Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir

Conférence de consensus qui s'est tenue à Paris les 6 et 7 novembre 2003 organisée par

Fédération Française de Psychiatrie
selon la méthodologie de l’ANAES
avec le soutien de la Direction Générale de la Santé

Sociétés Partenaires : Sociétés Francophone de Médecine d'Urgence, INAVEM, Société Française de Pédiatrie, Collège National des Généralistes Enseignants


La prévention collective des abus sexuels : une voie hasardeuse ?


Florence MAGNEN*, Marie-Paule MARTIN-BLACHAIS**


D'une façon générale, les violences sexuelles ont été longtemps déniées en particulier sur les enfants et pourtant, elles sont vieilles comme le monde. Vigarello (1) souligne leur apparition comme un phénomène d'époque actuelle à partir de plusieurs points :
- Un changement d'appréciation des violences sexuelles en lien avec les modifications des rapports Homme/Femme qui s'accompagne d'une « plus grande autonomie des femmes par rapport à leur destin biologique et leur lien conjugal »
- Des changements de termes codifiés au sein du Code Pénal, des attentats aux m¦urs aux agressions sexuelles. Le code prolonge une tendance à désigner toujours plus l'impact personnel et à spécifier la violence.
- Une augmentation relative des violences sexuelles qu'il analyse comme répondant davantage à un accroissement de sensibilité qu'à un accroissement d'agressivité. Ceci permet, pense t-il, un développement de la répression.
Aujourd'hui, « le Tohu-Bohu » autour des violences sexuelles interroge les changements du sexuel, de la sexualité dans la société.

En égard à leur champ de compétence et à l'importance du domaine, les auteurs se sont centrés exclusivement sur les mineurs concernés par les campagnes publiques en milieu scolaire.
Nous énoncerons dans un 1er temps quelques traits saillants de ces évolutions pour les relier à toute une trame de discours, de savoirs, d'analyses qui investissent le champ de la prévention collective des abus sexuels.
Dans un 2ème temps, nous définirons ce que nous entendons sous le terme Prévention des Abus Sexuels. La notion de prévention et ses différents niveaux, les définitions comme point d'appui.
A la suite de cela, nous situerons le cadre des Politiques Publiques (Europe-France) et les données épidémiologiques qui légitiment ces programmes de prévention.
Dans un 3ème temps, en appui de travaux de recherche menés ces 10 dernières années, nous élaborerons nos réflexions critiques sur ces actions comme point de départ de notre débat et des préconisations à dégager pour ouvrir à la discussion.

I. PARADOXES DU CONTEXTE CULTUREL ACTUEL AUTOUR DES ABUS SEXUELS

Les Abus Sexuels et leur « publicisation » s'inscrivent dans les représentations et constructions sociales du sexuel, de la sexualité d'aujourd'hui, marquées par de profonds changements depuis les années 1960.
Les caractéristiques principales de ces changements sont les suivantes :
Une sexualité qui s'est émancipée de la conjugalité, de la procréation, de l'amour. D'après Laurence Libeau-Mousset(2) « la sexualité comme ressource régénératrice de l'alliance du couple se réduit à une norme quantitative et qualitative que chacun tente de conserver pour ne pas se sentir anormal, c'est-à-dire impuissant ». Elle pense que ce sexe qui s'affiche, se visionne, est une façon de conjurer l'angoisse de mort par de la toute puissance, d'un discours où l'autre est comme un autre soi-même.
Les propos de Melman(3) sur une « nouvelle économie psychique » confirme ces propos. Pour lui, le sexe s'envisage comme un besoin et participe à l'éclatement d'une culture du refoulement des désirs, qui prône une exhibition de la jouissance. Dans cette nouvelle économie psychique, le symbolique n'aurait plus sa place. « le traumatique se substitue au symbolique... » Le dommage causé par le traumatique se substitue au désir. Melman(3). dit voir apparaître des sujets non responsables qui doivent pour exister se faire reconnaître comme victime, à qui la société doit réparation. Il pense que cette économie psychique pousse à l'inceste par carence du symbolique. Les limites qui s'inscrivent pour tous sur l'horreur des abus et des crimes sexuels traduisent pour Vigarello(1) une vulnérabilité particulière de nos sociétés : « une souffrance de l'enfant devenue si inacceptable, un recours au droit devenu si exclusif, une mobilisation sur le viol-meurtre, devenue si absolue, qu'ils tendent à faire de ce seul crime le symbole d'un insupportable échec au mal. On verra comment certains programmes de prévention des abus sexuels s'inscrivent dans ce devoir social impératif d'intervention où l'intolérance à la violence conduit à « ostraciser » de plus en plus la violence sexuelle de l'abuseur et tente de l'éloigner comme figure diabolisée de la sexualité.
D'autre part, la figure de la victime innocente est sacralisée. Ainsi, pour Chalvon-Demersay(4) l'enfant est au c¦ur de nouvelles formes de construction de l'identité qui affirme la suprématie d'un modèle relationnel « électif » où chacun se choisirait librement avec un idéal plus ou moins implicite de réciprocité, de symétrie, de transitivité, qui rejette tout rapport de domination comme destructeur.
Paradoxalement, la société donne à voir des images de corps nus érotisés, de violences sexuelles ou de confessions intimes faisant état des pires drames humains.
Les enfants seraient alors utilisés comme des lieux de projection des peurs adultes et soumis à des messages où les frontières de l'intime restent floues, où les secrets essentiels de la vie sont mis sur la place publique.
La plupart des actions de prévention valorisent ces nouvelles normes identitaires. Notons alors que les actions de prévention convoquent l'enfant, l'adolescent, les adultes à plusieurs niveaux psychiques dont les frontières entre les espaces Intime, Privé, Public restent floues.
La prévention des abus sexuels comme grande cause commune participe au déplacement des normes vers une plus grande protection des rapports de domination et de violence sexuelle entre adultes (pénalisation du harcèlement sexuel, criminalisation du viol) et envers les enfants avec une conscience plus aiguë des conséquences physiques, psychologiques, sexuelles sur le devenir de l'enfant.
Cette sensibilisation généralisée fait parfois l'objet d'un « militantisme » passionné qui cristallise toutes les tensions et les conflits tant interpersonnels qu'inter institutionnels dans lesquels l'enfant disparaît. La prévention des abus sexuels est un enjeu public et privé. La poursuite des objectifs de ces actions est à interroger ainsi que les conditions de mise en oeuvre de celles-ci aux fins de permettre à la construction d'une suffisante estime de soi de l'enfant dans un rapport de confiance à l'adulte.

