé les réseaux de toxicomanie qui recouvrent des réalités très différentes. Pour le moment ces pratiques n’ont pas été évaluées, ni clairement explicitées ; un travail d’évaluation doit être entrepris avant de le promouvoir comme modèle.

    L’affirmation répétée de la nécessité du travail en réseau ne préjuge pas, pour le jury, d’un modèle organisationnel quel qu’il soit, mais signifie l’impérieuse obligation de développer un abord multidisciplinaire et partenarial autour de la personne du patient.

    LA PERSONNE DU TOXICOMANE

    Le jury critique ici l’usage du terme de toxicomane qui pourrait être assimilé à celui de simple usager de drogue.

    La conférence se situe dans un registre de soins où la toxicomanie n’est pas réduite à une conduite ou un comportement. Le toxicomane est un patient quand il entre dans le système de soins avec une demande d’aide, du fait de sa dépendance, notion différente d’un usage ou abus d’opiacés.

    Compte-tenu de la morbidité associée, volontiers diverse, récidivante et chronique, le jury privilégie ainsi à travers la référence à la notion de dépendance l’approche transnosographique. L’incidence de la morbidité est plus importante pour les personnes dépendantes que pour les simples consommateurs de drogues.

    La multiplicité des statuts de la personne dépendante aux drogues, par ailleurs, infiltre le dispositif de soins. Si comme citoyen, cette personne est usager de drogue, ce n’est pas à ce titre qu’elle consulte le dispositif sanitaire. Elle peut, par l’intermédiaire de la loi du 31.12.1970, être considérée comme délinquante soumise à une injonction de soins. Et suivant le biais de son arrivée dans le dispositif, elle peut être anonyme ou non, relevant d’un financement différent ; ce double financement ne favorise pas la mise en oeuvre des réponses et leur articulation. La loi, dite de 70, rend, d’autre part, nécessaire le maintien de l’anonymat.

    La question de la spécificité de la réponse soignante aux patients dépendants est posée et si des particularités sont retenues, la comorbidité importante sur le plan psychique amène le jury à rappeler les articulations indispensables avec les réseaux déjà mis en place comme celui des secteurs de psychiatrie.

    Si la dépendance a été le critère retenu comme essentiel, c’est qu’elle crée une entrave au fonctionnement psychique et à l’exercice des potentialités du sujet. Elle est source de dommages bio-psycho-sociaux et d’une souffrance véritable justifiant des soins.

    Les soignants face à ces patients ont des objectifs thérapeutiques à maintenir. Le traitement des symptômes, de la douleur, des maladies adjacentes est associé à celui de la dépendance dont le but est l’arrêt total de l’usage de la substance. Les sevrages trouvent toute leur place dans une stratégie de soins pour ces personnes.

    DEFINITIONS

    La place des sevrages, leur nature, celles de la substitution comme de l’abstinence au sein de l’abord thérapeutique du patient obligent à les définir. Mais on peut noter que les points de vue se sont modifiés du fait de l’évolution des valeurs, des connaissances scientifiques, des pratiques (des toxicomanes et du système de soins), des perspectives envisagées et des pathologies comorbides. Ainsi les mots drogues, drogués, toxicomanies ont reçus des acceptions tellement diverses qu’ils sont devenus impropres pour fonder une politique de santé.

    Nous recommandons de leur substituer les termes de substances psychoactives, de comportements de consommation de substances psychoactives, comme le préconise l’OMS, en y ajoutant la dimension essentielle de la dépendance.

    Cette dépendance, élément central de la problématique du patient, est bien évidemment d’abord celle aux produits. La dépendance psychique est essentielle et se caractérise par la recherche contraignante de la satisfaction et le désir de répéter ou de prolonger la prise de drogue afin de provoquer un plaisir ou d’éviter un déplaisir, elle est aussi relationnelle.
    La dépendance physique est, elle, définie comme un état d’adaptation à la drogue qui s’accompagne d’une tolérance et s’exprime par l’apparition d’un syndrome de manque.

    En matière de sevrage il apparaît que, loin d’être une fin en soi résumant à elle seule le traitement, la cure de sevrage n’a de sens qu’en tant qu’élément d’un programme global d’un traitement devant s’inscrire très fréquemment dans le long terme. La cure de sevrage a donc une utilité non seulement directe : diminution de la consommation de produits opiacés, voire même abstinence totale, mais aussi indirecte : prise de conscience de la dépendance, désir du sujet d’intégrer le système de soin médical et médico-social, amélioration de la qualité du suivi et des aides à l’insertion familiale, professionnelle et sociale.

    En ce qui concerne le problème de l’abstinence, toutes les études montrent bien que l’évaluation du devenir du sujet dépendant aux opiacés ne saurait s’appuyer sur la seule consommation de drogues et l’abstinence : l’adaptation sociale et le fonctionnement psychologique général, les troubles psychopathologiques, les problèmes médicaux, les conduites anti-sociales sont autant de dimensions dont il faut tenir compte pour juger de l’efficacité d’un traitement.

    Quant à la substitution, tous les experts ont souligné l’importance des techniques de substitution dans l’approche des sevrages, mais il y a lieu de remarquer aussi que la substitution est un outil de régulation de l’addiction mais en rien un sevrage.

    OPPOSITION OU COMPLEMENTARITE DES SUBSTITUTIONS ET DES SEVRAGES ?

    L’opposition ou l’éventuelle complémentarité entre sevrage et substitution donne lieu à des débats passionnés qui privilégient à l’extrême soit une démarche de soin où le sevrage en vue d’une abstinence totale serait l’unique objectif, soit une démarche dans laquelle la substitution serait la seule réponse possible sans projet de réduction de la dépendance.

    Un glissement conceptuel est relevé, faisant des médicaments de substitution une méthode de sevrage. Il faut rappeler d’abord que le sevrage ultérieur de ces médicaments est long et difficile. Ainsi la mise en oeuvre d’un traitement de substitution est un acte thérapeutique au même titre que le sevrage et ne doit pas être considéré comme un accompagnement de type palliatif. Au cours de la prise en charge globale du patient, la prise en compte différenciée des situations complexes, la présence de polytoxicomanies, les comorbidités doivent poser la question soit d’un sevrage total ou partiel suivant le parcours et la motivation du patient, soit d’une substitution. La trajectoire du sujet, qui s’étend souvent sur plusieurs années, conduit à ce que l’on utilise tantôt l’une, tantôt l’autre méthode, lesquelles s’inscrivent dans le projet thérapeutique au long cours.

    Il convient d’éviter que l’orientation thérapeutique ne soit déterminée de manière rigide par des choix exclusifs ou réducteurs parfois liés aux équipements ou aux références des responsables.

    OBJECTIFS INDIVIDUELS ET DE SANTE PUBLIQUE DES SEVRAGES

    Les objectifs individuels sont fonction des besoins et attentes du patient, de sa famille, mais ils ne peuvent s’y réduire. Le soignant aura à faire part, lors des consultations, des objectifs pouvant être mis en oeuvre à court, moyen et long terme pour inscrire le soin dans la continuité.
    A court terme ils pourront être médicaux, sociaux, psychologiques prévenant les effets des rechutes ; à long terme le maintien de l’abstinence restera un but non exclusif des traitements.

