"Les vices sont les actes par lesquels un
homme nuit
à sa propre personne ou à ses biens.
Les crimes sont les actes par lesquels un homme
nuit
à la personne ou aux biens
d'autrui."
L. Spooner
Interdits
premiers, les interdits sexuels ont, de tout temps, fait l’objet
d’une répression pénale. Deux millénaires avant
notre ère, le « code » de Hammou-rapi [1]
incriminait déjà l’adultère[2], le viol[3] et l’inceste[4], désignés par des périphrases
casuelles. En Occident, cette triade prohibitive initiale [2, p. 92] perdura,
durant plusieurs millénaires, jusqu’à l’époque
contemporaine. Depuis quelques décennies, ces catégories
pénales premières ont été profondément
remaniées, étant substituées par une diversité
d’incriminations et de sanctions que le code pénal n’avait
jamais encore connues. Ce mouvement de diversification juridique n’a
été rendu possible qu’en raison d’un bouleversement
des divers fondements qui soutiennent la répression des crimes et
délits à caractère sexuel. Comprendre les
catégories pénales qui, aujourd’hui, soutiennent la
répression de ces infractions et obligent les condamnés aux soins
(ou leur enjoignent de s’y engager), nécessite, au
préalable, de rendre intelligible les traits principaux d’une
évolution des mœurs
qui a abouti à l’établissement d’un ensemble complet
d’infractions décrivant les transgressions punissables.
Avant
d’être très récemment conçue comme une
atteinte à l’intégrité et à la dignité
de la victime, les infractions sexuelles furent envisagées, durant le
temps long d’une période de près de quatre
millénaires - symétriquement répartis dans et hors l’ère
chrétienne -, comme d’intolérables attentats à
l’ordre divin et à l’ordre des familles.
Si
la laïcisation du droit pénal imposée par la
Révolution permit de dissocier l’infraction du péché
et, conséquemment, de dépénaliser les « crimes
contre nature », elle ne modifia pas en profondeur, par-delà
les nouveaux textes codifiés, le fondement antique et sexuellement
inégalitaire de la répression des crimes sexuels. Comment
pouvait-il en être autrement lorsque le bourgeois considérait que
« la femme est une propriété que l’on acquiert
par contrat ; [qu’]elle est mobilière car la possession vaut
titre ; [qu’]elle n’est à proprement parler
qu’une annexe de l’homme »[7] ? Dès lors, il était logique
qu’à la fin du XVIIIe siècle les dossiers pour viol
jugés par le tribunal criminel ne représentassent qu’environ
1 % de l’ensemble des procès [6]. Au XIXe siècle, les
figures du vagabond[8] ou de l’escroc [7] apparaissait bien plus
inquiétante que celle du violeur. En ce qui concerne les atteintes aux
personnes, la brutalité physique demeurait encore la mesure-étalon
du crime à l’aune de laquelle la réprobation publique se
faisait entendre. Les gazettes se préoccupaient alors des vols
meurtriers mais rarement des viols-meurtres[9] qui, aujourd’hui, génèrent
l’émotion unanime de nos contemporains. Ainsi que l’a observé
J.-C. Chesnais, longtemps le viol est resté le seul crime dont
l’auteur se sentait innocent et la victime honteuse [8].
Dès le début du XVIIIe siècle,
et durant sa longue vie, le code pénal napoléonien exprima les
valeurs prioritairement protégées par une société
dans laquelle dominaient « l’empire, la famille et le
négoce » [9]. Les crimes et délits commis contre la
chose publique préoccupaient plus les législateurs que ceux concernant
les particuliers. Même si aux cinq incriminations criminelles[10] du code pénal de 1791, le texte de 1810
ajouta celles, délictuelles, d’ « outrage public
à la pudeur » (art. 330),
d’ « excitation à la débauche »
ou de « corruption de la jeunesse » (art. 334) ainsi
qu’une circonstance aggravante relative à la qualité de
l’auteur (personne ayant autorité, instituteurs, ministres du
culte ou fonctionnaires publics), ce n’est que très
progressivement que les instruments destinés à réprimer
pénalement les infractions sexuelles se sont diversifiés.
Depuis un quart de siècle, traduisant dans les
textes une réalité judiciaire[11] et pénitentiaire[12] en pleine expansion [10], les incriminations et
pénalités relatives aux infractions sexuelles ont connu une
élaboration constante, confirmée par le nouveau code pénal
de 1994 et par les lois spéciales postérieures à son
entrée en vigueur[13]. S’inscrivant dans un mouvement
général de pénalisation de la société [11],
cette répression accrue de certaines conduites humaines intervient dans
un contexte où l’extension du champ des comportements
sanctionnés est générale [12], ainsi qu’en
témoignent tant la multiplication des d’incriminations du nouveau
code pénal – pour une incrimination supprimée, neuf ont
été créées - que l’aggravation des
pénalités applicables aux incriminations modifiées :
dans les trois quarts des cas, c’est un renforcement de la
répression qui a été choisi.
