Groupe bibliographique

Suivi de crise

Dr Didier PERISSE

Il est à noter que dans les  recommandations de l’ANAES sur " La prise en charge hospitalière des adolescents après une tentative de suicide ", la partie concernant le suivi ultérieur fait appel à un grand nombre de références ne concernant pas spécifiquement les adolescents. Une partie des recommandations est dons applicable à la population générale.

Faut-il un suivi : à court terme (problème du moyen et du court terme)

holley hl, fick g, love ej. Suicide following an inpatient hospitalization for a suicide attempt :  a canadian follw-up study. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 1998, 33 : 543-551

(ID 674)

Il s’agit d’une étude de suivi sur 13 ans d’une cohorte de 876 patients ayant commis une tentative de suicide et hospitalisés pour la première fois à la suite de celle-ci.

Au total 94 sujets sont décèdes durant les 13 années de suivi, dont 49 par suicide soit 5.6%. cela représente un risque relatif de décès par suicide par rapport à la population générale 26 fois supérieur.

L’analyse statistique des dates de survenue des suicides montre une courbe bimodale avec un risque élevé dans la première année suivant l’hospitalisation index et un deuxième pic important durant la 4ieme année.

Les auteurs valident la notion régulièrement notée que la première année suivant une tentative de suicide doit être considérée comme une période à haut risque et servir de durée " étalon " pour un traitement et un suivi continu.

Les auteurs soulignent la présence du pic de suicide de leur échantillon durant la 4ieme année après la première hospitalisation psychiatrique pour tentative de suicide, et considèrent qu’une information doit être fourni au patient, à son entourage et d’une façon plus générale aux professionnels impliqués dans les soins du sujet, de cette seconde période à haut risque.

 

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laurent a, foussard n, david m, boucharlat j bost m. A 5-year follow-up study of suicide attempts among french adolescents. Journal of adolescent health 1998, 22 : 424-430

ID 607

Il s’agit d’un étude française portant sur le suivi pendant 5 ans, de 552 adolescents hospitalisés pour une tentative de suicide. L’évaluation a eu lieu par courrier. Un groupe témoins de 293 adolescents hospitalisés pour des raisons non psychiatriques a été constitué.

Mortalité : l’information a été disponible pour 485 adolescents du groupe suicide et pour 213 témoins. Dix sujets (2%) du groupe suicide sont décédés dont 5 par suicide (1%) et 2 sujets du groupe témoin (0.9%) dont aucun suicide.

Récidive : L’information a été disponible pour 282 adolescent du groupe suicide. Trente quatre % ont récidivé dans les 5 années de l’étude. Le délai de récidive est <6 mois pour 34%, <1 an pour 51% et <2ans pour 77 %.

Cette étude confirme la mortalité plus élevée dans un groupe d’adolescent suicidants et confirme que la période de 1 à 2 ans qui suit une tentative de suicide doit être considérés à haut risque de récidive.

 

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Appleby l, dennehy ja, thomas cs, faragher eb, lewis g. Aftercare and clinical caracteristics of people with mental illness who commit suicide : a case-control study. Lancet 1999, 353 :1397-1400

ID 1285

Il s’agit d’une étude contrôlée comparant le suivi thérapeutique et les caractéristiques cliniques de 149 patients décédés par suicide ayant un antécédent d’hospitalisation psychiatrique dans les 5 ans précédant leur mort, avec un groupe contrôle de patients psychiatrique n’ayant pas commis de suicide.

Les résultats montrent que les patient suicidés avaient, significativement plus souvent que les contrôles, eu une réduction de leurs lors de leur dernier rendez-vous (réduction de la posologie médicamenteuse, de la fréquence des RV...).

Le suicide est associé aux antécédents de tentative de suicide, à la présence d’idées suicidaires durant le suivi. Seuls 34% des patients suicidés ont un soignant référent identifiable.