    Les objectifs de santé publique sont dominés par la réduction des risques que sont les infections virales, les conséquences sociales de la dépendance aux opiacés... Il faut noter que, plus que la substitution, c’est la disponibilité des seringues qui constitue un élément déterminant de la réduction des risques liés à l’injection.

    La question est celle de la concordance entre objectifs individuels et de santé publique. Pour ce qui est de la transmission des maladies virales, la concordance est relativement bonne, même si la diminution escomptée des transmissions n’est pas aussi importante qu’elle aurait pu être attendue, du moins pour les hépatites virales B et C.

    La corrélation, entre objectifs individuels et de santé publique des sevrages, restera bonne pour l’ensemble des critères si, pour la réduction des risques, il n’est pas mis en place des programmes ne concernant qu’un élément de la pathologie dont nous avons dit qu’elle était complexe et polyfactorielle, et à condition que les soignants prennent en compte les exigences de santé publique, très rarement relevés par le patient.

    En clair, il ne peut être mis en place des sevrages sans considérer le risque élevé de rechutes et sans l’entourer d’un soin lui permettant de prendre les mesures de protection médicale et d’insertion sociale. De même, il ne peut être mis en place de programme unique de médicaments de substitution sans prise en charge individuelle et projet thérapeutique à long terme.

    Les objectifs de santé publique ne se substituent pas à une approche individualisée centrée sur le souci de la personne mais la complètent.

    Une recherche clinique concernant les thérapeutiques de substitution dans ce double projet individuel et de santé publique permettrait de situer cette approche dans un ensemble.

    DIVERSITE DES ITINERAIRES, DES LIEUX ET DES INTERVENANTS : COHERENCE OU DISCONTINUITE ?

    Si la diversité est une richesse, si la discontinuité fait partie de la prise en charge, la mise en cohérence est la condition d’un soin permettant à chacun de trouver sa place dans la globalité des actions.


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  • Question 2 - Quelle préparation et mise en place des sevrages ?

    La préparation et la mise en place des sevrages peut se décrire en trois temps différenciés : la prise de contact, le constat clinique et la négociation du contrat de soins.

    La prise de contact

    Conditions et construction de la relation thérapeutique

    Les demandes initiales de soin sont multiples et ne se limitent pas à la demande fréquente d’un sevrage en urgence : douleurs liées au manque, complications somatiques, overdose, accidents de la voie publique ... Il n’est pas non plus exceptionnel que ce soient des tiers qui pressent le patient vers une demande de soins.
    Si l’intention du soignant reste avant tout de parvenir, à terme, à ce que la personne dépendante se libère définitivement de sa conduite toxicomaniaque, il existe un consensus pour reconnaître que ce résultat ne pourra être obtenu qu’au terme d’un parcours souvent très long, émaillé de nombreuses rechutes, au cours duquel les soins consistent d’abord à aider le patient à déplacer sa dépendance sur d’autres objets.
    C’est pourquoi il importe de saisir le moment de la première rencontre non seulement pour répondre à une éventuelle demande de sevrage que pour essayer avant tout de nouer une relation thérapeutique, considérant l’urgence de cette demande de sevrage comme étant aussi le symptôme de l’évitement d’une trajectoire plus longue.
    Certains auteurs préfèrent utiliser le terme « d’alliance thérapeutique » dans ce contexte de dépendance mais peu importe en fait le choix du terme. Il convient essentiellement de savoir prendre une position de soignant, clairement démarquée d’une attitude fusionnelle avec le patient. La relation avec la personne dépendante ne présente pas de particularité en terme de confiance ou de respect mutuels. La spécificité de la demande de sevrage est liée au fait que le patient se présente dans un moment privilégié, prise de conscience furtive de sa propre impuissance à se libérer seul du produit ainsi que des rituels qui l’accompagnent. Il s’agit donc d’une opportunité à saisir et à pérenniser.
    Le patient doit avoir la possibilité d’un accès libre et facile aux soignants en direction desquels il décide d’effectuer une démarche, ce qui suppose pour ceux-ci une disponibilité suffisante mais aussi une formation adéquate.

    Les différentes portes d’entrées dans le système de soins

    Il existe un large consensus sur la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire des personnes dépendantes aux opiacés et tous les auteurs préconisent la coordination des différents acteurs dans un réseau de soins centré sur le patient. Le patient doit rester parfaitement libre de s’adresser aux interlocuteurs de son choix. En aucun cas le réseau ne doit être conçu comme une structure autoritaire imposant un parcours thérapeutique prédéterminé. Quand bien même le patient serait adressé dans le cadre d’une injonction judiciaire de soins, il doit pouvoir retrouver la même liberté que celui qui présente une demande spontanée.

    Cette organisation en réseau ne vise pas à capturer le patient dans un système institutionnel. Elle doit être comprise comme une logistique au service des relations entre les différents acteurs de soins afin de proposer à la personne dépendante une prise en charge plurielle et globale. Le but du réseau est de favoriser la cohérence de cette prise en charge quelle que soit la porte d’entrée du patient dans le système de soins, tout en garantissant la séparation claire des fonctions soignantes selon les différents intervenants. En revanche, il se peut, dans ce cas comme dans le cadre général, qu’une pathologie mentale fasse passer le problème de la dépendance au second plan et impose le recours à une hospitalisation sous contrainte.

    Le constat clinique

    Evaluation psychopathologique

    La dépendance ne comporte aucune spécificité nosographique et l’évaluation psychopathologique doit donc suivre les règles habituelles, ce qui peut demander plusieurs consultations.
    Il s’agit d’un temps indispensable puisqu’il va conditionner la mise en place ultérieure du cadre psychothérapique après avoir permis de dégager une orientation diagnostique.

    Evaluation des dépendances

    L’évaluation de la dépendance est toujours nécessaire, d’autant plus que des allégations de dépendance aux opiacés pourraient être utilisées pour obtenir une substance de recours, licite (Méthadone, Buprénorphine). Cette évaluation ne pourra cependant valablement se faire que lorsque la relation thérapeutique aura déjà été bien installée.

    Evaluation de la dépendance aux opiacés

    Sur le plan clinique, l’histoire de la relation au produit doit être explorée, notamment dans ses articulations avec l’histoire personnelle et familiale du patient, en tenant particulièrement compte aussi bien de son début (date et circonstances de la première utilisation d’un opiacé) que de l’intégralité du parcours : doses, voies d’administration, produits de remplacements, dose maximum administrée.
    Une attention toute particulière doit être accordée à l’existence d’overdoses ou d’accidents qui sont considérés par certains comme des indices de sévérité de la dépendance. Une volonté d’évaluation plus formalisée, dans un but de recherche clinique, mais aussi en vue d’une évaluation plus objective de l’évolution et de l’efficacité a été proposée au moyen de diverses échelles dont aucune ne s’impose.

    Evaluation d’autres dépendances

    La co-dépendance à d’autres substances est fréquente. Elle doit être systématiquement recherchée. Les principales substances impliquées sont le tabac, les dérivés du chanvre, l’alcool, les benzodiazépines, la cocaïne, les amphétamines ...
    De la même manière que pour le produit principal, l’histoire de la relation à ces différentes substances doit être explorée. La mise en évidence de ces co-dépendances sera déterminante dans le choix de la modalité de sevrage.
    Hormis les substances associées, cette évaluation doit également s’étendre à la recherche de dépendances de situation ou relationnelles.