Si
la dépénalisation de l’adultère, contenue dans la
loi de 1975 portant réforme du divorce, et celle des relations
homosexuelles avec un mineur de quinze à dix-huit ans, adoptée en
1982, n’ont pu, à elles seules, remettre en question ce mouvement
général, elles témoignent cependant
d’« une redistribution des catégories
définissant l’ordre et le désordre social » [12,
p. 9], processus au sein duquel la défense de la personne est devenue
prioritaire par rapport à celle des institutions. Dans le code
pénal de 1994, et contrairement à son devancier, « la
personne prévaut sur le sujet politique » ; elle est
appréhendée comme détentrice de droits sur son
« patrimoine naturel » (son corps, son honneur, son
intimité, ses biens) [12, p. 81] plus que comme actrice de la vie
démocratique. Pourtant, et de façon paradoxale, cet
individualisme juridique contemporain s’est imposé grâce
à un mouvement social profond marqué, en Occident, durant les
dernières décennies du XXe siècle, par une implication
grandissante des femmes dans la vie institutionnelle et sociale. La reconnaissance
textuelle de leur droits, puis celle, plus récente, de ceux des enfants,
ont sensiblement transformé les fondements des interdits sexuels.
Après avoir recouvré le plein exercice de leur capacité
civile, en 1938, puis avoir vu reconnu l’exercice de leur autorité
parentale en 1970 (la « puissance paternelle » ayant
été abolie), les femmes ont pu faire admettre leur viol.
Par-delà l’existence politique
d’une République très masculine [13-14-15], on peut
affirmer avec G. Fraisse que « les femmes font les
mœurs » [13]. Décrite par H. Lagrange [16], cette séculaire
féminisation des mœurs – réalisée, en
particulier, grâce à la scolarisation obligatoire et au travail
salarié, puis rendue plus manifeste lorsque les femmes ont publiquement
revendiqué le droit d’avorter (obtenu en 1974) et de divorcer sans
faute (acquis en 1975) -, aura permis l’avènement d’une
nouvelle définition des crimes sexuels, lesquels ne sont devenus un
phénomène amplement dénoncé qu’en raison
d’une évolution essentielle : celle de la possible
égalité des relations entre femmes et hommes dans une
société d’individus [17] attachés à la
protection de leur intégrité. En plus de son corps, la personne contemporaine exige la
préservation de l’intégrité de son être moral,
le respect de ses sentiments et de ses élans affectifs.
L’approcher contre son gré ou s’affranchir des
frontières de sa pudeur constituent autant d’agressions que sa
sensibilité rejette. Le meurtre physique ne représente plus,
seul, le mal absolu qui, maintenant, prend les traits du « meurtre
psychique » : en cours d’assises, le viol n’est-il
pas fréquemment puni avec plus de dureté que
l’homicide ? Cette suprématie du nolli me tangere sur le « tu ne tueras pas » du
Décalogue est le signe d’une véritable mutation
anthropologique : le sacre de la liberté et de
l’intégrité des personnes a fait descendre le Ciel sur
terre ; la divinisation de l’humain [18] est advenue et a ouvert la
voie à la constitution d’une théologie de la personne [19].
Plus généralement, c’est la
protection de la dignité
humaine qui s’affirme à l’occasion de la lutte contre les
infractions sexuelles. Surgissant « aux confins de
l’éthique et du droit, du soi et de
l’altérité » [19, p. 110], ce concept
philosophique a désormais trouvé sa place en droit. Une place
haute car constitutionnelle. Maître mot ne figurant pas dans la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, il
n’aura fallu qu’un siècle et demi pour que la reconnaissance
de son principe soit affirmée dès la première phrase du Préambule
de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
laquelle ajoute son nom aux droits énoncés en son article 1er,
rédigé à la manière de son devancier
révolutionnaire : « Tous les êtres humains
naissent libres et égaux en dignité et en droits ». La violence sexuelle
n’est plus cette offense faite à Dieu ou à la puissance
paternelle mais confronte définitivement deux sujets [6, p. 252], deux
sujets de droit. C’est la raison pour laquelle sa condamnation ou sa
réparation ne peut être envisagée qu’à
l’occasion du procès pénal qui, comme le note D. Salas,
représente « le seul lieu où il peut y avoir une
relation directe et transitive entre la victime et l’auteur »
[20]. Ce moment juridictionnel important s’appuie sur un ensemble de
catégories pénales d’incrimination et de
pénalités dont la composition et les significations doivent
être explicitées.
Si,
comme l’a enseigné E. Durkheim, les mœurs sont la
« base » du droit, lequel serait « ce symbole
visible » d’une solidarité sociale dont la
réalité phénoménale « ne se prête
pas à l’observation exacte ni surtout à la
mesure » [21], l’examen de la législation pénale
apparaît être une voie d’accès privilégiée
à une meilleure intelligibilité de l’état concret
des mœurs. Leur évolution constante, notamment en matière de
conduites sexuelles, ne semble pas avoir entamé un consensus
internormatif ancien et souvent élevé [22, p. 71] que les
remaniements fréquents du code pénal sont parvenus à
préserver. Ce consensus, particulièrement vérifié
actuellement, provient aussi de la dimension politique[14] que les dispositions pénales relatives
à la répression des infractions aux mœurs contiennent, leur
fonction d’affichage et leur effet idéologique étant
patents[15]. Néanmoins, par-delà cette congruence
normative, il serait erroné de penser que les catégories
instituées par le droit pénal se superposent entièrement
à celles issues d’autres ordres prescriptifs ou prohibitifs
(religions, croyances, coutumes,…). Ainsi que l’a souligné
Ph. Robert, « l’incrimination n’embrasse ni les contours
d’une catégorie comportementale ni ceux d’une classe morale,
elle retient seulement certains segments, elle opère ses propres
découpages » [22, p. 69]. En matière
d’infractions aux mœurs, le droit pénal se distingue de la
morale plus par la spécification de son objet que par son objet lui-même [23]. En droit,
contrairement à certaines prescriptions ou prohibitions morales, un
principe général gouverne, celui de la liberté des
activités sexuelles. Bien que certaines pratiques puissent heurter la
conscience morale (notamment, l’inceste consenti entre majeurs, la
prostitution ou la pornographie adultes), elles ne sont pas pour autant
pénalement punissables si certaines limites sont respectées : la
liberté et l’intégrité sexuelles d’autrui
ainsi que sa dignité et sa pudeur.