Les auteurs concluent que la diminution des soins chez des patients psychiatriques est fortement associée au suicide et pourrait même contribuer au suicide. L’implication est qu’il faut maintenir les soins même au-delà de l’amélioration clinique des individus à plus haut risque. Les auteurs conseillent de maintenir la même intensité de soins pendant 1 an après l’hospitalisation, puisqu’environ la moitié des 149 sujets se sont suicidés durant la première année après leur sortie. Cela aurait permis de réduire de 20% le nombre des suicide durant cette première année.

 

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Hall dj, o’brien f, stark c, pelosi a, smith h. Thirteen-year follow-up of deliberate self-harm, using linked data. Br J Psychiatry 1998, 172 :239-242

ID 685

Il s’agit d’une étude prospective sur le devenir à 13 ans de 8304 individus ayant commis un acte suicidaire en 1981. Le suivi a été rendu possible par l’existence d’une base de données centralisée recueillant les informations concernant les hospitalisations et les causes de décès sur toute l’Ecosse pour une personne donnée.

Les résultats font état d’un taux de réadmission pour tentative de suicide concernant 31.6% des 8304 individu, avec 11.8% (soit environ 1/3 des patient récidivistes) de réadmission pour tentative de suicide dans la première année.

Le nombre de décès par suicide a été de 168 sur 13 ans dont la majorité durant les 5 premières années. Plus de la moitié des patients décèdes par suicide n’ont pas été réhospitalisés pour tentative de suicide entre-temps. La tentative index aura donc été pour eux la seule alerte permettant un accès aux soins. Les facteurs de risques de décès par suicide retrouvé dans l’étude sont le fait de vivre dans un quartier riche (alors même que les tentatives de suicide y ont un taux inférieur) et de consommer de l’alcool.

Les auteurs concluent qu’il est irréaliste de proposer un suivi à si long terme d’un tel nombre de patients, et proposent de concentrer l’effort sur la première année et sur les patients présentant un surconsommation d’alcool.

Question 2 : Quels sont les modalités d’intervention qui doivent être mise en place après la rémission ? Par qui ? Quels sont les obstacles ?

 

Van der sande r, buskens e, allart e, van der graag y, van engeland h. Psychosocial intervention following suicide attempt : a systematic rewiew of treatment interventions. Br J Psychiatry 1997, 171 :35-41

(ID 613)

Il s’agit d’une revue de la littérature avec méta-analyse, regroupant des études contrôlées et randomisées évaluant les effets en terme de récidives suicidaires de différents types d’intervention chez des patients ayant commis une tentative de suicide (publiées entre 1966 et 1995).

Les auteurs ont trouvé 15 études satisfaisant leurs objectifs et leurs critères de sélections. Ces 15 études ont été classées en 4 groupes selon le type de l’intervention étudiée.

1) Amélioration de la compliance au suivi. (6 études)

Ces études étudient l’efficacité en terme de récidives suicidaires de divers type d’interventions dont le but est l’amélioration de la compliance au suivi proposé des patients suicidants, dont les auteurs rappellent qu’elle est mauvaise, n’excédant pas 40%. Cette catégorie concerne des études dont l’unique but est d’améliorer la continuité des soins et la motivation des patients à être suivi ; il ne s’agit pas de stratégies thérapeutique proprement dites.

Dans une étude, les patients bénéficiaient d’un entretien et d’une lettre insistant sur l’importance du suivi. Une autre stratégie a été de fournir un suivi à domicile, avec des horaires facilités. Dans une autre étude, on contacte le patient très rapidement à sa sortie de l’hôpital, afin de préciser avec lui les modalités du suivi préconisé. Une autre étude évalue l’utilité de visites à domicile chez les patients ne se rendant pas aux rendez-vous fixés.

