Cette
mise en perspective historique, sans aucun souci d’érudition, vise
à fournir aux divers acteurs de cette Conférence de consensus quelques informations chronologiques,
commentées et critiquées, qui les aideront peut être
à saisir combien la manière dont ces problèmes se posent
et tentent de se résoudre à la période actuelle ne
constitue qu’un moment dans une problématique, d’ailleurs
à la fois théorique
et pratique, qui provient d’un passé récent, et ce
passé récent l’enveloppe et, en partie, la conditionne. La
réflexion doit ainsi nous permettre de situer nos questions dans un
héritage significatif.
Nous
utiliserons un plan à peu près chronologique, en partant de cette
réforme radicale des Grandes Ordonnances de Louis XIV qu’ont
constitué le bref Code de 1791 et surtout le Code pénal de 1810,
celui qui régira tout ce domaine pendant presque deux cents ans.
Il
s’est agi alors d’une laïcisation de tout ce droit
pénal d’Ancien Régime, qui considérait
l’ensemble des infractions comme des insultes faites à Dieu, ou,
au moins, à son Vicaire temporel, le Roi. À la
cérémonie du sacre, il promettait d’assurer dans son
royaume la pleinitude des exigences divines. Or, les singularités de
comportement sexuel, en particulier la sodomie, la bestialité et
quelques autres conduites analogues, étaient assimilées aux
hérésies, en tant qu’elles constituaient une révolte
contre la nature, crée par Dieu, et qu’à ce titre elles
suscitaient tout spécialement sa colère, et, par voie de
conséquence, la colère royale. Leur châtiment devait
être le supplice des hérétiques et des relaps,
c’est-à-dire la mort sur le bûcher.
Deux
remarques s’imposent ici, l’une accidentelle, l’autre de
fonds. La première : au Siècle des Lumières, dans le
royaume de France, on ne brûlait presque jamais de sodomite, et
l’on se contentait de peines plus modérées, mais la menace
restait terrifiante, d’autant plus que l’acception de ce crime
demeurait un peu imprécise, et qu’on punissait souvent celui qui
l’avait subi tout comme celui qui l’avait perpétré.
Un certain libertinage n’allait pas sans risque, à moins
qu’il ne fût aristocratique, et encore.
Seconde
remarque : le châtiment correspondait surtout à l’aspect de
révolte et de blasphème que devaient susciter de tels
comportements, et répondait à la colère que l’on
prêtait à Dieu et au Roi. Quand Dieu cessera de garantir le
châtiment et que le monarque aura troqué son droit divin contre un
statut constitutionnel, quand la justice se trouvera laïcisée, au
nom de quoi les singularités de la vie sexuelle pourront-elles être
encore tenues pour de infractions?
Avant
de rappeler les articles 330 à 340 du Code de 1810, nous devons observer
en effet qu'il faut nous interroger pour
comprendre ce qui, dans un Code où la religion ne conservait plus
guère de place, permettait cependant de sanctionner certaines singularités
du comportement sexuel.
Il
nous semble qu’un équilibre se trouvait alors nécessaire
entre deux instances également exigeantes : d’une part, un certain
utilitarisme, provenant de Montesquieu et de C.Beccaria, avant même les
oeuvres de J.Bentham et de
J.S.Mill, et qui légitimait les peines par les nécessités
du bon ordre social et de la tranquillité publique; d’autre part,
la persistance de certaines requêtes symboliques dont témoigne,
par exemple, le sort réservé au parricide, qui ne peut jamais
être excusé, ni bénéficier de quelque circonstance
atténuante, et dont l’exécution capitale inévitable
comporte un cérémonial bien particulier. Et peut être le
parricide apparaissait-il alors comme l’analogue d’une atteinte
à la vie de l’Empereur, père de ses sujets, et qui avait eu
tant de mal à devenir père lui-même.
Nous
allons donc revoir les liens du Code pénal de 1810 avec la pathologie
mentale de l’époque, leurs développements durant le
XIX° siècle et enfin les originalités du Nouveau Code
pénal.
Nous envisagerons brièvement quelles
infractions en matière sexuelle retenait ce Code, puis nous dirons un
mot de son article 64 et de sa confiscation par É.Georget, pour
préciser enfin ce que la médecine mentale de cette époque
pouvait en éclairer.
Une remarque s’impose à nous : cette
législation laïcisée ne concerne pas l'homosexualité
pratiquée entre majeurs consentants et dans la discrétion des
demeures privées; or, pareil libéralisme, que les armées
impériales imposeront à presque toute l’Europe occidentale,
et qui découle bien de l’esprit du Siècle des
Lumières, ne se manifestera en Allemagne qu’à partir de
1945 et attendra, en Angleterre, l’année 1963, preuves de la position tolérante de
l’opinion éclairée de la France dès les
débuts du XIX° siècle.