Cette
spécificité juridique s’exprime. Il s’agit alors
autant d’une mise en mots particulière que du rejet par le code
pénal de termes pourtant couramment employés tant dans le langage
commun que par des disciplines non juridiques :
- l’inceste dont l’universelle condamnation morale [24]
n’implique pas obligatoirement de comportements provoquant un trouble
social majeur et donc une incrimination pénale (par exemple, des
relations consenties entre un frère et une sœur[16]). Avec C. Guéry, il convient d’observer
qu’ « à défaut d’épouser
complètement la prohibition de rapports sexuels avec des proches, le
droit pénal ne pourrait donc incriminer l’inceste qu’en le
nourrissant de tant d’exceptions et de précisions qu’on y
perdrait le sens du mot. Et il n’est pas évident qu’on gagne
symboliquement à spécifier l’inceste social
de l’inceste pénal »
[25].
- la pédophilie, au sujet de laquelle R. Fillieule et C. Monteil ont
justement rappelé qu’elle est « une catégorie psychologique (qui se définit par un intérêt
sexuel pour des enfants pré-pubères), et non juridique […étant] réprimée, non
pour elle-même, mais pour les actes auxquels elle peut
conduire » [26, p. 21].
- l’abus sexuel, expression dont le premier terme rappelle la
séparation qui existe entre des pratiques habituellement reconnues par
une collectivité (les us)
et des actes qui outrepassent les limites admises (du latin ab, loin de). Traduit de l’anglais (sexual
abuse), ce syntagme a d’abord
été utilisé par les professionnels de santé et par
les travailleurs sociaux ; à l’évidence, il ne
signifie pas que sont admises des manifestations excessives d’une
conduite sexuelle qui serait usuelle avec des enfants mais il désigne
des actes transgressifs interdits car inappropriés à
l’âge de la victime, contrainte d’y participer [10, p. 4]
[27].
Si
certains mots courants n’appartiennent pas au vocabulaire du droit
pénal, cela ne signifie en rien que la réalité
qu’ils désignent est ignorée par les lois répressives.
Outre les incriminations précises qui, au cours du temps, ont
progressivement enrichi le code pénal, il est des catégories
juridiques, textuellement reconnues, dont la sémantique ancienne ou
générale fait référence à de larges
ensembles d’infractions, regroupées sous des vocables au pluriel
évocateur. C’est le cas des catégories
génériques suivantes :
- les sévices sexuels : le terme
« sévices » est, depuis la fin du XVIIème
siècle, couramment rencontré dans les enceintes judiciaires, les
plaideurs venant y dénoncer le « mauvais traitement
d’un époux envers l’autre, d’un père ou
d’une mère envers leurs enfants, d’un maître envers
ses serviteurs et qui peut aller jusqu’aux coups »
(Littré). Antérieur à celui de
« maltraitance » et comportant une connotation sexuelle
sans même être ainsi qualifié, ce substantif appliqué
aux enfants[17] a été introduit dans le code
pénal français[18] grâce à la loi n° 80-1041 du
23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de
certains attentats aux mœurs ;
- les maltraitances ou violences sexuelles sont des termes qui, en France, apparurent dans
le vocabulaire légal dès 1987, à l’occasion des
travaux préparatoires à la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989
relative à la prévention des mauvais traitements à
l’égard des mineurs et à la protection de
l’enfance ; d’abord appliqués aux enfants [28] avant de
l’être à toute personne vulnérable [29], ces
expressions ont été consacrées par les conventions internationales ;
ainsi les « violences sexuelles » sont-elles
expressément visées aux articles 19 et 34 de la Convention sur
les droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée
générale de l’O.N.U. le 20 novembre 1989.
