APPROCHE PSYCHOTHERAPEUTIQUE INDIVIDUELLE

AVEC LE PATIENT SCHIZOPHRENE

par le Dr Clarence SHULTZ

Traduction du Dr Isabelle Bouguennec (Paris)

Mon but est de présenter des lignes directrices pour la psychothérapie de la schizophrénie aiguë ou chronique, traitée en ambulatoire ou en institution, y compris le traitement en hôpital de jour. Comme l'espace me manque pour préciser avec des exemples les différents principes, des éclaircissements sont proposés ci-dessous : il s'agit d'examiner chacun des termes qui composent le titre de cet article.

ECLAIRCISSEMENT SUR L'INTERVENTION PSYCHOTHERAPEUTIQUE

SPECIFIQUE

Individuelle

Il est habituel d'associer le terme " individuel " à la notion d'approche psychothérapeutique. J'ai retenu le mot " individuelle " pour pointer que chacun des traitements doit être appliqué à un patient, perçu dans sa globalité et non régi par une catégorie diagnostique ni par une batterie de symptômes.

Ceci dit, ce mot est marqué d'un sens qui n'a rien à voir ici : il connote la situation psychanalytique classique. Or, ce traitement ne convient pas en tant que technique de soin des patients psychotiques. Le mot " individuel " met l'accent sur l'approche inter-subjective (" one-to-one ").

Mon champ d'activité, pour ce travail, est celui d'une équipe soignante travaillant dans un champ social donné.

A mon avis, la psychothérapie, par elle-même, avec un individu psychothérapeute et un individu schizophrène qui est un patient hospitalisé n'est pas très productive.

Psychothérapeutique

L'expression " approche psychothérapeutique " va ici bien plus loin que le mot " psychothérapie ".

Si le mot " psychotreatment " existait, je le préfèrerais car mon souhait serait de trouver un mot qui véhicule un concept de traitement au sens large et qui comprendrait le travail clinique articulé avec les moments de la psychothérapie.

Les " 23 heures restantes ", ne sont pas seulement là comme un temps à remplir, ou bien encore à considérer comme exceptionnelles pour le patient, ou durant lequel on soutient globalement les moments de psychothérapie individuelle.

Les aspects journaliers du programme de traitement devraient être thérapeutiques en eux-mêmes et contribuer, de manière spécifique, à l'accomplissement des objectifs de base.

Il devrait exister un climat dans lequel l'équipe thérapeutique toute entière, et même dans un sens plus large, les réunions hospitalières, et même celles des plus anciens, seraient profondément sollicités pour un effort concerté de traiter ces patients de manière psychothérapeutique. De la même façon, on ne peut pas entreprendre une intervention chirurgicale en équipant différentes salles avec des patients, et appliquer l'anesthésie dans un cas, les techniques d'incision dans l'autre, un remplissage liquidien et une antibiothérapie pour le troisième cas, et des soins post-opératoires pour le quatrième cas, etc...

L'approche psychothérapeutique demande d'exclure l'utilisation de neuroleptiques, des modifications du comportement, de la communauté thérapeutique, de l'éducation spécialisée, et des autres modalités thérapeutiques. Par contre, il y a certaines connotations spécifiques du terme qui doivent être sous-entendues. Je veux dire par là quelque chose d'autre que la psychanalyse classique et le conditionnement comportementaliste. Pour mentionner deux exemples, je pense essentiellement à une approche d'investigation psychologique qui aide le patient à comprendre sa conduite et à l'expérimenter dans ses manifestations affectées avec le thérapeute, dans les situations du quotidien, et dans le contexte de l'histoire de sa vie. Pour avoir une compréhension psychothérapeutique des psychoses, l'équipe doit connaître les concepts du développement humain de l'enfance au quatrième âge.

Les capacités d'observation réunies de l'équipe et du patient sont utilisées pour déterminer les objectifs de la conscience réciproque des origines de l'anxiété et de ses défenses envers l'anxiété et pour provoquer également une réintégration des fonctions du moi et augmenter son degré de liberté dehors, dans les interactions avec les autres.

Dans un premier temps, avec le patient psychotique, tout ce processus demande une assistance intensive de la part de l'équipe ; mais éventuellement, le patient reprend à son compte son propre traitement.

Une psychothérapie " orientée sur l'insight ", est-ce que cela fait réellement une différence ?