Que
reste-t-il donc comme infractions dans ce registre? L’outrage public
à la pudeur, les attentats à la pudeur, l’incitation des
mineurs à la débauche et, de manière un peu
différente, le viol et la castration. Le législateur
précise que la peine doit être aggravée si l’auteur
agit en abusant de l'autorité légitime qu’il
possède, comme père, comme instituteur ou comme ministre
d’un culte.
Nous
observons que le vocabulaire ici en usage se réfère à la pudeur,
distingue outrage et attentat, mais n’emploie aucun mot qui pourrait apporter quelque
précision descriptive sur les conduites incriminées. De plus, les
catégories retenues sont assez vastes. L’outrage public
à la pudeur est un scandales
parmi d’autres scandales possibles; les attentats à la pudeur constituent une violence parmi d’autres
violences, voisines de ces coups et blessures volontaires, qui peuvent ou non
entraîner la mort; l’incitation des mineurs à la
débauche ne concerne pas
spécifiquement la pédophilie, mais plutôt le
détournement d’un sujet jeune pour le faire servir dans la
prostitution.
Le
viol se trouve puni, moins parcequ’il constituerait une violence
particulièrement odieuse, que parcequ’il risque d’introduire
dans la famille de la victime une filiation illégitime; et la castration
se trouve sanctionnée plus lourdement que d’autres dommages
corporels, parcequ’elle fait définitivement obstacle à
toute procréation, et l’on sait que l’Empereur avait dû
divorcer de l’Impératrice Joséphine, pour avoir un fils de
l’Archiduchesse Marie-Louise.
Nous
voyons donc assez clairement que le Code pénal de 1810 se souciait assez
peu de spécifier un domaine d’infractions en rapport avec la
sexualité, et qu’il cherchait plutôt à
protéger les bonnes moeurs, en
poursuivant des conduites qui les bafouaient avec plus ou moins de
désordre manifeste. L’esprit d’une pareille conception de ce domaine se révèle
assez clairement quand nous observons la généralité du
vocabulaire employé, où, par exemple, ne figurent jamais des
termes comme inceste ou pédophilie. Il ne s’agit nullement de pudibonderie, mais
de la résolution de ne pas entrer dans trop de détails et de ne
qualifier et de ne punir que des actes qui portent une atteinte inacceptable
à un ordre public qui inclut ces bonnes moeurs dont nous parlions à l’instant.
Comme
chacun sait, ce Code, en matière de médecine mentale et de
responsabilité, différait radicalement de l’Ancien Régime.
Jusque à la Révolution, il était admis, pour des raisons
de charité, que les insensés ne devaient être ni poursuivis, ni
condamnés, car Dieu les avait déjà assez punis par leur
folie même, et que les hommes n’avait pas à prétendre
substituer leurs châtiment à son insondable sagesse.
L’autorité administrative pouvait bien les priver de leur
liberté, mais il s’agissait d’une mesure de
sûreté, qui ne constituait pas une punition et ne comportait rien
d’infamant.
Les
législateurs de 1810 n’avaient que faire de ces
considérations religieuses, mais ne pouvaient autoriser des poursuites
qu’à l’encontre de ceux qui avaient commis des actes
qualifiables de crime ou de délit; or, deux conditions au moins se
trouvaient nécessaires à une telle qualification : les actes
devaient avoir été prévus par la loi, et le sujet devait
savoir ce qu’il faisait quand il perpétrait l’un
d’eux.
C’est
pourquoi, en toute logique, l’article 64 disait clairement : “Il
n’y a ni crime, ni délit, si le prévenu se trouvait en
état de démence au temps de l’action”, signifiant
ainsi, non pas que des actes réels fussent inexistants, mais qu’on
ne pouvait pas les qualifier de crime ou de délit en raison de cet état
de démence au temps de l’action.
Pour
le Code de 1810, cet état de démence était
constitué d’un état pathologique qui empêchait le
sujet de savoir ce qu’il faisait, mais il s’agissait moins
d’une catégorisation médicale que d’une
évidence pour tout sujet de l‘Empereur tant soit peu
éclairé. Les
diverses éventualités qui pouvaient correspondre aux articles 330
à 340 ne semblaient pas relever de l’application de cet article
64, et d’ailleurs le recours éventuel à un homme de
l’art - nous dirions : un
expert - aurait pu concerner la victime, pour apprécier les dommages
qu’elle avait subis, mais non celui qui avait commis de tels actes. Nulle
pertinence dans ce domaine ne pouvait alors appartenir à la pathologie
mentale, qu’on ne cherchait guère à interroger à ce
moment là, pour des cas de cet ordre.
Il
y avait bien eu des affaires qui avaient troublé l’opinion
éclairée, comme celle du Sergent Bertrand ou celle de
Léger. Le Sergent Bertrand, de retour d’Algérie, avait
été surpris dans un cimetière en train de déterrer
des cadavres de jeunes femmes récemment inhumées, pour se
masturber avec leurs corps. Comme il ne leur avait rien volé, le
Tribunal militaire l’avait assez légèrement condamné
pour violation de sépulture. Dans la presse, quelques médecins,
dont, L.Lunier, s’étaient moqués de l’ignorance de
ces juges qui ne savaient pas qu’il s’agissait, à
l’évidence, d’un comportement nécrophile lié
à une monomanie instinctive.
