Qu’elles soient incluses
dans les « Troubles de la préférence
sexuelle » (CIM-10) ou dans les « Paraphilies » (DSM-IV), les
conduites d’agression sexuelle autres que la pédophilie et le viol
sont effectivement repérées par les cliniciens comme des « Troubles
comportementaux » ayant leur place dans la démarche diagnostique
médicale, compte non tenu de la législation sociale en vigueur
dans le lieu d’accomplissement des actes désignés.
En
ce qui concerne l’exhibitionnisme, la CIM-10 (et le DSM-IV qui en
est très proche) le définit comme la tendance récurrente
ou persistante à exposer ses organes génitaux à des
étrangers (en général du sexe opposé), dans des
endroits publics, sans désirer ou solliciter un contact plus
étroit. Il y a, le plus souvent une excitation sexuelle au moment de
l'exhibition, qui est, en général, suivie d'une masturbation.
Une
telle définition ne pose pas de problème d’école
particulier. Il s’agit d’une définition descriptive, comme
pour les autres paraphilies mentionnées (fétichisme, voyeurisme,
masochisme et sadisme sexuel), qui est suffisamment généraliste
pour permettre un langage commun (contenu sémantique) des
spécialistes au niveau international, dégagé des
considérations pénales locales. Toutefois, nous verrons que la
réalité clinique est diverse.
Quoiqu’il
en soit, cet acte choque par ses conséquences dolosives morales sur les
victimes, inquiète par la répétition et la
fréquence de la transgression, interpelle les thérapeutes face au
manque de moyens thérapeutiques appropriés et étonne par
son caractère pérenne quasi inexorable ou bien sa propension
à s’effacer inexplicablement après quelques entretiens.
Les
autres agresseurs sexuels non pédophiles et non violeurs déclinent
parfois avec un certain folklore (sauf pour les victimes, bien sûr) ce
qui était classiquement dénommé les petites perversions
sexuelles (les voyeurs, les coupeurs de natte, les piqueurs, les frotteurs, les
claqueurs, les caresseurs,...). Il convient d’y adjoindre divers
agissements, souvent sournois ou larvés, à type d’agression
sexuelle ou à connotation sexuelle repérable (les sadiques, les
masochistes, les violents, les fétichistes, les manipulateurs, les
séducteurs, les profiteurs).
Nous
ne traiterons pas des agresseurs sexuels agissant dans le cadre d’une
tentative avortée de viol ou d’acte de pédophilie qui sont à
considérer, en fait, comme ayant globalement le profil des auteurs
effectifs de ces même actes.
Le
terme est du à Lasègue dans "L’union
médicale" en mai 1877 ([1]),
avant les observations cliniques rédigées par Krafft-Ebing entre
1886 et 1923 ([2]).Lasègue
décrit "une impulsion irrésistible à exhiber en
public ses organes génitaux, à distance, sans manoeuvre lubrique,
l'impulsion ayant tendance à se reproduire de façon stéréotypée,
aux mêmes heures et aux mêmes lieux, et ne s'accompagnant d'aucune
manifestation génitale". Le scénario est désarmant de
répétition et de pauvreté : le sujet reproduit quasi
rituellement les mêmes agissements auprès de la même victime
ou de la même catégorie de victimes. L'acte vient soulager un
état anxieux et succède à une période de lutte
contre le besoin de se montrer ; il peut s'ensuivre un sentiment de
culpabilité.
C’est
ainsi qu’il publie le cas de cet employé supérieur
d’une administration âgé de 60 ans qui se postait tous les
matins devant sa même fenêtre à la même heure pour exposer
ses organes à la vue d’une jeune voisine de 10 ans.
Citons
aussi le cas, repris régulièrement dans la littérature
avec quelques déformations (parfois jubilatoires…), de cet homme
de 30 ans qui, à la tombée de la nuit, se présentait
subitement devant une victime en prière dans une église et qui
fut finalement arrêté, suite aux cris poussés par une
vieille religieuse. Examiné, il sera conclu par Lasègue à
un homme « distingué d’esprit et de
formes ».