Que penser de la plaisanterie cynique qui dit " qu'après son analyse, le patient continue à faire les mêmes choses ; seulement maintenant, il sait pourquoi " ?

En mettant l'accent sur une conscience du soi, je me réfère à des capacités humaines très fortes d'englober les fonctions complexes du moi.

Un tel parti-pris est en sorte une ombre portée sur le domaine de la vie. Pour moi, il y autre chose à vivre que la conduite apparente.

Les ingénieurs du comportement humain peuvent devenir intéressés seulement par les comportements manifestes tout en ignorant les motivations qui sous-tendent cette conduite.

Le moins qu'on puisse dire est qu'il y a une différence selon que quelqu'un réagit de façon compulsive ou docile à une situation ou que quelqu'un choisit de faire exactement la même action.

Approche

Ce terme extrait du titre, véhicule un large concept philosophique, synonyme de " programme ", ou de " chemin ", par contraste avec l'étroitesse des mots : " technique ", " méthode ", " procédure ", " formule " ou " tactique ".

Avec

Le mot est une préposition qui met l'accent sur la participation du patient au traitement, par contraste avec quelque chose fait " au patient ". Ceci implique les plus hautes capacités humaines d'observation de soi-même, tout en collaborant avec les autres, pour réaliser une véritable alliance thérapeutique. Les capacités sont supposées être présentes, même dans ces positions négativistes qui sont souvent comprises de travers, comme " manque de disponibilité au traitement " ou " pas prêt pour une psychothérapie ".

Schizophrènes

Ce mot est le plus difficile de tous !

Pour nos objectifs, le mot " psychose " serait préférable. L'usage de ce mot n'implique ici rien de spécifique par rapport à l'étiologie ; notre propos, ce sont les aspects dynamiques des personnes portant cette étiquette.

Nous pouvons avoir à nous mesurer avec des " déficits précoces du moi " ou avec des facteurs génétiques biologiques, des altérations biochimiques ou d'autres " causes organiques ". Quelles que soient les contributions de ces causes à la pathologie, le traitement est centré sur les approches dynamiques tenant compte d'un délabrement des fonctions du moi à un degré sévère. Typiquement, nous retrouvons une approche défectueuse de la réalité ; des défenses archaïques (projection - déni - clivage) ; une anxiété massive ; des affects qui submergent la personne ; une confusion et désorganisation du moi avec régression à un stade d'illusion d'omnipotence, d'égocentrisme, d'impulsivité, d'agressivité brute non neutralisée, se manifestant aussi dans les conduites sexuelles.

L'arrêt particulier du développement présenté comme résultante et du désordre schizophrénique et de l'aboutissement du traitement est l'échec dans la distinction du soi de l'objet.

Encore une fois, le postulat ici est que, parmi les patients étiquetés " schizophrènes ", il peut exister une variété de facteurs étiologiques inconnus, des origines causales différentes (biochimiques, génétiques, expériences de vie...). Nous avons probablement affaire à une variété de conditions, par analogie aux " fièvres ". Quelles que soient les causes, il y a des aspects de la personnalité qui peuvent être modifiés par la psychothérapie. Il est extrêmement difficile, d'après mon expérience de savoir à l'avance quelles personnes répondront ou non au traitement. Par conséquent, aucun patient ne doit être exclu " a priori " de ce traitement, même si ce sont des patients très atteints ou chroniques.

Patient

Si le titre s'était terminé par " schizophrénie " au lieu de " patient schizophrène ", cela aurait contribué à la notion erronée que nous sommes en train d'appliquer un traitement à une " maladie ". Nous ne traitons pas la " schizophrénie ", mais une personne qui nous rejoint dans une approche thérapeutique.

" Patient " peut, de toute façon, être une appellation erronée, dès lors qu'on ne permet pas à ce terme d'inclure l'épouse ou la famille.