Léger,
quant à lui, avait été condamné à mort, puis
exécuté, pour avoir violé et tué une jeune fille,
dont il avait mangé les organes génitaux. Là encore, les
hommes de l’art avaient reproché aux magistrats de
méconnaître les progrès de la médecine et la
pertinence des expertises mentales, en envoyant à
l’échafaud un malheureux aliéné.
Les
choses changèrent un peu plus tard, quand autour des années 1828,
É.Georget, l’élève préféré
d’Esquirol, dans une fameuse polémique avec l’un des lustres
du barreau de Paris, Me Régnault, insista sur l’importance de la
médecine mentale en matière judiciaire. Plus
précisément, il estimait que si un prévenu
présentait des caractéristiques de l’aliénation
mentale, que seul le spécialiste pouvait déceler, peu importait
que ce fût ou non au temps de l’action, car le diagnostic d’aliénation mentale
suffisait à entraîner l’application de l’article 64,
avec ses conséquences. Affirmer cette aliénation
équivalait, pour lui, à garantir l’état de
démence, si bien que la restriction qu'entraînait logiquement la
proposition au temps de l’action disparaissait en fait.
Or,
les éventualités de la manie sans délire de Ph.Pinel, des
monomanies érotique, instinctive ou homicide d’Esquirol, de la
folie morale de Pritchard, et, bien plus tard, de la folie lucide
d’U.Trélat, constituaient des aspects reconnus de la pathologie
mentale, donc des figures de l’aliénation. Il en résultait
deux conséquences que beaucoup ne distinguaient pas nettement
l’une de l’autre : la pathologie mentale pouvait rendre compte
d’une grande partie des conduites concernées par les articles 330
à 340, devenant ainsi une clef du droit pénal, et une partie,
sinon la totalité, des prévenus concernés relevait peut
être de l’article 64.
La
médecine mentale élevait ainsi deux prétentions
concurrentes et en partie contradictoires, car elle se présentait comme
la discipline supérieure, qui allait expliquer ce que la pratique
pénale ne pouvait appréhender qu’à titre de
monstruosités peu intelligibles, et elle réclamait pour ses
propres institutions les sujets ainsi repérés, non sans un risque
grave de confusion entre criminogenèse et étiologie, tout comme
entre mesures punitives et entreprises thérapeutiques.
Durant le dernier tiers du XIX° siècle, la
psychiatrie cessa peu à peu d’admettre l’unité de
l’aliénation mentale, pour recevoir comme paradigme la
pluralité des maladies mentales, espèces morbides naturelles, irréductibles les unes aux
autres, à la manière de toutes les maladies propres au reste de
la médecine.
Nous
devons nous demander si le discours médical qui se tint à cette
époque, et qui se poursuivit jusqu’à la Première
Guerre mondiale, pouvait proposer des éléments susceptibles
d’éclairer, au moins en partie, le domaine de ces
singularités de comportement sexuel que condamnait le Code pénal.
Nous allons envisager d’abord des travaux descriptifs, qui tendront vers
une taxinomie, ensuite des points de vue étiologiques divers, et enfin
deux démarches propres l’une à la psychiatrie
française et l’autre à la psychiatrie germanique.
L’illustre
Psychopatia sexualis, dont la
première édition est due à R.von Krafft-Ebing seul, et
dont les suivantes ont été notablement accrues par A.Moll, a
progressivement constitué une sorte de Thesurus semeioticus, qui décrivait la totalité des conduites
sexuelles tenues pour singulières et inhabituelles, certaines pour
sûrement pathologiques, d’autres pour relevant d’une
catégorisation différente, mais toutes qualifiées de
perversions. Il
s’agissait là d’une somme rapidement tenue pour classique et
réalisant une sorte de degré zéro de
l’interprétation, collection neutre, quasi exhaustive et
impartiale, de toutes les perversions possibles, à partir de quoi chaque
spécialiste pouvait interpréter les données à sa
guise. L’on y trouvait l’homosexualité masculine et
féminine, l’exhibitionnisme, le sadisme, le masochisme, la
pédophilie, la gérontophilie, la zoophilie, l'exhibitionnisme et
bien d’autres choses encore; sadisme et masochisme pouvaient
entraîner des blessures graves, et parfois la mort, mais l’on se
demandait si le sadisme seul suffisait à rendre compte de toutes les
variétés de cruauté.
À
côté de cette oeuvre fondamentale, nous devons signaler celle de
Havelock Ellis, plus tardive et bien moins complète, mais aussi les
romans de Sacher Masoch, qui connurent un grand succès, et la
redécouverte progressive des écrits du marquis de Sade.