    Evaluation sociale initiale

    Il existe un consensus fort pour reconnaître que le pronostic à long terme est étroitement lié à l’insertion sociale du patient. Cette dernière doit donc être soigneusement évaluée en vue d’initier au besoin des mesures de réinsertion.
    L’évaluation de la situation sociale de la personne dépendante doit au moins préciser les points suivants : couverture sociale et ouverture des droits afin de permettre un accès direct et facile aux soins, mode de subsistance, situation financière (dettes liées au trafic) formation et insertion professionnelle, logement, situation par rapport à la justice, la survenue de sanctions pénales pouvant bouleverser le déroulement des soins.
    L’exploration des liens familiaux et sociaux revêt également une grande importance. Il faut tenir compte de la présence et de la compétence des familles et de l’entourage qui encouragent et soutiennent le patient dans sa démarche de soins.

    Evaluation somatique

    L’examen clinique et biologique est fondamental, à la fois comme bilan d’entrée dans le système de soins mais surtout du fait qu’il permet d’élaborer tout un pan du projet de soins concernant la recherche de d’infections particulières, la prévention de douleurs qui risquent d’être majorées et la prise en compte de la dimension somatique. De ce fait, les points suivants réclament donc une attention particulière : les infections à VIH, VHB et VHC et celles liées à la précarité, l’état de la peau et des veines, l’état des dents, de la bouche et des voies aériennes supérieures, l’ensemble coeur-poumon, notamment à la recherche d’infections, enfin l’état nutritionnel et l’appareil digestif. Le patient doit également être prévenu des douleurs qui peuvent être aggravées par le sevrage (caries dentaires, séquelles d’accident, etc...) et qui justifient l’adjonction d’un traitement antalgique.
    La grossesse pose un problème spécifique et doit être recherchée. Il existe un contraste entre une demande explicite fréquente de sevrage et le fait qu’il ne s’agit pas du moment le plus opportun pour le réaliser.

    Evaluation de l’opportunité

    Afin d’apprécier l’opportunité du sevrage, le praticien devrait chercher à répondre aux quatre questions suivantes.
    Au nom de qui ?
    La personne dépendante présente-t-elle sa demande en nom propre ou bien sous la pression de son entourage, voire sous l’effet d’une injonction judiciaire ? Seule une demande négociée avec le patient en nom propre devrait conduire à une proposition de sevrage.
    Dans quel but ?
    Le but recherché par le patient au-delà de sa demande de sevrage doit être précisé afin d’en définir la modalité. Il peut s’agir d’un sevrage partiel aux benzodiazépines en vue d’instaurer un traitement de substitution de qualité, d’un sevrage aux opiacés dans le but de réguler sa consommation sans aspirer à une abstinence durable ou d’un sevrage aux opiacés vécu comme le moyen d’une séparation définitive avec le produit.
    A quel produit ?
    La réponse à cette question dérive directement de la précédente car il existe de plus en plus de demandes de sevrage partiel ou de demandes de sevrage de produits de substitutions.
    Dans la perspective d’un traitement de substitution, le jury recommande d’être extrêmement attentif aux dangers de l’association entre les benzodiazépines, l’alcool et les produits de substitution, en particulier la Buprénorphine. Hormis cette situation particulière, la question de savoir si, dans le cas de co-dépendances, il vaut mieux réaliser un sevrage simultané de tous les produits ou un sevrage sélectif de l’opiacé ou des autres produits ne fait pas consensus.
    Quand ?
    Il n’y a pas de consensus apparent quant à un éventuel indicateur du moment le plus favorable à la mise en oeuvre du sevrage, ce qui pourrait traduire l’hétérogénéité des situations et des facteurs, en partie liée à l’introduction des traitements de substitution.
    La personne dépendante aux opiacés ne parviendra à se séparer définitivement du produit qu’au terme d’un long cheminement qui suppose préalablement la capacité de déplacement de sa dépendance sur d’autres objets : traitement de substitution, relation ou institution.
    Il convient de souligner que le risque de rechute ne constitue pas en lui-même une contre-indication au sevrage.
    La majorité des auteurs s’accordent au contraire à dire que la rechute constitue en elle-même un moment particulièrement important dans la trajectoire de soins.
    Cependant, il ne faut pas oublier que de très nombreux décès par overdose surviennent lors de rechute après sevrage, de sorte que celui-ci ne peut jamais être présenté comme anodin et isolé. Il doit être soigneusement tenu compte de la stabilité du patient sur les plans psychopathologique, social et judiciaire avant d’envisager ce sevrage.

    Le projet de soins

    Le projet de soins s’élabore au coeur d’une double exigence, souvent paradoxale, inhérente à la situation : d’une part une demande immédiate de soulagement à laquelle on se doit de répondre, et d’autre part une mise en place des conditions préalables à une prise en charge au long cours.
    Négliger l’une ou l’autre alternative c’est faillir à sa mission de thérapeute. Il s’agit donc d’intégrer le sevrage dans un projet de soins plus large dont l’élaboration doit être explicite en tenant compte de l’urgence de la demande et du caractère prolongé de la démarche.

    >La négociation du projet

    Quel que soit le mode de sevrage envisagé, le praticien ne peut le concevoir que comme un jalon dans un processus visant à terme la rupture d’avec la dépendance. Cependant, la nature de la demande du patient impose la négociation de ce projet de soin au cas par cas.
    La négociation précise les conditions dans lesquelles va se dérouler le sevrage et aboutit à un engagement réciproque de la personne dépendante et du ou des thérapeute(s) dans un esprit de respect mutuel de ce projet. Il s’agit bien d’un véritable contrat, issu d’une négociation aboutissant à la rencontre des consentements.
    En aucun cas il ne pourrait s’agir d’un contrat d’adhésion dans lequel les obligations des uns et des autres seraient préalablement fixées unilatéralement par le thérapeute sans aucune explication ni possibilité d’adaptation personnalisée, et dans lequel le seul choix laissé au patient serait de contracter ou non. Dans le cadre du travail en milieu hospitalier, il est nécessaire que l’ensemble des intervenants connaissent tous les termes de ce contrat mais il n’est pas indispensable pour autant que le contrat soit écrit.
    Les modalités pratiques du contrat sont variables en fonction du cadre du sevrage. Il peut lui être mis fin si le patient n’est pas en mesure d’en respecter les termes ; cette possibilité modifie les conditions de la prise en charge sans pour autant la suspendre. Prétendre faire l’économie de la rupture serait faire l’économie du sevrage et donc accepter la dépendance au produit et à la relation.

    La place de la psychothérapie

    L’un des points à négocier dans le projet de soin est constitué par l’éventualité d’une psychothérapie. Tous les auteurs en rappellent l’importance sans que cela soit documenté avec précision dans la littérature.
    Il existe un consensus large pour reconnaître que le succès du projet de soins est lié à l’instauration d’une relation psycho-affective forte et stable. On ne peut qu’en conclure la prééminence de la prise en charge psychique pour la réussite du projet. Techniquement les meilleures chances d’y parvenir supposent la mise en place préalable d’un cadre psychothérapique. Cela impose donc la séparation du rôle de consultant et de psychothérapeute, notamment s’ils sont organisés en réseau.
    La confusion des rôles au sein d’un collectif soignant évoque la dépendance, la séparation des fonctions évoque la séparation autonomisante du sevrage.