II. LA PREVENTION COLLECTIVE DES ABUS SEXUELS : DE QUOI PARLE-T-ON ?

En premier lieu, nous situerons les différentes définitions des abus sexuels, sachant qu'elles soulignent la difficulté de s'entendre sur les termes employés (abus sexuels ­ sévices sexuels ­ violences sexuelles ­ agressions sexuelles) et que ceux-ci font toujours débat au sein des équipes pluri-professionnelles.
Les termes choisis ne sont jamais neutres, ils induisent des variabilités importantes dans les taux de prévalence et d'incidence.
Une extension trop large des définitions peut amener à considérer toute caresse à l'enfant comme abusive. A contrario une définition très restrictive peut renforcer la banalisation de certains spectacles pornographiques dont les enfants seraient les spectateurs.
En 2ème lieu, nous regarderons ce qu'on entend par Prévention en Santé Publique et les différents niveaux de prévention qui situent les abus sexuels à la jonction d'une politique de santé publique et d'une politique pénale. Seront ensuite présentés le contexte européen et les données épidémiologiques actuelles qui légitiment ces actions de prévention.

II ­ 1 Définitions des abus sexuels
Le terme « d'abus sexuel » importé d'outre atlantique a été traduit en 1965 dans Index Médias par des pédiatres à la suite des travaux de Kempe. Le terme « abuse » recouvre la notion de « violence », « cruauté », « injures », « insultes », mais ne présente pas le défaut de sa traduction française qui suppose qu'il existerait un usage tolérable de l'abus. On le retrouve dans 2 définitions :
celle de Kempe(5) (1984) « Un abus sexuel est défini comme l'implication d'enfants et d'adolescents dépendants immatures quant à leur développement dans des activités sexuelles qu'ils ne comprennent pas véritablement pour lesquelles ils sont incapables de donner un consentement éclairé et qui transgressent les tabous sociaux sur les rôles familiaux »
celle de Krugman et Jones(6) (1980) « Les abus sexuels sur mineurs peuvent être définis comme toute participation d'un enfant ou d'un adolescent à des activités sexuelles qu'il n'est pas en mesure de comprendre qui sont inappropriées à son âge et à son développement psycho-sexuel, qu'il subit sous la contrainte par la violence ou séduction et qui transgressent des tabous sociaux »
Le terme de sévices sexuels est reconnu ainsi par l'OMS « sévices exercés sur un enfant par un adulte ou une personne nettement plus âgée à des fins de plaisir sexuel. Le délit peut prendre diverses formes : appels téléphoniques obscènes, outrage à la pudeur et voyeurisme, images pornographiques, rapports ou tentatives de rapports sexuels, viol, inceste ou prostitution des mineurs ». Cette définition s'est considérablement élargie depuis 1984 où Finkelhor(7)considère comme contact sexuel abusif ce qui touche les parties génitales.
Kavemann(8) précise que la violence sexualisée peut être intra-familiale ou extra-familiale, d'un adulte sur un enfant mais également d'un adolescent sur un enfant plus jeune ou d'un aîné sur un cadet. Il nous montre que l'agression ou l'atteinte sexuelle à l'égard d'un enfant devient une forme de violence exercée à l'endroit de l'enfant : violence sexuelle, physique et/ou verbale donc psychologique.
Par ailleurs, en matière de politique pénale, les sévices sexuels sont reconnus comme délits ou crimes selon la gravité des faits dans le cadre du nouveau code pénal (01/03/1994).
Les principes généraux de ces définitions sont :

- L'usage délinquant de la sexualité portant atteinte au droit de l'individu de disposer de son corps ;
- Le pouvoir exercé par un plus fort sur un plus faible
- La confiance accordée par le plus faible au plus fort
- L'absence de capacité de l'enfant à appréhender et/ou
refuser la situation
De nombreuses ambiguïtés persistent :
- La différence d'âge d'au moins 5 ans entre l'abuseur et l'abusé.
- Les critères culturels et sociaux pour évaluer la qualité d'activité sexuelle imposée par l'adulte et inappropriée à l'âge de l'enfant.

II ­ 2 La Prévention des abus sexuels en France entre une politique de santé publique et une politique pénale
Le phénomène des abus sexuels est reconnu comme une expression spécifique de maltraitance grave et un objet de santé publique, à plusieurs niveaux que nous allons pointer :
- C'est un phénomène reconnu, défini, qualifié, dont les répercussions physiques, psychologiques, sociales sur les victimes comme chez les abuseurs sont identifiées.
- C'est un phénomène dont on sait qu'il peut se répéter d'une génération à l'autre.
- C'est un phénomène dont on parle et qui apparaît en expansion dans nos sociétés, du fait de la sensibilisation des publics et des professionnels, relayée largement par les médias.
- C'est un phénomène de santé publique et d'éducation à la santé, qui s'appuie sur un cadre juridique, qui a un coût social, en termes de prévention, de soins aux victimes et aux agresseurs, et de prévention de la récidive, qui renvoie alors au champ de la logique pénale.
- C'est un phénomène qui fait l'objet de politiques publiques, nationales, centralisées, en référence à des lois, à des circulaires, des campagnes de prévention, cités par Marie-Paule Martin-Blachais(9) concernant différents Ministères : Affaires Sociales, Santé, Education Nationale, etc...
Par contre, l'application de ces politiques est largement décentralisée (départements, régions, communes), diversifiée, engageant des professionnels variés du secteur public, para-public et associatif.
Ces applications multiples rendent difficile leur évaluation globale, qualitative et quantitative.
Les dispositifs d'action de prévention des abus sexuels renvoient à des objectifs de santé publique et de promotion de la santé :
- Protéger et éduquer les personnes, en vue de leur donner les moyens d'assurer un plus grand contrôle de leur propre santé et de l'améliorer
- Prévenir les conduites pathogènes, en transmettant des savoirs, des savoir-faire, des savoir être, d'une génération à l'autre