Les résultats sont assez décevants. Séparément, aucune de ces 6 études ne montre une baisse significative du nombre de récidives (L’étude de Van heeringen 1995, détaillée plus bas obtient un résultat presque significatif). La meta-analyse (1023 sujets au total), n’apporte pas de réponses significative quand à l’efficacité de mesures visant à améliorer le compliance au suivi, en terme de réduction du nombre de récidives suicidaires.

2) Aide garantie - disponibilité des soins (2 études)

Ces deux études évaluent des interventions où était proposés au patients suicidants un moyen concret de faire face aux situation de crise qu’ils pourraient rencontrer ultérieurement. Dans les 2 études, les patients recevaient une carte permettant leur réadmission immédiate à l’hôpital en cas d’urgence. Dans une des études la carte comprenait en outre le moyen de joindre rapidement un psychiatre par téléphone.

Aucune de ces deux études n’a montré un baisse significative du taux de récidive. La méta-analyse (317 patients) n’apporte pas de réponse significative.

3) Intervention psychosociale de crise (2 articles)

Les deux articles de cette catégories, étudient des interventions limitées dans le temps (3 mois après la tentative de suicide index) avec des rendez-vous hebdomadaires (au minimum) et utilisant des techniques psychothérapeutique de type Problème/solution.

Ces études n’ont pas montré de diminution significative de taux de récidive par rapport au sujets contrôles pris en charge de manière standard (orientés vers le généraliste ou d’autres services).

4) Thérapie cognitivo-comportementale (4 études)

Cette catégorie d’études examine l’efficacité de prise en charge cognitivo-comportementale du comportement suicidaires, considérés dans cette théorie être associé avec des cognitions négatives sur soi-même, sur l’avenir, des difficulté dans la gestion émotionnelles des difficultés (coping). Le but de ces thérapies est donc de modifier ces cognitions négatives.

Chacune de ces 4 études montrent un efficacité significative de ce type d’approche en terme de réduction du taux de récidives. La méta-analyse (122 patients) permet de dégager un risque relatif de récidive de 0.5 chez les sujets traités (le traitement a permit de prévenir la récidive chez 50% des sujets).

 

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hawton k, arensman e, townsend e, bremner s, feldman e, goldney r, et al. Deliberate self-harm : systematic review of efficacy of psychosocial and pharmacological treatments in preventing repetition. BMJ 1998, 317 :441-447

Il s’agit d’une revue de la littérature avec méta-analyse d’études randomisées et contrôlées évaluant l’efficacité en terme de prévention de la récidive suicidaire (seul critères d’efficacité pris en compte dans cette meta-analyse) de divers stratégies de prise en charge de patients suicidants.

Les articles sélectionnés sont en grande partie les mêmes que dans la méta-analyse décrite au-dessus (Van der sande 1997). Cette revue se différencie par la sélection d’études évaluant l’utilisation de psychotropes.

Deux études évaluent l’utilisation de médicament antidépresseurs comparée au placebo. Les deux molécules étudiées sont la Miansérine et la Nomifensine. Les deux études concluent à l’inefficacité de l’utilisation systématique d’antidépresseurs pour la prévention de la récidive suicidaires.

Une étude évalue l’efficacité de l’utilisation d’un neuroleptique retard (FLUPENTHIXOL) chez des patients multirécidivistes. Malgré le petit nombre de patient dans l’étude ( 14 dans le groupe expérimental, 16 dans le groupe placebo), les résultats montrent une diminution significative du nombre de récidive dans les 6 mois.

Les conclusion générales de cette méta-analyse sont les suivantes :

- Des résultats prometteurs ont été établis pour certaines stratégies comme la thérapie cognitivo-comportementale centrée problème/solution, l’utilisation d’une carte d’accès facilité aux soins remise au patient ayant commis une tentative de suicide, l’utilisation de neuroleptique retard pour les récidivistes, et la thérapie cognitive à long-terme pour des femmes borderline récidivistes.

- La mise en place de stratégies actives pour améliorer la compliance au suivi semble efficace pour améliorer cette compliance, même si les études n’ont pas réussies à montrer une efficacité significative sur la récidive suicidaire.