Certains
de nos prédécesseurs voulaient dépasser la clinique et
proposer l'une ou l'autre étiopathogénie. La dégénérescence
mentale, telle que V.Magnan
l’avait reprise de B.A.Morel, tout en la modifiant, jouait alors un grand
rôle, qui persistera encore lorsque É.Dupré inventera la
locution de l’Odyssée du pervers dans le cadre de ce qu’il nommera la
constitution perverse, au
Congrès de Tunis, en 1912.
Notons
aussi qu’à cette époque A.Moll va montrer que, du point de
vue de la physiologie, l’on devait récuser tout finalisme, de
sorte que rien ne liait les diverses manières de parvenir à
l’orgasme aux fonctions de reproduction. Et V.Magnan inventera, pour
exclure toute préoccupation morale de ces questions et ne les envisager
que de manière scientifique, un modèle localisationniste de la
vie sexuelle : le centre génito-spinal de Budgge rend compte du
satyriasis et de la nymphomanie, la prévalence du cortex occipital,
supposé inhibiteur, explique les passions platoniques, comme celle de
cet étudiant des Beaux Arts, qui n’aimait qu’une
étoile; et pour le reste, c’est affaire d’équilibre
ou de déséquilibre entre les centres excitatifs et les centres
inhibiteurs. L’activité sexuelle ordinaire correspond alors, non
à la morale, ni même à la coutume, mais à une
certaine harmonie entre les lobes frontaux et les lobes occipitaux du cortex
cérébral.
S.Freud,
en 1905, dans ses Trois essais sur une théorie de la
sexualité, va proposer une
taxinomie et une pathogénie. Les anomalies sexuelles peuvent concerner
l’objet du désir ou les manières de s’y prendre pour
le satisfaire, d’où il résulte une classification des
conduites perverses, en perversions de but et perversions d’objet;
d’autre part, il rend compte de beaucoup d’entre elles en y
discernant des fixations ou des régressions à telle ou telle
étape de la sexualité infantile, marquée par son
polymorphisme et son auto-érotisme. Le problème devient alors, et
d’une manière très novatrice, non plus de savoir comment,
au cours de l’adolescence et de l’âge adulte, on devient pervers, mais comment on cesse de l’être,
en renonçant à l’auto-érotisme de la
sexualité infantile. Il modifiera plus tard ses propres conceptions, et
rapprochera les perversions du registre psychotique, mais en 1905 il avait transformé
complètement la façon d’envisager ce domaine, en montrant
tout ce que pouvait en éclairer un point de vue psycho-dynamique et en
établissant que le plus normal des sujets n’était jamais
qu’un pervers honoraire.
La
fin du XIX° et les débuts du XX° siècle nous
intéressent aussi par deux démarches particulières,
l’une à la psychiatrie française, l’autre à la
psychiatrie germanique. En France, nous savons que les expertises
pénales ont eu bien du mal à devenir courantes, même quand
les magistrats ont cessé de craindre que les médecins voulussent
usurper leur magistère. L’exhibitionnisme y joua un certain
rôle, qui mérite un instant de notre attention.
Du
point de vue des juges correctionnels, ceux qui commettaient des outrage
publics à la pudeur n’apparaissaient pas comme des gibiers de
potence, mais plutôt comme de pauvres gens atteints d’une
infirmité répugnante, qui les conduisait à la
récidive; or, dans la pratique pénale de l’époque,
la récidive menait assez vite à la relégation, si bien
qu’au bout de deux ou trois fois elle devenait inévitable.
Dès lors, et bien qu’il s’agît seulement d’un
délit, le magistrat instructeur désignait un expert, pour savoir
si l’article 64 ne pouvait éviter à un pauvre diable un
malheureux destin.
Le
plus illustre d’entre ces experts fut Ch.Lasègue, qui attacha son
nom à une
variété d’exhibitionnisme où le prévenu,
souvent dans une église, à la vue de pieuses pénitentes et
même de religieuses, sans aucune précaution, montrait honteusement
une verge flaccide, qui restait en l'état, et, sans chercher à
s’éclipser, se laissait prendre et avouait son forfait. Il se
distinguait ainsi de celui qui exhibait une verge en érection, comme
invite à des rapports sexuels, qu’il cherchait à imposer
à une victime qu’il lui arrivait parfois de tuer pour supprimer
tout témoignage.
La
description clinique avait sa valeur, positive et différentielle, mais
l’étiologie ne convainquait pas les magistrats. Ch.Lasègue
se contentait en effet de préciser que si le prévenu
s’exhibait, c’était parcequ’il se trouvait atteint
d’exhibitionnisme, et la preuve qu’il en était bien atteint,
c’est qu’il s’exhibait. Un tel raisonnement paraissait
tautologique et n’apprenait rien à personne.