Les deux niveaux de prévention, primaire et secondaire, poursuivis par ces actions peuvent y contribuer :
Primaire. Un enfant à qui différentes modalités d'abus sexuels ont été présentées saura les reconnaître et trouver les comportements d'auto-défense en cas d'agression ­ objectif de prévention primaire, c'est-à-dire mettre en place auprès d'une majorité d'enfants qui n'auraient pas été victimes d'abus sexuels, des actions visant à l'apprentissage de règles d'auto-défense, qu'ils pourraient utiliser efficacement contre tout abuseur potentiel. Des études nord-américaines et québécoises s'accordent pour dire que ce postulat n'est pas démontré.
Secondaire. Un enfant déjà abusé saura mettre des mots sur les situations vécues dans l'ambiguïté, la honte, le silence = objectif secondaire, qui serait de permettre à une minorité d'enfants abusés de pouvoir parler. Cet objectif est toujours partiellement atteint, ces actions donnant lieu à des révélations d'abus sexuels, ce qui permet d'éviter la récidive.
Un troisième niveau, tertiaire, n'est pas annoncé dans les programmes de prévention des abus sexuels à l'école, mais poursuivi : ces révélations donnent lieu à la mise en place de signalements, voire de suivi socio-judiciaire, qui ont pour but d'éviter la récidive et qui renvoie à la logique pénale.
Les dispositifs de prévention à l'école sont parfois débordés par ce troisième niveau, qui implique des liens préalables avec les réseaux thérapeutiques et socio-judiciaires pour que ces interventions soient efficaces.
Depuis 1983, l'Education Nationale impulse une politique de prévention de la maltraitance, des abus sexuels, de la violence auprès des enfants, des adolescents. Elle l'inscrit dans un projet éducatif global de promotion de la santé. Elle s'appuie sur plusieurs légitimités :
- D'être un milieu de vie pour les enfants et les adultes, un milieu de travail pour les adultes référents, un milieu de formation
- D'avoir mis en place une « politique de prévention impérative » à partir de circulaires, textes législatifs et réglementaires depuis 1983 (annexes)

Depuis 2000, la politique de l'éducation nationale exprime la volonté de ne pas cibler uniquement les enfants potentiellement victimes mais de mettre l'accent sur l'aide aux parents (conférence de presse de S.Royal ­ septembre 2000), l'éducation à la vie.
En janvier 2002, une campagne d'information et de prévention est lancée intitulée « au nom de la loi, au nom des enfants ». Elle concerne un public global et s'adresse à la fois aux victimes, et aux abuseurs potentiels et actuels.

II ­ 3 Le contexte européen
En 1996, Kavemann (8) du Centre de Recherche Interdisciplinaire sur les femmes de Kiel (Allemagne) mène une enquête auprès de 15 pays européens pour évaluer l'existence de programmes scolaires de prévention de violences sexuelles (12 pays sur 15 ayant répondu à cette enquête). Quelques points saillants sont dégagés :
- Grandes diversités des programmes mis en place selon les pays
- La notion de prévention de la violence sexuelle varie selon les pays : certains programmes d'éducation sexuelle n'abordent pas les violences sexuelles explicitement
- Le public majoritaire est celui des enfants du Primaire. Les enfants et adolescents dits vulnérables fréquentant les établissements spécialisés sont rarement inclus dans ces programmes
- Les politiques publiques ne donnent le plus souvent que des recommandations laissant l'échelon local prendre des initiatives et déterminer les outils, les moyens.
- Les actions de prévention de la violence sexualisée sont toujours intégrées à des processus de promotion de la santé.


A l'occasion d'un travail d'ateliers européens mené à l'issue de cette enquête, la prévention à l'école des violences sexuelles a été analysée dans ses processus comme souffrant :
- D'un déficit de qualité de concepts
- De conditions structurelles de mise en place médiocres (manque de formation des intervenants, manque d'intégration de la prévention dans un sujet plus large)
- D'un manque de lien avec une éducation à la sexualité