Enfin,
citons le cas de cet officier supérieur en retraite qui se
plaçait tous les deux jours sous les fenêtres de la maison
où résidaient des jeunes filles : il se déboutonnait,
présentait ses attributs, se reboutonnait et continuait sa promenade.
Lasègue note, avec un sens aigu du détail clinique, « il
déposait toujours sa canne au même endroit avant de se mettre en
posture ».
Krafft-Ebing
rappelle que "dans le commerce sexuel normal", l'exhibition ou la
contemplation des organes génitaux servent à l'excitation des
partenaires ; ici, la satisfaction sexuelle semble résider dans
l'exhibition elle-même et non pas dans un acte qui succéderait
à l'état d'excitation. Il précise que le plus souvent
cependant, à la différence des cas de Lasègue qui restent
rares, les exhibitionnistes semblent espèrer une satisfaction sexuelle
par le coït, mais l'obtiennent surtout par une masturbation, en
présence de la victime ou après sa fuite.
Ainsi,
Garnier (1900) distingue le cas des exhibitionnistes à la verge
flaccide. Le sujet apparaît indifférent à
l’état de sa verge qui demeure au repos, sans que
l’intéressé ne pratique de manœuvres masturbatoires
associées ; au contraire, le sujet paraît se satisfaire
d’une telle présentation.
(ce
qui n’est pas sans rappeler la présentation par certains eunuques
en Inde de leur castration dans un agi malfaisant de jeteur de sort ; cf. [3]).
Certains
exhibitionnistes, au contraire, sont de véritables masturbateurs
publics.
Ils fonctionnent sans aucune retenue, après avoir choisi, en embuscade,
un lieu propice ; fréquents, ces masturbateurs frénétiques
vont traquer leurs victimes dans les allées ombragées des
parcours de santé, dans les parcs qui leur permettront de surgir
d’un feuillu. Parfois, les lieux seront moins buccoliques (rue déserte,
cage d’escalier, ascenseur, lieu public où ils surprendront une ou
plusieurs victimes interloquées).
Tyrode
et Bourcet ([4])ont
publié le cas d’un masturbateur exhibitionniste qui affirmait que
cette pratique lui permettait "un épanouissement physique et
mental quotidien" dont il crût bon de faire la démonstration
face au substitut de garde, jeune femme compréhensive qui
s’adressa immédiatement au spécialiste, plutôt que de
l’incarcérer sans espoir que sa pratique cesse pour autant.
"Il
existe des gens qui ont le besoin de montrer à d'autres, non pas leurs
parties génitales, mais tout leur corps nu" ou "d'autres
parties du corps" (Krafft-Ebing).
Lasègue
publia le cas princeps d’une exhibition corporelle qu’il
présente en début de son article de 1877 comme une vignette
clinique fondatrice du concept même d’exhibition.
Le
sujet, un homme jeune et bien inséré, se postait devant une jeune
fille sans jamais lui parler ni agir d’une quelque autre façon ni
prendre des renseignements ou écrire à sa victime qui devra
supporter avec résignation sa présence corporelle durant des
mois, en quelque lieu qu’elle se rende. Cette ombre de sa victime fera
craquer les parents de celle-ci après plus d’un an de cette
présence silencieuse. On parlerait aujourd'hui de harcèlement plus
que d'exhibitionnisme.
Plus
précisément, dans le cadre de notre étude, nous
retiendrons les sujets qui s’exhibent de leur fenêtre de salle de
bains face aux travailleuses entassées dans les rames du métro
aérien. Mentionnons aussi quelques cas de
"photoexhibitionnisme": le sujet se regarde être vu par la
victime sur la photo qu'il lui présente.