Après
Ch. Lasègue, V.Magnan. Lui disait qu’un comportement ne suffit
jamais à un diagnostic, et il recherchait chez le prévenu des
éléments caractéristiques du déséquilibre
mental, en particulier des impulsions et des obsessions, qu’on retrouvait
d’ailleurs dans la dipsomanie et dans la kleptomanie; quand de tels
signes se trouvaient présents, il en concluait que le sujet relevait
sûrement du déséquilibre, mais il réservait
l’article 64. Quand il n’observait pas de signes cliniques
précis, il estimait que l’intéressé ne correspondait
pas à une pathologie définissable.
Ce
rappel de vieilles histoires nous a semblé utile, car i montre
clairement qu’un trouble du comportement peut avoir des aspects
différents les uns des autres et correspondre ou non à une
maladie mentale. répertoriée, sans jamais pouvoir suffire
à proposer un diagnostic.
En
Allemagne, à peu près à la même époque, un
certain nombre de psychiatres d’opinions libérales, comme, parmi
d’autres, R.von Krafft-Ebing, étaient indignés que
l’homosexualité masculine y demeurât une infraction punissable.
En effet, après le traité de Vienne, seul le royaume de Saxe
conserva les Codes napoléoniens, et le Code pénal de Prusse garda
son article 75, qui tenait la sodomie masculine pour un délit.
Après 1871, le Second Reich imposa en quelques années ce Code
pénal prussien à tout l’Empire, de telle sorte qu’en
Saxe ce qui, depuis des décennies, ne se trouvait plus condamnable le
redevint.
Dès
lors, plusieurs psychiatres de renom, non sans prendre d’ailleurs des
risques personnels, cherchèrent à montrer qu’il
s’agissait là d’une préférence sexuelle
innée, qui était naturelle et correspondait soit à une
âme de femme dans un cerveau d’homme, soit à un cerveau de
femme dans un corps d’homme. Dieu avait fait ces sujets ainsi, en dehors
de toute pathologie, et il devenait injuste et absurde de les déshonorer
par des poursuites judiciaires.
Faisant,
pour ainsi dire, la part du feu,
ces médecins distinguaient les uranistes et les pédérastes. Les premiers, dont le nom venait de la Vénus
Céleste - Aphrodité Ourania -, se révélaient des
esprits distingués, peu charnels, portés sur l’amitié
et soucieux du bien moral de leurs partenaires, tandisque les seconds,
débauchés lassés du commerce des femmes, cherchaient une
jouissance accrue auprès de jeunes gens qu’ils méprisaient
et dévoyaient. Cette distinction introduisait ainsi une opposition entre
une perversion innée, qui ne constituait pas une maladie, et une
dégradante débauche, causée par le désir
d’une satisfaction encore plus grande, sorte d’hubris, perverse parceque excessive.
Ainsi
s’est longtemps développé le domaine des singularités
de comportement sexuel, entre droit pénal, moralité, coutumes,
médecine mentale et psychanalyse à ses débuts.
Il
demeurait un certain flou : anomalie, perversion, vice, débauche,
excès, et autres termes du même champ sémantique.
Le
XIX° siècle avait exercé un droit pénal qui se
souciait surtout de juger des actions et de prononcer des peines en vue
d’éviter la récidive et de protéger la paix
publique, en essayant d’établir sûrement des faits et sans
s’intéresser beaucoup à la personnalité des
prévenus. Peu à peu, la fréquence des crimes passionnels,
souvent traités avec indulgence, et une pratique de la peine de mort
estimée trop fréquente par l’opinion
éclairée, conduisaient à se dire qu’une certaine
connaissance de la personnalité devenait indispensable à un bonne
administration de la justice. D’autre part, les progrès de la
criminologie, avec les oeuvres différentes, mais convergentes, de
C.Lombroso à Turin et de J.Lacassagne à Lyon, montraient bien
l’importance des particularités du prévenu pour
étayer une justice qui se voulait progressiste et, si possible,
scientifique.
Garde
des Sceaux du gouvernement d’É.Combes et homme
éclairé, Chaumié fit avancer cette position en envoyant
à ses Procureurs généraux une circulaire qui leur
enjoignait de dire aux Juges d’instruction qu’en matière
criminelle il convenait de compléter la mission confiée aux
experts. Il leur fallait toujours donner un avis précis pour savoir si
l’article 64 s’appliquait ou non au prévenu, mais il leur
faudrait faire d’avantage.
Dans
l’occurrence où cet article ne s’appliquerait point, ils
devraient rechercher si le prévenu ne présentait pas des
anomalies physiques, psychiques ou mentales, susceptibles de constituer une
sorte de circonstance atténuante; les anomalies physiques,
c’était les stigmates dégénératifs, qui avaient encore cours, et les anomalies mentales,
c’étaient à la fois des signes insuffisants pour
étayer l’état de démence, et cependant
présents, et des particularités du développement de
l’enfance et de l’adolescence sur lesquels V.Magnan avait beaucoup
insisté.
Cette
fameuse circulaire nous paraît avoir présenté un double
intérêt. Un intérêt pragmatique, d’abord.
