Les
catégories diagnostiques psychiatriques sont citées dans les deux
classifications internationales que sont la CIM10 et le DSMIV. Cette question
du diagnostic est abordée dans la plupart des ouvrages, le plus souvent
rapidement, pour ensuite insister sur des hypothèses théoriques
fonction de références théoriques diverses, psychanalytiques,
cognitives, biologiques…Les tentatives de classifications sont nombreuses
faisant peu références aux diagnostics psychiatriques, mais
tentant de lier les comportements observés, les modes de relation
à la victime...
La
question posée est celle des diagnostics psychiatriques est à
différencier de la question classifications des auteurs de crimes et
délits sexuels.
L'important
ouvrage de référence de Jocelyn AUBUT(5) et de ses
collaborateurs, qui s'intéresse de près à
l'évaluation, n'y fait pas allusion. Claude BALIER (6 p19 et 7) rappelle
la classification internationale en quelques lignes. Bernard CORDIER (8) et d'autres auteurs proposent de
différencier
-les
formes primaires ou chroniques en d'autres termes prévalentes qui sont
celles citées dans les classifications internationales
-les
formes secondaires où les actes seraient l'expression directe d'un autre
trouble mental comme, par exemple, la déficience intellectuelle, la
détérioration sénile ou présénile
débutante, la schizophrénie, les troubles obsessionnels
compulsifs
-et
les diagnostiques associés, abus d'alcool par exemple.
Comme
souvent les classifications se heurtent à essayer de lier ce que Roland
JOUVENT (10) décrit en différenciant les théories de la
connaissance, psychanalytique, cognitive, biologique, génétique,
et la théorie de la pratique, en terme de descriptions de comportements
de faits cliniques. Il faut entendre les classifications diagnostiques
psychiatriques actuelles comme des descriptions et accepter qu'observer et
décrire n'est pas expliquer. "J'ai observé les
symptômes de la folie;….m'attachant aux faits, je les ai
rapprochés par leurs affinités, je les raconte tels que je les ai
vus, j'ai rarement cherché à les expliquer" Esquirol(
cité par R. Jouvent, 10 p69)
Il
nous faut distinguer nosographie et nosologie :
La
nosographie est la classification méthodique des maladies
La
nosologie l'étude des caractères distinctifs qui permettent de
définir les maladies. La nosologie s'est pourvue peu à peu d'une
détermination : reconnaître, identifier et regrouper les
symptômes pour comprendre la pathologie. Les diagnostics auxquels nous
faisons référence sont issus de la démarche
critériologique. du D.S.M. Il ne faudrait pas superposer des
descriptions syndrômiques consensuelles, validées statistiquement
et des entités pathologiques.
"Une
nosologie est toujours une structuration des connaissances et non pas un fait
intrinsèque, et que toute classe nosologique est vouée à
un démembrement selon les niveaux de descriptions inférieurs".(10)
La notion de diagnostic se réfère tantôt à une
construction théorique, un savoir, et tantôt à un savoir
faire. Le langage du savoir n'est pas analogue du savoir faire…
La
Classification Internationale des Troubles Mentaux et des Troubles du Comportement
dans sa dixième révision, CIM10/ICD10, expose les signes et les
symptômes essentiels de chaque trouble, ainsi que certaines
caractéristiques associées importantes mais moins
spécifiques. "Ces descriptions cliniques et directives pour le
diagnostic représentent l'aboutissement d'un travail considérable
auquel ont contribué de
nombreux experts de plus de 40 pays. Elles ont fait l'objet de l'une des plus
importantes études sur le terrain jamais réalisée dans le
domaine du diagnostic psychiatrique. Elles possèdent de ce fait un
caractère international unique. "
Les
catégories psychiatriques essentielles de la CIM-10 sont dans la
catégorie F60-F69, "Troubles de la personnalité et du
comportement chez l'adulte". Ils sont considérés comme des
"troubles de la préférence sexuelle" F-65.
Les
deux diagnostics prépondérants sont l'exhibitionnisme, F65.2, et
la pédophilie, F65.4. Sont citées entre guillemets les
définitions de la CIM-10.
Le
Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders, D.S.M.IV a également
une approche clinique purement descriptive, modèle médical de
type catégoriel, les diagnostics reposant sur une liste de
critères et évaluations multi-axiales.. Le DSM IV
représente le consensus d'experts et le regroupement d'un grand nombre
de données empiriques, revues de la littérature,
ré-analyses de données cliniques, résultats
d'études sur le terrain …L'épidémiologie y a une
part importante. Dans le DSMIV,
les diagnostics concernés sont regroupé au chapitre des
"Troubles sexuels et Troubles de l'identité sexuelle", dans le
paragraphe des Paraphilies. Les diagnostics proposés sont superposables.