Citons
aussi, exemple que nous avons connu comme usager de l’autoroute, cet
athlète, très visiblement culturiste, qui s’était
posté en tenue d’Adam sur la passerelle surplombant les voies de
l’autoroute. Afin d’être du plus bel effet, il avait
placé sa voiture rouge en fond coloré, traduisant ainsi une
réelle recherche de mise en scène pour les milliers d’automobilistes
sollicités.
On
a pu classer dans cette catégorie les individus qui prennent plaisir
à choquer leurs interlocuteurs en racontant des obscénités
; c'est notamment le cas des appels téléphoniques anonymes
à des femmes, tout en pratiquant une masturbation.
La
présentation hyper sexualisée du satyre est volontairement
cultivée afin de pratiquer une invitation à la sexualité
physique auprès des partenaires visées.
Il
convient de distinguer clairement :
-
les appels sexualisés qui cumulent les agressions verbales salaces, les
pelotages et ambiguïtés diverses de situation, voire la
présentation des fesses ou des organes sexuels (contexte estudiantin,
internat ancien régime, bizutage, troisième mi-temps, mouvements
peace and love ou communautaire, sectes ou ambiance new age).
-
les actes manifestement agressifs dans le cadre de la sexualité agie,
dès le début de la relation avec une victime choisie
intentionnellement comme telle : dénudation avec le sexe en
érection, actes de masturbation associés, langage ordurier avec
agitation psychomotrice et passages à l’acte sans
ambiguïté, voire esquisse de viol avec, parfois, réalisation
si les circonstances le permettent, dans un registre de bestialité (actes
contre nature, multiplicité de l’assouvissement sexuel, etc.).
Enfin,
on peut ranger ici les personnes qui prennent une jouissance élective
dans la réalisation d'actes sexuels en publics. Ainsi en est-il des
échangismes, mélangismes et autres triolismes ...
On
arrive rapidement, à la fin de ce tableau, à la frontière
des pathologies individuelles et des expressions tolérées de
l'échange social du corps. L'exhibitionnisme "culturel" (les strip-tease,
les "go-go dancers", les films X, les webcams, les "clubs libertins",
etc) ne fera bientôt plus scandale , dans la mesure où
l'échange sexuel s'intègre progressivement à
l'économie marchande mondialisée... si l'on partage la
thèse prophètique de Michel Houellebecq par exemple ([5]).
C'est
le plus souvent dans ce cadre culturel que s'épanouit l'exhibitionnisme
féminin. Que dire des exhibitions toujours appréciées, donc
jamais sanctionnées, de stars en mal de présentation et de
représentation ? Toutefois, il conviendra de savoir se méfier
d’une exhibition inattendue, toujours gênante, voire
risquée, selon les circonstances. Le piège sexuel est parfois,
face au développement du harcèlement sexuel, la réponse de
la bergère au berger.
Enfin,
il convient de distinguer :
Il
s’agit de sujets qui vont se dénuder dans un contexte de besoin
physiologique ou du fait de la chaleur, par exemple. Il est parfois difficile
de faire la part des choses entre les conséquences d’une prostate
défaillante, un début de démence égrillarde et
désinhibitrice et une volonté consciente et dissimulée de
pratiquer un acte d’exhibition, avec ou sans masturbation.
Apanage
d’hommes âgés, souvent isolés sociaux et peu
cultivés, cette forme d’exhibition reste relativement
tolérée lorsqu’elle ne concerne pas des victimes jeunes ou
désignées. Elle est sans conséquence sociale notable en
établissement pour personnes âgées en raison de
l’encadrement attentif des équipes chargées de la prise en
charge.
Il est le fait de sujets
régressés (autismes, séquelles de psychose ancienne,
épilepsies évolutives) ou porteurs d’une atteinte
neurologique centrale ancienne ou évolutive (encéphalopathie
congénitale ou acquise, tumeur ou séquelles d’AVC,
démences, dysfonctionnement métabolique, état confusionnel
ou délirant, intoxication aiguè ou chronique [dont l’usage
des stupéfiants ou des psychotropes]).