L’assassin dont le crime était indiscutable et qui ne relevait pas
de l’état de démence, jusque là ne pouvait
guère échapper à cette impression de fraîcheur sur
la nuque, qu'avait philanthropiquement qualifiée le Dr.Guillotin; mais
si les termes de la circulaire Chaumié correspondaient à son cas,
il ne se trouvait plus passible que de la peine immédiatement
inférieure, ce qui modifiait beaucoup la pratique pénale, et que
recherchaient les avocats.
Un
intérêt théorique, ensuite : pour la première fois,
la politique pénale d’un grand pays civilisé d’Europe
estimait officiellement qu’une bonne administration de la justice devait
s’intéresser à la personne du justiciable; de plus,
c’était aux médecins chargés de l’expertise
qu’elle confiait la tâche d’éclairer la Cour, non plus
seulement sur l’état mental, stricto sensu, du prévenu, mais sur ce qu’une
psychologie supposée scientifique pouvait dire de sa personne. Pareille
requête nous semble banale aujourd’hui; mais elle était
très novatrice à l’époque de Chaumié.
Après la Seconde Guerre mondiale,
d’importantes ordonnances sont venues transformer la justice pour mineurs
et, durant des années, l’Éducation surveillée parut
à beaucoup de bons esprits porter tout l’avenir progressiste de la
politique pénale.
Cette
justice pour mineurs comportait, certes, des aspects exorbitants du droit
commun : le même magistrat cumulait les fonctions de juge
d’instruction et de juge du siège, ses mesures provisoires
n’étaient pas susceptibles d’appel, il était
compétent à la fois pour l’enfance délinquante et
pour l’enfance en danger moral. Mais les décisions qu’il
prenait devaient être d’abord des mesures éducatives, avant
de constituer des punitions, elles devaient toujours éviter
l’incarcération et elles avaient pour but essentiel la
réinsertion scolaire, professionnelle et sociale.
Il
pouvait se faire aider par les Consultations d’orientation
éducative, où travaillaient ensemble psychiatres, psychologues,
assistantes sociales et éducateurs, et l’une des pièces
majeures de l’instruction était l’expertise
médico-psychologique; elle
avait pour but principal une connaissance psychologique du mineur, des motifs
personnels de son infraction et de sa structure familiale. Grâce à
elle, le magistrat éclairé pourrait prendre les mesures les plus
favorables et en suivre les effets.
Cette
conception et cette pratique de la justice pénale étaient alors
tenues pour un modèle que la justice pénale pour majeurs ferait
bien d’adopter assez vite. On sait que pareille évolution
n’a pas eu lieu et que la tendance a fini par s’inverser
complètement. Mais c’est pourtant à cette tendance que nous
devons au moins deux réalisations importantes : l’expertise médico-psychologique
est venu compléter l’expertise proprement médicale, et la
prison de Fresnes a créé un Centre national d’orientation,
destiné, une fois la peins définitivement acquise, à
déterminer le lieu et les modalités du châtimentles plus
favorables à une réinsertion ultérieure.
L’esprit
de la justice pénale a ainsi beaucoup évolué depuis 1810,
et cette évolution concerne pour une part importante tout ce qui
ressortit actuellement aux infractions d’ordre sexuel. c’est
pourquoi nous tenions à en retracer quelques étapes.
Nous
allons achever cette rétrospection en examinant brièvement
quelles sont les infractions, jadis énumérées par les
articles 330 à 340, que le Code pénal de 1992 retient, et dans
quel esprit; puis nous verrons ce qu’y sont devenus l’article 64 et
la Circulaire Chaumié; nous essayerons alors de comprendre quelque chose
au sens et à l’esprit de pareilles innovations.
L’article
64 a, en quelque sorte, pour héritier l’article 122-1, avec ses
deux alinéas. Il n’emploie plus la locution d’état de
démence et il évite de dire qu’il n’y a ni crime ni
délit, ce qui lui permet de s’exprimer d’une façon
claire, en évitant de choquer les victimes ou leurs ayant-droit.
Il
affirme qu’on ne saurait ni poursuivre, ni punir, quelqu’un dont le
discernement était aboli au moment des faits, ce qui revient à
retrouver l’esprit du Code de 1810, en ne suivant plus la
déviation que lui avait occasionnée la position
d’É.Georget, dont nous parlions plus haut. Toute la signification
de ce nouvel article repose sur la distinction canonique qu’il
opère entre l’abolition et l’altération du discernement, car dans la première occurrence le non-lieu
s’impose, tandisqu’il n’en va pas de même dans la
seconde, où le législateur précise seulement que les
magistrats devront en tenir compte dans le jugement et dans le choix de la
peine, sans préciser s’il s’agit de les atténuer ou
de les aggraver. Or la jurisprudence montre que l’application de ce
second alinéa va presque toujours dans le sens de la majoration du
châtiment, dans le but de différer la récidive. Il nous
semble d’ailleurs que l’abolition de la peine de mort, qui nous a
toujours paru, comme à notre ami J.Léauté, une marque de
civilisation, a contribué au durcissement global de presque toutes ces
sanctions.