ILLUSTRATION DE L'APPROCHE THERAPEUTIQUE

L'approche thérapeutique qui s'est dégagée de ces concepts peut être illustrée de prime abord par le patient hospitalisé, " régressé ", replié sur lui-même, apparemment pas motivé et qui est bien le dernier que l'on désignerait comme candidat à la psychothérapie. Un tel patient est activement impliqué dans des hallucinations auditives et est massivement méfiant. Son discours est fragmenté et le contenu indique la réticence, les idées paranoïdes et la distractivité... Peu importe si, ce tableau est récent ou non, le traitement est le même. Dans le cas où il a été décidé une hospitalisation, la thérapie commence dès le premier contact avec le patient ou sa famille et l'hôpital. Une information honnête de la part des médecins sans tentative de " réassurance trompeuse " est essentielle. Cela implique la reconnaissance de l'ignorance de l'inconnu des réponses à des questions spécifiques. Dès l'arrivée du patient, sa sécurité et celle de l'équipe sont un souci immédiat. Une équipe expérimentée, digne de confiance, fonctionnant dans un environnement qui minimise les risques, va obtenir une diminution de l'anxiété et du patient, et de l'équipe. Ce type d'ambiance peut être obtenue sans dessouder le sens fragile de son identité que possède le patient.

Nous appelons le patient par son nom. Il garde ses vêtements et tous les objets personnels possibles, on inscrit son nom sur la porte, ainsi les autres pourrons savoir qui il est et lui saura où il est situé dans la globalité de l'environnement.

Une continuité dans la relation est importante pour les patients psychiatriques, qui ont fréquemment des relations plutôt limitées. L'unité dans laquelle le patient va résider doit être capable de composer avec des degrés variation de perturbations dans la conduite, et doit permettre au patient de rester avec ce groupe de patients et cette équipe soignante pour la durée de cette hospitalisation plutôt que d'être transféré dans une autre unité si son comportement s'améliore ou s'aggrave. Ceci permet le renforcement des relations qu'il développe avec l'équipe infirmière et les patients de son unité, aussi bien qu'avec une autre équipe, et particulièrement avec son psychothérapeute.

Dès lors que le patient est arrivé à l'hôpital, il est important qu'il réalise que la thérapie a réellement commencé, plutôt que de supposer qu'elle va recommencer à un moment donné du futur. Par conséquent, nous avons le docteur qui va réellement travailler avec le patient, qui fait, si c'est pratiquement possible, son admission. En plus de l'évaluation initiale de l'état mental, l'histoire, ou l'examen physique, la procédure d'admission devrait inclure l'information sur ce qui l'attend dans le présent immédiat, pour aider à l'allègement de l'appréhension qui accompagne l'incertitude. Depuis le début, l'efficacité potentielle de l'organisation entière de l'hôpital peut être vue comme dépendante d'un réseau de communication entre les membres de l'équipe soignante.

Les réunions d'équipe, les rapports du matin, les ordres, les notes, les conférences, les rencontres équipe-patients, les consultations, les réunions du service social, et les lettres de la famille sont quelques aspects de la contribution apportée pour faciliter cette communication.

Je voudrais illustrer l'importance de cette communication à travers cet exemple d'un jeune schizophrène sévèrement atteint, qui par-delà du cours de nos séances de psychothérapie individuelle, demandait, de manière répétitive une diminution de ses médicaments.

Finalement, nous fûmes capables de constater qu'il introduisait cette plainte chaque fois qu'il sentait que de sa part comme de la mienne, il y avait un mouvement de rapprochement, soit parce que je le comprenais, soit parce qu'il me faisait d'avantage confiance. Il rapprochait de cette conduite une scène avec sa mère (durant une visite). Cela s'était exceptionnellemnt bien passé entre eux durant cette visite, et ils étaient en train de déjeuner ensemble. Elle a commencé à se plaindre lorsqu'il a utilisé ses doigts pour manger sa salade. En réexaminant la scène, nous pouvions voir clairement comment le fait d'utiliser ses doigts était un moyen de la contrarier et de remettre entre eux une distance. Son sens de la séparabilité avait été menacé par la proximité conviviale des évènements du passé immédiat. Lors d'une autre séance, le patient a raconté un échange similaire avec son infirmière référante dans son antichambre. Il racontait comment elle l'avait exhorté à ranger sa chambre mais qu'il pensait qu'elle était bien assez propre. Lorsque je proposais d'aller avec lui, à la fin de la séance, de manière à ce que nous en jugions ensemble, il rit et refusa, disant qu'il la nettoierait. Ensuite, il décrivit comment l'infirmière est venue dans sa chambre et a eu avec lui une discussion tout à fait significative. Au cours de leur discussion, elle lui demanda de prendre une douche, d'apporter d'avantage d'attention à son apparence et de nouveau, qu'il range sa chambre. Il prit sa douche, mit une chemise propre et, mais en tirant un trait sur le fait de ranger sa chambre, il réinstaura une différenciation entre lui-même et l'infirmière. Notre discussion sur cette inter-action lui permit de ranger sa chambre.