Dans
le métro ou avec les vêtements de l’être cher, partout
où ils peuvent se frotter à l’objet de convoitise, les
frotteurs frottent au mépris du danger et de leurs victimes
potentielles. Krafft-Ebing les rapprochent des exhibitionnistes lorsque leur
comportement est dicté par le désir de solliciter autrui par
l'acte. Dans d'autres cas, il ne s'agit que de se procurer un peu de plaisir
"à bon compte".
Tous
les ans, plusieurs médecins sont condamnés par les juridictions
ordinales, voire pénales, pour avoir frotté (et
au-delà…) leurs patientes qui étaient en confiance auprès
de leur praticien. L’une d’entre elles, évoquant son
médecin qui boitait manifestement de longue date, nous dira « pendant
l’examen, il se penchait en respirant fortement dans mon dos ;
j’ai senti quelque chose de dur. J’ai cru tout d’abord
qu’il s’appuyait sur moi avec sa prothèse de
hanche… ».
Ils
forent des trous partout : placards, portes de toilettes, de salles de
bains ou chambres d’hôtel. Ils se cachent partout où ils
peuvent surprendre la nudité ou la sexualité, voire
l’exonération liquide ou solide. Ils agressent ainsi leur victime
en possédant son image et son intimité. Celle-ci se sent trahie
et humiliée lorsqu’elle réalise (parfois bien tard) avoir
été un spectacle involontaire érotique pour son agresseur
([6]).
Il
est évident qu'une dimension voyeuriste coexiste intimement avec les
autres paraphilies dans lesquels le regard est essentiel : sadisme et
masochisme, pédophilie, triolisme, échangisme ... Certains
auteurs relèvent aussi la fréquence des liens avec d'autres
délits, non sexuels (vols).
Enfin,
le contexte culturel, déjà mentionné pour
l'exhibitionnisme, est essentiel ; la charge érotique de certaines
scènes ou de certaines images varie considérablement selon les
lieux, les périodes, et...l'âge du spectateur ; saura-t-on mesurer
le lien entre voyeurisme passif et voyeurisme actif dans le
développement psychosexuel ?
Le
fétiche en lui-même n’est pas constitutif d’une
agression sexuelle (il est toutefois une spoliation pour son
propriétaire lorsqu’il est subtilisé, comme dans ce cas
où le vol de plusieurs centaines de petites culottes féminines
séchant sur les étendages extérieurs avait semé
l’émoi dans une campagne, jusque là paisible). Par contre,
il est souvent associé à des pratiques notablement plus
préoccupantes : par exemple, notre violeur manipulateur de cheveux
possédait une collection de chouchous (élastiques de maintien de
chevelure) subtilisés (dont un à sa victime). Certains serial
killers et serial violeurs conservent ainsi un souvenir constitutif de leurs
victimes.
Les
manifestations au quotidien sont l’apanage des pères et substituts
paternels incestueux et agresseurs sexuels (refus de nourriture, obligations
diverses dont la nourriture, interdictions de fréquentations ou de mode
de vie, impératifs éducatifs ou relationnels, brimades diverses,
propos salaces, dépréciateurs, injurieux, menaces subtiles,
terrorisme intellectuel, etc.) ([7])
L’activité
sexuelle est sollicitée dans l’ambiguïté de la
relation d’allégeance (physique ou psychologique, tentatives de
suicide, stratégies de manipulation ou de sadisme associées).
Les
coupeurs de natte
Il n’y a plus
de petites filles à qui leur maman tresse deux couettes tentatrices. Il
n’y a donc plus de coupeurs de natte. Par contre, la manipulation
sexuelle des cheveux des victimes reste une activité usitée ainsi
qu’en témoigne un récent dossier de violeur (jugé)
qui avait coupé les cheveux longs de sa malheureuse victime
décédée sous ses coups. Il en avait introduit une partie
dans le sexe du cadavre et s’était masturbé avec le reste
qu’il avait ramené comme un macabre trophée à son
domicile.