- Presque toutes les études incluent trop peu de sujets pour détecter des différences statistiquement significatives, et même la synthèse des résultats par méta-analyse n’a pas le pouvoir de faire apparaître de conclusions significatives.

- Il existe un grand besoin d’études plus larges pour valider les résultats des stratégies prometteuses citées plus haut.

 

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van heeringen c, jannes s, buylaert w, henderick h, de bacquer d, van remoortel j. The management of non compliance with referral to out-patient after-care among attempted suicide patients : a controlled intervention study. Psychological Medicine 1995, 25 : 963-970

ID 622

Il s’agit d’un un essai randomisé et contrôlé ayant pour but l’évaluation d’une méthode pour améliorer la compliance au suivi de patients suicidants et son influence en terme de récidives suicidaires. Les auteurs rappellent que la compliance au suivi des patients suicidants est très médiocre, n’excédant pas 40%.

L’étude porte sur 508 patients ayant commis un tentative de suicide. Les patients ont été aléatoirement répartis en deux groupes qui n’ont pas présenté de différences significatives concernant les données socio-démographiques, cliniques, ou dans les orientation proposées après la tentative de suicide. Un premier groupe a constitué un groupe contrôle qui a été pris en charge de façon classique (c'est à dire orientés vers des services de soins ambulatoires à la sortie de l’hôpital, qu’ils aient été hospitalisés aux urgences, en service de médecine ou de psychiatrie). Pour le deuxième groupe expérimental, les modalités d’orientation ont été les mêmes que le groupe contrôle. La différence est que les patients du groupe expérimental qui n’ont pas donné suite à l’orientation ambulatoire proposée vont recevoir la visite à domicile d’une infirmière psychiatrique, visite que sera éventuellement répétée une fois en cas d’échec de la première.

La compliance a été mesurée en prenant contact avec le service cible 2 semaines après l’orientation initiale dans les 2 groupes, et deux semaines après chaque visite à domicile dans le groupe expérimental.

Les résultats montrent une compliance initiale équivalente dans les deux groupes (39.8% pour le groupe contrôle versus 42.5% pour le groupe expérimental).

Après la ou les visites à domicile, la compliance est passée à 51.5% dans le groupe expérimental (différence significative p=00.1) ; soit une augmentation d’environ 20%.

En ce qui concerne les récidives suicidaires dans l’année suivante, il existe un taux de récidive inférieur dans le groupe expérimental (10.7% versus 17.4% dans le groupe contrôle) ; même si la différence n’atteint pas le seuil de signification statistique (p=0.056) en raison du nombre insuffisant de sujets.

Les auteurs soulignent quelques points importants :

- Il n’y a eu aucune récidive chez les patients devenus compliants après une ou deux visites à domicile.

- Le coût de l’intervention proposée en relativement faible.

 

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Suominen KH, isometsa ET, Henrikson mémoire, ostamo ai, lönnqvist jk. Inadequate treatment for major depression both before and after attempted suicide. Am J Psychiatry 1998 ; 155 : 1778-1780

ID 672

Il s’agit d’une étude portant sur 43 patients ayant commis une tentative de suicide et qui ont reçu le diagnostic d’état dépressif majeur. Ils ont été interrogés afin d’évaluer le traitement qu’ils recevaient éventuellement avant leur tentative de suicide et celui qu’ils ont reçu après.

Les résultats font état de 15 patients que ne recevaient aucun traitement avant leur tentative de suicide (ni traitement médicamenteux, ni psychothérapeutique), de 30 patients qui ne recevaient pas de traitement médicamenteux, de 6 patients qui recevaient un traitement antidépresseurs à doses inadéquates (c'est à dire <150 mg de clomipramine ou <20 mg de fluoxétine).

Après la tentative de suicide, 40 des 43 patients (93%) ont été orientés pour un suivi. Seul 1 patient n’a pas donné suite.