Quoi qu'il en soit, j'ai fait avancer les choses d'un pas en rencontrant l'infirmière et en lui expliquant les raisons de son échec dans l'application de sa suggestion initiale. Nous discutâmes de la dynamique de son besoin de maintenir un sens de la différenciation et d'éviter d'être soit complètement dominé, soit dévoré par l'autre, lors de ce type d'approche négative.

Avec le patient psychotique, en proie à des hallucinations, le thérapeute doit veiller non seulement à présenter la réalité de sa situation mais aussi être attentif à ce que toutes les hallucinations soient verbalisées de manière à ne pas donner son accord à de tels phénomènes hallucinatoires. Bien que nous prenions en compte sa pathologie, en même temps nous essayons d'encourager sa participation dans le programme de traitement jusqu'au stade où l'autorisent les composantes saines de sa personnalité.

Depuis que de nombreux thérapeutes sont enclins à transposer leur expérience de traitement de patients externes à des patients hospitalisés, des différences spécifiques dans le traitement du patient hospitalisé ont pu être relevées. La plus grande part de la confusion peut être évitée si l'équipe et le patient gardent en tête qu'il existe des différences entre la situation thérapeutique d'un schizophrène hospitalisé et d'un patient de cabinet.

La première de ces différences est la capacité des patients externes à être responsables. C'est le défaut de cette capacité qui conduit à son hospitalisation. Depuis que le patient externe est présumé responsable, sa plus grande liberté contraste avec la situation du patient hospitalisé qui a besoin que l'équipe assure une responsabilité partielle. Pour chaque patient, au cas par cas, la dépendance est toujours relative et dans aucune situation l'équipe ne devrait penser qu'elle assume une absolue responsabilité.

Deuxièmement, l'alliance thérapeutique dans les situations externes ne comprend que le thérapeute et le patient. A l'opposé, la situation d'hospitalisation présente un partage de la responsabilité entre le patient, les médecins, l'équipe infirmière, les animateurs, les travailleurs sociaux, les professeurs et les autres... A l'hôpital, il y a une multiplicité de patients et d'activités et, en conséquence, une alliance thérapeutique implique le patient et ses relations thérapeutiques avec les différents membres de l'équipe. Cela répartit le fardeau de la responsabilité du traitement pour des personnes sévèrement malades mais crée aussi potentiellement des pièges : des ruptures dans la communication, par exemple, qui se retrouvent dans la dysharmonie du programme thérapeutique.

Troisièment, étant donné que le patient externe est responsable de lui-même, le thérapeute n'a pas besoin de pouvoir de décision sur le patient ; mais à la place, il explore avec lui quels sont les facteurs qui interviennent dans une décision particulière. A l'hôpital, la prise de décisions est concentrée au niveau du médecin ou de l'infirmier concerné.

Quatrièmement, l'aspect confidentiel est strictement respecté dans la situation externe parce que le patient est présumé capable de faire des interventions à son propre compte après clarification de ses problèmes. Une telle confidentialité est impossible en institutionnel. Le psychothérapeute rend compte aux médecins, à l'équipe.

Les patients cherchent souvent à obtenir une promesse de secret de la part du psychothérapeute ou d'autres membres de l'équipe, dans la situation hospitalière, mais nous avons toujours trouvé que le secret interférait avec l'ensemble du plan des soins. L'équipe soignante toute entière devrait être capable de partager les confidences du patient, lorsque c'est nécessaire, de manière à évaluer sa situation clinique et à faire des interventions rapides et efficaces.

Un dernier point de différence entre la situation du patient externe et celle du patient hospitalisé concerne la gratification et la frustration des besoins névrotiques du patient consistant en une exploration et une compréhension de ces besoins dans la situation thérapeutique.

D'un autre côté, le patient hospitalisé est susceptible de présenter des états de régression sévères et a besoin de soutien plus que de frustration.

L'équipe doit faire, dans la rencontre avec le patient, plus de la moitié du chemin, pour compenser les attitudes de méfiance, la peur et les conflits au sujet de la dépendance.