Je mentionnerai les ajouts du DSMIV après les définitions de la
CIM-10.
"Tendance
récurrente ou persistante
à exposer ses organes génitaux à des étrangers (en
général du sexe opposé) ou à des gens dans des endroits publics, sans
désirer ou solliciter un contact plus étroit. Il y a
habituellement, mais non constamment, une excitation sexuelle au moment de
l'exhibition et l'acte est, en général, suivi d'une masturbation.
Les manifestations de cette tendance peuvent se limiter à des moments de
crise ou de stress émotionnel puis disparaître pendant des
périodes prolongées. "
"L'exhibitionnisme
ne concerne pratiquement que les hétérosexuels masculins
s'exhibant dans certains endroits publics, à des adolescentes ou
à des femmes adultes, tout en restant à une distance respectable.
La vie sexuelle de certains d'entre eux se résume à
l'exhibitionnisme. D'autres gardent cette habitude parallèlement
à une vie sexuelle conjugale active ; le besoin exhibitionniste devient
parfois plus pressant lors des conflits conjugaux. La plupart des
exhibitionnistes ressentent leur besoin comme difficile à
contrôler et étranger à eux-mêmes. Le fait que le
témoin paraisse choqué, effrayé ou impressionné,
accroît souvent l'excitation de l'exhibitionniste. "
Le
D.S.M.IV ajoute deux notions :
-celle
du temps, "comportements survenant de façon
répétée et intense pendant une période d'au moins 6
mois"
-et
celle de souffrance "ces comportements sont à l'origine d'une
souffrance cliniquement significative ou d'une altération du
fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines
importants".
Des
formes dites classiques d'exhibitionnisme ont été décrites
comme l'exhibitionnisme de type Lasègue, de type Garnier, avec onanisme, avec
nudisme(rare) et l'exhibitionnisme féminin. . Ces formes classiques
précisent les comportements sexuels agressifs de façon
descriptive.
"Préférence
sexuelle pour les enfants, généralement d'âge pré
pubère ou au début de la puberté. Certains
pédophiles sont uniquement attirés par les filles, d'autres
uniquement par les garçons, et d'autres encore par les deux sexes.
La
pédophilie est rarement mise en évidence chez les femmes. Les
contacts entre adultes et adolescents sexuellement matures sont socialement
désapprouvés, en particulier si les participants sont du
même sexe, mais ne sont pas nécessairement associés
à la pédophilie. Un épisode isolé, notamment si
c'est un adolescent lui-même qui a pris l'initiative, ne signe pas la
présence d'une tendance persistante ou prédominante, qui est
requise pour ce diagnostic. On inclut cependant dans cette catégorie les
hommes qui, tout en gardant une préférence pour les partenaires
sexuels adultes, se tournent habituellement vers les enfants comme substitut en
raison d'une frustration chronique dans leur recherche de contacts
appropriés. Les hommes agressant sexuellement leurs propres enfants
peuvent agresser aussi d'autres enfants à l'occasion. Dans les deux cas,
ce comportement s'apparente à la pédophilie. "
Le
DSM IV ajoute les mêmes
notions
de
durée d'au moins 6 mois des "fantaisies imaginatives sexuellement
excitantes ou de comportements"
et
de "souffrance cliniquement significative ou d'une altération du
fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines
importants".
De
plus il stipule que l'auteur doit être "âgé de 16 ans
au moins et a au moins 5 ans de plus que l'enfant."
D'autres
catégories diagnostiques peuvent être concernées, c'est le
cas en premier lieu du sadomasochisme, du fétichisme, aux quels il faut
adjoindre pour être complet les "troubles multiples de la
préférence sexuelle" et les "autres troubles de la préférences
sexuelle".
Le
DSM IV exclue de ce diagnostic un sujet en fin d'adolescence qui entretient des
relations sexuelles avec une enfant de 12-13 ans et propose de
"spécifier" :
-l'attirance
sexuelles par les garçons, les filles, ou les filles et les
garçons
-si
c'est limité à l'inceste
-un
type "exclusif (attiré uniquement par les enfants) ou non exclusif.