En deçà de ces larges catégories
pénales, et participant à ce que M. Foucault a nommé
« le grand processus de mise en discours du sexe » [30],
le législateur n’a cessé de décrire avec toujours
plus de précision les faits constitutifs des infractions aux mœurs
sexuelles. Révélant le caractère obsessionnel du droit,
dont le langage accorde aux mots une valeur « quasi-magique »
[31], cette quête de désignation toujours plus concrète et
individuelle a conduit le législateur contemporain à une rupture
terminologique : le code pénal entré en vigueur le 1er
mars 1994 a abandonné les termes de « mœurs »
et de « pudeur », qui qualifiaient leurs
« attentats », ainsi que celui
d’ « outrage », qui affectait auparavant les
bonnes mœurs, ou la pudeur lorsqu’il était accessible au
regard public. Cet abandon conceptuel peut sembler paradoxal à une
époque où la « valeur marchande de l’impudeur »
[32] ne cesse de croître – les images publicitaires en sont une
illustration quotidienne – et où « le sexe, comme les
autres secteurs de l’activité humaine, donne lieu à une
grande industrie rentable » [33-34]. Depuis 1994, témoin
d’un monde obsédé par la transparence[19] - celle de la vie publique autant que celle des
mœurs privées -, l’emploi de mots nouveaux – tels ceux
d’ « agression[20] » ou
d’ « exhibition » - confirme la focalisation
de nos semblables sur les atteintes factuelles à la sexualité du
sujet plus que l’attention portée, comme autrefois, à la
blessure d’une vertu (incomplètement partagée ?) ou
à celle d’un sentiment moral [6, p. 253]. Plusieurs années
auparavant, et pour la première fois dans le code pénal, la loi[21] avait explicitement fait référence au sexe lorsqu’elle avait qualifié de
« sexuelle » la pénétration constitutive du
crime de viol. Délaissant le flou de la pudeur, concept juridique sans
définition légale [32, p. 34], le code pénal n’en
persiste pas moins à sanctionner l’immoralité, en
particulier lorsqu’elle met en péril les mineurs.
Tandis qu’avant 1994,
la catégorie générique des « attentats aux
mœurs », prévus pêle-mêle aux articles 330
à 340, constituait une seule et même section de l’ancien
code pénal, ce même ensemble infractionnel est aujourd’hui
scindé en trois sous-ensembles, répartis dans trois chapitres
distincts du nouveau code pénal (CP), en son livre II –
« Des crimes et délits contre les personnes » et sous
son titre II - « Des atteintes à la personne
humaine » :
a)
Au sein du chapitre II
- « Des atteintes à l’intégrité physique
ou psychique de la personne », se trouve la section III
consacrée aux agressions sexuelles [cf. tableau
1], lesquelles regroupent les
incriminations :
o
du viol, simple (art. 222-23) et aggravé (art. 222-24
à 222-26),
o
des agressions
sexuelles (autres que le viol),
simples (art. 222-27) et aggravées (art. 222-28 à 222-30),
o
de l’exhibition
sexuelle (art. 222-32), et
o
du harcèlement
sexuel (art. 222-33) ;
b)
Sous le chapitre V -
« Des atteintes à la dignité de la
personne », se trouve la section II qui comprend les infractions de proxénétisme, simple et aggravé (art. 225-5 à
225-12) ;
c)
Enfin, sous le chapitre
VII - « Des atteintes aux mineurs et à la
famille », figure la section relative à la mise en
péril des mineurs,
laquelle comprend les délits de :
. corruption de mineur (art. 227-22),
. pornographie enfantine : exploitation de l’image d’un
mineur à caractère pornographique (art. 227-23) et diffusion de
messages à caractère pornographique (art. 227-24),
. et les atteintes sexuelles [cf.
tableau 2] sur mineur de 15 ans -
simples (art. 227-25) et aggravées (art. 227-26) – et sur mineur
de 15 à 18 ans non émancipé par le mariage (art.
227-27).
Cette triple
répartition organise, pour la première fois au sein du code
pénal, un ensemble dont l’homogénéité
apparente provient de la référence à l’ordre sexuel
mais dont le caractère hétérogène demeure lorsque
sont pris en considération les mobiles animant l’auteur ou les
valeurs juridiquement lésées. On notera que cet effort de
classification légale n’égale pas la très pertinente
distinction soutenue par A. Vitu [35] qui, appliquée aux crimes et
délits du code pénal de 1994, correspond au classement suivant :
a)
Les infractions portant
atteinte à la liberté et à l’intégrité
sexuelles d’autrui,
soit :
. le viol,
. les agressions sexuelles (ex-attentats à la pudeur avec violence,
contrainte ou surprise),
. les atteintes sexuelles (ex-attentats à la pudeur sans violence,
contrainte ou surprise commis sur mineur de 15 ou 18 ans),
. le harcèlement sexuel (incrimination introduite en 1994) ;
b)
Les infractions portant
atteinte à la moralité publique, car lésant « la pudeur de
tous », soit :
. l’exhibition sexuelle (ex-outrage public à la pudeur),
. la diffusion de
messages pornographiques (en
partie, ex-outrage aux bonnes mœurs) ;
c)
les infractions
d’exploitation de la débauche d’autrui, fréquemment dominées
par l’esprit de lucre de leur auteur, soit :
. le proxénétisme et les infractions assimilées,
. la corruption de mineur (ex-excitation de mineur à la
débauche),
. l’exploitation de l’image d’un
mineur à caractère pornographique (incrimination introduite en 1994).
Les infractions sexuelles
En
1998, s’appuyant sur la nouvelle classification du code pénal, le
législateur a consacré une catégorie infractionelle
majeure : les infractions sexuelles, dont nous avons vu précédemment combien elles
préoccupent nos contemporains et combien elles occupent les
autorités policières, judiciaires et pénitentiaires. Ce
riche ensemble de crimes et délits est composé
d’infractions qui relèvent de deux sous-ensembles distincts, celui
des agressions sexuelles (à l’exception notable du
harcèlement sexuel) et celui de la mise en péril des mineurs, le
proxénétisme ayant été exclu de ce regroupement[22].