Les
piqueurs
Ils sévissent
moins qu’avant dans les transports en commun. La mode n’est plus
à l’épingle à nourrice agrafée au revers du
veston et déployée dans la cohue pour piquer anonymement les postérieurs
des voyageuses. Au début du siècle, un cache-postérieur
métallique était commercialisé ainsi qu’une pommade
apte à soulager les souffrances victimelles. Un chansonnier
évoquait les "adeptes d'Epicure", favorisant
involontairement donc la mode pour cet agissement sexualisé.
Les
claqueurs
Il
existe toujours des amateurs de petites (ou plus appuyées) claques sur
les fesses. Que dire de ce préfet, au demeurant fort bel homme, qui ne
pût s’empêcher, lors d’une inauguration d’une
structure de soins, d’administrer une petite claque furtive sur le
postérieur d’un agent de service (de sexe féminin) qui
donnait avec zèle un petit coup de balai en l’honneur de cette
visite ? Il se reconnaîtra peut-être et apprendra qu’il
fallut convaincre cette mère de famille de ne pas donner suite.
Les
caresseurs
Ils pelotent,
chatouillent, tripotent, gratouillent, voire ils pincent ou picotent. Ils sont
sûrement d’une familiarité excessive ; ils en rajoutent
encore quand ils famille et leur entourage professionnel. Ils agressent
l’intimité de leur victime qui souffre souvent en silence ;
eux, par contre, ont souvent le verbe haut et le geste impérieux. Il
faut qu’ils sachent qu’ils prennent le risque d’être
poursuivis pour harcèlement sexuel ou agression sexuelle.
Les
violents
Ils se comportent
avec une présence physique pesante et menaçante, voire
directement agressive, vis à vis de leur victime sexuelle, potentielle
ou actuelle. Le plus souvent, en dehors des violences manifestes qui sont
à reprendre dans le cadre des agressions sexuelles majeures, il
s’agit de prémisses et d’une atmosphère visant
à aménager un ascendant sur une victime terrorisée au
quotidien, propre à sombrer dans un syndrome de Stockholm
(allégeance affective pour l’agresseur).
Les
manipulateurs
Nous
sommes dans le royaume des gourous, thérapeutes et
psychoguérisseurs de toutes obédiences.
Nous en avons connu qui
priaient, se droguaient, mangeaient végétarien ou buvaient du
lait. Certains jouaient de la cithare thérapeutique, d’autres
guérissaient par les ondes ou les massages.
Mais,
l’argent et le pouvoir sont toujours au rendez-vous ainsi que
l’exploitation sexuelle, souvent transgénérationnelle si la
mère et la fille fréquentent le même manipulateur.
Les
séducteurs
Ils utilisent leur
ascendant pour endormir les défenses de leur victime qui sera
exploitée par surprise, trahie dans sa bonne foi et sa confiance :
il en est ainsi du prêtre ou du médecin, professions actuellement
en passe d’être sur-représentées dans les
procédures engagées pour agression sexuelle.
Et que dire de ceux
qui empruntent faussement les habits de la respectabilité ? Citons
cette malheureuse victime violée dans son lit d’hôpital par
un agresseur qui avait emprunté une blouse dans un vestiaire. Elle
déclarera : « je n’ai rien osé dire car
il m’avait chuchoté qu’il était le médecin de
garde ».
Les
profiteurs
Ils sont les adeptes
du tourisme sexuel et de toutes les bonnes occasions pour exploiter
sexuellement leur prochain.
Ces agresseurs
apparaissent sincèrement étonnés, voire
désolés, lorsqu’on leur explique que le trafic
d’images pédophiles pornographiques ou de sévices et
mutilations sadiques a nécessité un tournage avec des victimes en
souffrance. De même, ils sont souvent ignorants (apparemment) d’un
éventuel état de vulnérabilité de leur victime (débile
majeur en CAT, infirme moteur cérébral suivi en MAS, adulte
classé invalide par la COTOREP, incapable majeur sous tutelle ou
curatelle, démence en cours d’évolutivité, maladie
en phase terminale ou incurable, patient en état alcoolique ou sous
toxique ou psychotrope). Que penser de cet agresseur qui préparait lui-même
le cocktail de psychotropes de sa victime ou de cet anesthésiste sans
foi ni loi abusant de ses patientes endormies ?
