6 et 7 novembre 2003

7ème Conférence de consensus
de la Fédération Française de Psychiatrie

Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir

organisée par

Fédération Française de Psychiatrie
selon la méthodologie de l’ANAES
avec le soutien de la Direction Générale de la Santé



Textes des experts
Recommandations (texte court)

Recommandations du Jury (texte long)

Préambule


Le thème de la conférence de consensus sur « Les conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir » amène d'abord à souligner le fait qu'il concerne un problème de société en raison du silence qui a trop longtemps pesé sur les situations de maltraitance et du trop peu de reconnaissance sociale d'une réalité qu'on ne prend en considération que depuis peu. En France, en 2002, en s'appuyant sur les seuls signalements qui ne traduisent qu'une petite partie de ce drame social, 5.900 enfants (parmi 20.000 enfants signalés pour maltraitance en général) ont été victimes de violences sexuelles (Source de l'Office Décentralisé de l'Action Sociale - ODAS - 2003). Ces données ne concernent qu'une partie de ce fléau puisque aucun chiffre valide ne peut être avancé pour les maltraitances sexuelles touchant les autres personnes vulnérables, personnes âgées ou handicapées, ni même les adultes.

Au-delà du drame de société, il y a là un important problème de santé publique si l'on prend en compte la fréquence des souffrances et des conséquences médico-psychologiques, psychiatriques et sociales, présentées à court, moyen et long terme par les personnes victimes. Ces violences concernent les professionnels de santé, qui apportent des soins dans l'espace familial comme dans les murs des institutions accueillant des personnes vulnérables, ou encore dans les cabinets des médecins généralistes ou spécialistes, les services de médecine scolaire, les équipes pédiatriques et psychiatriques, ou les unités d'urgence ou de gynécologie des hôpitaux.

Les maltraitances sexuelles incitent les professionnels de santé à un décloisonnement de leurs pratiques puisque s'impose un travail partenarial et en réseau avec l'école, les services socio-éducatifs, les associations mais aussi la justice et la police. Les violences intrafamiliales ou domestiques comme intra-institutionnelles sont pour les acteurs de santé une préoccupation centrale, dans la mesure où elles sont encore plus cachées et touchent surtout les personnes les plus fragilisées. Ces maltraitances imposent aux soignants l'impérieuse nécessité de la protection des droits de la personne, droit au respect de la personne dans son intégrité physique comme psychique, qui rappelle que la non-ingérence dans le cercle privé de la famille ou de l'institution s'arrête là où commence la non-assistance à personne en péril quand quelqu'un et notamment un enfant ou une personne vulnérable est victime de maltraitances sexuelles.

Dans la pratique, il faut noter d'emblée la diversité des situations, selon la nature de la maltraitance sexuelle, selon l'âge de la personne victime, selon les modalités de l'accueil, de l'orientation, de l'accompagnement et de la prise en charge. Mais au delà de cette diversité, il s'agit toujours de repérer systématiquement les signes éventuels de maltraitance sexuelle, quels que soient les motifs avancés de la consultation, et de prendre en compte les trois dimensions potentielles, médicale et de soin, judiciaire, sociale, plus ou moins imbriquées, d'une telle situation.

Cette conférence de consensus organisée par la Fédération Française de Psychiatrie (FFP), avec le soutien de la Direction Générale de la Santé (DGS), a pour objectif de proposer des recommandations pour non seulement mettre l'accent sur cette douloureuse réalité mais aussi de proposer des recommandations (une trentaine) en vue de modifier les pratiques. Ces recommandations rédigées par le jury auquel ont participé une vingtaine de professionnels d'horizons divers, s'appuient sur les travaux des experts qui les ont exposés au cours de deux journées 6 et 7 novembre 2003 et sur la littérature internationale. Bien entendu le jury a mis l'accent dans son travail sur ce qui fait consensus tant dans les pratiques que dans les points de vue qui les sous-tendent.

Quatre axes (ou temps) de la démarche sont proposés dans l'abord de ce thème :

- y penser, avec ses implications dans la reconnaissance de la maltraitance comme dans l'information,
la formation des professionnels et la prévention ;
- reconnaître la maltraitance, en tenant compte notamment des particularités liées à l'âge ;
- accueillir, orienter, accompagner ;
- traiter

et ceci, tout au long du parcours de la personne victime, y compris en l'aidant, le moment venu, à sortir de son statut de victime.
Peut-être peut-on, avant d'entrer dans le vif du sujet, faire une première recommandation générale :

- prendre en considération, quelle que soit la situation, le fait qu'il s'agit d'un sujet en souffrance et le faire
tout au long du parcours, quels que soient le lieu d'accueil, le professionnel concerné, le moment du parcours ;

- prendre en compte en même temps la souffrance de son entourage.


1. Y PENSER


La maltraitance sexuelle est un problème majeur de santé publique. La reconnaître, protéger, soigner et prévenir, c'est d'abord y penser. Y penser, c'est systématiquement suspecter son existence, faciliter sa reconnaissance afin de favoriser l'émergence de la parole de la personne victime de maltraitance sexuelle (ou de ce qui peut la révéler).
Quels que soient l'âge et le domaine de maltraitance sexuelle, il faut :
- repérer une rupture de trajectoire dans l'histoire du sujet ;
- repérer le contexte dans lequel cette modification de trajectoire se réalise (familial, conjugal, institutionnel, environnemental), et les situations de vulnérabilité qui fragilisent encore plus la victime ;
- affirmer l'absence de symptomatologie spécifique et le polymorphisme des expressions symptomatiques ;
- prendre en compte la confusion induite par la révélation.

Le terme de maltraitance, qui vient de « maltraiter », « traiter avec brutalité, rigueur ou inhumanité, brimer, malmener », n'a été introduit, comme le rappelle le Robert qu'en 1987, époque où ces comportements ont commencé à être mieux pris en compte dans nos sociétés. La maltraitance sur un plan général est pour Gil (1970) « tout acte accompli ou, à l'opposé, non réalisé par des individus, des institutions ou la société dans son ensemble, et tout état qui découle de ces actes ou de leur absence et privent les enfants de leurs libertés ou de leurs droits et entravent leur développement ». Cette définition centrée sur l'enfant peut être élargie à toute victime.

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère que « l'exploitation sexuelle d'un enfant implique que celui-ci est victime d'un adulte ou d'une personne sensiblement plus âgée que lui, aux fins de la satisfaction sexuelle de celle-ci. Le délit peut prendre différentes formes : appels téléphoniques obscènes, outrages à la pudeur et voyeurisme, images pornographiques, rapports ou tentatives de rapports sexuels, viol, inceste ou prostitution ». La maltraitance sexuelle est aussi domestique, vécue par les femmes, avec les violences sexuelles conjugales accompagnant les brutalités physiques, les menaces, les rapports sexuels brutaux ou humiliants ; elle concerne encore les viols collectifs. Il s'agit aussi de la maltraitance sexuelle subie par les handicapés physiques ou mentaux ou par les personnes âgées. Colette Chiland rappelle que d'autres termes sont souvent utilisés : abus ou sévices sexuels, violences sexuelles, agressions et atteintes sexuelles (des bénignes atteintes à la pudeur jusqu'au viol et l'inceste qui est seulement qualifié par la loi de «viol aggravé»). Mais le mot maltraitance implique «continuité ou répétition plutôt qu'un acte isolé».
Il apparaît que le temps de la démarche « Y penser » nécessite le rappel des définitions et des connaissances épidémiologiques et a des implications fortes dans la prévention, l'information en général et la formation des professionnels.

1. DEFINITION ET EPIDEMIOLOGIE

1.1. Qu'est-ce qu'une maltraitance sexuelle ?

A - Définitions médico-sociales

Plusieurs définitions peuvent être proposées. Pour l'ODAS (2001), l'enfant maltraité est «tout enfant victime de violences physiques, d'abus sexuels, de violences psychologiques, de négligences lourdes, ayant des conséquences sur son développement physique et psychologique»

L'OMS définit en 2002 la maltraitance sexuelle comme «une exploitation sexuelle qui s'appuie sur la notion de l'abus et de ses modalités : abus sans toucher, abus avec toucher sans violence, abus avec violence, attitudes malsaines, modalités de type passif relevant d'une action de protection et d'un climat incestueux et de type actif impliquant attouchement et prostitution». Haesevoets distingue d'une part «les maltraitances passives : absence de protection, de règles, de lois, d'écoute, d'éducation et d'informations relatives à la sexualité, promiscuité sexuelle» et d'autre part, «les mauvais traitements actifs : attouchements divers, manipulations génitales, abus, inceste, viol, exploitation, prostitution, pornographie».

Inclus dans les maltraitances, le terme «abus sexuel» issu de la littérature anglo-saxonne nécessite d'être défini. Pour Krugman et Jones (1998), c'est « la participation d'un enfant ou d'un adolescent mineur à des activités sexuelles qu'il n'est pas en mesure de comprendre, qui sont inappropriées à son développement psycho-sexuel, qu'elles soient subies sous la contrainte, par violence ou séduction, ou qui transgressent les tabous sociaux». Merrick (1999) ajoute les notions d'état de dépendance et d'absence de l'accord éclairé de l'enfant.
Il faut rappeler que le terme d'abus n'a pas le même sens en anglais et en français. Nombre d'auteurs francophones réfutent la notion d'abus, car elle induit une notion d'un niveau de tolérance. Dans la littérature internationale le terme «d'abus sexuels sur mineurs» recouvre des actes aussi éloignés que l'exhibitionnisme, les caresses érotiques et tous types de pénétration.

Les termes d'apparence interchangeables tels que violence conjugale ou domestique, violence contre le partenaire sexuel, violence au sein du couple, ne recouvrent pas forcément les mêmes types d'agression sexuelle.

A côté de ces définitions générales, il existe des définitions opérationnelles, issues le plus souvent des méthodes d'analyses statistiques multivariées : par exemple, Hamilton (1998) relève 4 types de victimisation : victimisation unique (un incident, un agresseur), victimisation multiple (un incident, plusieurs agresseurs), victimisation répétée (plusieurs incidents, un agresseur), revictimisation (plusieurs incidents, plusieurs agresseurs pouvant passer d'intra-familial à extra-familial et inversement).