PROBLEMES DE LA PHASE INITIALE DU TRAITEMENT

Dans notre abord des questions spécifiques et des techniques, il sera considéré que le lecteur est familiarisé avec les principes généraux de la psychothérapie, comme l'analyse des défenses, l'importance du temps de l'interprétation et les concepts de transfert et de contre-transfert. Notre attention sera dirigée vers les élaborations qui concernent plus spécifiquement le patient hospitalisé.

L'architecture des lieux est importante. L'hôpital classique n'est nullement adapté. Il est nécessaire de disposer d'une grande pièce à vivre, point de rencontre des patients, des soignants et lieu d'activité de groupe. Il est également souhaitable d'avoir différentes petites pièces pour jouer au bridge ou d'avoir une rencontre individuelle, sans oreilles indiscrètes. L'unité doit pouvoir être fermée lorsque le comportement des patients le nécessite, ou bien alors laissée ouverte, selon les besoins du groupe de patients perturbés. Il est important d'avoir une chambre d'isolement. Il doit être possible d'appliquer à un patient perturbé des enveloppements froids (draps froids) et de lui donner des neuroleptiques et non pas les traitements anciens tels que la camisole et autres contentions. Même à l'heure où de nombreuses équipes parmi les plus jeunes et les plus expérimentées, assimilent l'enveloppement humide à des contraintes, ce type de traitement ne doit pas décemment rentrer dans cette catégorie (KILGALEN, 1972). Il faut avoir une piscine (hydrothérapie) et un lieu pour les thérapies occupationnelles.

S'il n'y a pas de pièce où s'isoler, il faut bien que le psychothérapeute utilise la chambre des malades. La chambre d'isolement aussi peut être utilisée pour parler avec le patient pendant qu'il est dans le pack. Privauté et confort sont importants !

Il est important d'apporter deux chaises de façon à éviter que le patient, assis sur son matelas, soit vu de haut.

L'utilisation d'un neuroleptique majeur a eu un effet marqué dans la possibilité pour des patients sévèrement atteints de sortir de l'hôpital ou de le quitter après des périodes plus courtes. Le traitement sédatif interfère avec la thérapie uniquement si le patient reçoit des doses très fortes de neuroleptiques.

Par contre, je ne recommande pas du tout l'administration systématique de neuroleptiques. Je fais toujours un essai de traitement sans " neuroleptique " même si le patient est gravement atteint. Si la relation avec moi conjuguée à la tâche des équipes soignantes ne fait pas avancer le travail ou bien si la sécurité du patient ou de l'équipe est menacée, alors les neuroleptiques devront être utilisés. Dans notre approche, les neuroleptiques ne sont pas considérés comme les seuls moyens de traitement, mais comme un facilitateur de thérapie.

L'implication de l'équipe avec le patient psychotique est un important levier thérapeutique. Comme elle gratifie le patient régressé dans ses besoins de dépendance par le bain, l'habillage, la nourriture, l'équipe parvient à connaître le patient. C'est la même chose, à un niveau différent, dans le cas où un nouveau patient peut prendre soin de lui physiquement. Dans l'environnement étrange de l'hôpital, le patient a besoin de l'équipe pour lui dire comment faire sa lessive ou avoir des affaires de toilette. Si ces besoins sont abordés comme des demandes personnalisées plutôt qu'apportant une réponse mécanique, une relation est commencée qui deviendra plus complexe au fur et à mesure que les besoins du patient se modifieront.

Au départ, l'équipe doit aller vers le patient. Plus le patient ressent de la sécurité avec un soignant, plus il sera capable de répondre. L'équipe soignante est comme le récipient dans lequel le patient projette. En même temps, le patient peut s'identifier à un soignant. Avec l'aide de l'équipe, il peut commencer à élargir le cercle de ses relations et de ses activités. Ce type d'inter-relations demande un investissement émotionnel de la part de l'équipe mais aussi la capacité de moduler et de maintenir la distance affective qui convient pour permettre au patient de se situer à sa propre allure. L'équipe crée un climat d'atteinte du niveau maximum de fonctionnement de la part du patient, tempérée par une tolérance de ses caractéristiques régressives. Il est essentiel d'établir simultanément avec le patient différents niveaux d'intégration psychologique.