    Le cadre : ambulatoire ou institutionnel

    Le sevrage peut être réalisé soit de manière ambulatoire soit dans le cadre d’une institution. Le milieu dans lequel doit se dérouler le sevrage ne fait pas consensus quant à l’incidence sur l’efficacité

    . Sevrage ambulatoire

    Bien que l’on ne dispose d’aucune statistiques sur le sevrage ambulatoire, ce dernier mérite une attention particulière dans la mesure où il pourrait présenter une solution intéressante.
    Certains éléments le rendent cependant plus délicat :

    antécédents de prise massive de benzodiazépines ou d’autres psychotropes, antécédents d’alcoolisation chronique ou compulsive, complications psychiatriques ou troubles graves de la personnalité, maladie intercurrente telle que sida évolutif, hépatite virale ou toxique, un rythme de travail très éprouvant, l’absence de soutien de proximité et, a fortiori, la désinsertion sociale.

    Le sevrage en institution

    La grande majorité des sevrages a lieu en institution.
    Parmi ceux-ci, un grand nombre d’entre eux a lieu en milieu carcéral, de manière forcée et avec un accompagnement médical insuffisant. Il n’existe pas d’étude précise sur les conséquences de cet acte peu médicalisé.
    Hors cette situation particulière, le sevrage en institution pourra être réalisé soit en milieu hospitalier, en service de médecine ou en service de psychiatrie, soit en institution spécialisée.

    Il n’existe pas de consensus sur les critères de choix d’un type de service plutôt que l’autre.


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  • Question 3 - Quelles sont les modalités et les conditions pratiques du sevrage ?

    Le sevrage a comme conséquence immédiate un syndrome de manque qui révèle les mécanismes pharmacologiques adaptatifs de l'exposition répétée à une substance psychoactive. Une fois le sevrage décidé, l'objectif thérapeutique immédiat est de prévenir et d'atténuer autant que faire se peut les souffrances physiques et psychiques par la combinaison de traitements qui peuvent être pharmacologiques, relationnels ou environnementaux. A plus long terme, les objectifs thérapeutiques sont la diminution puis l'arrêt de la consommation du produit objet de la dépendance.

    La réalisation pratique du sevrage ne représente qu’une partie limitée de la prise en charge d’un patient dépendant. Elle s’inscrit dans un projet plus large qui comprend une phase de préparation et d’évaluation préalable et prévoit d’emblée les modalités de poursuite de la prise en charge au décours.

    La phase de préparation a permis de s’assurer du caractère adapté de l’indication de sevrage et de l’absence de contre indication ; cette évaluation a permis aussi de discuter et de choisir, avec le patient, le cadre du sevrage.

    Le volontariat est un des éléments majeurs de la démarche de sevrage. La fréquence des rechutes et des décès après un sevrage forcé montre que la contrainte et les pressions sont non seulement incompatibles avec l'établissement d'un contrat de soin, mais aussi inefficaces au plan thérapeutique voire nuisibles.

    Le syndrôme de manque

    Au cours du sevrage, le syndrome de manque se présente de manière différente en fonction du produit concerné.

    Le syndrome de manque aux opiacés associe diversement les symptômes suivants : agitation, lombalgies, hyperalgésie, larmoiement, rhinorrhée, augmentation de la transpiration, accélération du transit intestinal, avec diarrhée et parfois vomissements. L’examen peut mettre en évidence une tachycardie, une hypotension et une mydriase bilatérale de valeur sémiologique importante. Aux signes physiques, s’ajoutent des symptômes psychiques : anxiété, irritabilité, recherche compulsive de produits, troubles du sommeil, dépression. Le délai d’apparition est variable et fonction de la demi-vie d’élimination de la substance consommée :

    - pour l’héroïne dont l'élimination est rapide, les symptômes apparaissent en général après 6 à 12 heures, s’accentuent progressivement jusqu’au troisième jour, et régressent habituellement en moins de 8 jours.

    - pour les produits de substitution dont l'élimination est longue (méthadone ou la buprénorphine), les symptômes sont souvent décalés dans le temps et persistent de manière plus prolongée. Il s’agit alors notamment de manifestations psychiques (anxiété, insomnie, aboulie, asthénie) qui pourraient contribuer à une reprise ultérieure de la consommation de drogue.

    Le syndrome de manque des stimulants (cocaïne, amphétamines) se manifeste essentiellement par la dysphorie, l'asthénie, l'anhédonie, la dysomnie, et peut même constituer un véritable syndrome dépressif. Souvent, ces manifestations passent inaperçues : le sujet est fatigué pendant quelques jours et “récupère“ par le simple repos. Rarement, il s’agit d’un état dépressif grave avec idées suicidaires nécessitant l’hospitalisation. Les symptômes apparaissent quelques jours après l’arrêt des stimulants et peuvent persister pendant une à dix semaines.

    La dépendance aux benzodiazépines apparaît le plus souvent après des traitements poursuivis plus de trois mois. Le syndrome de manque survient après un délai de 1 à 10 jours, et son intensité serait inversement proportionnelle à la demi-vie de la benzodiazépine concernée. Le tableau réalisé associe diversement anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, douleurs diffuses, troubles sensoriels, troubles digestifs, hypotension orthostatique, et, dans les formes les plus graves, délire psychotique, hallucinations et crises comitiales.

    Les méthodes de sevrage

    Les différentes méthodes de sevrage sont intégrées dans des projets de soins variés en fonction des patients.

    Approche environnementale

    Le cadre offert par l'institution et l'équipe soignante, à travers son élaboration, constitue l'aspect environnemental des soins.

    Le sevrage ambulatoire

    Lorsque les conditions de vie et l’environnement du patient le permettent, le sevrage peut être réalisé en consultations ambulatoires. Ces conditions impliquent un suivi rapproché, en prévoyant, pour un sevrage court de voir le patient en consultation tous les deux ou trois jours, voire initialement tous les jours, pour adapter le traitement au cas par cas. La remise directe des médicaments en quantités limitées permet d’ajuster la posologie et de réduire les risques liés aux conditionnements excessifs.

    Le sevrage en milieu hospitalier

    Des sevrages sont réalisés en service de médecine non spécialisé, en service psychiatrique ou en institution spécialisée. En dehors de certaines pathologies psychiatriques qui justifient en elles-mêmes une hospitalisation en psychiatrie, le choix du lieu paraît actuellement davantage lié à l'offre de soins qu'a une réelle réflexion clinique ou théorique.

    Dans ce contexte, le contrat systématiquement établi entre le patient et l’équipe de soins (cf. deuxième question) a des aspects particuliers. Variable suivant les institutions, il insiste sur le nécessaire respect par le patient de leurs règles de vie. Le contrat comprend habituellement une période de durée variable pendant laquelle le patient accepte une limitation plus ou moins complète des sorties, des visites, et des appels téléphoniques personnels. L’efficacité de cette contrainte librement acceptée sur la réussite du sevrage ne semble pas avoir été étudiée.