B - Définitions juridiques

Le droit utilise des définitions précises qui ne correspondent pas aux définitions médico-sociales. Les notions suivantes sont extraites en partie de l'ouvrage de la précédente conférence de consensus organisée en Novembre 2001 par la FFP sur « Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d'agression sexuelle ».

Les catégories pénales
Avec la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, en s'appuyant sur la nouvelle classification du code pénal, le législateur a créé une nouvelle catégorie d'infractions : les infractions sexuelles. Cet ensemble de crimes et délits est composé d'infractions qui relèvent de deux sous-ensembles distincts : celui des agressions sexuelles et celui de la mise en péril des mineurs, le proxénétisme ayant été exclu de ce cadre.

Éléments constitutifs des infractions sexuelles
Elles ont en commun d'être constituées par un acte (une pénétration, un attouchement, une exposition, la réalisation d'une image...) comportant un motif essentiellement sexuel, imposé à une personne qui ne dispose pas de moyens physiques ou moraux suffisants pour le repousser alors qu'elle n'y consent pas. Comme tout crime et délit, elles sont constituées de trois éléments : la matérialité des faits, l'élément intentionnel et l'élément légal (incrimination et sanction). C'est la réunion de ces trois éléments qui conditionne la sanction pénale.
Les crimes et délits d'agression sexuelle comportent les infractions suivantes :

- le viol est défini par l'article 222-23 du Code pénal comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commis sur la personne d'autrui par violence, menace, contrainte ou surprise ;
- l'agression sexuelle est définie par l'article 222-22 du Code pénal comme toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ;
- l'exhibition sexuelle est réprimée par l'article 222-32 du Code pénal comme imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public ;
- le harcèlement sexuel est défini par l'article 222-33 comme le fait de harceler en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle par personne abusant de l'autorité que lui confère ses fonctions.

Les délits d'atteinte sexuelle sont définis par les articles 227-25 à 227-27 du Code pénal :

- atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans : le fait, pour un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace, ni surprise une atteinte sexuelle ;
- atteinte sexuelle sur mineur de plus de quinze ans non marié : atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace, ni surprise, lorsqu'elle est commise par un ascendant ou toute personne ayant autorité sur la victime.

Facteurs d'aggravation des atteintes et agressions sexuelles
Les facteurs d'aggravation sont déterminés par le code pénal qui prévoit :
- la qualité de la victime : mineur de quinze ans (mineur dont l'âge est inférieur à 15 ans), personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'une déficience physique, psychique ;
- la qualité de l'auteur : ascendant légitime, naturel, adoptif, personne abusant d'une autorité que lui confère ses fonctions ;
- la modalité de commission de l'infraction : précédée, accompagnée de torture, acte de barbarie ; en groupe ; sous menace ou usage d'une arme ; quand la victime a été mise en contact avec l'auteur par un réseau de télécommunication ; infraction accompagnée d'une rémunération ;
- le résultat des violences : mort de la victime, mutilation ou infirmité permanente ; blessure ou lésion.

Le droit ne connaît pas l'inceste et ne prend en compte l'autorité sur la victime qu'en terme de circonstance aggravante.

1. 2. Quelles sont les données épidémiologiques concernant les maltraitances sexuelles?

Les enquêtes épidémiologiques repèrent la fréquence et les conséquences des maltraitances sexuelles bien que bon nombre de cas ne soient pas déclarés.

Les abus sexuels sur enfants
L'ODAS en 2002 relève 5.900 abus sexuels sur un total de 20.000 enfants signalés pour maltraitance. On a déjà vu que ces chiffres sous-estiment la réalité de la maltraitance. La maltraitance sexuelle est la première maltraitance chez l'enfant. Elle est la seule à croître depuis 1999. Le Service National de l'Accueil Téléphonique (SNATEM) sur la base de son numéro 119 enregistre le même constat. Les violences sexuelles concernent le plus souvent les enfants de moins de 9 ans (45%) (SNATEM 2001). Les très jeunes enfants et les bébés sont aussi des victimes potentielles. La violence sexuelle en milieu scolaire par des auteurs mineurs semble connaître actuellement une progression (SNATEM 2001). L'inceste constitue 20% des procès d'Assises, 75% des situations d'agressions sexuelles à l'encontre des enfants (SNATEM) et 57% des viols sur mineurs (Collectif Féministe Contre le Viol).
Salbreux et Charmasson soulignent que le risque relatif d'agressions sexuelles chez les handicapés est multiplié par 3 par rapport à la population générale.

Les violences envers les femmes
Sur un échantillon de 6.970 femmes, représentatives de la population des 20-59 ans, l'enquête sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF 2000) indique que 11% de femmes déclarent avoir subi au moins une agression sexuelle dans leur vie. Les agressions sexuelles les plus souvent déclarées sont les tentatives de rapport forcé (57%). L'âge auquel est survenue la première agression sexuelle est inférieur à 15 ans pour 59,9% de celles ayant subi des attouchements, pour 15,9% de celles ayant subi une tentative de rapport forcé, et pour 16,7% de celles ayant subi un rapport forcé. Environ la moitié des femmes qui ont été victimes d'agression sexuelle au cours de leur vie n'en n'a pas parlé avant l'enquête.
Il n'y a pas d'enquête similaire en France pour la population masculine. Les enquêtes menées dans d'autres pays indiquent un taux assez concordant d'agressions sexuelles pour la population masculine (4 à 5%) alors que les taux pour la population féminine sont dispersés.

Les facteurs de risques et les facteurs protecteurs
Deux grands indicateurs de risque sont identifiés : les difficultés relationnelles intra-familiales (73%) ainsi que les situations de séparation et de divorce (43%). Les indicateurs secondaires sont la précarité, l'alcoolisme, le jeune âge de la mère, la présence d'une pathologie mentale et l'existence d'une maltraitance physique pour l'enfant et d'antécédent de maltraitance pour les parents.
Les facteurs protecteurs repérés sont le soutien social et la qualité de l'accompagnement par les parents.

Les conséquences des maltraitances sexuelles
Il existe un grand nombre de données qui repèrent la fréquence et le polymorphisme des tableaux cliniques. Ces données constatées ne préjugent pas forcément du lien étiologique entre agression sexuelle et pathologie constatée.
Des études repèrent des symptômes traumatiques immédiats et le syndrome de stress post-traumatique (Post Traumatic Stress Disorder ou PTSD de l'American Psychiatric Association, 1994), et des effets psychiques à plus long terme, principalement l'anxiété, les risques dépressifs, les difficultés d'ordre sexuel et domestique.

Sont repérés également comme conséquences les conduites addictives, les troubles du comportement alimentaire, les automutilations, les prises de risque, et les troubles des conduites sexuelles.

La littérature insiste également sur le surcroît des troubles somatoformes et l'existence de nombreux antécédents de violences sexuelles dans certaines pathologies chroniques.

Ces pathologies secondaires ou tardives sont soumises à l'influence de facteurs individuels, environnementaux et temporels. Il faut insister sur le fait que le risque relatif de survenue d'une conséquence pathologique dans le cadre des maltraitances sexuelles est beaucoup plus élevé que dans d'autres circonstances accidentelles.

En conclusion, ces études prennent essentiellement en compte la violence ressentie et exprimée avec toute la subjectivité que cela implique.
Il existe une grande diversité dans la terminologie. Ces définitions ne recueillent pas de consensus de validité ce qui rend difficile le recueil des données et les comparaisons nationales et internationales.
Recommandations

La conférence de consensus préconise le développement de recherches épidémiologiques plus précises sous la forme :

- d'enquêtes sur différentes zones géographiques pour l'épidémiologie descriptive ;

- d'enquêtes longitudinales et prospectives pour repérer les modalités évolutives et les liens étiologiques possibles entre les maltraitances et leurs conséquences ;

- des enquêtes cas-témoins pour étudier les prévalences et risques relatifs d'apparition de conséquences de maltraitances sexuelles.

2. prevention

Dans le cadre de la maltraitance sexuelle, les objectifs principaux de prévention sont la réduction de leur survenue et l'atténuation de leurs conséquences, en facilitant notamment la sortie du silence et en prévenant la sur-victimisation.

Définitions

On distingue trois types de prévention :

1. La prévention primaire qui consiste à prévenir l'agression sexuelle avant qu'elle ne survienne.

2. La prévention secondaire vise les conséquences de la maltraitance et sa répétition.

3. La prévention tertiaire tend à limiter la sur-victimisation. On entend par sur-victimisation, les effets nuisibles au plan somatique, psychique et social liés à la révélation et ses suites (signalement, placement, expertise, procédures judiciaires).

Les actions existantes
En France, en dehors des campagnes d'information envers le grand public et les professionnels, les actions de prévention sont majoritairement entreprises dans le monde scolaire. Ces programmes ont pour but d'améliorer les connaissances sur le phénomène de l'agression sexuelle et d'augmenter les capacités de l'enfant et de l'adolescent à se protéger. Même si les études n'apportent pas la preuve qu'un enfant saura se défendre contre une agression sexuelle s'il en a entendu parler (prévention primaire), l'information a un impact sur la prévention secondaire en facilitant les révélations.
L'étude bibliographique rappelle que le support socio-familial et en particulier le soutien parental sont des facteurs de protection majeurs des conséquences de la maltraitance sexuelle.
A l'inverse les carences éducatives de la famille sont la première source de maltraitance. L'étude de la littérature internationale, en particulier canadienne, montre l'intérêt, en terme de prévention primaire et secondaire, de programmes de visite à domicile. Ils améliorent les connaissances sur la maltraitance et les qualités du milieu familial. Les programmes d'intervention à destination des femmes victimes de violences conjugales («primary case counselling» et «post shelter advocacy counselling») n'ont pas été l'objet d'évaluations spécifiques. On ne retrouve dans les rapports des experts et dans la littérature que peu d'actions de prévention auprès des personnes en situation de vulnérabilité.