Tout
se joue ainsi entre l’abolition du discernement et
l’altération du discernement. Le premier cas semble
dépourvu d'ambiguïté, et correspond, par exemple, aux états seconds des
épileptiques ou aux cas de manie furieuse; dans les deux occurrences, le
diagnostic nécessite l’examen du spécialiste, qui peut
porter un repérage précis et n’a pas besoin d’une
ratiocination alambiquée pour démontrer cette abolition du
discernement. Le second nous paraît davantage problématique, car
par altération l’on peut entendre bien des choses, et altération
du discernement ne correspond
guère à des éventualités psychiatriques clairement
identifiables. D’ailleurs le terme de discernement, même s’il évoque des notions comme
celles de conscience ou de lucidité, voire de vigilance, ne nous paraît pas si clair et ne relève
guère du vocabulaire habituel de la psychopathologie.
Mais
quelles sont les conduites sexuelles que ce Code de 1992 entend poursuivre et
réprimer? Il s’agit de tout autre chose que de ce que concernaient
les anciens articles 330 à 340. Ces derniers évoquaient les
bonnes moeurs, l’absence de scandale et de dommage, mais pour le reste
évitaient trop de précision. Il n’en va plus de même
actuellement, avec les articles 222-22 à 222-33, qui concernent les
agressions sexuelles, dont le viol constitue, pour ainsi dire, le paradigme.
Le
Nouveau Code transforme en catégories juridiques la barbarie, la
torture, l’abus des personnes handicapées ou fragiles, et place
l’ensemble des infractions sexuelles à l‘intérieur
d’un domaine plus vaste, où la référence essentielle
est la violence, qui peut
être physique ou morale. Dans ce domaine étendu, où
d’ailleurs la plus part de infractions constituent des crimes, les
infractions sexuelles se spécifient par la pénétration
sexuelle ou sa tentative, id est le
coït vaginal, la sodomie et la fellation, imposés par violence,
contrainte, menace ou surprise, associées ou non à d’autres
violences, y compris à la mort de la victime.
L’inceste
et la pédophilie, sans être nommés comme tels, y
constituent cependant une préoccupation constante; une équivoque
en résulte à propos de cette dernière infraction. Pour la
clinique psychiatrique, la pédophilie correspond aux rapports sexuels
avec des sujets qui n’ont pas atteint la puberté, alors que pour
le Nouveau Code il s’agit de mineurs en général et
l’on tend à assimiler à la pédophilie stricto
sensu, l’homosexualité
et le meurtre d’enfants, au point que chacun de ces comportements
suggère la présence des deux autres, ou, au moins, leur danger
potentiel.
Les
connaissances psychiatriques se trouvent alors un peu en porte-à-faux.
D’une part, la taxinomie est mise franchement à contribution et,
de ce fait, la pathologie mentale devrait pouvoir fournir une
coopération positive.
Mais,
d’autre part, la dimension affective et sentimentale de certaines
situations, comme dans quelques cas de pédophilie, par exemple, se
trouve complètement méconnue et ne saurait même pas
être évoquée sans provoquer horreur et scandale. Se
trouvent d’ailleurs réputés pervers des comportements
d’ordre névrotique, marqués par l’inhibition, la
honte et la culpabilité.
Plus
grave nous semble indistinction des formes, pourtant diverses, de la douleur
infligée et de la mort. Le sadomasochisme suppose mise en scène
et connivence, et l’on sait depuis longtemps qu’un accident,
d’ailleurs rare, peut survenir. Sadisme et masochisme isolés
requièrent d’habitude un partenaire vénal, mais il est
exact que, faute de ce dernier, le sadique abuse d’une personne fragile
ou d’un mineur, et que la pratique réitérée puisse
finir mal. Les tortures et la mort peuvent correspondre, au moins
schématiquement, à deux éventualités : la
schizophrénie au début, avec la notion de meurtre
immotivé de notre
maître P.Guiraud, dont le sadisme rend mal compte, ou une
variété de structure perverse particulièrement grave.
Ces
quelques remarques, d’ailleurs bien incomplètes, nous montrent les
difficultés qu’on rencontre inévitablement quand on essaye
de faire coopérer la psychiatrie, la psychopathologie , la psychanalyse
avec la politique pénale et sa pratique.
Il ne nous semble pas sans intérêt
d’observer que le Nouveau Code pénal se trouve contemporain, dans
notre civilisation, de ce qu’on appelle, peut être un peu trop
vite, la libéralisation des moeurs. Même si cette locution manque de rigueur, il
semble patent que les pratiques de la vie sexuelle commencent tôt, que
l’homosexualité connue ne fasse plus scandale, qu’une sorte
d’union réglementaire entre citoyens du même sexe devienne
possible, que les couples du même sexe puissent adopter, que les
exigences de la décence publique se révèlent plutôt
laxistes, et ainsi de suite. En bref, la res sexualis et plus précisément les manières
de parvenir à l’orgasme se diversifient d’une façon
officiellement admise, et les classifications psychiatriques de
l’Organisation mondiale de la santé ou de l’Association
psychiatrique américaine ont renoncé à prendre en compte
des termes comme homosexualité ou perversion.