    Il n’existe pas de consensus sur l'attitude à avoir vis à vis de la dépendance du tabac pourtant très fréquemment associée. Lorsque ce sevrage ne paraît pas possible, le confinement du patient dans sa chambre pendant les premiers jours peut conduire à une situation contradictoire du fait de l’interdiction de fumer en vigueur à l’hôpital.

    Le soutien relationnel est un élément essentiel du sevrage hospitalier. Plus que sur le thérapeute référent, il repose sur l’ensemble de l’équipe de soin et sur la cohésion de celle-ci. Cet accompagnement demande disponibilité et compétence, ce qui suppose un personnel en nombre suffisant, et préparé à cette tâche par une formation, qui idéalement devrait être réalisée en équipe multiprofessionnelle.

    La durée de l’hospitalisation pour sevrage varie selon les patients et selon le produit. Dans une période ou les polytoxicomanies sont de plus en plus souvent rencontrées et justifient une prolongation du séjour, la durée de celui-ci ne peut plus être arbitrairement limité à 8 jours.

    Approche chimiothérapique

    Destiné à réduire la symptomatologie du manque, le traitement chimiothérapique varie en fonction du produit responsable de la dépendance et doit être adapté à chaque patient.

    Héroïne

    Le sevrage de l'héroïne sans utilisation simultanée d’un agoniste opiacé est la modalité habituelle en France. Pour le sevrage des opiacés, plusieurs types de traitements peuvent être proposés :

    - Les traitements spécifiques tentent de s’opposer à l’hyperfonctionnement adrénergique, considéré comme responsable des symptômes. Le produit le plus utilisé est la clonidine (Catapressan°), antihypertenseur adrénergique. La clonidine a un effet sur l’agitation, l’instabilité, la lacrymation, la rhinorrhée et la transpiration. Elle a peu ou pas d’effet sur l’insomnie et les myalgies. L’administration est uniquement orale, en prises espacées de deux à trois heures et en augmentant progressivement la dose. La surveillance de la tension artérielle doit être systématique et le traitement interrompu transitoirement lorsque la tension systolique est inférieure à 100 mm Hg. Cette thérapeutique est utilisée particulièrement au début de la prise en charge hospitalière lorsque les patients sont alités. La guanfacine (Estulic°), dérivé d’action prolongée de la clonidine serait de maniement plus aisé, permettant une administration répartie en trois prises journalières et imposant moins souvent l’alitement. les 2 cas, la posologie est réduite progressivement à partir du 4-5ème jour jusqu’à l’arrêt au bout d'environ 8 jours.

    - Les traitements symptomatiques sont destinés à atténuer et si possible faire disparaître les manifestations du manque : antalgiques, spasmolytiques, antinauséeux, antidiarrhéiques, sédatifs et hypnotiques. Les produits sédatifs sont le plus souvent indispensables, surtout dans les premiers jours. Les benzodiazépines sont utilisées dans certains protocoles pour leur effet anxiolytique. Ces substances s’accompagnant d’un risque propre d’induction d’une pharmacodépendance, il paraît souhaitable de limiter leur utilisation et d’éviter leur emploi chaque fois que cela est possible. Il existe un consensus fort contre-indiquant certains produits fréquemment recherchés pour leurs effet toxicomanogène : flunitrazépam (Rohypnol°) qui à très forte dose peut induire une agressivité difficile à conrôler, chlorazépate disodique haut dosage (Tranxène° 50 mg). L’alternative peut être l’utilisation d’un neuroleptique sédatif tel que l’alimémazine (Théralène°) ou la cyamémazine (Tercian°).

    D’autres méthodes de sevrage ont été proposées pour le sevrage en opiacés :

    - Sevrage dégressif avec diminution régulière de la consommation sur une durée de quelques jours, semaines ou mois, utilisé notamment lors des sevrages ambulatoires, ainsi que pour les sevrages des produits de substitution (méthadone, buprénorphine)

    - En l'absence d'études démontrant clairement un bénéfice, le jury exprime ses réserves concernant le recours aux antagonistes opiacés (naloxone, antagoniste d’action rapide et brève, naltrexone, antagoniste d’action prolongée), proposés pour raccourcir la durée du sevrage ou dans le “sevrage minute“ réalisé sous anesthésie générale.

    Sevrage des toxicomanies associées

    La fréquence des polytoxicomanies s'est notablement accentuée ces dernières années. Elles font appel, outre la consommation des opiacés, à l'association d'alcool, de benzodiazépines, d'antalgiques, de cannabis et maintenant de plus en plus fréquemment aux amphétamines et à la cocaïne. Plusieurs études en France et à l'étranger relèvent qu'entre la moitié et les 3/4 des personnes dépendantes aux opiacés font usage d'autres produits, notamment l'alcool et les benzodiazépines.

    Les données scientifiques et thérapeutiques sont bien établies pour le dosage à une seule substance (opiacé, benzodiazépine, alcool). Les études concernant leur association ou celle des substances utilisées dans les polytoxicomanies sont moins nombreuses et relèvent de la pratique et de l'expérience propre à chaque équipe soignante.

    Sevrage des benzodiazépines

    Les modalités de sevrage aux benzodiazépines sont nombreuses et doivent être spécifiques à la molécule consommée. Une douzaine de molécules peuvent être utilisées. La modalité du sevrage doit donc être envisagée pour chacune en fonction de sa demi-vie, sans pour autant que celle-ci coïncide obligatoirement à la durée de l'effet. Les demi-vies varient dans une proportion de 1 à 50. Une élimination totale du produit peut aller jusqu'à plus d'une dizaine de jours.

    Tous les protocoles excluent le sevrage brutal sans substitution en raison de la nécessité éthique et clinique de prévenir ou d'atténuer les signes de sevrage qui souvent importants, peuvent mettre en jeu le pronostic vital.

    Protocoles proposés :

    Ils font appel au sevrage progressif ou à la substitution.

    Dans le cas de la dépendance à une seule benzodiazépine, il est procédé à la réduction par paliers de la dose quotidienne en utilisant la benzodiazépine à l'origine de la dépendance. L'apparition de signes de sevrage important peut prolonger les paliers.

    Dans le cas de la dépendance à une ou plusieurs benzodiazépines, il est parfois procédé à un arrêt brutal, mais une substitution par le phénobarbital doit alors être associée. Des tables de correspondance peuvent être utilisées.

    Sevrage de l'alcool

    Ces modalités ne sont pas spécifiques au consommateur d'opiacés. Elles sont nombreuses et font appel à un traitement médicamenteux, le plus souvent en ayant recours à une benzodiazépine de demi-vie longue. Sevrage des polydépendances aux opiacés, benzodiazépines et alcool

    Ces sevrages n'ont jusqu'à présent pas fait l'objet d'études élaborées permettant de faire des recommandations. Sevrage de la cocaïne et des amphétamines

    Aucun traitement pharmacologique n'a fait la preuve de son efficacité dans cette indication.

    Sevrage et dépression

    Plusieurs auteurs s'accordent sur la sous-évaluation de la dépression par les professionnels, ainsi que sur l'inadéquation de son traitement. Le sevrage peut favoriser l'émergence d'une symptomatologie dépressive et cette dimension mérite d'être recherchée.