Les limites
Les résultats positifs des actions de prévention n'empêchent pas d'interroger la question de leur méthodologie.
Globalement, ces actions de prévention se heurtent à l'évolution des représentations et normes sociales de la sexualité actuelle (permissivité, accès à Internet). Ce contexte sociétal ne prend pas suffisamment en compte le caractère du développement de la personnalité et de la sexualité infantiles.

Recommandations

Pour sortir de la loi du silence sur la maltraitance sexuelle et prévenir le risque de sur-victimisation, la conférence de consensus recommande :

1. De mener des actions de prévention d'aide et de soutien auprès des parents en Protection Maternelle et Infantile (PMI), crèches, écoles, lieux d'accueil parents/enfants.
2. D'intensifier l'information et des actions de prévention à destination de la population générale, concernant l'éducation à la santé et les moments de vulnérabilité, les influences culturelles et religieuses.
3. La mise en place d'un code de conduite qui s'impose aux journalistes et aux médias sur les sujets traitant de la sexualité et des violences notamment sexuelles.
Ces actions doivent être nécessairement évaluées

3. Information

La question de la maltraitance concerne chaque citoyen. De nombreuses actions et campagnes d'information sont initiées au plan national et local (support écrit, pictural, audio-visuel). Cependant le rapport de l'ONU, rédigé par Juan Miguel Petit, sur la vente d'enfants, la prostitution d'enfant et la pornographie avec les enfants insiste « sur le nombre de cas laissant apparaître un grave déni de justice pour les enfants victimes de sévices sexuels et les personnes qui tentent de les protéger ».
C'est l'occasion de rapporter que tout citoyen est tenu de déclarer à l'autorité judiciaire tout crime venant de se commettre et risquant de se reproduire et toute maltraitance envers les moins de 15 ans. Les professionnels sont tenus à leurs obligations spécifiques.

Recommandations

Aussi afin de favoriser des actions pondérées respectueuses des individus et de la loi, la conférence de consensus préconise :

1. La mise en place de campagnes d'information à destination de la population générale et des professionnels sur les obligations de déclaration et les circonstances les plus fréquentes de survenue de maltraitance (enfance, vie conjugale, moments de vulnérabilité).

2. Propose à l'Observatoire National de l'Enfance en Danger de répertorier, évaluer et diffuser les différents dispositifs pertinents relatifs à l'information sur la maltraitance, notamment sexuelle, au plan national et départemental (en collaboration avec les Conseils Généraux).

3. La création d'un Observatoire des maltraitances des adultes avec les mêmes objectifs que celui de l'enfance en danger.

4. Formation

Les experts observent une grande disparité des modalités d'accueil de la population générale et de la population victime de maltraitances. Le déficit des formations de tous les professionnels et leur hétérogénéité en est une des causes. La méconnaissance de la loi et des parcours judiciaires est citée comme facteur de sur-victimisation. Depuis 15 ans, les nombreuses actions de formation entreprises favorisent une sortie du silence de la maltraitance sexuelle. Cependant les experts constatent le peu de formations transversales. Un grand nombre d'acteurs ne semble pas bénéficier de formations spécifiques car elles sont laissées à leur libre choix. Il en résulte un défaut de communication entre professionnels et à l'intention des personnes victimes.
De nombreux outils de prévention, de repérage de maltraitance sexuelle, de crédibilité, d'évaluation et de conduites thérapeutiques sont cités. Aucun ne recueille de consensus général de validité et/ou de pertinence. Leur emploi peut cependant être justifié, pour aider le plus grand nombre dans le repérage, l'évaluation et l'accompagnement des maltraitances et aussi guider les méthodologies de recherche.

Le déficit crucial d'experts auprès des tribunaux, notamment en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, est souligné.

Recommandations

La conférence de consensus insiste sur l'importance qui doit être donnée à la formation croisée des professionnels de tous les champs concernés : judiciaire (avocats, magistrats, Officiers de Police Judiciaire), médical (consultants et experts), social et éducatif.

1. Pour favoriser le travail en réseau, nous préconisons le développement de socles communs de formations. Des cycles de formations thématiques doivent être vivement développés :
- l'accueil des populations vulnérables (0-3 ans, handicap, détenus, personnes âgées en institutions, adolescents, femmes enceintes... ) ;
- le premier accueil et l'accueil téléphonique en services de police, de gendarmerie, de médecine, en milieux associatifs ou sociaux ;
- la rédaction de certificats et d'expertises.

2. La conférence de consensus recommande :
- de renforcer l'enseignement médico-légal en 2ème Cycle des Etudes Médicales, mais aussi lors de la formation des éducateurs et de tous les soignants ;
- de renforcer l'enseignement de la psychiatrie médico-légale à l'Ecole Nationale de la Magistrature, aux Centres de Formation des Avocats et dans les Ecoles de Police et de Gendarmerie ;
- de créer un cycle de formation diplômante en matière médico-légale et expertale notamment pour les psychiatres et les psychologues.

3. La conférence de consensus propose
- Le développement de formations pratiques : tutorat pour les experts, analyse de la pratique en milieu socio-éducatif et judiciaire, supervision clinique ;
- La facilitation de l'utilisation d'outils validés notamment aux plans national et international.

Sites Internet

Protection des mineurs : www.internet-mineurs.gouv.fr
Site de la Fédération Française de Psychiatrie :
http://psydoc-fr.broca.inserm.fr


2. ABORDER - RECONNAÎTRE


1. COMMENT ABORDER UNE MALTRAITANCE SEXUELLE ?

1.1. L'entrée dans un trajet institutionnel médico-psycho judiciaire

La révélation d'une maltraitance sexuelle ou sa découverte inopinée par un tiers est toujours un moment de vérité particulièrement éprouvant pour la victime, l'entourage familial ou institutionnel. Si la victime peut-être soulagée, elle est aussi inquiète des décisions qui vont être prises pour elle-même et pour l'auteur. L'entourage, parfois mis en cause publiquement pour sa méconnaissance des faits, est mis en question dans ses fonctions d'aide, de protection et d'éducation. C'est une situation de crise qui, dans la confusion et au risque de l'aggraver, appelle à prendre sans délai des décisions médico-psycho-judiciaires, mais de manière réfléchie, maîtrisée, non précipitée. L'enjeu est en effet important pour l'avenir de la personne victime, avec pour elle un risque : celui d'être confirmée dans son statut de victime mais cette fois par ceux-là même qui voulaient l'en sortir, si ne sont pas réunies les conditions pour qu'elle s'approprie les décisions prises pour elles, si leur légalité n'est pas à ses yeux légitime.

Schématiquement, en dehors des situations d'urgence médico-chirurgicale, deux options institutionnelles distinctes sont alors possibles : l'appel à l'institution judiciaire, l'appel à l'institution médicale ; un choix qui n'est jamais neutre, qui va déterminer le trajet ultérieur de la prise en charge et lui attribuer un pouvoir de signification pour la victime et son entourage. Or, il apparaît à cet égard nécessaire que dans ce moment de grand bouleversement émotionnel, les réponses soient organisées et individualisées au sein d'un cadre institutionnel offrant des garanties de sécurité et de protection. De plus, les réponses médicales et judiciaires doivent être clairement différenciées aux yeux de la victime, et il est fortement souhaitable que la réponse médicale, c'est-à-dire somatique, psychologique et psychiatrique, précède si possible la réponse judiciaire.

1.2. Les conditions de l'accueil médical

Quel que soit l'âge, la qualité de cet accueil est essentielle pour ne pas inhiber l'expression de la souffrance de la victime. Les locaux doivent être adaptés. L'entretien ne doit pas être suggestif, ni intrusif, ni humiliant. Il ne peut ainsi se limiter au seul récit des circonstances et des symptômes actuels, mais faire une large place au vécu et à l'histoire du sujet et de sa famille. L'examen clinique doit être prudent, respectueux, commenté, et les gestes annoncés par des explications pour ne pas répéter la violence du traumatisme.
Il est plus que souhaitable de coupler l'examen clinique et les constatations médico-légales de manière à éviter la récidive d'examens traumatisants et d'assurer un cadre légal à la réalisation des prélèvements.
Si la décision d'un signalement est prise, il convient d'en informer la victime, le ou les parents présents s'il s'agit d'un mineur.
Il est souhaitable que l'équipe médicale soit informée des suites données au signalement et qu'elle trouve les moyens d'assurer le suivi de la prise en charge, ou tout au moins de garder sa place de référente ou de consultante.

2. COMMENT RECONNAITRE UNE MALTRAITANCE SEXUELLE ?

2.1. Chez l'enfant

La maltraitance sexuelle survient toujours pour un enfant à un moment critique de son développement. En conséquence, en plus du traumatisme initial généré par les abus sexuels, la maltraitance peut affecter à long terme le développement psychique et social de l'enfant. Les particularités des atteintes sexuelles du tout petit doivent être connues. Elles ne sont pas rares (10% des atteintes de l'enfance).

A- Les circonstances du diagnostic

- L'enfant est amené à la consultation des urgences d'un service de pédiatrie par des parents inquiets soit par la survenue chez leur enfant d'un comportement inhabituel, soit après la découverte de lésions périnéales suspectes, par exemple au retour d'une garde au domicile d'une nourrice, ou après l'avoir entendu dire des phrases ou des mots crus et évocateurs.
- De plus en plus fréquentes sont les allégations par l'un des parents suspectant l'autre parent, au retour de l'enfant d'un week-end de garde, lors d'une séparation parentale conflictuelle.
- Parfois, l'enfant est amené par un travailleur social sur réquisition d'un juge pour une expertise dans le cadre d'une enquête familiale.

B- L'entretien clinique

L'écoute de l'adulte accompagnant et de l'enfant doivent se faire si possible en des temps séparés.

L'attention soutenante aux paroles de l'enfant et la protection contre toute intrusion sont essentielles. L'enfant, même petit, peut évoquer à l'aide de mots parfois maladroits mais suffisamment explicites ce qu'il a vécu. Ces mots doivent être exactement notés.