II ­ 4 Les violences sexuelles sur mineurs : un problème de Santé Publique ?
Si l'Autorité Publique a jugé légitime à compter de la loi Roussel du
24/07/1889 d'interférer dans la sphère privée des familles, dès lors que les parents, adultes protecteurs naturels de l'enfant, n'assuraient pas les responsabilités qui étaient les leurs à son égard, il faudra, selon Libeau-Mousset(2) attendre le décret du 7/01/1959 pour voir apparaître la « référence à une action préventive auprès des familles » dans les
situations de risques de danger.
Toutefois, ce sont les circulaires interministérielles des 18/03/1983, 21/03/1983 et 24/06/1983 qui confirmeront le recentrage de l'action médico-sociale en faveur de l'Enfance en Danger, en impliquant l'ensemble du dispositif (social, médico-social, sanitaire, éducatif et judiciaire) dans la prise en charge des enfants maltraités et de leur famille
tant en ce qui concerne l'accueil, l'écoute, le diagnostic, le signalement
que la prise en charge. Par ailleurs, ces directives seront soutenues par la première Campagne Nationale des pouvoirs publics « 50 000 Enfants Maltraités/En parler, c'est déjà agir ».
En effet, une étude multifocale de Deschamps(10) sur l'incidence des mauvais traitements à enfants relève ceux-ci comme 2ème cause de mortalité infantile, après la mort subite inexpliquée du nourrisson, et une morbidité responsable d'une hospitalisation sur 200, ainsi qu'une lourde charge sur le secteur de la Petite Enfance puisque 80 % des enfants
hospitalisés pour mauvais traitements avaient moins de 3 ans et 40 % moins de un an.
La contribution du secteur sanitaire est alors confirmée par la circulaire du 09/07/1985 qui préconise des recommandations dans l'accueil de l'enfant victime de sévices au sein des structures hospitalières.
C'est le congrès international de l'ISPCAN à MONTREAL en 1984 qui fait émerger la problématique spécifique des violences sexuelles faites aux enfants et plus particulièrement celles subies par celui-ci au sein de sa famille.
En effet, si on dispose historiquement des travaux de 1867 du médecin légiste Tardieu décrivant 339 petites filles de moins de 11 ans, victimes de tentatives de viols ou de viols avérés, ces travaux restent alors sans suite, tant au niveau des sociétés savantes que des pouvoirs publics.
Les données épidémiologiques disponibles sont alors exclusivement anglo-saxones. Elles sont concordantes et traduisent l'importance du phénomène à prendre en considération.
Ainsi une étude américaine de 1983 de Russel(11) sur 930 femmes de plus de 18 ans objective que 38 % des femmes ont fait l'objet d'agressions sexuelles avant 18 ans dont près d'une fois sur 3 avant 14 ans. Dans un cas sur 2, elles ont subi violence ou contrainte. Dans un cas sur 4, il s'agit d'inceste par ascendant.
De même, un rapport canadien de 1984 de Badgley(12) fait état de résultats préoccupants au sein d'un échantillon populationnel confirmant un taux de prévalence d'une femme sur 2 et d'un homme sur 3 victimes d'abus sexuels. Dans 4 fois sur 5 les faits ont été subis avant 18 ans. Un auteur sur 2 est une personne de connaissance. Un auteur sur 4 est un membre de la famille.
Enfin, une étude canadienne de 1993 de Summit(13) confirme un abus sexuel chez une femme sur 2 et chez un homme sur 3. Dans 80 % des cas, l'abus sexuel est survenu avant 18 ans. Un auteur sur 4 est un ascendant direct.
En France, les premières enquêtes épidémiologiques sont menées dans l'urgence, à la demande des pouvoirs publics. Ainsi Nicole Quemada(14) (INSERM U 302), dans le cadre d'une enquête nationale menée en juin 1988, relative à la connaissance de la population suivie par les intersecteurs de pédopsychiatrie, soit 55 000 enfants et adolescents de moins de 20 ans, dont 64 % de garçons et 36 % de filles, adjoint quelques questions relatives aux mauvais traitements et aux abus sexuels.
Il ressort que 3,6 % des garçons et 4,8 % des filles sont concernés par les mauvais traitements ou des négligences graves. Parmi ces mauvais traitements, les abus sexuels sont retrouvés à 5 % chez les garçons et à 20 % chez les filles.
De même en 1989 Bouhet et Zorman(15) dans le cadre d'une enquête PROMST (Projet Régional d'Observation des Maladies Sexuellement Transmissibles) dans la région Rhône Alpes auprès d'une population de 18 à 60 ans, retrouvent un taux de prévalence d'abus sexuels de 7,8 % chez les femmes et 4,6 % chez les hommes. 50 % des abus sexuels ont eu lieu avant 12 ans. Un abuseur sur 4 est un membre de la famille ou apparenté ou en position de confiance par rapport à l'enfant.
Si des distorsions statistiques épidémiologiques ont pu apparaître dans l'ensemble de ces travaux, il semble au regard de l'étude de Montes de Oca(16) que celles-ci tiennent plus particulièrement aux variations des définitions retenues dans l'usage sémantique de référence des auteurs (abus sexuels, atteintes sexuelles, agressions sexuelles, etc...)
Les dispositions législatives et réglementaires de la loi du 10/07/1989 relatives à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'Enfance, en instaurant d'une part l'obligation d'un recueil centralisé des signalements d'enfants en danger au sein des services de l'ASE, compte tenu, dans le cadre des lois de décentralisation, du transfert de compétence de la mission de Protection de l'Enfance à la Collectivité Territoriale Départementale et d'autre part, par la mise en place d'un Service National d'Accueil Téléphonique de l'Enfance Maltraitée, gratuit et anonyme ont permis de disposer de données régulières permettant d'appréhender la connaissance de l'impact du phénomène au sein des Services de Protection de l'Enfance.

Ainsi, les données issues des remontées de l'enquête annuelle des Départements auprès de l'ODAS(17) (Observatoire National de l'Action Sociale Décentralisée) pour l'année 2001 confirment 18000 signalements pour mauvais traitements dont 33 % au titre des abus sexuels (suspectés ou avérés) soit une augmentation de plus 5 % par rapport à 1995.
De même, le rapport annuel d'activités du SNATEM(18) de 2001 fait état de 22 825 demandes d'aide dont 20,1 % au titre des mauvais traitements sexuels. Les pères sont mis en cause 1 fois sur 3. Les beaux-pères 1 fois sur 10.
Au regard de ces données statistiques épidémiologiques, il convient également de prendre en considération les conséquences induites, chez la victime, dans sa capacité de sujet en devenir, sur le plan individuel, familial et social.
En effet, au regard de nombreux auteurs, les enfants et adolescents victimes d'abus sexuels ne sont pas sans développer à plus de 50 % des troubles associés même si certains de par leurs capacités de « résilience » ne semblent pas exprimer dans l'immédiat de symptomatologie bruyante post traumatique.
Ainsi pour Haesevoets(19) « au-delà des troubles physiques ou physiologiques, les troubles psychomatiques, les troubles psychologiques et comportementaux, les troubles de la conduite sexuelle, les signes cliniques de la traumatisation sexuelle, le syndrome d'accommodation » tel que décrit par Summit(20) « et les désordres post-traumatiques » confirment la vulnérabilité du sujet requérant soin et accompagnement dans la durée par une mobilisation de l'ensemble des institutions et services du champ social, sanitaire, éducatif et judiciaire.
En effet, seule la restauration de l'enfant ou de l'adolescent dans ses capacités psychosociales permettra de lui garantir en toute sécurité la réappropriation en tant que sujet de sa singularité et de son altérité pour une réinsertion dans une humanité retrouvée.