Beaucoup considéreraient le patient perturbé dans la phase initiale de son traitement comme n'étant pas candidat pour des entretiens psychothérapeutiques. Je ne suis pas d'accord avec cela. Je recommande fortement qu'un programme régulier d'entretiens soit établi avec le patient, même s'il est vu dans la chambre d'isolement ou pendant un pack. Le thérapeute doit prévoir sa sécurité et celle du patient dans la situation d'entretien. Il sera incapable de faire le meilleur travail avec la charge supplémentaire d'une peur physique, situation qui ne rassure en rien le patient. Les patients perturbés sont tout à fait effrayés par leur agressivité et par leur destructivité, qui sont souvent vécues comme une projection et le résultat de la peur d'une autre personne. J'ai rapporté ailleurs la détente dans la tension mutuelle et la baisse de la combativité après qu'un patient perturbé ait demandé : " Croyez-vous que je puisse avoir peur de vous comme vous avez peur de moi ? ". Il est possible de conduire un entretien avec une personne présente ou immédiatement disponible derrière la porte.

Dans ce genre de psychothérapie, le thérapeute est généralement concentré vers les résultats immédiats, mais il doit aussi veiller à utiliser ses facultés d'observation pour engager le patient et l'encourager à comprendre sa situation.

Les patients perturbés ont très peur de leur agressivité et de leur destructivité, qui est souvent vécue comme une projection et la peur provenant de l'autre. J'ai rapporté ailleurs (SCHULZ et KILGALEN, 1969, p. 14 à 60), comment la tension mutuelle s'instaure et le déclin de la combativité après que le patient perturbé ait demandé " Et bien, avez-vous déjà songé que je pouvais avoir autant peur de vous, que vous de moi ? ". Il est possible de conduire un entretien avec une personne présente ou immédiatement disponible de l'autre côté de la porte. Dans ce type de psychothérapie, le thérapeute a généralement basé son activité sur les résultats immédiats, mais il tente aussi d'utiliser tout ce qu'il observe des capacités du patient qui peut encourager celui-ci à participer à la compréhension de la situation dans des modalités dynamiques. Il est souvent nécessaire de donner des informations ou de répondre aux questions du patient pour l'aider à faire le tri des éléments de la confusion. Le thérapeute sera bien aiguillé s'il pense que tout ce dont le patient parle est potentiellement en relation d'une manière ou d'une autre avec le thérapeute même si cela n'est pas nécessairement verbalisé par

le patient. Par exemple, un patient parle de la façon dont ses amis l'ignorent. Pendant ce temps, le thérapeute averti a remarqué qu'il n'écoutait pas le patient à ce moment précis.

Le thérapeute peut se retrouver dans ses réponses au patient, à reprendre des voies très semblables à celles des parents du patient. Comme par exemple de mettre des limites dans une séance au cours du traitement ou de s'imiscer activement dans des choses que le patient souhaite garder dans le domaine du privé. Par conséquent, il y a des thérapeutes qui répugnent à être actifs par peur d'être trop " comme la famille ". Mais il est possible pour le thérapeute de participer de cette façon et d'utiliser ce mode de participation en aidant le patient à récupérer comment il suscite une réponse " parentale ". Au total, il peut être nécessaire pour le thérapeute de renforcer certaines défenses ambiguës à ce stade, plutôt que de les affaiblir, de manière à exclure ce contre quoi on se défend. Par exemple, une colère mais subtilement contrôlée par le patient peut recevoir des encouragements dans l'aptitude au contrôle de cette colère plutôt que dans son expression.

Quelques-unes des erreurs les plus communément faites par les thérapeutes au cours du traitement des patients schizophrènes sont les suivantes :

* Insuffisance dans la délimitation des problèmes pour lesquels le patient et le médecin se mettent d'accord pour travailler ensemble.

* Essayer d'éviter d'être comme les parents du patient.

* Essayer d'être amical, permissif et démocratique.

* Prescrire des doses inadéquates de neuroleptiques.

* Soit faire que le patient fasse tout, soit essayer de tout faire pour le patient.

* Caricature des techniques analytiques.

* Rester dans l'ignorance de ses propres sentiments vis-à-vis du patient.

* Répondre au transfert comme si c'était la réalité.

* Sous-estimer l'importance du thérapeute pour le patient.

* Essayer de faire avorter la dépression du patient.

* Etre pris dans le négativisme du patient ;

* Et se concentrer sur la pathologie du patient à l'exclusion de ses ressources.