L'entretien permet pour l'enfant, de resituer sa parole dans le cadre du soin et de la loi ; pour le parent, de le rassurer devant des inquiétudes parfois infondées et, lorsque la loi est enfreinte, de l'informer de la procédure.
Le recueil de la parole de l'enfant se fait calmement :
- en résistant à la tentation de tout vouloir obtenir de lui trop vite ;
- en tenant compte de son développement, de son niveau de langage, de ses résistances.

Les dessins et les jeux spontanés de l'enfant sont utilisés avec prudence et interprétés en fonction du contexte de leur réalisation.

C- Le recueil de signes cliniques

Il importe de connaître les données normales de l'examen clinique habituel de l'enfant.
Parfois l'enfant ne parle pas. Il faut penser à la maltraitance sexuelle devant les signes cliniques suivants:
- le traumatisme des organes génitaux mis en lien avec les explications données par les parents, notamment pour les 0-3 ans ;
- des infections gynécologiques en connaissant le diagnostic différentiel ;
- les troubles fonctionnels non spécifiques : douleurs abdominales, plaintes somatiques, malaises, troubles du sommeil, cauchemars, d'apparition récente ;
- les troubles du comportement : en particulier, comportements « sexualisés » inappropriés, rapprochés sexuels avec les adultes, agression sexuelle d'autres enfants, jeux sexuels avec violence, comportements régressifs, peurs inexpliquées, troubles relationnels précoces ;
- l'apparition de difficultés scolaires.

C'est la conjonction, la répétition, le maintien dans le temps de signes non spécifiques en rupture avec le comportement antérieur de l'enfant, qui doit permettre d'évoquer le diagnostic. Les signes ont un rôle d'alerte.

D - L'examen clinique

L'examen clinique de l'enfant nécessite un climat de confiance. Il est complet et ne se limite donc pas à la région génitale. Son déroulement est annoncé et expliqué. Il se fait en présence d'une personne formée si possible et/ou du parent de même sexe (sauf cas particuliers) dans un lieu permettant de ne pas être dérangé.
Cet examen recherche des signes de maltraitance physique (ecchymoses), des lésions de l'hymen, de l'anus, en ayant une bonne connaissance des variants.

Il permet de réaliser des prélèvements (recherche de sperme, tests ADN, prélèvements sanguins (syphilis, sérologie, HIV...).

Ces éléments cliniques peuvent éventuellement être complétés par des tests psychologiques.
L'examen doit se faire immédiatement si l'abus a eu lieu depuis moins de 72h, en urgence s'il a eu lieu entre 72h et 14 jours, dès que possible au delà.

2.2. Chez l'adolescent

La méconnaissance de la maltraitance sexuelle subie à cet âge est soulignée par de nombreux auteurs malgré la médiatisation qui en est faite. Le clinicien doit compter avec le silence dû à la honte et à la culpabilité éprouvées par la victime face aux excès de dénonciation dans le cadre de conflits conjugaux, ou lorsqu'un lien de cause à effet a été trop rapidement établi à propos d'une manifestation symptomatique inquiétante. Ainsi, la cascade anticipée de conséquences personnelles et familiales d'une plainte peut conduire souvent à la différer. On sait à l'inverse les effets négatifs d'un signalement trop rapide.
C'est dire l'importance de la qualité de l'écoute et de l'évaluation clinique faite par les professionnels tributaires davantage de leur expérience que d'outils validés. C'est dire aussi l'importance des formations continues et des temps réservés aux synthèses dans les équipes.

La maltraitance sexuelle à cet âge bouleverse l'équilibre instable d'une personnalité en construction. Elle met en jeu ses ressources et ses zones de fragilité. Elle sollicite les fondations infantiles sur lesquelles elle s'appuie. Elle interpelle son entourage familial dans ses fonctions affectives, éducatives et protectrices. C'est dire combien les modes d'expression du traumatisme subi lors d'une maltraitance sexuelle peuvent varier d'un sujet à l'autre selon les zones de vulnérabilités individuelles, selon les modes défensifs privilégiés, selon la durée de la maltraitance et selon l'âge des sujets concernés.

En effet, l'adolescence couvre une période large de la vie et on comprend que l'impact diffère selon les âges, entre une jeune fille tout juste pubère et une jeune femme de 18 ans ou encore chez une autre fonctionnant sur un mode adolescent de 20 ans.

Les symptômes évoquant une maltraitance sexuelle récente couvrent un large éventail de manifestations symptomatiques qui n'ont guère de spécificité. Le stress post-traumatique, tel qu'il est décrit en psychopathologie adulte est un modèle clinique utile pour sa valeur indicative d'un traumatisme récent. Comme chez l'adulte, on retrouve ainsi chez l'adolescent des manifestations anxieuses et/ou dépressives, des troubles du sommeil avec ou sans cauchemars répétitifs, tranchant avec le comportement habituel. On sait aussi qu'avec le temps, l'ampleur des manifestations diminue. Mais il existe aussi des troubles propres à cet âge et qu'on retrouve dans d'autres contextes psychopathologiques, infléchissant les relations familiales, sociales et la scolarité, et produisant des effets potentiellement pathogènes supplémentaires. Les troubles corporels en lien avec les enjeux pubertaires sont particulièrement fréquents chez les filles : par exemple des plaintes somatiques mettant les médecins généralistes, les médecins et les infirmières scolaires en première ligne ; les maltraitances auto-infligées à type d'automutilation, de scarifications, les tentatives de suicide, les fugues ; les symptomatologies anorectiques avec ou sans boulimie, les conduites toxicomaniaques...

2.3.Chez la personne handicapée

Là plus qu'ailleurs il s'agit d'y penser car toutes les conditions de vulnérabilité sont réunies (même s'il est difficile de se faire une idée fiable du phénomène) en raison :
- de l'absence ou de l'insuffisance de moyens de défense, de langage, de crédibilité, qui attire les pervers ;
- de la grande dépendance physique qui suscite des rapprochés corporels inadéquats ;
- du désert affectif dans lequel vivent beaucoup de personnes handicapées qui augmente leur vulnérabilité ;
- de la vie en institution qui ne permet pas toujours que les intérêts de la personne handicapée soient supérieurs aux intérêts de la famille (pas de place ailleurs) et de l'institution (image) ;
- du déni de la sexualité des personnes handicapées.

Il existe comme chez les valides des signes somatiques directs (lésions des organes génitaux, de la région anale, M.S.T., ...) mais souvent aussi la découverte d'une grossesse...

Il convient de s'alarmer devant des signes indirects d'apparition récente. Ces signes sont les mêmes que pour les autres personnes. En l'absence de communication verbale, la découverte retardée du lien avec la maltraitance sexuelle a ici des conséquences aggravées car l'examen clinique est fait alors que les signes corporels ont disparu. La recherche des manifestations de honte, de culpabilité, de pression morale exercée par l'entourage doit faire partie intégrante de l'évaluation clinique.
Une des meilleures préventions du retard diagnostique est d'avoir l'attention éveillée devant toute modification du comportement d'une personne handicapée. Ce qui suppose qu'un médecin assure un suivi régulier et que le dossier médical soit particulièrement rigoureux.

2.4. Chez l'adulte et la personne âgée

Chez la personne adulte, on est beaucoup moins souvent que chez l'enfant en situation d'être confronté à une maltraitance récente.
Lorsque la consultation a lieu :
- soit la personne est demandeuse de prise en charge médicale ou judiciaire ;
- soit la personne ne demande pas d'aide, mais consulte pour des motifs indirects (test de sida ou de grossesse en urgence) sans révéler l'agression.

La sémiologie se présente sous un aspect pouvant reprendre toute la pathologie médicale. Le médecin doit rechercher les signes montrant sous une forme inhabituelle une culpabilité importante, un sentiment de honte, un sentiment de souillure. L'examen physique complet respectueux doit rechercher des signes d'agression physique et sexuelle. Ces signes doivent être connus de tous le médecins susceptibles de recevoir ce type de patients en urgence. Chez les personnes âgées, la particularité est la diminution des capacités cognitives et fonctionnelles et l'absence de contacts sociaux qui rendent l'appel à l'aide difficile.

Plus habituellement, la maltraitance renvoie chez les adultes à deux contextes bien distincts : les effets après coup des maltraitances de l'enfance, et la maltraitance chronique de l'adulte.

- Les effets après coup des maltraitances de l'enfance ne se résument pas au syndrome post-traumatique. Il est la première manifestation liée aux violences dans l'enfance décrites dans la littérature mais il existe souvent des troubles non spécifiques : dépression, troubles anxieux, troubles addictifs, dépendances alcooliques...
Le viol, le fait que l'agresseur soit connu, l'inceste, la chronicité des abus sexuels sont des facteurs aggravants.
En ce qui concerne les troubles de la personnalité, les maltraitances au cours de l'enfance multiplient par 4 le risque de survenue d'un trouble de la personnalité à l'âge adulte. On peut retenir que les abus physiques provoquent plutôt des risques de personnalité antisociale alors que les abus sexuels provoquent plutôt des risques de personnalité limite.
Nous devons d'autre part retenir que les méta-analyses réalisées ont prouvé qu'il existe une relation entre abus sexuels de l'enfance et troubles psychiatriques à l'âge adulte, dépression, anxiété et abus de substances.
La victime a plus de risque d'être revictimisée à l'âge adulte : viol et violence conjugale.
Les études prouvent bien que les anciennes victimes sont susceptibles d'adopter à l'âge adulte des comportements violents et abuseurs.

- La maltraitance de l'adulte a été mise en évidence de manière récente (2000) par l'Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes (ENVEF) qui a montré que 10% des femmes ont subi des violences conjugales au cours des 12 derniers mois.

Il est très net que la violence conjugale prend des formes multiples qui peuvent se superposer et s'entrecroiser. Insistons sur le fait que l'image traditionnelle de le « femme battue » est trop restrictive : au sein d'un couple, les femmes peuvent être confrontées à un continuum d'agressions physiques, verbales, psychologiques et sexuelles. Aujourd'hui il n'existe pas de consensus sur le terme de violence sexuelle ni sur la notion de d'agression sexuelle.