L’admission
de cette nouvelle catégorie pénale – rendant
définitivement obsolète la catégorie
générique des infractions aux mœurs - a été
formellement admise par la loi n° 94-89 du 1er février
1994 ayant institué une peine incompressible. Voté dans l’urgence
puis promulgué un mois avant l’entrée en vigueur du nouveau
code pénal, ce texte avait été initié par P.
Méhaignerie, alors ministre de la Justice, afin d’apporter une
réponse rapide et énergique à la vive émotion
qu’avaient suscité dans l’opinion publique, durant
l’été 1993, le viol et l’assassinat d’une
fillette âgée de huit ans. Bien qu’instaurée en 1978,
la période de sûreté connaissait là son expression
extrême, pouvant désormais assortir une peine de réclusion
perpétuelle. En même temps que cette loi prévoyait
l’enfermement des criminels et délinquants sexuels dans des
établissements pénitentiaires permettant « un suivi
médical et psychologique adapté »[23], elle soumettait l’ensemble des auteurs
d’infractions sexuels à une expertise, réalisée par
un ou trois psychiatres ainsi qu’il est prévu à
l’article 722, al. 5 du code de procédure pénale,
préalablement à l’octroi de toute mesure
d’aménagement de peine [36], hormis le bénéfice des
réductions de peine ou d’une autorisation de sortie sous escorte.
Pour la première fois, une liste d’infractions sexuelles
était arrêtée : il s’agissait de toute personne
condamnée pour le « meurtre ou l’assassinat d’un
mineur de quinze ans précédé ou accompagné
d’un viol[24], de tortures ou d’actes de barbarie[25], ou condamnée pour l’une des
infractions visées aux articles 222-23 à 222-32[26] et 227-25 à 227-27[27] du code pénal ». A cette
première liste, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998, relative à
la prévention et à la répression des infractions
sexuelles[28] ainsi qu’à la protection des mineurs, a
ajouté trois délits, celui de corruption de mineur (art. 227-22
du code pénal) et ceux dits de pornographie enfantine (art. 227-23 et
227-24 du même code). Si l’exclusion des délits de proxénétisme[29] permet de contenir cette nouvelle catégorie
pénale dans les frontières de l’atteinte directe et
principale à l’intimité (physique autant que psychique) de
la personne humaine[30], il est légitime de s’interroger sur
l’absence du harcèlement sexuel dans les
énumérations arrêtées par le législateur. En
effet, appartenant à la catégorie intermédiaire des
agressions sexuelles, ce nouveau délit – le plus faiblement
réprimé des agressions sexuelles – est composé
d’éléments similaires à ceux devant être
réunis pour que soient constituées ces infractions.
Les
infractions sexuelles ont en commun d’être constituées par
un acte (une pénétration, un attouchement, une exposition, la
réalisation d’une image…) comportant un motif
essentiellement sexuel, imposé à une personne qui ne dispose pas
de moyen physiques ou moraux suffisants pour le repousser alors qu’elle
n’y consent pas. Dans cette communauté de constitution,
apparaissent deux dimensions essentielles, l’une matérielle, l’autre intentionnelle, qui, ajoutées à celle, légale, des incriminations et sanctions prévues,
composent les trois éléments fondamentaux ouvrant la voie aux
poursuites et aux condamnations pénales[31].
Dans le cas des infractions sexuelles, qui appartiennent
généralement à la catégorie des infractions de
commission et non à celle des infractions d'omission (hormis la
corruption de mineur), l’élément matériel consiste en une action
concrète. Pour ce qui est du viol, l'acte de pénétration
doit être commis par le sexe de l'auteur ou dans le sexe de la victime. Cet
acte de pénétration, contrairement à la jurisprudence
ancienne qui définissait le viol comme "la conjonction charnelle
d'un homme avec une femme", est indifférent au sexe des personnes
en cause. Pour autant, la jurisprudence ne considère pas qu'une
pénétration passive (par exemple, le coït imposé par une femme
majeure à un adolescent, ou la pratique d'une fellation homosexuelle
masculine) est constitutive d'un viol, rappelant que l'élément
matériel du crime de viol n'est caractérisé que si
l'auteur réalise l'acte de pénétration sexuelle sur la
personne de la victime. En matière d'agression sexuelle stricto sensu, ne comportant donc pas de
pénétration active, une pénétration passive peut
caractériser ce délit dont l'élément
matériel est apprécié au cas par cas. Cette analyse
casuelle est indispensable puisque, par exemple, une pénétration
anale à l'aide d'un objet sur une victime non consentante peut
constituer soit un viol (si, par exemple, elle est pratiquée à
l'aide d'une carotte par une mère sur sa fille aux fins d'initiation
sexuelle), soit un acte de torture ou de barbarie, crime prévu aux
articles 222-1 et suivants du code pénal (si, par exemple, cet acte est
commis à l'aide d'un tuyau d'air comprimé par un groupe de
salariés sur un de leurs collègues en vue d'une brimade). De tels
actes, réellement jugés, confirment qu'outre les conditions
matérielles permettant la classification pénale d'un acte, la
nature de l'intention motivant l'auteur est aussi déterminante pour
apprécier la juste qualification de l'infraction. L'article 121-3 du
code pénal dispose d'ailleurs qu'"il n'y a point de crime ou de
délit sans intention de le commettre".
En
pratique, l’élément intentionnel est inséparable des
faits matériels. En matière d'infractions sexuelles, outre la
volonté de commettre un acte que l'on sait interdit (ce que les juristes
nomment le dol général), la réalisation des actes sexuels
incriminés nécessite une intention particulière (le dol
spécial).