    Approche relationnelle

    L'ensemble des praticiens réalisant des sevrages met l'accent sur la nécessité d'une prise en charge relationnelle. La référence à une technique particulière de psychothérapie et l'évaluation de son intérêt ne sont pourtant pas documentés. Les experts s'accordent cependant sur deux points :

    - la nécessité d'une empathie de la part du thérapeute, qui doit par ailleurs être formé à supporter certains aspects rejetants ou séducteurs du patient, ainsi que les inévitables tentatives d'instrumentalisation

    - l'intérêt d'une prise en charge familiale même si l'objectif immédiat n'en est pas le sevrage mais le réaménagement des relations familiales.

    Situations particulières

    La grossesse

    Une demande de sevrage est très souvent exprimée par les femmes enceintes dépendantes à des substances psychoactives. Il s'agit de grossesses à risque.

    L'analyse de la littérature montre que le sevrage est contre-indiqué pour la plupart des auteurs, principalement aux premier trimestre de la grossesse, et ce du fait de cas de mort in utero survenues lors de sevrages brutaux et d'indices chez l'animal permettant de suspecter une souffrance foetale. D'autre part, les rechutes sont particulièrement fréquentes après un sevrage débuté au cours de la grossesse ou dans les mois qui suivent l'accouchement. Un seul auteur évoque son expérience de sevrages ayant pu être conduits sans danger pour le foetus ou la mère.

    Bien que cette question soit controversée en France, le jury recommande de privilégier l'offre d'une thérapeutique de substitution par méthadone en raison de l'absence d'effets tératogènes.

    L'incarcération

    L'incarcération concerne chaque année 60 000 usagers de drogue en France, pour une durée moyenne de séjour de plusieurs mois. Elle est encore souvent l'occasion d'un sevrage réalisé en dehors de toute volonté de la personne, sans accompagnement médical suffisant. Ce sevrage brutal, extrêmement douloureux, incitant parfois à la consommation de substances psychoactives au sein de la prison est non seulement inefficace mais dangereux. La reprise de conduites toxicomaniaques au sortir de la prison est quasi constante et augmenterait le risque de décès par overdose.

    Le jury recommande qu'une attention particulière soit apportée aux personnes dépendantes de substances psychoactives incarcérées. L'offre d'un sevrage médicalisé ou de toute autre modalité de soins doit pouvoir faire l'objet d'un choix et être intégrée dans un suivi médical effectif qui permette une réévaluation régulière de l'attitude adoptée.

    Les mineurs

    Le cas des mineurs dépendants de substances psychoactives pose plus particulièrement le problème du consentement aux soins proposés, qu'il s'agisse du sevrage ou d'autres modalités thérapeutiques. L'absence d'évaluation ou d'expérience dans ce domaine justifie qu'une attention particulière lui soit porté.


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  • Question 4 - Quels soins après sevrage et suivi ?

    INTRODUCTION

    Les soins après sevrage et le suivi se définissent sur le long terme. Il s'agit de prendre en charge le sujet dans sa globalité, tant au niveau psychologique que médical et social. Choisir une stratégie thérapeutique est une opération délicate qui nécessite toujours, au préalable, une évaluation clinique soigneuse. Le projet de soins implique une équipe pluridisciplinaire s'inscrivant dans une alliance thérapeutique avec le patient. Le but est de permettre à celui-ci de trouver ou de retrouver une autonomie et une liberté psychique.

    Les rechutes font partie de l'histoire du soin. Elles sont multiples et de gravité variable. Elles peuvent faciliter l'inscription du sujet dans une prise en charge globale et durable, dans la mesure où elles l'aident à prendre conscience de sa dépendance.

    I - FRÉQUENCE DES RECHUTES

    Le terme rechute sera considéré dans son acception utilisée en médecine, de "récidive pour désigner la nouvelle apparition d'un affection se manifestant chez un sujet guéri depuis plus ou moins longtemps" (Dictionnaire Larousse) . Rapportée à la toxicomanie, la rechute implique une reprise plus ou moins importante de la consommation de toxiques de quelque nature qu'elle soit. L'accompagnement suivant le sevrage apparaît d'autant plus efficace qu'il a été préalablement préparé. Un projet de suivi soutenu durant le sevrage se doit d'envisager la possibilité de rechutes, plaçant ainsi le patient dans une trajectoire cohérente.

    Il apparaît que la majorité des rechutes a lieu dans un délai inférieur à six mois mais qu'au delà pour certains auteurs, les résultats sont relativement stables. Il est habituellement établi que le risque de rechutes est maximum dans les douze premiers mois qui suivent le début d'une rémission. Parmi ceux qui restent abstinents pendant deux ans au moins, près de 90 % resteront abstinents au delà de dix ans et ceux qui sont abstinents pendant dix au moins ont une forte probabilité de le rester au bout de vingt ans.

    Les risques de rechute se déclinent selon plusieurs modalités : la morbidité et la mortalité apparaissent particulièrement élevées. En l'absence de cohorte vraie réalisée en France, une modélisation du devenir d'une cohorte fictive d'héroïnomanes en Île de France, a été effectuée par simulation informatique à partir de données issues d'enquêtes diverses. Dans le scénario le plus optimiste, les résultats indiquent, après une période de dix ans, que :

    - 10 % des sujets seraient décédés,
    - 16 % seraient infectés de VIH,
    - 50 % seraient abstinents et non infectés par le VIH.

    Ce taux de rechutes considérable dans la littérature ne doit, en aucun cas, conduire à l'abdication du thérapeute. En effet, la rechute fait partie d'un processus de sevrage. Elle est souvent une réponse que trouve le sujet pour faire face à ses difficultés. Les thérapeutes doivent tenter d'utiliser les rechutes qu'un travail de prévention n'a pu éviter, comme moments de maturation du sujet.

    Ainsi, les soignants travailleront en fonction de ces étapes prévisibles :

    - d'abord concrètement en apprenant aux patients à éviter les surdoses accidentelles, liées à la diminution de la tolérance après un sevrage, et à éviter, dans l'avenir, les contaminations par l'usage de matériels souillés ;
    - ensuite, en diminuant la culpabilité et la dramatisation de ces rechutes et de ces dérapages ;
    - enfin, e n aidant le sujet à garder les contacts avec son soignant référent.

    L'entourage familial se sent blessé par ces rechutes vécues comme des échecs. C'est alors, aux thérapeutes d'écouter sa souffrance, de le soutenir et de l'informer de leur forte prévalence dans l'histoire du soin de la personne dépendante. C'est aussi le moment d'expliquer à la famille que le but du traitement n'est pas l'abstinence immédiate en soi, mais une plus grande souplesse du fonctionnement du sujet, un accroissement de sa possibilité de faire des choix.

    II - COMORBIDITE SOMATIQUE ET PSYCHIATRIQUE

    Un patient bénéficie et doit bénéficier, dès que possible, au cours de son itinéraire, d'un examen somatique et d'une évaluation psychopathologique : ceux-ci seront complétés après le sevrage et les thérapeutiques nécessaires, tant sur le plan somatique que psychiatrique, mises en oeuvre.

    A - Affections somatiques

    Le premier axe est l'abord somatique du sujet. Il ancre celui-ci dans une réalité par la prise de conscience de son corps meurtri.