Le passage
à l'acte succède à une lutte anxieuse que
l'exhibitionniste ne parvient pas à maîtriser. Il se bat
mentalement sans succès contre sa pulsion qui prend ici la forme
d’une compulsion de répétition.
Il apparaît
inamendable et récidiviste et, pourtant, parfois, le simple fait de
s’intéresser à lui (un ou quelques entretiens,
spécialisés ou généralistes) suffisent pour
débloquer une situation qui paraissait enkystée. De plus, il peut
exister souvent une vie sexuelle normale pendant des "intervalles
libres" parfois très prolongés entre deux périodes
d'exhibitionnisme. Le taux de récidive apparaît faible
après la première sanction judiciaire ; il est plus
élevé après la seconde.
Habituellement
les cliniciens relèvent une personnalité marquée par le
manque d'assurance, la timidité, l'introspection et par l'attitude
passive dans les relations sociales interpersonnelles. Cependant, la revue de
la littérature publiée par Levin et Stava ([8])
ne montre pas de profil particulier au MMPI.
Certains auteurs
évoquent aussi un trouble obsessionnel-compulsif, mais cela reste
très controversé ; il manque souvent l'aspect
égo-dystonique du TOC. La composante dépressive est moins
discutée, justifiant pour certains un traitement par les
sérotoninergiques.
On relève
la spécificité de l’excitation sexuelle secondaire à
l’acte d’exhibition, avec une activité sexuelle secondaire
d’onanisme. On a pu évoquer un renforcement de l'exhibitionnisme
par la satisfaction obtenue par la masturbation. La lutte anxieuse n'est pas
présente ; l'appoint ethylique n'est pas négligeable. Les traits
antisociaux ou psychopathiques sont ici plus fréquents.
La place du
narcissisme et de l’image du corps est, dans ce cas, au premier plan,
motivant le sujet dans une activité jubilatoire dont la composante
sexuelle est parfois secondaire.
Il s’agit
d’une inflation de l’activité génésique dans
un contexte d’exaltation de l’humeur. Les limites, psychiques mais
surtout physiques, doivent être immédiatement imposées,
avec usage de la force si nécessaire.
En effet,
l’individu agit sans limites intériorisées, dans un
contexte de monothématisme pulsionnel sexuel ([9]).
Les approches
exhibitionnistes revêtent souvent le conventionnalisme des modes, de
l’effet sociologique du groupe et de l’emprise médiatique.
Si, en général, personne ne se plaint vraiment, le poids de la
pression médiatique doit, toutefois être pris au sérieux,
en particulier dans le contexte éducatif des mineurs.
Les attitudes
spontanées ou réactionnelles à connotation sexuelle
doivent être envisagées comme des réactions
comportementales caractérielles aux conséquences parfois
préoccupantes. Il faut savoir intervenir avec la présence d'une
tierce personne et limiter les colloques singuliers avec porte fermée
aux seuls actes à visée thérapeutiques, le personnel
soignant ne devant pas être géré dans un tel contexte
d’intimité.
Il s’agit
de situations individuelles qui justifient une étude médicale et
psychiatrique soigneuse car les causes sont souvent intriquées et
confuses. De plus, la fragilité d’un sujet âgé et
malade ne permet pas d’envisager tout type de sanction (par exemple,
contre indication médicale possible à l’incarcération)
ainsi que tout type de prise en charge médicale ou
psychothérapique.
Il doit faire
l’objet d’une évaluation propre à la pathologie
présentée avec la mise en place des garanties nécessaires
institutionnelles et éducatives. L’attitude à
prévoir doit rester pragmatique sans moraliser, ce qui est bien souvent
hors de propos ici.