Cette intention coupable doit être différenciée des mobiles
animant l'auteur, raisons conscientes ou motions inconscientes qui l'ont
incité à commettre l'infraction. Si ceux avancés par
l'auteur (jalousie, haine, amour) peuvent influencer les juges quant au choix
de la peine, ils ne sont pas pris en compte par le législateur pour
définir les infractions sexuelles. Celles-ci seront constituées
lorsqu'il sera démontré que les actes matériels ont
été volontairement commis en l'absence d'un consentement valable
de la victime, laquelle aura subi des violences ou des contraintes, physiques
ou psychiques (brutalité, menaces), ou bien aura été
surprise (dans son sommeil, par exemple). Dès lors, si juridiquement le
viol d'un cadavre ne peut exister en raison de l'impossible consentement de la
défunte victime[32], le viol entre conjoints est
possible, la jurisprudence estimant, depuis 1992, que la présomption de
consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans
l'intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu'à preuve du
contraire. Cette preuve est néanmoins difficile à apporter. Il
revient donc aux juges d'apprécier si le geste sexuel en cause a
été commis avec l'intention d'atteindre, contre son gré,
l'intégrité ou la pudeur de la victime ou bien s'il relevait
d'une conduite par elle consentie. Seul cet examen au cas par cas permet de ne
pas assimiler un geste gynécologique à un viol, une caresse
amoureuse à une agression sexuelle, une conduite naturiste à une
exhibition sexuelle, de sincères élans séducteurs à
un harcèlement sexuel.
En
matière d’exhibition sexuelle, il s’agit de montrer que le caractère
sexuel de l’acte en cause - souvent, la nudité seule ne suffit pas
à constituer l’infraction – est doublé d’une
volonté délibérée d’imposer[33] à la vue d’autrui
un tel comportement sexuel, et ce dans un lieu accessible aux regards du
public. A la différence des agressions sexuelles, les atteintes
sexuelles sans violence sur mineur sont constituées lorsque des faits à
caractère sexuel sont commis par un majeur sur un mineur, sans violence, contrainte, menace ni surprise (cf. tableau 2). Quant au délit de corruption
de mineur
(art. 227-22 CP), il est constitué dès lors que des actes
concrets manifestent la volonté de l'auteur d'éveiller les
pulsions sexuelles d'un mineur, et ce sous le regard d'autrui, ou bien
lorsqu'un majeur organise des réunions comportant des exhibitions ou des
relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe. Il faut rappeler
que le législateur a créé ces infractions
délictuelles pour protéger les victimes les plus jeunes
d'initiations sexuelles précocement proposées par des majeurs.
Si, contrairement à de nombreux pays européens, le droit
pénal français ne connaît pas de présomption
irréfragable d'absence de consentement du mineur victime d'agression
sexuelle, en matière d'atteinte sexuelle la loi a spécialement
prévu que le consentement de la victime mineure, de quinze ou dix-huit
ans selon les cas, n'ôtait pas la responsabilité pénale de
l'auteur. Cette même présomption protège les mineurs
âgés de quinze à dix-huit ans lorsque les faits sont commis
par des personnes dont le devoir est de les protéger et de les
éduquer. Enfin, en ce qui concerne le nouveau délit d’exploitation
de l’image ou de la représentation pornographique d’un
mineur,
l’existence d’un élément matériel peut
être vérifiable, attendu qu’un support concret ou une trace
informatique est indispensable à la fixation, à
l’enregistrement ou à la transmission de l’image ou de la
représentation pornographique.
Par
la multiplication des incriminations mais également grâce à
l’ajout de multiples circonstances aggravantes modulant les sanctions
pénales applicables (cf. Tableau 3), le législateur est parvenu à apporter une
réponse répressive de plus en plus précise à ce
type d’infractions
Cette
multiplicité de circonstances aggravantes s’est accrue
considérablement depuis un quart de siècle. Aux quelques
circonstances aggravantes prévues dans les premiers codes pénaux,
ce sont ajoutés celles relatives à la qualité de l'auteur,
personne ayant autorité sur la victime (proche, instituteur, ministre du
culte, fonctionnaire public). Cette dernière catégorie de
circonstances aggravantes existe aujourd'hui dans toutes les
législations étrangères occidentales. En France, la loi du
23 décembre 1980 a encore élargi les cas d'aggravation de
pénalité lorsque la victime est une "personne
particulièrement vulnérable en raison d'un état de
grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience
physique ou mentale", lorsque le viol est commis "sous la menace
d'une arme", ou lorsqu'il est "précédé ou
accompagné de tortures ou d'actes de barbarie". Par-delà
quelques remaniements et compléments de rédaction, le code
pénal de 1994 a conservé la totalité des aggravations
précédemment instaurées, ajoutant trois autres
circonstances relatives au résultat de l'infraction, lorsque le viol
entraîne "une mutilation ou une infirmité permanente" ou
bien "la mort de la victime", ou lorsque l'agression sexuelle
délictuelle provoque "une blessure ou une lésion". En
outre, depuis 1995, une atteinte sexuelle peut être aggravée
lorsqu'elle "s'accompagne du versement d'une
rémunération". Enfin, en 1998, cet ensemble a
été parachevé par l'ajout d'une nouvelle modalité
de commission de l'infraction sexuelle, lorsque "la victime est mise en
contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la
diffusion de messages à destination d'un public non
déterminé, d'un réseau de
télécommunication".