En ce qui concerne les personnes âgées, ces maltraitances chroniques sont plus insidieuses du fait du confinement des victimes. Dans 70% des cas, les actes interviennent dans le milieu clos de la famille et sont le fait de personnes qui portent assistance à la personne. Celles-ci ne sont pas nécessairement perverses, mais les faits se produisent par manque de vigilance et par épuisement. Dans les établissements, publics ou privés, les faits de maltraitance, nombreux, ont en majorité une dimension passive (négligence, désintérêt, oubli). Pour autant, une maltraitance sexuelle n'est pas exceptionnelle.
Il est à retenir que les victimes préfèrent souvent régresser plutôt que de se plaindre et arrivent même à exprimer de la reconnaissance vis-à-vis de leurs bourreaux par culpabilité d'être en état de dépendance.
En ce qui concerne le repérage de maltraitances, les dépôts de plainte sont rares et les conséquences psychopathologiques diverses et non spécifiques.


Recommandations

1 - La première consultation doit garantir des conditions permettant à la victime d'exprimer sa souffrance sans être remise en cause, de recueillir sa parole, d'être examinée sous une forme respectueuse. Le clinicien doit l'aider à anticiper le parcours ultérieur, à clarifier ses représentations et à s'approprier les décisions prises pour elle.
Cette consultation, en raison de son enjeu, nécessite une équipe habituée à l'accueil des victimes de maltraitances sexuelles. Elle doit permettre une authentique rencontre thérapeutique.

2 - Du fait du polymorphisme de la clinique, chaque médecin doit avoir reçu une formation lui permettant d'évoquer le diagnostic devant des signes en rupture avec le comportement antérieur de la personne, non expliqué par les étiologies habituelles. En cas de difficulté, il doit pouvoir avoir accès rapidement à un centre- ressource.
Développer la formation des professionnels et informer sur les centres de ressource sont essentiels.

3 - Le diagnostic de maltraitance sexuelle est une situation de crise familiale. Il doit être formulé dans un cadre institutionnel offrant des garanties de sécurité et de protection. La réponse diagnostique médicale et la réponse judiciaire doivent être clairement différenciées.
Tous les patients doivent pouvoir être accueillis dans des structures offrant ces garanties.

4 - Le diagnostic implique aussi la famille et l'entourage. Il convient de restituer à l'un ou à l'autre de manière prudente des conclusions de l'examen clinique. Cela, pour l'aider, en particulier pour les enfants et les personnes vulnérables, à reprendre sa fonction soutenante, protectrice et éventuellement éducative.
La consultation doit veiller à concerner aussi la famille.

5 - Chaque médecin doit pouvoir penser à la maltraitance sexuelle devant des symptômes inhabituels :

- en présence de personnes vulnérables : enfants, personnes handicapées, personnes âgées ;

- dans des lieux à risque : institution, prison, maison de retraite, mais aussi en face de familles gravement désorganisées ;

- dans des moments de vulnérabilité où une maltraitance sexuelle ancienne, selon un effet d'après coup, est susceptible de resurgir : la grossesse et la période post-natale en particulier. Cette période est aussi là risque de maltraitance conjugale et le point de départ de maltraitance à l'égard des enfants.



3. ACCUEILLIR - ORIENTER - ACCOMPAGNER

La personne victime d'une maltraitance sexuelle, avant tout personne en souffrance, doit être accueillie pour être soutenue et protégée. Il faut aussi savoir l'orienter et l'accompagner, notamment en vue de la probable intervention judiciaire.

1. L'accueil

La révélation d'une maltraitance sexuelle par une personne victime est susceptible d'être faite auprès d'une grande variété d'intervenants (enseignants, soignants, familles, voisin, ami...) et selon différentes modalités (confidences, appel téléphonique...). Seuls 2% des signalements d'enfants en danger proviennent des médecins. Dès lors, il est de la responsabilité de tous et de chacun, professionnels ou non, d'accueillir une telle révélation et de lui donner sans délai une suite appropriée.
Les objectifs principaux de l'accueil sont de constituer la première étape de l'accompagnement et du soin ainsi que de préparer la personne victime au parcours judiciaire.

Les modalités pratiques de l'accueil ainsi que les lieux dans lesquels il se déroule résultent de ces 2 fonctions Des modalités spécifiques peuvent s'appliquer selon l'âge de la victime, sa condition, et le caractère récent ou ancien de la maltraitance.

Devant toute maltraitance sexuelle une évaluation clinique est indispensable, d'où la nécessité que la révélation initiale soit rapidement relayée par l'intervention de professionnels spécialisés. En pratique, le caractère soignant ou médico-légal du choix du lieu d'accueil initial est aléatoire. Il est avant tout dépendant du fait que la victime s'est adressée spontanément ou a été conduite par son entourage vers la police ou un service auxiliaire de justice ou bien vers un lieu de soins. La demande de la victime, qui ignore souvent à ce stade la différence entre un service médico-judiciaire ou un service de soins est parfois ambiguë. Il est donc important que le temps de l'accueil dans des lieux spécialisés tels que les Unités de Consultation Médico-Judiciaire (UCMJ), services cliniques hospitaliers ou centres de victimologie comporte de la part des professionnels une clarification de leur rôle, de leur mission et de leur cadre d'action ainsi que des missions incombant aux autres lieux et intervenants.

Principes généraux

- l'évaluation clinique doit prendre en compte la personne en souffrance et non uniquement le traumatisme. Une écoute empathique est indispensable. Les propos de la victime sont recueillis de manière respectueuse et non suggestive en s'intéressant autant aux circonstances de la maltraitance qu'à son contexte environnemental.

- L'expression de sentiment de malaise ou de culpabilité de la part de la victime n'est pas rare, notamment quand il existe un lien affectif entre la victime et l'auteur de l'agression (inceste, violence conjugale). Cette expression doit donc faire l'objet d'un accompagnement. Le courage de la victime doit être valorisé et il faut lui rendre sa place de sujet et ne pas la cantonner dans un statut d'abusée.

- Le déroulement ainsi que les objectifs de l'examen clinique doivent lui être expliqués, il s'agit dans tous les cas d'un examen clinique psychique et physique.

Spécificités

Pour l'enfant et l'adolescent, l'évaluation doit comporter de préférence l'intervention d'au moins deux professionnels de fonction différente (pédiatre + psychiatre d'enfant et d'adolescent ou pédiatre + psychologue).

Cette évaluation doit se faire en urgence dans 3 cas :

- nécessité d'une protection immédiate : lorsqu'elle est nécessaire, l'objectif poursuivi est réalisé par la séparation d'avec l'agresseur. Il faut néanmoins rester attentif aux risques potentiels secondaires à la séparation de l'enfant d'avec son milieu de vie ;
- nécessité de constat immédiat de lésions physiques et de soins d'urgence ;
- impossibilité par l'entourage d'accompagner et d'aider l'enfant.

En dehors de ces trois situations, il est souvent préférable de différer l'évaluation clinique afin de bien la préparer.

Dans tous les cas, un accueil séparé de l'enfant et des parents est indispensable afin que l'évaluation reste la plus objective possible – ceci même quand un temps d'accueil familial est réalisé au préalable.

Concernant les adultes victimes, il est important de distinguer les maltraitances récentes pour lesquelles l'évaluation clinique est urgente en particulier pour recueillir les signes pertinents pour l'enquête (sperme, lésions diverses...)
Dans les maltraitances anciennes, l'examen psychique est généralement le plus riche, ce qui n'exclut pas pour autant l'examen physique.

Dans des institutions comme les prisons, maisons de retraite, internats pour handicapés, etc..., la révélation d'une maltraitance sexuelle est souvent entravée par un fonctionnement en vase clos. Du fait de la vulnérabilité des personnes, de leur lien de dépendance et de leurs difficultés d'expression, une attention particulière doit leur être portée afin d'accueillir toute manifestation de leur part permettant de rompre la loi du silence. Les institutions doivent laisser place à des interventions extérieures dont l'indépendance par rapport à l'institution doit être garantie. De manière générale, il y a lieu de préconiser dans ces établissements une vigilance particulière.

Prise en compte de l'intervention judiciaire

Dès l'accueil, la question du dépôt de plainte doit être soulevée afin que la victime puisse ensuite être orientée vers un service de consultation médico-légale adapté.
La plainte est la démarche la plus fréquente. Tout service de police et de gendarmerie est tenu de prendre une plainte, quelles que soient l'heure et la compétence territoriale. La main courante n'est pas une plainte. Lors de la plainte, la victime doit être informée de ses droits. Policiers et gendarmes doivent l'adresser vers un lieu de constatations médico-légales adapté tel que les UCMJ.

Lieux de l'accueil

Ils sont en pratique divers. Mais quels qu'ils soient, ils doivent être adaptés aux besoins et à la condition de la victime. Pour les enfants et les adolescents, le milieu hospitalier en service de pédiatrie doit être privilégié pour l'évaluation clinique et les soins.
Pour les adultes, d'autres services hospitaliers (gynécologique, psychiatrique, urgences...) se trouvent être naturellement des lieux d'accueil des victimes. Ils doivent être en mesure de remplir cette mission en s'appuyant sur des procédures d'accueil et de pratique et des personnes ressources.
Des structures spécialisées dans la prise en charge des victimes ont émergé de manière sporadique avec des pratiques, des qualifications professionnelles extrêmement variables. Ces expériences méritent d'être évaluées.
Par ailleurs, des Unités Médico-Judiciaires (UMJ) ou de Consultation Médico-Judiciaire (UCMJ) se sont également développées de manière hétérogène sur le territoire français. Leur fonction première est de répondre aux réquisitions judiciaires afin de procéder aux constatations médico-légales.
Elles se doivent de prévoir un relais vers une prise en charge sociale et/ou thérapeutique, tout en respectant la nécessaire indépendance entre la fonction expertale et la fonction soignante.