En
même temps, le Nouveau Code pénal tend à qualifier
d’infraction sexuelle tout ce qui peut concerner les mineurs, avec une
confusion entre pédophilie, homosexualité et meurtres
d’enfant.
De
plus, la référence à la psychiatrie devient fort
ambiguë, à la fois dans le domaine clinique et dans le registre
thérapeutique.
Psychiatres
et psychanalystes depuis longtemps savent que dans un certain nombre de
troubles mentaux, les uns névrotiques, les autres psychotiques, on peut
observer la survenue, ponctuelle ou récurrente, de singularités
de comportement sexuels, dont certains, d’ailleurs rares, peuvent mettre
en péril l'intégrité ou la vie d’autrui; et depuis
longtemps aussi, ils proposent, par analogie, quelques éclaircissements
à propos des perversions; mais ils ne doutent pas que leur pertinence
reste limitée, et qu’ils dépasseraient les bornes de leur
savoir s’ils se prononçaient imprudemment sur tout ce que leur
demande l’élaboration du Code pénal et de la politique
pénale. En particulier, ils ne possèdent aucun savoir-faire
réel pour conseiller au Prince ce qu’il doit poursuivre en
matière de singularités du comportement sexuel et ce qu’il
doit ignorer. Psychiatrie et psychanalyse ne sauraient proposer de règle
sociale sans sortir de leur domaine légitime et sans cautionner une
indistinction entre le registre du savoir et du savoir-faire, d’un
côté, et le registre des valeurs, de l’autre.
Il
en va à peu près de même pour ce qui concerne
l’injonction thérapeutique et la confusion entre condamnation,
châtiment et entreprise thérapeutique. Nous devons à la
Civilisation romaine les origines de notre droit; nous lui devons aussi un
modeste proverbe, qui nous rappelle : sutor, ne ultra crepidam.
En deux cents ans, nous sommes passés, dans le
domaine qui nous occupe, d’une situation héritée du
Siècle des Lumières, et marquée par un droit pénal
tolérant et par une médecine qui avait mis beaucoup de temps à
s'intéresser aux comportements pervers, à un droit pénal
intervenant, qui prête à la psychiatrie et à la
psychanalyse d'autres compétences que celles qu’elles estiment,
à tort ou à raison, posséder effectivement.
La
libéralisation des moeurs coïncide comme elle peut avec le
correct. Les rapports de la
politique pénale avec les connaissances théoriques et pratiques
de la psychiatrie et de la psychanalyse nous semblent un peu en
porte-à-faux, au moins pour deux raisons.
D’une
part, l’opinion judiciaire tend à ne retenir des
singularités de comportement sexuel que celles qui concernent les
mineurs ou les sujets fragiles, et celles qui comportent des violences,
éventuellement léthales; pour la psychopathologie, il
s’agit là d’une réduction arbitraire du domaine
où elle peut proposer les explications les plus sûrement
fondées, et d’une méconnaissances de distinctions
nécessaires; plus exactement, le droit pénal par lui-même
ne peut concerner que des comportements, alors que pour la psychopathologie les
comportements ne sauraient constituer que les signes secondaires d’un
processus relevant d’un autre registre et il ne faut jamais confondre
fantasme et passage à l’acte.
D’autre
part, on ne saurait mettre dans le même sac la connaissance probable de
tel ou tel processus étio-pathogénique et tel ou tel programme
thérapeutique. Mais deux remarques s’imposent ici pour
éclairer notre propos..
Première
remarque : les infractions, par elles-mêmes ne constituent jamais des sortes
de maladies, de telle manière
qu’avec les intentions les plus louables, il demeure dénué
de sens de confondre peine et traitement, et d’imaginer qu’une
espèce de traitement, appliqué dans des conditions assez
contraignantes, pourrait représenter la forme moderne et judicieuse de
la peine.
Seconde
remarque : si l’on estime que la déontologie et le souci
d’efficacité peuvent éventuellement se concilier, ce ne
saurait être qu’à la condition expresse de dissocier
absolument ce qui relève de la condamnation et du châtiment, et ce
qui concerne la thérapeutique.
Toute
notre rétrospection tend ainsi à éclairer la
problématique actuelle et à mettre en lumière les apories
propres à la confrontation des déviances sexuelles, de la
psychiatrie, de la psychanalyse et de la justice.
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socratique Dictionnaire philosophique Société
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* Chef de Service honoraire de
l’Hôpital Esquirol, Ancien Directeur d’Études à
l’École des Hautes Études en Sciences sociales, Ancien
Chargé de Cours à l’Insitut de Criminologie de
l’Université Paris II.