Compte
tenu des difficultés à relier théories et pratiques,
descriptions et hypothèses, les classifications autres sont très
nombreuses. Ces classifications essaient d'élargir la réflexion
au-delà du champ de la "préférence sexuelle".
Elles prennent en compte la recherche de pouvoir de l'agresseur et ses
différentes formes comportementales ou relationnelles (classification de
KNIGHT, CARTER et PRENTLY), "l'intention motivationnelle", la
compétence sociale de l'auteur, le niveau de violence physique et
relationnelle (modèle de GROTH) ou la relation d'objet (VAN
GIJSEGHEM).
André
Mc KIBBEN (13) en fait une revue très exhaustive. Il souligne que leur
principale carence est l'absence de critères de diagnostics
opérationnels, puis l'absence de la fiabilité inter juges. La
description des sous types proposés est insuffisamment détaille
et repose sur des critères subjectifs. Les modèles, plus que des
classifications, sont intéressants sur le plan théorique.
Le
modèle de GROTH retient comme premier critère le niveau de
violence utilisé par l'agresseur. Il différencie deux
catégories :
-
l'attentat à la
pudeur,. L'agresseur obtient ce qu'il veut de l'enfant par la séduction
et la persuasion. Il lui propose une pseudo relation, un pseudo rapprochement
affectif.
-
Le viol. L'agresseur
utilise les menaces, l'intimidation et (ou) la force physique. L'enfant est le
réceptacle de l'hostilité ou du désir de domination, de
soumission à l'agresseur.
GROTH
différencie ensuite, au sein du concept d'attentat à la pudeur,
la fixation et la régression, au sein du concept de viol trois tableaux,
colère, puissance et sadisme.
KNIGHT,
CARTER et PRENTKY ont travaillé sur une population précise,
sélectionnant des sujets ayant commis des actes sur des mineurs,
excluant les actes incestueux et des sujets ayant également commis des
actes sur des adultes. Leur modèle présente une fiabilité
statistique. Ils ont établi un modèle sur deux axes :
Axe
1
le
degré de fixation : donnant des critères pour évaluer la
force des intérêts pédophiles ou de voir jusqu'à
quel point les enfants représentent le centre de la vie fantasmatique du
sujet; nombre de contacts sexuels, relations continues avec les enfants.
Puis
la deuxième décision sur cet axe concerne le niveau de
compétence sociale
Axe
2 : la fréquence du contact ave les enfants qui vise à
différencier les sujets qui passent beaucoup de temps avec les enfants
par opposition à ceux qui n'ont que peu de contacts avec eux, en dehors
des contacts sexuels. Il semble s'agir d'une variable importante. Le
deuxième niveau de décision, pour des sujets à grande
fréquence de contacts, concerne la signification du contact sexuel :
signification interpersonnelle et signification narcissique. Les sujets
à "faible fréquence de contacts" font l'objet de deux décisions :
la première concerne le niveau de violence et retrouve des
critères retenus par GROTH.
André
Mc KIBBEN souligne que des critères comme l'abus d'alcool et de drogues,
la déficience mentale ou la psychose, à la lumière de
procédures statistiques cohérentes se sont
révélés comme des "modulateurs" qui peuvent
influencer la classification sans la déterminer.
"Préférence
pour une activité sexuelle qui implique douleur, humiliation ou
asservissement. Si le sujet préfère être l'objet d'une
telle stimulation, on parle de masochisme. S'il préfère en
être l'exécutant, il s'agit de sadisme. Souvent un individu
parvient à une excitation sexuelle par des comportements à la
fois sadiques et masochistes.
Un
degré minime de stimulation sadomasochiste est souvent utilisé
pour augmenter une activité sexuelle par ailleurs normale. Cette
catégorie ne doit être utilisée que si l'activité
sadomasochiste est la source la plus importante de la stimulation ou si elle
est nécessaire à l'obtention d'une satisfaction sexuelle.
Le
sadisme sexuel est parfois difficile à distinguer soit de la
cruauté dans des situations sexuelles, soit de la colère sans
relation avec l'érotisme. Le diagnostic peut être clairement
établi lorsque le violence est nécessaire pour atteindre un
état d'excitation érotique. "
Le
DSMIV différencie Masochisme sexuel et Sadisme sexuel. La notion de
temps, durée d'au moins 6 mois des troubles (fantaisies imaginatives
impliquant des actes réels) et la notion de souffrance
"cliniquement significative" sont nécessaires au diagnostic.