2. L'orientation

En matière de maltraitance sexuelle, la prise en charge doit tenir compte de deux facteurs particuliers :

- les victimes, quels que soient leur âge ou leur condition, sont réticentes à porter plainte et doivent être soutenues dans leur démarche ;

- certaines victimes sont déficientes ou affaiblies et il faut suppléer à leur volonté.

Les préoccupations de l'enquête ne doivent pas faire oublier les nécessités d'ordre médical et thérapeutique. La victime est une personne qui souffre. Il faut dans un premier temps lui prodiguer des soins avant d'effectuer les constatations médico-légales.
L'efficacité de l'enquête bénéficie grandement du travail des unités de consultations médico-judiciaires. Celles-ci doivent travailler essentiellement sur réquisition.
Sur le plan judiciaire, une victime a des choix à faire et elle peut être orientée pour cela. Si elle choisit le statut de partie civile, elle aura des droits lui permettant d'accéder à la procédure et d'obtenir réparation. Simple témoin, elle n'aura aucune prise sur l'enquête.

De par l'étirement dans le temps et la complexité des procédures judiciaires et malgré des efforts toujours perfectibles des magistrats, policiers, gendarmes et experts, la façon dont sont traitées les victimes peut être source de victimisation secondaire. Il est nécessaire de fournir une information et un accompagnement dans ce sens.

De plus, une information commune sur les modalités de la transmission des informations entre les acteurs professionnels et associatifs, en particulier sur les notions de secret professionnel, de secret partagé, d'obligation de réserve, de transmission de documents est recommandée.
D'une manière générale, l'obligation d'une transmission régulière et continue aux victimes et à leurs familles, des décisions les concernant tant sur les plans médico-sociaux que judiciaires, est nécessaire.

Chez l'enfant, l'adolescent et le majeur vulnérable, la dénonciation et le signalement de toute véritable maltraitance sexuelle sont un devoir légal.
Pour le médecin, le signalement se matérialise par la rédaction d'un certificat objectif qui ne peut être délivré sans avoir vu et examiné la victime. Les constatations médicales pures, flagrantes, sont rares et le professionnel va devoir bien souvent se décider à partir de la parole de la victime.
Il est mentionné, si nécessaire dans le certificat, que l'absence de lésion ne permet pas de conclure à l'absence d'agression sexuelle.
Le signalement peut se faire dans le cadre d'un placement ou d'une hospitalisation d'urgence pour mesure de protection et/ou diagnostic de confirmation. Ceci en gardant à l'esprit que le concept de protection immédiate ne doit pas entraîner des hospitalisations abusives.
Il est impératif de s'assurer qu'agresseur et agressé ne vont plus se côtoyer.

Pour l'adulte, la prise en charge ne peut se borner aux constatations médicales. L'environnement de la victime doit être évalué et un hébergement social d'urgence si besoin recherché. Il s'agit donc pour le médecin de bien connaître les différentes possibilités locales d'orientation des victimes vers des structures spécialisées.
Le recours au psychiatre ou au psychologue doit être facilité sans pour autant être imposé. Dans un certain nombre de cas, le médecin qui accueille peut continuer l'accompagnement. L'orientation rapide vers un psychiatre est nécessaire s'il existe des troubles psychopathologiques et/ou des antécédents identifiés.
Un certificat médical doit être fourni à la victime si elle le demande. Si un signalement est fait, son consentement doit être un préalable.
L'appréciation d'une situation par le médecin est parfois difficile et le recours à un confrère doit être aisé.
En matière de détention, éloigner la personne de son lieu de victimisation est une mesure importante.

3. L'accompagnement

L'accompagnement concrétise la mission de protection de la personne victime. Il demande une réelle participation active, positive, empathique, personnalisée de l'accompagnant en direction du sujet qui a été soumis à des maltraitances sexuelles.
L'objectif visé concerne la diminution des risques de revictimisation, en particulier que cette victime ne se voit pas réduite à un statut d'objet d'investigation.

Le projet, ici, devient celui de permettre la mise à disposition des informations nécessaires utiles et pertinentes pour amener la personne victime à se réapproprier une place active pour exister. Ceci ne peut se faire sans une réelle connaissance des textes généraux en vigueur mais aussi sans la représentation exacte des ressources disponibles du terrain, qui malheureusement restent encore particulièrement disparates sur le territoire national.

Ainsi les experts s'accordent à souligner l'importance de la prévention liée aux vicissitudes éventuelles du chemin à parcourir pour la victime.

Rendre possible l'utilisation et permettre l'optimisation du réseau existant dans le tissu social environnant est à proposer tant dans le sens du soin qu'en direction du système judiciaire.
Cette action, si, elle se veut adaptée, ne peut se réaliser qu'après avoir évalué le moment dans lequel se situe cette intervention dans l'histoire de la victime
Elle privilégie alors le respect du choix de la personne victime, de son intérêt, mais elle intègre aussi les obligations légales.
Dans le cas d'une possible défaillance des connaissances de l'accompagnant, celui ci saura utiliser et proposer l'articulation et la rencontre avec les différentes institutions reconnues, déclarées et admises dans notre société qu'elles soient sociales administratives ou associatives. Ces dernières peuvent dans le cadre de la loi du 17 juin 1998 se porter partie civile, en particulier si le parquet a engagé des poursuites pénales et si une information pénale a été ouverte ou lorsque les représentants de la victime se sont constitués partie civile.

Pour les mineurs, il y a lieu aussi de permettre, d'inciter, et de favoriser la mise en place des différents acteurs éducatifs de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et du secteur habilité justice.

Il faut faire nommer rapidement et systématiquement un administrateur ad hoc. Cette institution originale a été crée en 1989 et transférée dans un titre spécial du Code de procédure pénale par la loi du 17 juin 1998 : « Lorsque la protection des intérêts du mineur n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou l'un d'entre eux »... L'administrateur ad hoc n'a pas le seul rôle d'une représentation mais aussi celui d'un soutien et d'une aide.

Une particularité de la loi du 17 juin 1998 prévoit un enregistrement de l'audition du mineur dont la mise en place a voulu éviter les traumatismes liés à la multiplication des auditions, mais cette situation peut amener une ambiguïté particulière dans la présence du tiers au cours de l'audition. Son rôle peut être alors vecteur de confusion entre la présence soutenante et celle d'un auxiliaire de justice qui ne se nommerait pas.
Pour les adultes particulièrement vulnérables, l'accompagnant est quelquefois amené à favoriser la mise en place d'une tutelle ou d'une curatelle.
Enfin les experts attirent l'attention sur le travail délicat et ambigu de certains intervenants qui doivent lutter en permanence contre la confusion des rôles entre celui du soin et celui de l'expertise.

L'expertise

Dès l'instant où une enquête pénale est en cours, il y a lieu de préparer la personne victime au fait qu'elle aura très certainement à être examinée au plan psychologique, voire psychiatrique, par un spécialiste qui interviendra non plus en qualité de soignant mais en qualité d'expert judiciaire.
L'expertise de la victime de maltraitance sexuelle peut être ordonnée sous le contrôle du Procureur de la République dès le stade de l'enquête ou plus tard par le juge d'Instruction en cas d'information judiciaire.
Elle vise à établir quelle validité peut être reconnue aux propos de la personne plaignante, notamment mineure.
Elle doit par ailleurs rechercher les troubles psychopathologiques à court et long termes liés aux faits. A cet égard, les experts de la conférence de consensus ont relevé la difficulté d'objectiver, dans le cadre des expertises judiciaires, les éléments de préjudice psychologique et la difficulté notamment pour les mineurs, êtres en devenir, de procéder, à distance des faits ou de leur révélation, à un nouvel examen.

Dans le même ordre d'idée, est recommandée, autant que possible, la prise en charge de ces expertises par des psychiatres d'enfant et d'adolescent ou des spécialistes formés spécialement à la clinique de la victime. Par ailleurs les rapports entre les différents acteurs devraient pouvoir faciliter la communication à l'expert de tout élément médical concernant la victime afin qu'il puisse évaluer de la manière la plus complète la symptomatologie présentée par celle-ci.

Recommandations

1. Rechercher les conditions les plus favorables pour procéder à l'évaluation clinique en veillant à prendre en compte sa souffrance tant physique que psychique de la victime, notamment s'agissant des enfants et adolescents, la réaliser si possible en service pédiatrique.

2. En cas de maltraitance sexuelle avérée concernant un mineur ou un majeur vulnérable, nécessité de signaler la personne victime au Procureur de la République.

3. Charger le Conseil Général de recenser et de diffuser auprès des professionnels concernés par l'accueil, les coordonnées des personnes « ressources » et des pôles de référence en matière de prise en charge médicale, sociale et médico-légale (UCMJ) de la maltraitance sexuelle.

4. Veiller à offrir à la victime mineure un accompagnement socio éducatif, qu'une procédure judiciaire soit engagée ou non, en complément de la désignation de l'administrateur ad hoc qui devrait être systématique.

5. Rechercher, dans le cadre de l'expertise judiciaire de la personne victime, à mieux évaluer les éléments de son préjudice psychologique.

6. Informer régulièrement les victimes et leur famille, le cas échéant, des décisions les concernant prises tant au plan médico-social que judiciaire.

7. Organiser une concertation des différents acteurs (professionnels, associatifs) sur les modalités d'échange des informations (transmission de documents, notion de secret professionnel, de secret partagé...).

8. Susciter la création de protocoles entre les UMJ et les services hospitaliers spécialisés qui se trouvent dans le même secteur afin de faciliter le transfert de la prise en charge de la victime.

9. Evaluer et contrôler régulièrement la qualité des structures de soins des victimes d'agressions sexuelles afin d'éviter tout risque de dérive (non professionnalisme, appréhension sectaire ou commerciale...).


4. TRAITER


Les modalités thérapeutiques sont liées à de nombreux facteurs, notamment à l'âge.