III ­ LE CADRE DE CES ACTIONS DE PREVENTION DES ABUS SEXUELS EN FRANCE AUJOURD'HUI

Pour mener à bien cette réflexion, nous avons pris appui sur une dizaine d'études et recherches menées soit aux Etats-Unis, au Canada, au Québec, soit en France. La majorité de celles-ci se déroulent en milieu scolaire préélémentaire et élémentaire, auprès d'un public d'enfants de 5 ­ 12 ans.
L'arrivée en France dans les écoles primaires du programme « Mon corps, c'est mon corps », rapporté du Congrès de MONTREAL (1986) a ouvert une longue période (1986-1995) de multiplication d'actions de prévention des abus sexuels et de construction d'outils modélisés à partir de ce travail québécois : 26 films vidéo dans le catalogue du Ministère des Affaires Sociales, plus de nombreuses brochures et livres.
C'est la période de « croyance magique en la prévention » (21) qui colmate la violence de l'émotion suscitée par les abus sexuels sur les enfants et l'intervenant. C'est une période où l'activisme et la création d'outils ont pris le pas sur le sens de l'action préventive. C'est ce qui explique que les évaluations menées aux USA, au Québec et au Canada, n'aient pas eu d'écho en France avant une date très récente (1998-2002).
III ­ 1 Les principes affirmés de ces actions restent identiques à ceux de 1988 :
- Les abus sexuels, ça existe, les données épidémiologiques le confirme
- Les abus sexuels, c'est grave, cela met l'accent sur la notion de traumatisme irrémédiable
- Les abus sexuels, c'est interdit,
- On peut prévenir les abus sexuels, une manière de tenter de juguler le risque de la répétition basée sur cette idée commune qu'un mineur abusé risque de reproduire ce qu'il a connu

III ­2 La nature des objectifs est la même dans les programmes menés au Nord-Amérique et en France.

L'objectif de Prévention primaire peut s'énoncer ainsi : modifier et transformer les attitudes des enfants en renforçant leurs capacités d'autoprotection par rapport aux adultes dans le but de les mettre à l'abri des abuseurs potentiels, les amener à reconnaître qu'on touche leur corps abusivement, apprendre à dire non et à connaître leurs droits, la loi et les rendre capables d'aller chercher de l'aide d'un adulte, d'un pair en cas de besoin.
L'objectif de Prévention secondaire est de dépister les enfants victimes ayant subi ou subissant des maltraitances sexuelles, de les aider à trouver la personne qui peut les écouter, les accompagner au moment de la divulgation, du secret.
La sensibilisation, la formation des professionnels, des parents, aux phénomènes des abus sexuels sont les maillons faibles des dispositifs.

III ­-3 Le champ d'approche et les concepts communs

Le champ d'approche peut être global, au travers de programme d'éducation à la santé, concernant l'enfant, sa personne, son corps, ses droits. Un aspect spécifique de la maltraitance et des abus sexuels sera alors intégré à ces programmes.

7 concepts sont systématiquement retrouvés dans les programmes :
1. Droit de l'enfant à contrôler son propre corps ­ savoir dire non
2. Il existe plusieurs sortes de touchers Bon/Mauvais
3. Il ne faut pas garder le secret par rapport à ces touchers
4. Les enfants doivent se fixer à leurs ressentis ­ ils ne se trompent pas
5. Les enfants doivent protester si quelqu'un les touche de façon inconvenante et persister jusqu'à ce qu'on les croit.
6. Les enfants ont besoin de savoir que l'agression sexuelle n'est pas de leur faute
7. L'individu peut être quelqu'un que l'enfant connaît plutôt qu'un étranger.

III- 4 Les moyens : ils peuvent varier selon les politiques institutionnelles engagées et les financeurs.

Le temps dégagé et de mise à disposition des personnels pour ces actions de prévention est inégal.
Les principes d'interdisciplinarité, d'interinstitutionnalité, permettent une régulation des mouvements émotionnels et une prise de recul des professionnels.
L'évaluation est souvent partielle ou absente.

III-5 Les outils pédagogiques. Leur utilisation s'inscrit dans une approche globale ou spécifique :

- Approche globale caractérisée par une multiplicité d'outils, un ajustement des personnes aux outils choisis, une utilisation diversifiée, adaptable
- Approche spécifique qui impose des outils modélisés, standardisés, utilisés dans leur totalité en conformité avec un livret pédagogique laissant peu de place à l'initiative et à la subjectivité créative. Ils utilisent le plus souvent des techniques interactives (vidéos, théâtre, scénarios, BD, jeux de cartes, etc...)
III- 6 La formation : c'est le maillon faible de ces actions de prévention. La formation préalable des intervenants se fait le plus souvent par leurs pairs. L'analyse des pratiques est rare. Le travail sur soi comme garantie d'un cadre éducatif de qualité est un choix personnel, non financé. La formation fait appel soit à des équipes de professionnels volontaires (enseignants, médecins, infirmières scolaires, travailleurs sociaux bénévoles) soit à des équipes qui se sont spécialisées.