Le
sadomasochisme peut s'exercer envers un adulte avec consentement et ne pas
entrer dans le cadre de la loi, ou être en jeu dans de passages à
l'acte d'agressions sexuelles, soit sur mineur, soit entraînant des
sévices, une séquestration voire la mort.
"Utilisation
d'objets inanimés comme stimulus pour l'excitation et la satisfaction
sexuelle. De nombreux fétiches sont des prolongements du corps, comme
les vêtements ou les chaussures. Il s'agit également souvent d'une
texture particulière comme le caoutchouc, le plastique ou le cuir. Les
objets fétiches varient dans leur importance selon les individus. Dans
certains cas, ils ne servent qu'à renforcer l'excitation sexuelle,
atteinte par ailleurs dans des conditions normales.
Directives
pour le diagnostic
On
ne doit porter un diagnostic de fétichisme que si le fétiche
représente la source la plus importante de la stimulation sexuelle ou
s'il est essentiel à l'obtention d'une réponse sexuelle
satisfaisante.
Les
fantaisies fétichistes sont courantes; elles ne constituent pas en
elles-mêmes un trouble sauf quand elles conduisent à des rituels
contraignants et inacceptables, perturbant les relations sexuelles et
responsables d'une souffrance personnelle.
Le
fétichisme concerne presque' exclusivement les hommes."
Le
DSMIV reprend les mêmes critères, avec les notions de durée
et de souffrance, mais ne retient pas la sur-représentation des hommes.
"Parfois
une personne présente plusieurs anomalies de la préférence
sexuelle sans qu'aucune d'entre elles ne soit au premier plan. L'association la
plus fréquente regroupe le fétichisme, le transvestisme et le
sadomasochisme."
"Autres
types de préférence et d'activité sexuelle, relativement
rares, comme le fait de proférer des obscénités au
téléphone, de se frotter à autrui dans des endroits
publics bondés de monde à la recherche d'une stimulation sexuelle
(frotteurisme), …
La
nécrophilie doit être notée ici. "
Il
faut alors remarquer , comme le souligne Claude BALIER, que ces descriptions
psychiatriques, proches des catégories pénales, ne mentionnent
pas le viol entre adultes, s'il n'est pas accompagné de sadisme. Les
agressions intra-familiales, incestueuses ne sont pas
différenciées dans les classifications internationales de
référence.
La
classification en terme de diagnostic psychiatrique seul semble un moindre
repère comparé aux classifications autres, dans les
réflexions des professionnels concernés. Les essais de
classification orientent vers des critères et des niveaux d'analyse
différents, tentant d'intégrer les principaux facteurs
associés aux comportements sexuels délictueux
L'élaboration de modèles de classification est un processus en
cours. Il faut avoir en mémoire qu'un des intérêts premier
est l'acquisition d'un langage commun par les intervenants permettant des
échanges et des recherches.
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Internationale des Troubles Mentaux et des Troubles du Comportement,
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délits et crimes sexuels, rapport pour le ministère de
travail et des affaires sociales,
et le ministère de la justice, 1995. Rapporteurs Claude BALIER, Claudine
PARAYRE et Colette PARPILLON.
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7.BALIER "Les agressions sexuelles De l'analyse de la
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Louzoun et D. Salas, Erès,1998.
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Ebauche d'une clinique", in Les sévices sexuels sur les enfants,
sous la direction de P-F Chanoit et J. de Verbizier, coll. psychiatrie et
société, ÉRÈS, 1999 p137-148.
9.GRAVIER B. DEVAUD C. "Délinquance sexuelle.
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10.JOUVENT R. "Pragmatique de la clinique"
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12.LEPASTIER S. "Evaluation clinique et
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13.McKIBBEN A. "La classification des agresseurs
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Théorie, évaluation et traitement" Les éditions de la
chenelière, Montréal, et Maloine Paris, 1993p58-77.
14.THEVENON C. CUCHEVAL E. BRYDEN B. "Psychiatrie
publique et délits sexuels : prise en charge d'auteurs d'agressons
sexuelles en CMP-CATTP à Tourcoing" in Les sévices sexuels
sur les enfants, sous la direction de P-F CHANOIT et J. de VERBIZIER,
collection psychiatrie et société, ÉRÈS, 1999,
p179-195..
[1]
Psychiatre des hôpitaux
- Chef de service C.H. Léon-Jean Grégory 66 301 THUIR
Secrétaire de l’A.R.T.A.A.S.,