1. Chez l'enfant.

On a vu l'importance des réactions émotionnelles de l'ensemble du groupe familial et des intervenants psychosociaux lorsque l'agression sexuelle concerne l'enfant, en particulier lorsque celle-ci est un inceste. La désorganisation des repères familiaux qu'elle révèle et l'impact de celle-ci sur la structuration psychique de l'enfant exige une attention particulière dans la procédure d'accompagnement de la révélation et du signalement de telle manière que ce temps facilite la possibilité d'un accès à une prise en charge thérapeutique le plus souvent nécessaire. Les experts ont souligné l'importance de ne pas manquer cette première étape.

Cela implique que les différents intervenants éducatifs, sociaux, médicaux, judiciaires aient d'emblée conscience qu'ils ne peuvent traiter seul un tel problème. La manière dont ceux-ci interviendront et se coordonneront, tout en gardant chacun leur spécificité, aura pour effet de préparer et de faciliter une prise en charge secondaire ou au contraire de ruiner les chances d'aider l'enfant atteint dans son processus développemental.

Aussi, les premières rencontres avec l'enfant participent déjà d'une certaine manière du traitement. Quelques considérations générales s'imposent : il est important de recevoir l'enfant dans des conditions satisfaisantes quant au lieu et au temps qu'on lui propose. Les premiers examens médicaux, y compris ceux qui pourront avoir une dimension expertale, comme ceux réalisés dans le cadre d'une UMJ, doivent être conduits par un personnel formé à l'approche des enfants, avec un souci de respect et de pudeur à son égard. Il faut s'assurer qu'il est au courant du motif de cet examen et l'informer préalablement de ce que l'on va lui faire. Dans tous les cas, même si l'enfant est accompagné par sa famille ou un intervenant social, un temps est nécessaire avec la personne qui accompagne l'enfant et un temps où l'enfant est reçu seul. L'examen doit prendre en compte à la fois l'état somatique de l'enfant et son état psychologique. Si cet examen n'apporte aucun élément permettant d'affirmer la matérialité des faits, il ne faut en tirer aucune conclusion, dans la mesure où l'examen de l'enfant ne doit pas être considéré comme un argument de preuve de la réalité d'une agression sexuelle.

Si les psychiatres et psychologues n'ont pas le monopole du soin et si la contenance indispensable peut être assurée par le dispositif éducatif et social, une prise en charge thérapeutique s'impose parfois rapidement du fait de la souffrance actuelle de l'enfant : le recours à des structures de soins devient alors indispensable. Les experts ont fait état de quelques structures spécialisées qui restent exceptionnelles. Il apparaît néanmoins nécessaire que des réponses adéquates de qualité soient disponibles sur l'ensemble du territoire : le recours aux structures du dispositif de soins des secteurs de psychiatrie qui permet une approche thérapeutique pluridisciplinaire est souhaitable et préférable au développement anarchique de structures privées associatives qui n'offrent pas toujours les garanties de professionnalité souhaitable. Des actions de formation des personnels des CMP, soutenues par le ministère de la Santé, ont été entreprises et il apparaît souhaitable que celles-ci soient développées et généralisées. Claire Brisset, Défenseure des enfants, a déjà signalé que les délais pour obtenir une consultation dans les CMP étaient inacceptables. Or, il est essentiel que les demandes de rendez-vous pour de telles situations d'agression sexuelle soient reçues sans délai, malgré l'engorgement de ces structures.

Parfois, ce n'est qu'après le jugement que les conditions requises pour un réel travail psychothérapique seront réunies, d'où la nécessité s'il le faut, de savoir attendre, tout en gardant un contact avec l'enfant ou l'adolescent. Enfin, les effets du traumatisme pourront se manifester de nouveau au moment de l'adolescence par des symptômes variés (troubles somatoformes, tentatives de suicide) et il est nécessaire de penser à cette occurrence traumatique avant l'engagement d'un traitement psychothérapique.

Il n'existe pas de méthodes thérapeutiques validées en psychiatrie infanto-juvénile, bien que des traitements s'appuyant sur des références essentiellement psychodynamiques aient été empiriquement validés. Si les modalités de prise en charge thérapeutique peuvent être diverses, elles doivent néanmoins prendre en compte dans tous les cas, d'une part la composante traumatique immédiate, liée à la fois à l'agression dont l'enfant a été victime et aux conséquences de la révélation sur le fonctionnement familial et d'autre part les effets du traumatisme sur le développement de l'enfant, dont les effets d'après-coup risquent de faire le lit de pathologies ultérieures à l'adolescence et à l'âge adulte.

Quelques principes de base s'imposent sur les conditions d'accueil et d'engagement du suivi. Il est évident en particulier que celles-ci doivent prendre en compte la réalité des faits et que les outils conceptuels correspondant aux troubles névrotiques ne répondent pas à la situation où il ne s'agit plus d'activité fantasmatique mais de réel traumatique. Une relation de confiance doit se construire avec l'enfant ainsi qu'avec sa famille ou l'éducateur de l'institution d'accueil si l'enfant a été placé, en sachant que dans cette occurrence, cette continuité de l'accompagnement de l'enfant est malheureusement rarement réalisée. Il faut souligner par ailleurs combien le silence dans les entretiens avec l'enfant ou l'adolescent est à proscrire et que l'évocation des faits n'est possible que dans le cadre d'une relation solidement établie avec l'enfant.
Dans certains cas, il s'avère nécessaire, même chez des patients de moins de 18 ans, de recourir dans la période proche du traumatisme, un traitement médicamenteux par des molécules dont l'intérêt est confirmée alors qu'elles n'ont pas encore obtenu leur autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l'enfant et l'adolescent. Il en est ainsi notamment des Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et il serait souhaitable que des études pharmacocliniques puissent être développées en la matière.

Recommandations

1. Constituer dans chaque département une liste de personnes ressources formées à l'accueil et aux soins des enfants victimes et organiser une coordination départementale.

2. Donner les moyens en temps médicaux et paramédicaux aux dispositifs de soins notamment des services de pédiatrie et des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, pour permettre d'assurer, dans la continuité de l'accueil et de l'évaluation, une prise en charge à moyen et à long terme.

3. Faciliter les articulations avec d'une part les médecins scolaires et d'autre part les médecins généralistes qui ne doivent pas être mis à l'écart du dispositif de soins traitant des cas dont ils sont parfois les premiers témoins.


2. Chez l'adulte

2.1. Principes généraux

La façon d'aborder et de traiter la maltraitance chez l'adulte est différente selon qu'il s'agisse des suites d'une agression unique survenue à l'âge adulte, ou de maltraitances répétées subies plus ou moins tôt dans l'existence et qui fragilisent massivement la personne et peuvent aboutir à des troubles de la personnalité.

Le suivi de ces personnes consiste dans un premier temps en un travail de soutien et d'accompagnement complexe qui associe judiciaire et médical, dans un second temps le traitement de la pathologie traumatique et plus à distance la prise en charge des troubles de personnalité.
Le travail thérapeutique avec des victimes a des spécificités, quelle que soit la phase concernée :

- empathie vis à vis de la personne victime permettant d'établir une relation de confiance avec des personnes qui se sont senties trahies ;

- poser clairement et simplement les questions en évitant certains mots, ne pas laisser la victime seule face au silence du thérapeute qui pourrait rappeler la loi du silence caractérisant l'emprise que la victime a vécue ;

- repérer les caractéristiques du transfert traumatique afin d'éviter de se mettre en position d'agresseur ou de répéter la relation d'emprise vécue par la personne victime ;

- se référer à la loi, cadre de référence, sans néanmoins jamais imposer un dépôt de plainte comme préalable au travail thérapeutique.

2.2 Psychothérapies spécifiques utilisées

Un soutien psychothérapique garantit la continuité des interventions quelles que soient les techniques spécifiques éventuellement employées. La continuité est importante de même que l'attention portée à la qualité des relais.
Il existe un écart important entre certaines techniques spécifiques bien documentées dans la littérature anglo-saxonne et les pratiques françaises peu évaluées mais validées par l'expérience.
Il semble important de ne pas réduire le traitement à celui du PTSD, même s'il s'agit d'une composante importante de la prise en charge.

Dans la phase aiguë

La plupart des experts ont insisté sur la nécessiter d'un travail en réseau associant: travailleurs socio-éducatifs, magistrats, fonctionnaires de police ou associations afin de garantir un cadre sécurisant pour la personne victime.

Parallèlement, une information doit être donnée à celle-ci sur le déroulement du processus judiciaire et les difficultés importantes auxquelles elle risque d'être confrontée afin qu'elle ne les découvre pas en cours de procédure. Il est important que le suivi lui permette de retrouver un sentiment de contrôle sur son existence et de sortir de la relation d'emprise dans laquelle la ou les agressions l'ont plongée, en sachant que les sentiments importants de culpabilité et de honte devront aussi être travaillés.

En ce qui concerne les traitements plus spécifiques de la phase aiguë au décours d'une agression unique, le débriefing n'apparaît pas être une indication dans l'état actuel des connaissances. Les thérapies de groupe de crise semblent pertinentes mais n'ont pas été évaluées.

Le traitement de la phase post-traumatique

Les TCC (Thérapies cognitivo-comportementales) ont une efficacité reconnue depuis les années 1980. Plusieurs études depuis 1999 confirment l'utilité des TCC avec une efficacité de force A/B. Elles ne doivent être employées que lorsque la personne victime se sent prête à être confrontée à ses souvenirs traumatiques. L'approche psychodynamique est très utilisée en France avec des aménagements propres au contexte traumatique. Des procédures d'évaluation devraient être mises en œuvre.

Quant à l'hypnose et à l'EMDR (Eye Movement for Desensitization and Reprocessing), elles restent controversées malgré quelques études anglo-saxonnes. Les principales critiques concernent en particulier le risque de faire revivre à la victime la relation d'emprise. Les thérapies de groupe et familiales sont parfois précieuses.