IV CONSTATS COMMUNS ET QUESTIONS POSEES

D'une part, il n'est pas sûr que les programmes de prévention des abus sexuels puissent prévenir des abus sexuels chez la majorité des enfants. On peut se demander si l'enfant intègre bien et peut garder efficacement en mémoire les messages appris (connaissances acquises et comportements appris).
Dans son article « Peut-on prévenir les abus sexuels, ou existerait-il une répétition automatique de la violence sexuelle ? », Marceline Gabel(22) s'interroge sur le pouvoir magique attendu de la prévention . Elle souligne que :
- L'information donnée à un enfant de 6 à 12 ans n'est intégrée que si elle est répétée trois fois

- L'enfant ne saura pas forcément déjouer les pièges de l'abuseur adulte
- Les outils de prévention et leur utilisation peuvent susciter chez l'enfant de fausses allégations, en raison de sa suggestibilité par rapport à l'adulte
- Tous les enfants n'ont pas le même besoin d'information ni la même capacité à intégrer une information (risque de réinterpréter des gestes par ailleurs anodins)
D'autre part, la prévention des abus sexuels peut-elle atténuer l'impact des abus ? Certes, ces programmes encouragent les enfants à faire la révélation d'abus subis (3 à 6 % pour chaque action) et en cela peut aider les enfants à sortir de la loi du silence, en s'adressant à des adultes soutenants. Pourtant ce passage de la prévention primaire à la prévention secondaire « peut poser plus de problèmes qu'en résoudre, notamment en milieu scolaire, lorsque ces actions fonctionnent en réalité comme des actions d'appel au dévoilement, mais que l'on ne s'est pas assuré au préalable de la capacité des professionnels, à faire face aux situations qu'ils auront contribué à révéler. Comme le dit Frédéric Jésu(23) dans son article « pour une éthique de prévention des maltraitances ». L'enfant abusé risque alors de passer de la « loi du silence » familial à la loi du « tout dire », où les secrets essentiels de sa vie sont mis sur la place publique, ce qui le renvoie à la honte et à la culpabilité d'avoir levé l'interdit de parole. A l'école, la parole de l'enfant n'est pas toujours entendue avec respect et confidentialité. La procédure de signalement pousse les intervenants de ces actions à déposséder l'enfant de sa parole en l'utilisant rapidement, dans le cadre d'une procédure qui s'engage. Ces études nous permettent de dégager des constats et des interrogations : en ce qui concerne les objectifs, nous ne savons pas si les enfants peuvent mettre en oeuvre les connaissances et les comportements acquis lors de ces actions s'ils sont agressés par un abuseur. Mais l'objectif de prévention primaire reste identique même s'il n'est nulle part validé. Nous savons, par contre, que ces actions encouragent des divulgations. Se pose alors la question des conditions du passage d'une parole intime, celle de l'enfant, à une parole publique, avec le risque de porter atteinte à la vie intime de l'enfant. Les conditions de l'accueil et de l'écoute de cette parole sont déterminantes pour éviter la « sur victimisation » de l'enfant.
En ce qui concerne les enfants, un certain nombre de questions se posent à propos de ces actions et nécessiteraient de mesurer l'impact de ces actions de sensibilisation sur les capacités d'autoprotection des jeunes face à leurs agresseurs :
- Comment un enfant peut-il intégrer la différence entre un adulte protecteur et un adulte abuseur ? Ne crée-t-on pas à travers ces messages une méfiance dans le rapport adulte-enfant ?
- N'y a-t-il pas des risques de renforcer l'insécurité interne des enfants en les projetant dans les peurs des adultes et dans les déviances sexuelles ?
- L'apprentissage des perceptions de son propre corps (plaisir/déplaisir) afin de l'aider à repérer les comportements permis et interdits de l'autre, facilitera-t-il l'appropriation de son propre corps ?

En ce qui concerne la place des parents. Dans ces programmes, ils évoluent dans un double positionnement de protection et d'agresseur potentiel. Est-ce pour cette raison que leur accord est sollicité, mais leur participation critique si peu souhaitée ?
En ce qui concerne les intervenants. Ces actions véhiculent des messages complexes d'éducation à la vie, à la sexualité, au corps, à la citoyenneté. Elles supposent implication et prise en compte des émotions et des attitudes de l'adulte intervenant ? Quels sont alors les risques de cette éducation, sans formation ni repérage des effets de sa propre subjectivité sur l'autre ? Qu'est-ce qui motive les intervenants à agir ? Quels sont les moyens de formation qu'ils se donnent ? Qu'on leur donne ?
En ce qui concerne les méthodes et les outils, certains sont utilisés comme des fins en soi et non pas au service de la réflexion des messages et buts qu'ils poursuivent. Certains outils modélisés sont basés sur l'utilisation de techniques interactionnistes ou comportementalistes, ils laissent parfois peu de place à l'implication de l'intervenant. Une approche globale de prévention s'appuiera plus facilement sur un dispositif pédagogique diversifié, permettant d'aborder différentes composantes d'éducation à la santé, à la vie, à la citoyenneté, etc... , en lien avec un partenariat pluridisciplinaire et pluriinstitutionnel, servant de ressources aux enfants qui en auraient besoin.
En ce qui concerne l'évaluation. Les évaluations inscrites dans les dispositifs pédagogiques de prévention ont le plus souvent pour objectif de mesurer :
- Les connaissances acquises lors des séances
- Les modifications de comportements allant dans le sens d'une meilleure auto-protection en situation de risques sexuels
L'évaluation est souvent menée par questionnaires auprès des enfants, avant la sensibilisation, après et quelques mois après. Les résultats sont parfois testés par rapport à un groupe témoin n'ayant pas suivi ces actions.
Finkelhor et Strapko(24) ainsi qu'une équipe de chercheurs canadiens(25) ont dégagé des résultats communs suivants :
- Les enfants plus âgés (9-12 ans) apprennent mieux que les plus petits (avant 9 ans) les notions de connaissances transmises par ces programmes (ex abus sexuel, caresse abusive, etc...)
- Ces acquisitions s'oublient vite dans le temps si elles ne sont pas répétées
- L'implication des parents dans ces programmes joue un rôle renforçateur des acquisitions cognitives et comportementales. Elle joue aussi un rôle dans la réduction des peurs, même autour de situation non-abusives
Finkelhor (26) découvrent, à partir d'un questionnaire aux parents de 133 enfants qui avaient suivi ces actions, que seuls 15 % parlent de peurs ressenties à la suite de cette sensibilisation. Par contre, des comportements appris (dire non) d'agressivité et de désobéissance peuvent s'exprimer dans le milieu familial.
- Pour tous les enfants, il est difficile de concevoir qu'un proche puisse être agresseur
Ces études et recherches soulignent l'absence d'évaluation d'impact de ces actions (en fonction de l'âge en particulier) et d'évaluation sur les modifications des représentations de la sexualité et des abus sexuels qu'elles entraîneraient chez les enfants, les parents, les intervenants.