    Le suivi somatique de la population concernée facilite la mise en place des actions de prévention concernant, en particulier, les problèmes liés aux séroconversions et à l'alcoolisme. Il permet de soigner les pathologies directement liées à l'absence d'hygiène de vie de la période de dépendance.
    En post-sevrage, le patient redécouvre la douleur des affections somatiques anesthésiées par les opiacés (douleurs dentaires, ulcéreuses, séquelles de traumatismes...). Ces douleurs doivent être repérées et traitées le plus rapidement possible car elles sont inductrices de rechutes. Redonner au sujet une apparence corporelle "avenante" favorise la restauration de l'image de soi et la réinsertion dans le social.

    B - Troubles psychiatriques

    Les études anglo-saxonnes ont répertorié 70 % de troubles psychiatriques chez les patients dépendants des substances psycho-actives. D'autres études d’origine américaine évaluent, sur la vie entière, les troubles psychiatriques associés à la dépendance aux opiacés à 84 %, à la dépendance à la cocaïne à 70 % alors que dans la population générale, ils sont évalués à 24 %.

    A la suite d'études d'épidémiologie descriptive dans les années 1990 aux Etats-Unis, on a pu montrer que les patients dépendants aux opiacés présentent :

    - un risque de troubles affectifs 5 fois supérieur aux autres patients
    - un risque pour les troubles anxieux trois fois supérieur
    - un risque de personnalités pathologiques au moins 24 fois supérieur
    - un risque pour l'alcoolisme 13 fois supérieur.

    a - Les troubles de la personnalité :

    Deux tiers des sujets présentent des troubles de la personnalité. On repère principalement :

    - les personnalités antisociales avec, au plan clinique, des symptômes dépressifs ou anxieux fréquents, une intolérance à la frustration, une propension aux actes plutôt qu'à la réflexion, une instantanéité du désir de réalisation de la satisfaction. Il est à noter que le sentiment de culpabilité, la conscience de la faute, le mépris de soi, du danger des actes présentent un caractère de risque pour le sujet, facilitant la rechute ou un état dépressif. Il est conseillé, dans ce cas, d'énoncer et de respecter les dispositions contractuelles de la prise en charge, de sanctionner les manquements et les transgressions, sans rejeter les patients.
    - les personnalités border-line, avec une impulsivité et des symptômes dépressifs pouvant conduire à des passages à l'acte (tentatives de suicide en particulier). Le risque est le déplacement à d'autre toxiques plus desinhibiteurs que les produits précédemment utilisés.
    - les personnalités narcissiques, avec leurs tendances à instrumentaliser les thérapeutes, la sollicitude permanente qu'il croient leur être due, mais aussi leurs exigences à n'être traités que par des interlocuteurs exceptionnels. La perte d'une image brillante et "socialement lumineuse" leur est intolérable.

    b- Les troubles de l'humeur :

    Les troubles de l'humeur sont les plus fréquemment associés à la pharmacodépendance. On retrouve toutes les catégories de dépressions des classifications internationales ainsi que la manie (trouble bipolaire). Il n'y a pas de consensus sur les rapports de cause à effet entre le rôle des toxiques et les troubles de l'humeur. Cependant, la dépression paraît largement sous estimée par les professionnels, donc insuffisamment traitée.

    c- Les troubles anxieux :

    Les symptômes d'anxiété rendent les sujets vulnérables. Il faut apprendre à bien distinguer ce qui relève de l'anxiété au sens clinique et ce qui relève de la symptomatologie résiduelle du sevrage, qu'elle soit physique ou psychique. Les catégories les plus fréquemment concernées sont les phobies sociales ou les troubles paniques qui précédent, accompagnent ou suivent le sevrage.

    d- Les états psychotiques et la schizophrénie :

    Là aussi, il convient de préciser si les symptômes psychotiques précèdent, compliquent, ou accompagnent la toxicomanie. Dans bien des cas, les opiacés servent à réduire l'intensité de ces symptômes et à améliorer les affects dépressifs. Le produit peut représenter une tentative pour contrôler des hallucinations ou des symptômes délirants. Il agit en les augmentant, en les réduisant, ou en mettant à distance les états émotionnels.

    Les professionnels de santé doivent rechercher, tout au long du suivi, les indices de souffrance psychique, d'affections mentales, de troubles de la personnalité et les considérer comme autant d'éléments jouant un rôle pronostique dans la destinée des patients dépendants des opiacés.

    III - MODALITÉS DE SOINS ET DE SUIVI

    Quelle que soit la forme du sevrage, total ou partiel, un accompagnement doit toujours être proposé. Quatre points sont à considérer :

    1 - le suivi médical tient compte des pathologies contractées pendant la période de dépendance telles les hépatites B ou C et le VIH. Celles-ci nécessiteront un suivi et (ou) des thérapeutiques adéquates. Les analyses urinaires, comme critère d'accompagnement, permettent de suivre et aident au sevrage ou la substitution. De façon non contraignante le patient peut déterminer les objectifs dans le temps pour élaborer une stratégie personnelle afin de rendre les examens négatifs. Le fait de montrer au patient l'évolution des résultats des dosages urinaires et indirectement l'évolution de ses consommations, peut constituer un point de repère utile dans le temps pour atteindre des objectifs de réduction ou d'abstinence de consommation de drogues .

    2 - l'accompagnement social vise à restaurer l'inscription sociale du patient. Préalablement évalué lors de la demande de sevrage, il va se concrétiser dans sa réalisation, au cours de cette période de suivi. Cet accompagnement social permet d'aider le sujet dans ses éventuelles démarches administratives qu'elles soient liées à l'identité, à l'accès au soin, à l'accès au logement et à l'insertion professionnelle. Cette insertion ne se pose pas de façon identique pour tous les patients. Elle recouvre plusieurs réalités :

    - pour des personnes en grandes difficultés sociales, préalables ou consécutives à leur dépendance, l'insertion professionnelle passe souvent par une formation (alphabétisation, qualification) ou par une inscription à la COTOREP en cas d'incapacité majeure à s'inscrire dans le milieu professionnel,

    - pour les personnes qui possèdent déjà une qualification professionnelle, des démarches auprès des employeurs et une inscription à l'ANPE sont à réaliser.

    Il peut être intéressant, pour tous les sujets, de les informer et de les aider à accéder aux prestations de droit commun et pour les plus de 25 ans, de faire une demande de RMI.
    Une exonération du ticket modérateur de type Affection Longue Durée tiendrait compte de la durée inévitable des traitements.

    3 - le suivi éducatif cherche par la relation, le dialogue et l'accompagnement actif, à résoudre les problèmes rencontrés dans la vie quotidienne. Cela passe par des apprentissages sociaux, en particulier concernant le rapport à l'argent.

    4 - le soutien psychologique est nécessaire tout au long de la prise en charge. La présence d’un psychiatre consultant est également recommandé. La famille devrait pouvoir s'impliquer dans le processus de soins et de suivi. L'existence d'un support social étayant est l'un des facteurs favorisant l'efficacité des soins.

    La qualité de l'environnement est primordiale à la sortie du sevrage. On ne peut raisonnablement pas attendre ce moment pour s'en préoccuper. Dans les temps qui suivent le sevrage physique et dans le cadre du projet, des soins spécifiques peuvent être mis en place sous la forme d'un séjour de transition dans des milieux intermédiaires : tous devraient pouvoir être utilisés.