Le traitement ultérieur des troubles de la personnalité tardifs :

Il s'agit là de prendre en charge les troubles d'apparition tardives et en particulier les états limites. Les TCC ont des résultats positifs dans les syndromes d'évitement et dans les boulimies. Les thérapies psychodynamiques obtiennent des résultats particulièrement probants dans les troubles borderline et les TCC ont fait la preuve de leur efficacité.

2.3. Les traitements médicamenteux

Certains psychotropes sont également utiles dans le cadre d'une prise en charge multimodale. Les ISRS (Inhibiteurs de Recapture de la Sérotonine) sont utilisés comme traitement du PTSD. Plusieurs molécules ont reçu l'AMM dans cette indication. Ces derniers sont efficaces à des posologies adaptées et après une durée plus prolongée que pour le traitement d'un état dépressif.
Au décours d'une agression récente, le soulagement rapide de la symptomatologie anxieuse peut aider la victime à retrouver un sentiment de contrôle. Les traitements anxiolytiques de type benzodiazépines peuvent être employés sur un temps très limité du fait de leur incidence sur la mémoire et le risque important d'accoutumance.
Quant aux hypnotiques ils ne doivent être prescrits qu'avec parcimonie selon les recommandations en cours.

Recommandations

1. Faciliter l'articulation entre accompagnement social et structures soignantes afin que les personnes victimes aient les moyens de s'inscrire dans une prise ne charge thérapeutique.

2. Former psychiatres et psychologues aux diverses thérapies dans leur application à la prise en charge des victimes.

3. Développer les possibilités de supervision des équipes soignantes.

4. Mettre en place des recherches sur l'action des psychotropes dans le PTSD et dans les troubles comorbides.

5. Développer les évaluations des thérapies comme des institutions de soins.


3. Famille, entourage et environnement

La révélation d'une situation de maltraitance sexuelle est à l'origine dans la famille, chez les proches, et dans l'environnement de la personne victime d'un bouleversement émotionnel pouvant prendre l'allure d'une catastrophe existentielle ou d'un état de sidération qui déstabilise les règles, les habitudes familiales et les comportements. Cette détresse de la famille la perturbe dans sa vie sociale, relationnelle comme professionnelle, ce qui justifie une attention particulière apportée à ce temps par les intervenants socio-éducatifs.
Cette crise familiale à l'occasion de la révélation de l'agression découvre des fonctionnements intrafamiliaux jusqu'ici cachés, subis passivement ou déniés, et oblige chacun des membres du groupe familial élargi ou d'appartenance à repenser les liens qui les unissent, à redéfinir les rôles, et à vivre avec une culpabilité qui nourrit souvent pendant des mois la souffrance.
La préoccupation des intervenants de toutes formations est de protéger la victime et de permettre à la famille de dépasser la situation de crise pour rester garante des repères indispensables à la survie psychique de la victime. Le thérapeute ne doit pas répéter par son attitude la situation d'emprise de l'agression.
Les allégations de maltraitance sexuelle dans le contexte de séparation parentale sont devenues de plus en plus fréquentes. Cependant la fausseté des faits ainsi dénoncés reste exceptionnelle dans nombre de travaux issus de la littérature.

La révélation peut entraîner deux situations :

- l'éclatement du groupe familial quand l'agresseur est mis dans l'obligation de quitter la famille ou le groupe d'appartenance du fait notamment de l'action judiciaire ; les problèmes psychosociaux sont alors à traiter en urgence ;

- le maintien d'une structure familiale sidérée par l'incidence de la révélation, ce qui pose alors la question d'une intervention thérapeutique, parallèle à celle réalisée auprès de la victime.

L'aide apportée à la famille diffère dans des situations telles que l'enfant victime, adulte victime, personne âgée victime ou sujet détenu victime.

L'enfant victime

Ces considérations sont particulièrement exacerbées quand il d'agit de l'agression sexuelle d'un enfant, que ce soit dans le cadre d'une relation incestueuse ou d'une agression extrafamiliale dont les experts ont souligné qu'elle était souvent le fait d'un proche de l'enfant.
La révélation de l'enfant victime d'une agression intrafamiliale crée un état de sidération du fait de l'impossibilité de se représenter les faits et d'accepter la réalité des violences. La véracité des faits est mise en doute, le déni s'installe et l'enfant victime peut être aspiré dans ce fonctionnement qui peut l'amener à se rétracter.
C'est à ce stade qu'il est indispensable de penser l'assistance comme pluridisciplinaire, le partage entre professionnels d'institutions différentes, -justice, services socio-éducatifs, services de soins, associations- donnant les meilleurs résultats dans la prise en charge de la victime comme de sa famille qui peut alors tenter de se réparer dans l'intérêt de la victime. Très souvent la relation incestueuse est entretenue par la persistance des stratégies d'emprise de l'agresseur qui peut manipuler conjoint, enfants et famille élargie. Dans cette emprise, les frères et sœurs, peuvent tenter de prendre distance avec cette situation qui les déstabilise et laisser la victime dans sa solitude. C'est en particulier dans ces conditions de clivage que l'aide de tous les intervenants psychosociaux est fondamentale dans le sens d'une écoute empathique de la famille élargie faite aussi de patience, de fermeté et d'énergie pour ne pas la juger négativement et poser un cadre de travail contenant et permettant à chacun de trouver sa place.

L'adulte victime

Une maltraitance sexuelle chez l'adulte entre souvent dans le cadre de violences domestiques plus souvent abordées dans la littérature que le viol par étranger. Dans les violences domestiques ce sont les services d'urgence des hôpitaux généraux qui sont le plus souvent sollicités et dans ce cas les soins sont à la fois somatiques et médico-psychologiques. Les services d'urgence sont donc un lieu d'accueil primordial où des indices environnementaux sont recherchés : réticence majorée par la présence du conjoint, justifications de la consultation contradictoires et évolutives, attitude d'opposition du conjoint, demande de soins retardée... Les abus d'alcool ou de drogues sont souvent associés. Il est important dans ces cas de maltraitance domestique de ne pas uniquement se focaliser sur les soins somatiques sans repérer la souffrance psychique même si celle-ci n'est pas initialement spontanément exprimée. Chez l'adulte il est complexe de faire la différence entre les symptômes liés aux agressions sexuelles récentes et ceux qui renvoient à des maltraitances anciennes souvent retrouvées. Il est important de poser la question de possibles violences domestiques devant toute personne présentant des symptômes physiques ou psychiques pouvant les faire évoquer et d'élargir ce questionnement à la famille élargie. Ce n'est qu'après une prise en charge individuelle de la personne victime comme éventuellement du conjoint auteur qu'une proposition de thérapie de couple pourra être proposée.

La personne âgée victime

La littérature est très pauvre dans ce domaine, ce qui contraste avec la pratique clinique quotidienne, si l'on est attentif à ces situations qui s'inscrivent dans une maltraitance plus générale : physique, psychologique, financière... Il est important de noter qu'en règle les victimes âgées ne se plaignent pas directement, parce qu'elle ne comprennent pas, redoutent de dénoncer un membre de leur entourage dont elles peuvent être dépendantes, la majorité des maltraitances survenant dans la famille ou dans les institutions, les unes comme les autres fonctionnant en vase clos et étant peu pénétrables. Ces maltraitances graves restent trop longtemps secrètes, dissimulées et méconnues des médecins traitants comme des personnels infirmiers intervenant dans ces situations. L'intervention thérapeutique auprès des familles peut être d'autant plus difficile qu'elles peuvent être auteurs ou complices par leur silence.
La personne handicapée victime

Le handicap mental ou physique majore la vulnérabilité vis-à-vis de l'abus et des maltraitances. Ces maltraitances sont très peu décrites dans la littérature et souvent cachées tout autant chez le handicapé en institution que vivant seul. Des études internationales ont démontré que les handicapés les plus sévères ont un moindre accès aux soins. De la même façon leur handicap physique ou mental peut être facilitateur de la maltraitance et limite leur possibilité de dénoncer les maltraitances dont ils sont victimes. Les maltraitances sexuelles à type de viol chez des personnes schizophrènes ont été peu étudiées dans la littérature mais un travail de J.M. Darves Bornoz laisse penser que le viol a une prévalence trois fois plus importante chez ces patients que dans la population générale. Les maltraitances sexuelles sont d'autant plus importantes que le handicapé ne bénéficie pas d'une information adaptée sur la vie sexuelle et que l'institution d'accueil ne lui reconnaît pas de vie affective ou sexuelle.
Ce n'est qu'exceptionnellement quand le handicapé vit en couple ou en famille qu'une prise en charge thérapeutique de couple ou familiale peut être proposée quand la souffrance du couple ou de la famille a pour effet d'isoler la victime handicapée. Quand la victime vit en institution, une reprise thérapeutique de groupe est indispensable.

La personne détenue victime

Les maltraitance sexuelles mêmes si elles n'ont pas fait l'objet d'études validées ne doivent pas être ignorées dans le milieu clos de la prison qui s'établit notamment sur le modèle du caïdat et de la stigmatisation des agresseurs sexuels. Ceux-ci, comme des détenus sans rapport avec les groupes de pression ou d'appartenance, sont souvent les victimes de maltraitances parfois sexuelles. Les menaces de rétorsion rendent exceptionnelles les plaintes déposées. Les familles sont rarement informées de ces maltraitances vécues là aussi avec un fort sentiment de honte. Quand la violence est révélée les familles venant aux parloirs peuvent être écoutées et accompagnées sans que l'on puisse parler de thérapie du fait des limites temporelles et liées aux locaux.

Recommandations

1. Toute famille de victime a besoin d'être prise en considération parallèlement à l'accueil de la victime.
2. Pour autant la famille ne relève pas toujours d'une prise en charge thérapeutique et si celle-ci est indiquée, différentes modalités sont possibles, des thérapies familiales aux accompagnements thérapeutiques non spécifiques.

En guise de conclusion générale, qu'il soit permis d'insister sur la nécessité pour les professionnels de santé d'un décloisonnement de leurs pratiques et d'un travail partenarial et en réseau avec tous les professionnels concernés et impliqués dans une telle situation.


Dernière mise à jour : mardi 2 décembre 2003

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