Bien sûr, les
traitements devront être adaptés à
l’évolutivité de la pathologie, en restant proche de
l’entourage par un monitoring familial.
Mentionnons ici l'étude
de G. Simpson ([10]):
sur un groupe 477 patients ayant subi un traumatisme crânien, il
enregistre en cinq ans 128 agressions sexuelles commises par 29 hommes, dont 83
actes de frotteurisme et 29 exhibitionnismes.
Il
apparaît nécessaire de reprendre avec chaque patient les axes
thérapeutiques envisageables. Ceux-ci seront fonction du niveau de prise
de conscience, donc du niveau de souffrance du sujet ([11]).
Or,
cette appréciation marquera, en fait, le niveau
d’instrumentalisation de la victime par son agresseur. Cette
évaluation, précisément psychodynamique, de
l’interrelation du couple agresseur/agressé justifierait, pour certains
auteurs, que le travail expertal sur la victime et son agresseur soit
confié au même expert : il ne s'agit absolument pas, en effet,
d'un contexte de thérapie ; celui-ci interdirait, bien
évidemment, que le même thérapeute prenne en charge,
à la fois, les deux acteurs de l’action.
Il
était classiquement admis que les personnes atteintes de
"paraphilies" récidivaient dans la même catégorie
de trouble. Or, de récentes études montrent que des
évolutions diverses sont possibles ; ainsi, parmi les personnes
impliquées dans des actes "touchant" leurs victimes (frottage,
viol, pédophilie), 30,6% avaient été impliquées
auparavant ou simultanément dans des actes "sans toucher"
(voyeurisme ou exhibitionnisme) ; inversement, parmi ceux qui "ne touchent
pas", 64% avaient commis des actes avec "toucher" des victimes.
Abel
et Osborn (in [12])
montrent ainsi, dans une population de 859 auteurs d'agression sexuelle, les
croisements entre le diagnostic primaire (principale paraphilie) et le
diagnostic secondaire (conduite pathologique antérieure ou
associée).
En
ce qui concerne l'exhibitionnisme, les résultats sont les suivants :
-
lorsque le diagnostic primaire est "exhibitionnisme", les diagnostics
secondaires sont :
voyeurisme
: 27
%
frottage
: 17
viol
: 14
pedophilie
non incest. (fille) : 13
pedophilie
incestueuse (fille) : 12
masturbation
publique 10
pedophilie
non incest. (garçon)
8
-
lorsque l'exhibitionnisme est le diagnostic secondaire, le diagnostic primaire
était :
29
% masturbation
en public
26 voyeurisme
18
pédophile
non incest (fille)
17 frottage
15 masochisme
13 appels
telephoniques obscenes
12 pedophilie
non incest. (garçon)
11 viol
10
pedophilie
incestueuse (fille)
9 sadisme
8 fetichisme
On
admet habituellement que l’implication du sujet dans son traitement sera
inversement proportionnelle au niveau de perversion présent à la
date du bilan ([13]).
C’est pour cela que l’expertise représente le premier temps,
indispensable et ensuite précieux, de l’évaluation et de la
mise en place des stratégies thérapeutiques ([14]).
Cependant,
l’approche psychodynamique doit rester prudente, tant en raison des
conditions de l’examen que de la nature complexe et intriquée des
motivations des actes posés par l’agresseur.
C’est
pourquoi le travail diagnostique et pronostique se poursuivra tout au long de
la (ou des) prise en charge, soit sur plusieurs années. La
psychodynamique ne pourra être qu’une découverte progressive
du sujet par lui-même, avec l’aide de son (ou ses)
thérapeutes. La place d’équipes formées ,et
volontaires, pour se consacrer à la prise en charge des agresseurs
sexuels sera un atout supplémentaire.
[14] Tyrode Y., Bourcet S., Senon J. L., Olié J. P., "Le suivi socio-judiciaire", EMC, Paris, 2000