V LES PRECONISATIONS

Au regard des interrogations que suscitent le développement des campagnes de prévention collective en milieu scolaire, il apparaît nécessaire à ce jour que soient garantis :
- Le recours à des référentiels méthodologiques définissant les valeurs idéologiques sous tendues, les objectifs, les outils, les moyens, les critères d'évaluation de processus et d'impact à distance.
- Le recours à des professionnels formés ayant acquis des compétences et bénéficiant de soutien à l'analyse des pratiques au regard des affects et des résonances mis en jeu.
- Les conditions éthiques de recueil du dévoilement aux fins d'assurer à l'enfant écoute, empathie et bienveillance pour la prise en charge.
- L'inscription dans une démarche plus généraliste d'éducation à la vie permettant de couvrir un champ éducatif et pédagogique plus large sans focalisation à priori sur les transgressions ou les déviances, et la défiance à l'égard de l'adulte.

- Une action spécifique en direction des pré-adolescents/
adolescents relative à la sexualité, à la conjugalité, à la naissance, à la parentalité.
Par ailleurs, beaucoup d'auteurs confirment l'intérêt de voir ces campagnes s'ancrer en cohérence et congruence avec les politiques publiques familiales d'aide et d'accompagnement à la parentalité.
En effet, comment concevoir une démarche volontariste de protection des mineurs sans prise en compte des protecteurs naturels de l'enfant que sont ses parents certes légitimés par le droit civil au titre de l'exercice des attributs de l'autorité parentale, mais également au regard des 3 axes autour desquels s'articule l'ensemble des fonctions dévolues aux parents : « exercice de la parentalité, expérience de la parentalité, et pratique de la parentalité » tels que définis par le groupe de recherche conduit pas Didier Houzel(27) (1998).
De ce fait, ces actions de prévention auprès des familles pourront s'inscrire conformément au cadre de référence tel que prévu par les « réseaux d'appui, d'écoute et de conseils aux parents ». Il s'agit alors, comme l'évoque Frédéric Jésu(23) d'un « projet éthique d'accompagnement professionnel et civique des parents en difficulté et de leurs enfants » par une bientraitance bienveillante aux fins :
- De soutenir la maternité comme période de vulnérabilité mais aussi de créativité afin de prévenir la dysparentalité
- De développer les Lieux d'Accueil Parents-Enfants (LAPE) comme lieu d'écoute, d'empathie bienveillante et d'échanges entre pairs facilitant individuation, autonomisation et expériences de socialisation pour l'enfant.
- De soutenir le lien social pour l'accompagnement de la participation active des parents aux dispositifs de socialisation de proximité pour assurer insertion et citoyenneté partagée par le recours à de nouvelles formes de collaboration entre professionnels et « profanes » bénévoles.
- De garantir par la formation des professionnels des qualités d'accueil appropriées dans tous les lieux de socialisation de l'enfant (crèches, haltes-garderies, école...) prenant en compte ses besoins et ses singularités.
- De développer les modalités de partenariat, de pluridisciplinarité, de transversalité des professionnels et des institutions s'appuyant sur une culture et un corpus partagés acquis par des formations communes dans tout le réseau partenarial (staff de parentologie, réseau de périnatalité, réseau de parents...) pour susciter synergie et cohérence dans les prises en charge des situations de vulnérabilité ou d'abus effectifs pour éviter récidive ou reproduction transgénérationnelle.

L'ensemble de ces préconisations devraient permettre de soutenir et favoriser le développement des aptitudes et compétences tant individuelles que familiales aux fins de construction de l'identité de l'enfant dans la satisfaction de ses besoins, préalable indispensable à la réduction des besoins de suppléance familiale au titre de la subsidiarité.


BIBLIOGRAPHIE

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4 - CHALVON-DEMERSAY S. « Scénarios pour un monde de relations choisies » In Esprit Juillet-août 1997 ; 92-113

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13 - SUMMIT RC, OLAFSON E, CORMIN D.L. « Modern history of child sexual abuse awareness cycles of discovery and suppressions » In Child Abuse and Neglect, 1993, vol.17

14 - MARTIN-BLACHAIS MP "Le médecin face aux mauvais traitements et aux abus sexuels » In Enfance et Violences, 1992, Lyon, PUL ed ; 21-29

15 - BOUHET B, PERARD D, ZORMAN M « De l'importance des abus sexuels en France » In les Enfants victimes d'abus sexuels, PUF ed,.1992 : 39-53

16 - MONTES de OCA M, YDRAUT C, MARKOWITZ A, « Les abus sexuels à l'égard des enfants », In CTNERHI, PUF ed. 1990, 181

17 - OBSERVATOIRE NATIONAL DE L'ACTION SOCIALE DECENTRALISEE La lettre de l'ODAS Odas ed. Paris, 2002