Après avoir observé que la grande
variété d’incriminations qui caractérise les
infractions sexuelles est doublée par une multiplicité de
circonstances aggravant les sanctions prononcées, il convient
d’admettre que cette catégorie infractionnelle
bénéficie d’un régime pénal spécial
très complet. En regroupant en catégorie pénale autonome
les infractions sexuelles qui touchent le plus directement les victimes, le
législateur a voulu rendre plus aisée l’instauration des
dispositions dérogatoires au droit commun, réunies en un
véritable régime pénal spécial appliqué, en
France, aux auteurs d’infractions sexuelles [37]. Si ce régime
particulier concerne l’ensemble du processus judiciaire, tant avant
qu’après le jugement, celui-ci comporte toutefois une
originalité qui figure au centre de nos préoccupations : la
mise en place de soins enjoints s’intercalant entre les soins
obligés - existant depuis près d’un demi-siècle sous
la forme de l’obligation de soins - et les soins contraints, que les
psychiatres travaillant en établissement spécialisé
connaissent bien. Mais il s’agit là d’autres
catégories pénales.
1. Le code de Hammou-rapi Introduction, traduction et annotation par A.
Finet. 2ème éd. revue et corrigée [1ère
éd. 1973]. Paris, Ed. du Cerf, 1996.
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29. Quéméner, M., « La loi et les
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« Opus », n° 45), 1997.
32. Labrusse-Riou, C., « La pudeur à
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« Morales »), n° 9 (La pudeur. La réserve
et le trouble),
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33. Reyes, A., « 2001, l’odyssée
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35. Vitu, A., Droit pénal spécial (t. 2), in Merle, R. et Vitu, A., Traité
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Paris, Cujas, 1982.
36. Darbéda, P., « L’expertise de
prélibération de l’article 722 du code de procédure
pénale et le processus d’évaluation et de soins des auteurs
d’infractions à caractère sexuel », Revue de
science criminelle et de droit pénal comparé, n° 4, oct.-déc. 1996,
pp. 919-929.
37. Lameyre, X., « Du régime pénal
spécial appliqué, en France, aux auteurs d’infractions
sexuelles », Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé,
[à paraître au 1er semestre 2002].
[1] Magistrat
[2] Le § 129 prévoit que
« si l’épouse d’un homme a été
(sur)prise alors qu’elle couchait avec un autre mâle, on les liera
et on les jettera à l’eau. Si le propriétaire de
l’épouse fait grâce à son épouse, alors le roi
graciera (aussi) son serviteur ».
[3] Celui d’une jeune-fille
vierge promise fait encourir la mort à son auteur (§ 130) ;
celui de la fiancée par le futur beau-père est soit puni de
noyade (si la promise a déjà eu commerce avec le fils fiancé,
§ 155), soit compensé financièrement (si la promise
était vierge, § 156).
[4] « Si un homme a eu
commerce avec sa fille, cet homme on le bannira de la ville. »
(§ 154) ; « si un homme, après (la mort de) son
père, s’est couché sur le sein de sa mère, on les
brûlera tous les deux. » (§ 157).
[5] « Le bon ordre de
l’Etat résulte du bon ordre des familles ». Comme le
précise J.-M. Carbasse, c’est au cours du XVIe siècle que
la compétence des juridictions laïques s’est généralisée
et que l’adultère a été puni dans tout le royaume
[3, p. 265].
[6] L’art. 42 de
l’ordonnance royale de Blois, rendue en mai 1579, punissait de mort
« ceux qui se trouveront avoir suborné fils ou fille mineurs
de 25 ans sous prétexte de mariage (…) sans le gré et
consentement exprès des pères, mères et tuteurs »
[3, pp. 269-270].
[7] Ainsi que l’écrit H.
de Balzac dans sa Physiologie du mariage (1829).
[8] C’est d’ailleurs
à partir de la catégorie pénale du vagabondage que le
proxénétisme, qualifié alors de « vagabondage
spécial », connut sa première répression
légale, instaurée par la loi du 27 mai 1885.
[9] A l’exception de certains
crimes, notamment ceux commis sur un enfant qui, bien avant nos
« marches blanches », pouvaient provoquer un immense
émoi populaire, tel celui de la foule entourant, à Toulouse en 1847,
le cercueil de la jeune Cécile Combettes, « vierge
martyre » de 14 ans dont le portrait fut largement diffusé.
[10] Celles de castration (punie de mort), de viol simple (puni de 6 années de fers),
de viol aggravé (lorsqu’il est commis sur « une fille âgée de moins de 14
ans accomplis », soit avec violence ou en réunion, il est
puni de 12 années de fers) de rapt (puni de 12 années de fers) et de bigamie (punie de 12 années de
fers), infractions prévues respectivement aux art. 28, 29, 30, 31 et 33
de la Section Ire (« Crimes et attentats contre les
personnes ») du Titre II (« Crimes contre les
particuliers »).
[11] Entre 1975 et 2000, le nombre de
viols (simples et aggravés) signalés aux autorités
judiciaires a plus que quintuplé, passant de 1.589 à 8.458. Entre
1984 (année de l’informatisation du casier judiciaire) et 1998
(année des dernières statistiques connues), le nombre de
condamnations pour viol a presque quadruplé, passant de 563 à
2.112, soit 51,26 % des 4.120 crimes sanctionnés en 1998.