Malgré ce suivi, un mois après, l’examen des traitements reçu a révélé que la proportion de patients recevant une dose adéquate d’antidépresseur n’avait pas évolué. La principale variable prédictive d’une dose insuffisante d’antidépresseur est l’association de la dépression avec l’abus d’alcool.

La principale conclusion de cette étude est qu’une majorité de patients n’est pas mieux traitée avant qu’après un tentative de suicide malgré un diagnostic d’épisode dépressif majeur, alors même que les données de la littérature considèrent la présence d’un état dépressif comme un facteur de risque majeur de récidive suicidaire.

Le suivi de patients suicidants dépressifs devrait se concentrer sur un traitement adéquat de la dépression.

 

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van der sande r, van rooijen l, buskens e, allart e, hawton k, van der graaf y, van engeland h. Intensive in-patient and community intervention versus routine care after attempted suicide. Br J Psychiatry 1997, 171 : 35-41

ID 836

Il s’agit d’une étude contrôlée randomisée comparant deux groupes de patients ayant commis une tentative de suicide. L’étude porte sur 274 patients répartis aléatoirement en deux groupes.

Le premier groupe (sujets contrôles) a bénéficié d’une prise en charge standard après la tentative de suicide. Le deuxième groupe (sujets expérimentaux) à reçu un protocole intensif consistant en une courte hospitalisation systématique dans une unité spécialisée de 4 lits. Durant cette période, les patients sont encouragés à évoquer leur difficultés, l’entourage est éventuellement contacté, et des informations sont données au patient et à son entourage pour contacter l’unité en cas de nouveau problème. Durant la courte hospitalisation, un effort particulier est porté sur l’établissement d’un lien privilégié avec une des infirmières psychiatriques, formées à des techniques de psychothérapie centrées sur la résolution de problèmes. Un suivi hebdomadaire est le plus souvent proposé après l’hospitalisation initiale.

Les résultats sont décevant ; il n’y a pas eu de diminution du nombre de récidives dans le groupe expérimental durant l’année suivant la tentative de suicide index (probabilité de 0.17 versus 0.15 dans le groupe contrôle).

De plus, les sujets contrôles ont consommé plus de journées d’hospitalisation que le groupe expérimental, mais cette surconsommation hospitalière durant le suivi est annulée par le nombre de journées initiales systématiques des patients expérimentaux. Finalement les deux groupes ne différent pas sur ce point.

Les auteurs concluent qu’une telle prise en charge intensive incluant hospitalisation systématique, continuité des soins, et psychothérapie d’inspiration cognitive n’est pas efficace sur la réduction du taux de récidive comparée à des soins standards.

 

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MÖLLER hj. attempted suicide : efficacy of different aftercare strategies. Int Clin Psychopharmacol 1992, 6 suppl.6 : 58-69

Il s’agit d’une étude comparant l’efficacité de différentes stratégies de suivi ambulatoire de patients ayant commis une tentative de suicide.

L’étude a pour but d’évaluer des stratégies pour améliorer la compliance au suivi proposé :

- Rendez-vous fixé précisément avant la sortie de l’hôpital.

- Entretien centré sur l’importance d’être suivi.

- Lettre envoyée pour insister sur l’importance du suivi.

- Comparaison entre patients adressés à des services de consultation inconnus et patients suivis par l’intervenant initial (c'est à dire le médecin qui a effectué l’évaluation psychiatrique à l’hôpital).

Les résultats ont montré une nette amélioration de la compliance chez les patients suivis par l’intervenant initial (72% de compliance contre 40% chez les patients adressés ailleurs).