    Le jury se pose la question de savoir s'il est opportun de privilégier des structures créées pour les ex-usagers de drogues.
    Leur aptitude à la dépendance peut induire des organisations aliénantes fonctionnant sur le mode des sectes dont ils peuvent être les victimes.

    Le choix qui est fait de ces institutions est souvent lié aux modalités de financement.

    Ces différents types de structures répondent à des besoins spécifiques qui ne s'appliquent pas forcément à tous les usagers et ne constituent pas une étape indispensable par laquelle doit passer le sujet. A l'heure actuelle, il n'existe pas de consensus quant à leurs indications respectives ni d'évaluation de leur efficacité. En définitive la multiplicité des situations rencontrées, les aléas de la vie amènent des réajustements de ces modalités de soins et de suivi, obligeant à des adaptations et des évolutions de la prise en charge. L'arrêt du suivi se fait selon plusieurs modalités : le plus souvent du fait du patient lui-même sans que cela signifie pour autant l'arrêt du traitement, parfois du fait du thérapeute ou d’un accord conjoint.

    EN CONCLUSION :

    Dans le domaine des dépendances aux substances psycho-actives, contrairement à d'autres domaines de la santé et des comportements, les travaux de recherche ne se sont pas d'emblée fondés sur la démarche épidémiologique et le raisonnement statistique à partir de groupes de population. Il n'existe que peu de travaux scientifiques sur lesquels s'appuyer quant aux modalités de soins et de suivi après sevrage. Seules sont disponibles les expériences décrites par les professionnels. Des évaluations méthodologiques bien conduites restent à faire. Ces difficultés n'empêchent pas l'existence de lignes de force dans les soins et le suivi après le sevrage de la personne dépendante.


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    Voeux du Jury

    Au delà même de l’intégration des modalités de sevrages à un projet de soins en faveur des personnes dépendantes des opiacés, projet dont on a pu percevoir l’ampleur, la complexité et les difficultés, le jury tient à insister sur deux points.

    1 - La formation des personnels concernés, l’information des professionnels et personnes de l’entourage impliqué ; et la sensibilisation du public à ces questions.

    a) La formation des personnels doit « s’appuyer » essentiellement sur la formation permanente (FMC pour les médecins). Il ne s’agit en aucune façon de créer des spécialistes supplémentaires, mais de faciliter et de valider une option que certains ont prise.

    Dans ce contexte, cette formation continue devrait pouvoir utiliser au maximum les capacités pédagogiques du petit groupe, que la mise en place de réseaux ne peut que favoriser.

    Cette formation devrait obligatoirement incorporer :

    - une sensibilisation à la compréhension des mouvements inconscients qui peuvent pousser à des décisions thérapeutiques passionnelles (par la méthode Balint par exemple) ;
    - une initiation à l recherche compte-tenu de l’importance du point suivant ; - des contacts avec les modes de faire si diversifiés d’autres groupes, d’autres équipe etc.

    b) l’information des personnes impliquées. Compte tenu de l’importance des relations établies ou à renouer avec l’entourage (famille, amis, voisins, collègues, milieu associatif) et du rôle que peuvent jouer des décisions prises par des acteur sociaux intervenants par ailleurs, une information aussi large que possible est nécessaire à partir des patients eux-mêmes (parler de sa maladie) et des professionnels de terrain. Si la conférence de consensus participe à cette information, elle ne saurait y suffire.

    c) une sensibilisation du public au fait que les comportements des personnes dépendantes relèvent moins d’une attitude morale ou moralisante que d’un traitement de longue durée, incluant des rechutes et récidives possibles.
    - Au fait aussi que l’intégration sociale de ces patients est un élément majeur de pronostic, élément auquel tout le monde participe;
    - Un relais médiatique, démythifiant, informatif et étayé serait souhaitable.

    2 - Tout au long de son travail, le jury a buté sur la faiblesse de la recherche dans ce domaine, faiblesse qui ouvre la voie aux prises de positions idéologiques non étayées. Il est apparu indispensable :

    a) de lancer très vite un programme français ou européen de recherche et de suivi de cohortes importantes de patients, sur de nombreuses années.

    Ce programme indispensable, et important reposera sur l’échange d’informations entre soignants et chercheurs.

    Ces recherches, compte tenu de la diversité et de la variabilité des trajectoires, impliqueront tout autant les praticiens de ville (sevrage et post sevrage ambulatoire) qu’institutionnels tout autant les médecins que les autres acteurs de santé.

    d) mais aussi, il importe de multiplier les recherches limitées à partir des réflexions d’un groupe, d’une équipe ou d’un réseau.

    L’importance accordée à ces recherches cliniques est le garant d’une saine politique de santé en faveur des personnes atteintes par la dépendance aux substances psychoactives.

    Elles permettront, de plus, d’étayer la formation pour le moment plus pratique que théorique.

    Trois axes de recherche nous ont, en tous cas, semblé prioritaires :

    1 - le suivi à long terme des post sevrages

    2 - la comparaison entre les méthodes et procédures de sevrage notamment dans les polytoxicomanies

    3 - l’évaluation du travail en réseau


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  • MEMBRES DU JURY

  • Dr Simon Daniel KIPMAN - Président du Jury - PARIS - Psychiatre libéral
  • Dr Nicole GARRET GLOANEC - Praticien hospitalier - Pedopsychiatre Centre Infanto-Juvénile - NANTES
  • Mme Olivia GIRON - NICE - Substitut
  • Dr François KAMMERER Clinique de Pereuse - 77640 Jouarre - Psychiatre libéral
  • Dr Jean-Jacques LABOUTIERE - MACON - Psychiatre libéral
  • Dr Louis LEVY - Médecin généraliste - SURGERES
  • Mr Georges MAHUZIER Lab. De Biologie - C. H. Paul Guiraud - VILLEJUIF - Biologistes des hopitaux - Professeur Chimie analytique - Pharmacien
  • Pr Philippe MAZET - AP-PH de Paris - Psychaitre de l'enfant et de l'adolescent - Hôpital Avicenne - BOBIGNY
  • Mme Monique MILAN - STRASBOURG - Infirmière DE
  • Pr Marie-Christine MOUREN SIMEONI - Professeur des Universités - Praticien hospitalier Pedopsychiatre CH Robert Debré -PARIS
  • Dr Elisabeth PENIDE - STRASBOURG - Médecin généraliste
  • Dr Michaël ROBIN - Psychiatre Praticien hospitalier Service Eric EPS Charcot PLAISIR
  • Mme Nicole TAIEB - Docteur en psychologie clinique - Directrice d’un service de prévention spécialisée -
  • Pr Philippe VINCENEUX - Chef de service de Médecine Interne PU-PH Hôpital Louis Mourier -COLOMBES

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  • COMITE D’ORGANISATION
  • Fédération Française de Psychiatrie Pr G. Darcourt : Président C.O.
    Dr S.D. Kipman : Président du Jury
    Dr N. Horassius;
    Dr J.M. Thurin

  • ANAES Paris : Pr F. Carpentier - Méthodologie
    Pr A. Durocher - Méthodologie

  • Généralistes et Toxicomanies :
    Dr J. Afchain

  • Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France :
    Mme Paoli
  • Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie
    Dr A. Morel

  • Société Francophone d’Urgences Médicales et APNET
    Dr J. Bouget


  • Société Française de Pharmacologie :
    Pr G. Lagier


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