18 - SNATEM Rapport d'activités 2001 Snatem ed. Paris, 2002 : 28-30
19 - HAESEVOETS Y.H. L'enfant en questions. De la parole à l'épreuve du doute dans les allégations d'abus sexuels. Bruxelles De Boëck , Université ed, 2000

20 - SUMMIT RC « The child sexual abuse accommodation syndrome » Child Abuse and Neglect, 1983, vol.7, pp 177-193

21 - MAGNEN F, "La prévention des abus sexuels en Ecoles Primaires : une voie hasardeuse ? » DEA-EHESS, Anthropologie Sociale, Paris, 1997

22 - GABEL M « Peut-on prévenir les abus sexuels ? » In Enfance Majuscule 2002, n°62
23 - JESU F,GABEL M, MANCIAUX M, « De la protection des enfants à la bientraitance des familles » In Bientraitances, mieux traiter familles et professionnels, 2000, Paris, Fleurus éd, pp 13-32

24 - FINKELHOR D, STRAPKO N "Sexual Abuse Prevention Education. A review of Evaluation Studies" In Willis DJ, Holder EW, Rozenberg M (eds) Prevention of Child Maltreatment, New-York , Wily, 1992

25 - HEBERT M, LAVOIE F, PICHE Ch, POITRAS M, « Proximate effects of a child sexual abuse prevention program in elementary school children, In Child Abuse and Neglect, 2001,n°25

26 - FINKHELOR D,DZIUBA-LEATHERMAN J, "Victimization prevention programms : A national survey of children's exposure and reactions In Child Abuse and Neglect, USA, 1995, 19, (2),129-139

27 - HOUZEL D, Les Enjeux de la Parentalité, Paris, ERES ed, 1999

ANNEXES <


LA PREVENTION DES AGRESSIONS> SEXUELLES A L'EGARD DES ENFANTS EN FRANCE


L'analyse des politiques publiques, en France, en matière de lutte contre les agressions sexuelles à l'égard des enfants, confirme l'inscription de celles-ci dans une politique générale d'Éducation à la Santé et de Promotion de la Santé.

Toutefois, depuis la circulaire d'orientation du 21/03/1983 fondant les principes d'un programme national de Campagne de Prévention, il convient de s'interroger sur les objectifs atteints et les moyens mis en ¦uvre aux fins d'évaluer l'impact réel de ces campagnes dans l'intérêt des enfants.


LA PREVENTION DE LA MALTRAITANCE

1983 = Lancement de la campagne sur l'Enfance Maltraitée « 50 000 enfants maltraités/En parler, c'est déjà agir »

1984 = IPSCAN/Congrès de MONTREAL

1986 = Signature de la Charte d'OTTAWA pour la promotion de la santé

1986 = Lancement à titre expérimental d'une campagne de prévention des abus sexuels « mon corps, c'est mon corps » dans 2 départements volontaires (Seine Saint Denis et Isère)


1988 = Dossier Technique
- « Les abus sexuels à l'égard des enfants/Comment en parler »
- « Le Praticien face aux violence sexuelles »

31/03/1989 = Programme National de Prévention des Abus Sexuels envers des Enfants

10/07/1989 = Loi relative à la Prévention des Mauvais Traitements à l'égard des mineurs et à la Protection de l'Enfance


LES CAMPAGNES DE PREVENTION ET L'ECOLE

03/05/1995 = Une circulaire interministérielle rappelle le rôle de l'école à devoir participer à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs, par des actions d'information auprès des élèves.


15/05/1997 = Une circulaire de l'Ecole Nationale rappelle
… l'obligation de mettre en ¦uvre des programmes de prévention destinés aux élèves

- l'obligation de vigilance et de signalement


02/10/1998 = Une circulaire de l'Ecole Nationale relative à la Prévention des violences sexuelles intègre celle-ci dans une prévention globale de la violence en milieu scolaire.


06/03/2000 = La loi instaure une séance/an d'information et de sensibilisation sur l'Enfance Maltraitée dans l'emploi du temps de tous les élèves :
- Des écoles
- Des collèges
- Des lycées


05/03/2001 = Circulaire de lutte contre les violences sexuelles :

… Rappel des procédures de signalement et des conduites à tenir

- Recommandations de mise en oeuvre :
- Centres Ressources Académiques
- Accompagnement des Equipes Educatives
- Mesures de prévention à l'égard des élèves

04/07/2001 = La loi sur l'I.V.G. prévoit 3 séances/an d'éducation à la sexualité de la Maternelle au Lycée.


Février 2003 = Elaboration et diffusion d'un document de recommandations « prévention et traitement des violences sexuelles » recensant les différentes conduites à tenir selon que l'auteur est dans ou en dehors de l'école


17/02/2003 = Une circulaire relative à l'Education à la Sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées précisant :
- les objectifs
- Les conditions de mise en oeuvre
- Le public cible = les élèves
- La formation des personnels


LA POLITIQUE PENALE EN FRANCE

En matière de politique pénale, les sévices sexuels sont reconnus comme délits ou crimes, selon la gravité des faits, dans le cadre du nouveau Code Pénal (01/03/1994)

- Le viol (art. 222-23 à art. 222-26)
- Les agressions sexuelles (art.222-27 à art.31)
- Les atteintes sexuelles (art.222-25 à art. 27)
- La corruption des mineurs (art.227 ­22)
- L'exploitation pornographique de l'image d'un mineur (art.227-23)

A la suite du Congrès de Stockholm (Août 1996), de nouvelles dispositions législatives se sont concrétisées dans la loi 98-468 du 17 juin 1998.

Objectifs = renforcer la Prévention et la répression des atteintes sexuelles contre les mineurs :
3 volets principaux :
- Peine complémentaire de suivi médico-social
- Renforcement de la protection des mineurs contre la pornographie
- Extension de la lutte contre le tourisme sexuel.

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Dernière mise à jour : dimanche 30 novembre 2003

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