Concernant l’efficacité de la continuité des soins sur la répétition des gestes suicidaires, les résultats sont plus décevants. En effet, les patients suivis par l’intervenant initial ont montré un taux de récidives significativement supérieur à ceux qui n’ont pas bénéficié de cette continuité, en dépit d’une compliance supérieure. (Une des explications serait un biais de sélection malgré la randomisation dans le groupe expérimental, avec sur-représentation de certains facteurs de risques)

Les conclusions générales (s’appuyant sur une courte revue de la littérature) de l’article sont :

- Le suivi de patients suicidants est indispensable car ces patients présentent un fort risque de récidives.

- Le suivi de tels patients est complexe. Les stratégies de prise en charge doivent être variées et ne peuvent pas être appliquées de façon systématique à tous les patients.

- Il n’y a pas de preuve que des stratégies spécifiques soient plus efficaces que des soins dits standards. Cependant, il faut garder à l’esprit que toutes les stratégies spécifiques sont évaluées, pour des raison éthiques, non pas par rapport à " aucun suivi " mais par rapport à des soins dits standards, c'est à dire adaptés au cas par cas. La conséquence est que le nombre de patients nécessaires pour mettre en évidence une efficacité statistiquement significative est très important et limite la faisabilité de telles études.

- Il y a trop peu d’études examinant l’utilité des traitements psychotropes.

- La non compliance au suivi des patients suicidants est très importantes. La simple méthode consistant à fixé précisément un rendez-vous au patient avant sa sortie de l’hôpital semble avoir un très bon rapport coût/efficacité.

Pour les patients à haut risque, la compliance peur être améliorée en assurant la continuité des soins (le suivi est assuré par l’intervenant initial).

Après la rémission de la crise, faut-il un suivi pour la famille ? Pour l’entourage ? Si oui, avec quels objectifs ? comment ? par qui ?

Magne-Ingvar u, öjehagen a. One-year follow-up of significant others of suicide attempters. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 1999, 34 : 470-476

ID 592

Il s’agit d’une étude de suivi ayant pour objectif d’examiner pendant une année, divers variables concernant des proches significatifs (significant others : SO) de patients ayant commis un tentative de suicide. Il s’agit d’une étude récente assez unique, dont il paraît utile de détailler les résultats.

En introduction, les auteurs rappellent qu’un bon réseau social est un facteur de bon pronostic en santé mentale, et qu’il est de plus en plus fréquent d’impliquer la famille ou des proches importants dans les soins des patients.

Les suicidants ont souvent un réseau social restreint ou défaillant, ce qui constitue d’ailleurs un facteur de risque de suicide.

De plus, les suicidants font souvent part de leur intention suicidaire à des personnes de leur entourage. Cela, en plus du stress qu’une tentative de suicide engendre chez les proches souligne l’importance d’un contact avec ceux-ci après un tentative de suicide.

L’étude porte sur 94 proches significatifs (SO) désigné par les 94 patients eux même (on demande au patient quelle est la personne qui les connaît le mieux et son autorisation pour la contacter). Les SO ont été contactés dans les premiers jours qui ont suivit la tentative de suicide ainsi qu’une autre fois 1 an après. Les patients eux-mêmes ont également été recontactés après 1 an.

Les SO se répartissent comme suit : 44% sont des parents (c'est à dire père ou mère), 27% des conjoints et 28% ont d’autres relations (enfants adultes, amis, ex-conjoint, membre de la fratrie) . Les entretiens sont conduits par téléphone et comportent des questions tant sur le patient que sur le SO lui-même.

Les résultats sont les suivants :

1) - Tentatives de suicide pendant le follow-up

-11 patient ont récidivés dans l’année. Dans seulement 2 cas, ces récidives étaient rapportée par à la fois le SO et le patient. Dans 3 cas, la récidive n’a été signalée que par le SO.

2) - Réaction et perception du SO face au comportement suicidaire

- 20% des SO ont perçu des signaux suicidaires chez le patient durant la période de follow-up.

- 77% des SO ont été inquiets que le patient récidive. Cette inquiétude a été perçue comme un facteur de stress important.