[12] Le 1er janvier 1975, les
633 détenus exécutant en métropole une peine pour viol et
attentats à la pudeur (agressions sexuelles) représentaient 5 %
de la population des détenus condamnés. Le 1er janvier
2001, ils étaient 7.101, soit plus de onze fois plus. Formant
près du quart de la population des détenus condamnés, ils
représentent le type d’infracteurs le plus présent en
prison, loin devant les auteurs d’infraction à la
législation sur les stupéfiants qui constituent 14 % de cette
population.
[13] A ce jour, une trentaine
d’articles du code pénal concerne ces infractions. Il n’y en
avait qu’une vingtaine avant 1994.
[14] « Comme toute norme
juridique, [l’émergence des incriminations] doit emprunter pour
naître un processus politique » [22, p. 66].
[15] L’élaboration du code
pénal entré en vigueur en 1994 a fait apparaître aussi que
« le droit pénal est davantage un champ construit à
partir de normes professionnelles qu’un champ expressif de valeurs et
d’intérêts […,] la tension entre ces deux registres
techniques et politiques se retrouv[ant] tout au long du processus de
codification ». [12, p. 38].
[16] Par un arrêt du 17 sept. 1997
(Juris-Data n° 004043), la chambre criminelle de la Cour de cassation a
rappelé que, sauf à en être le tuteur, un frère
n’a aucune autorité légale sur sa sœur, même
s’il est l’aîné.
[17] Auparavant, la loi n° 76-629 du
10 juillet 1976 relative à la protection de la nature avait
renforcé la répression des « sévices
graves » et « actes de cruauté »
envers les animaux (anc. art. 453 du code pénal, aujourd’hui art.
521-1).
[18] Au moyen d’une disposition
complémentaire ajoutée à l’ancien art. 378 du code
pénal (aujourd’hui, art. 226-14, 2°), disposition autorisant
« tout médecin qui, avec l’accord de la victime, porte
à la connaissance du procureur de la République les sévices qu’il a constatés dans
l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer qu’un
viol ou un attentat à la pudeur a été commis ».
Depuis 1994, les termes soulignés ont été remplacés
par les mots « que des violences sexuelles de toute nature ont
été commises ». La loi n° 81-82 du 2
février 1981 renforçant la sécurité et
protégeant la liberté des personnes étendra la
répression à toute personne « ayant eu connaissance de
sévices ou de privations infligés à un mineur de quinze
ans » (anc. art. 62, al. 2 du code pénal, aujourd’hui
art. 434-1 à 434-3).
[19] Je partage l’opinion de C.
Labrusse-Riou lorsqu’elle parle de « dictature de la
transparence » [32, p. 30] [10, p. 103].
[20] A l’exception des
« agressions sonores » visées à l’art.
222-16 du code pénal, les agressions sexuelles sont les seules atteintes
ainsi désignées par la loi. En réservant les atteintes
sexuelles aux délits commis « sans violence, menace,
contrainte ni surprise », le législateur a entendu
préserver le caractère violent et soudain de l’aggressio latine qui signifie choc, attaque.
[21] Loi n° 80-1041 du 23
décembre 1980 relative à la répression du viol et de
certains attentats aux mœurs.
[22] Sans doute parce que les auteurs de
ce type d’infractions sont déjà soumis à des
règles procédurales particulières, prévues aux
articles 706-34 à 706-40 du code de procédure pénale.
[23] Disposition entrée en
vigueur à la suite du décret n° 95-886 du 4 août 1995 (cf. les art. R. 50-33 à R.
50-35 du code de procédure pénale).
[24] Crimes prévus aux articles
221-2, 221-3, al. 2 et 222-25 du code pénal.
[25] Crime prévu à
l’article 222-26 du code pénal.
[26] Il s’agit du crime de viol
(simple ou aggravé), des délits d’agressions sexuelles
(simples ou aggravées et de leur tentative) et du délit
d’exhibition sexuelle.
[27] Il s’agit des atteintes
sexuelles (simples ou aggravées) commises sur mineur de 15 ans, ou
commises sur mineurs de 15 à 18 ans, non émancipés par le
mariage, si l’auteur est un ascendant légitime, naturel ou adoptif
ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, ou bien
s’il abuse de l’autorité que lui confèrent ses
fonctions.
[28] Il faut souligner que
l’intitulé de cette loi affiche officiellement une
catégorie pénale déjà existante mais diversement
nommée (infractions « à caractère
sexuel », d’ « ordre sexuel », de
« nature sexuelle »).
[29] Lesquels ne représentaient,
en 1998, qu’une part infime (environ 4 %) des délits sexuels.
[30] La cupidité anime le
proxénète tandis que l’intention coupable de
l’agresseur sexuel est dominée par une finalité ou une
expression de nature sexuelle.
[31] Constitutionnellement,
« la loi détermine les crimes et délits »
(art. 111-2 code pénal) et prévoit que « nul ne peut
être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments
ne sont pas définis par la loi » (art. 111-3 du même
code).
[32] Les
actes nécrophiles sont cependant punissables en application des articles
225-17 et 225-18 du code pénal.
[33] C’est sans doute en cela que l’on a pu considérer que l’exhibition sexuelle devait être considérée comme une agression sexuelle.