- 42% des SO rapportent ne pas avoir évoqué directement la tentative de suicide avec le patient, et 41% déclarent encore se questionner au sujet de la tentative de suicide.

- 46% des SO auraient voulu pouvoir bénéficier de consultations spécialisées communes avec le patient, préférentiellement rapidement après le geste suicidaire.

- 29% des SO ont déclaré qu’ils auraient eu besoin d’un soutient individuel.

3) - Perception et attitude des SO envers le traitement reçu par le patient.

a) - concernant la phase d’hospitalisation

- 45% des SO considèrent que le traitement hospitalier a été insuffisant.

- 22% estiment ne pas avoir été bien considérés par l’équipe hospitalière.

- 67% des SO déclarent ne pas avoir été suffisamment informés de la situation du patient.

- 31% déclarent avoir eu au moins un rencontre avec l’équipe médicale au sujet du patient.

- seuls 4 SO ont déclaré qu’il ne désiraient pas être impliqués dans les soins.

b) - traitement ambulatoire

- 11% des SO ont été impliqués dans le traitement ambulatoire.

- 42% auraient voulu être impliqués.

- L’utilisation de traitement médicamenteux a été jugée d’un grande importance par 77% des patients et 84% des SO.

4) - Perception par le SO de la situation des patients durant la période de follow-up

- 63% des SO considèrent que le patient a eu des problème de santé mentale durant la période.

- prés de la moitié des SO a rapporté que le patient avait eu des problèmes relationnels, dont les 2/3 auraient mérité une aide professionnelle (de l’avis des SO).

- 80% des SO rapportent des problèmes notable dans la vie du patient (problème financier, relationnel, chômage, abus de substances) alors que seuls 57% des patients rapportent de telles difficultés.

5) - Bien-être individuel des SO

- 83% des SO rapportent aller bien ou très bien au moment de l’entretien de suivi (1 an après la tentative de suicide du patient)

- 2/3 des SO rapportent avoir ressenti au moins un symptômes psychologique durant l’année, 1/3 rapportent 4 symptômes ou plus.

- Parmi les 17% de SO déclarant ne pas aller bien, la majorité déclarent avoir encore des questionnements au sujet du geste de leur proche et désirer un soutient spécialisé à ce sujet.

6) 95% des SO considèrent " très bien " le fait d’avoir été contacté pour l’étude et que cela les a aidé.

En conclusion, les résultats des cette étude originale soulignent le besoin des SO d’avoir des informations et du soutient, au sujet de la tentative de suicide de leur proche. L’insuffisance de communication entre les patients et leurs SO au sujet de l’épisode suicidaire est un des principaux facteur de mal-être chez les SO. Les SO souhaitent une aide pour faciliter l’abord de ce sujet pour réduire leur stress et leur traumatisme. Avec une telle aide, les SO seraient plus à même de jouer leur rôle de soutient auprès du patient. L’implication des SO dans les soins doit faire l’objet de considération.

 

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Brent da, moritz g, bridge j, perper j, canobbio r. Long-term impact of exposure to suicide : a three-year controlled follow-up. J Acad Child Adolesc Psychiatry 1996, 35(5) : 646-653.

ID 731

Il s’agit d’une étude contrôlée ayant pour objectif de mesurer l’impact à long terme de l’exposition au suicide d’amis proches d’adolescent décédés de suicide.

L’étude porte sur 146 sujets adolescents exposés au suicide d’un ami proche comparés en terme de troubles psychopathologiques à un groupe contrôle de sujets non exposés.

Le suivi a consisté en une évaluation initiale et deux autres interviews à 12-18 mois et à 3 ans.

Les résultats sont les suivants :

- Tentative de suicide

l’incidence des tentatives de suicide durant les 3 ans du suivi a été similaire dans les deux groupes, (2.3% dans le groupe exposé vs 2.8% dans le groupe contrôle)

- Séquelles à long terme.

A 3 ans, le groupe exposé a montré un taux plus important de trouble psychiatriques (59% vs 36.1% ; p<0.0001) tels qu’un trouble affectif (46.4% vs 21.% ; p<0.0001), un épisode dépressif majeur (42.8% vs 18.3 % ;p<0.0001) ou un syndrome de stress post-traumatique(PTSD) (8.4% vs 0% ;p<0.001). Alors que la prévalence sur 3 ans d’autres troubles (notamment troubles anxieux, abus de substances ou trouble des conduites) n’est pas différente dans les deux groupes.

- L’analyse statistique sur la date d’apparition des épisodes psychiatriques montre une augmentation très significative d’apparition de trouble dépressif dans les 6 premiers mois après l’exposition au suicide, une tendance à une augmentation entre 6 et 18 mois, et une incidence comparable après 18 mois dans les deux groupes. Concernant le PTSD, le l’incidence est supérieure dans le groupe exposé, quelque soit la période considérée.

La principale variable prédictive du développement d’un trouble psychopathologique est le fait pour le sujet d’avoir été averti par la victime de son intention de se donner la mort.

Les auteurs concluent que l’exposition au suicides n’augmentent pas l’incidence des comportement suicidaires chez les amis proches de la victime.

La période de 18 mois suivant l’exposition est marqué par une incidence supérieure d’épisodes dépressifs majeurs. L’incidence du PTSD est supérieure chez les sujets exposées tout au long des 3 ans de durée de l’étude.

Le facteur " avoir eu connaissances des intentions suicidaires de la victime " est la principale variable prédictive de troubles chez les sujets exposés. Cet élément paraît donc essentiel pour le traitement des épisodes psychopathologiques chez ces sujets.

 

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Nirui m, chenoweth l. The response of healthcare services to people at risk of suicide : a qualitative study. Aust NZ J Psychiatry 1999, 33 : 361-371.

ID 636

Cet article décrit une petite étude qualitative : la famille et les proches de 15 jeunes adultes ayant commis un suicide ont été interrogés sur leur perception des soins reçus par les suicidés avant leur mort, afin de connaître leur opinion concernant cette aide.

Le principal enseignement de cet article réside dans le fait que la grande majorité des familles n’ont pas perçue l’aide apportée, par les intervenants professionnels ( médecins généralistes, psychiatres ou équipes hospitalières) comme aidante et positive.

Les participants soulignent les difficultés rencontrées pour obtenir l’attention des professionnels au moment de la crise suicidaire.

Les auteurs plaident pour une implication plus fréquente de l’entourage dans la prise en charge des crises suicidaires.

 

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Brent da, moritz g, bridge j, perper j, canobbio r. The impact of adolescent suicide on siblings and parents : A longitudinal follow-up. Suicide and life-threatening behavior 1996, 26(3) : 253-259

ID 859

Il s’agit d’une étude prospective contrôlée sur 3 années évaluant les conséquence psychiatriques du suicide d’une adolescent sur sa fratrie, sa mère et son père.

L’étude porte sur un petit nombre de sujets, ce qui en limite la portée (n=24).

Les membres de la fratrie ont 7 fois plus de risque que des sujet contrôles de développer un épisode dépressif majeur dans les 6 mois après l’exposition au suicide. A trois ans, la fratrie ne montre pas de risque plus élevé de dépression ou de stress post-traumatique ou d’autre trouble psychiatrique en dépit d’une symptomatologie de deuil plus élevée que les sujets contrôles.

Pour les parents, malgré le très petit nombre de sujets étudiés (14 mères et 12 pères), les résultats montrent de façon significative que les mères d’adolescent suicidés présente un risque de troubles psychiatriques (surtout dépression) supérieur aux contrôles, initialement mais aussi tout au long des trois années de l’étude. Cette différence existe pour les pères, mais n’atteint pas le niveau de signification statistique.


Dernière mise à jour : dimanche 29 octobre 2000 19:36:11

Monique Thurin