CONCEPTS DU DEVELOPPEMENT : RELATIONS ENTRE LES PHASES DE LA PSYCHOTHERAPIE ET DE L'APPROCHE THERAPEUTIQUE

Désorganisation et régression

Le phénomène éprouvé à ce stade de la psychopathologie est en relation avec la désintégration des fonctions du moi et le retour aux phénomènes primitifs des aspects du développement dans la petite enfance.

La psychopathologie sous-jacente est censée être un échec de la différenciation adéquate de la représentation du self et de la représentation de l'objet. Par conséquent, le patient est incapable d'utiliser des niveaux plus élevés de défense pour venir à bout de l'anxiété et au lieu de cela, met en avant soit les phénomènes de défenses primitives, soit l'échec des défenses.

Désormais, l'approche générale, en terme d'objectifs de traitement, est de suppléer au moi auxiliaire qui amène des fonctions du moi de substitution ou, du point de vue du patient, à emprunter des fonctions de l'équipe. Un programme bien organisé amène un support structuré comme un plâtre peut le faire pour une fracture. Au fur et à mesure que la guérison a lieu, ce support peut être diminué et les fonctions du patient autorisées à prendre le relais. De même, toute fonction résiduelle qui peut demeurer active doit être encouragée et on doit apporter au patient des facilités à leur exercice.

Omnipotence et égocentrisme

Du point de vue du développement, nous pensons que ces symptômes sont en relation avec le narcissisme infantile centré sur le moi et un manque concomitant d'appréciation de la réalité.

Dans le traitement, le patient doit être impliqué dans une participation en relation avec la réalité, jusqu'au point où il en est capable, dans l'unité de soin et aussi dans le programme des activités. S'il n'est pas capable de participer aux activités de groupe, on devra encourager les relations individuelles (" one-to-one "). Durant ce stade, l'équipe devra pointer les limites réalistes du patient pour s'opposer à son orientation délirante, omnipotente et égocentrique.

Délire et hallucinations

La pensée primitive du nourrisson est supposée prendre la forme de l'accomplissement d'un souhait hallucinatoire lorsqu'un besoin n'est pas gratifié. Par exemple, le nourrisson peut halluciner le sein lorsqu'il a faim. La pensée hallucinatoire implique un manque dans le sens de la réalité, comme l'a dit FREUD (1961) et fonctionne comme une pièce sur un accroc dans la relation du moi au monde extérieur.

L'équipe devra composer avec les hallucinations en les désapprouvant, mais doit éviter les arguments pesants et logiques pour contredire les hallucinations.

L'approche psychothérapeutique du délire et des hallucinations peut utiliser leur contenu si le thérapeute les traite comme le matériel des rêves. J'ai trouvé généralement plus productif, de toute façon, d'aider le patient à remarquer quand le délire ou les hallucinations surviennent. On retrouve souvent l'apparition des hallucinations lorsque le patient est seul, alors qu'elles n'existent pas lorsqu'il écoute la radio, qu'il regarde la télévision, ou qu'il est en relation avec les autres. De la même manière, on peut comprendre la fonction des hallucinations en remarquant à quel moment elles surviennent dans une séquence d'évènements. Par exemple, un patient était revenu dans son appartement vide et concluait, très en colère, ayant entendu des bruits, que les voisins donnaient des coups de marteau dans le mur pour le faire partir, alors qu'ils avaient fait du bruit en suspendant un tableau tôt le matin. En revoyant la séquence, nous trouvons que cette pensée était précédée par son sentiment de solitude, éprouvé un instant en retournant dans un appartement vide. Cet affect fut vite remplacé par la formation hallucinatoire qui soulageait le patient de sa solitude.

Clivage

Durant la phase pré-ambivalente de la petite enfance, on affirme que le nourrisson clive ses expériences entre les " bonnes " et les " mauvaises ". Les concepts du soi, ainsi que les objets, sont clivés de cette façon.

KERNBERG (1968) a souligné comment cela devient le prototype du clivage chez les patients border-line dont les expériences peuvent être portées à la conscience mais séparées en segments isolés d'expérience.

Les patients pensent se voir eux-mêmes comme entièrement " bons " ou " mauvais " et de même pour les autres, ou bien ils peuvent osciller alternativement entre les deux. De la même façon, l'équipe peut être divisée en " bons " et " mauvais " membres.

Le patient refuse parfois de travailler avec le thérapeute, du fait du clivage, ou peut refuser de voir ses parents.

Les manifestations d'un tel clivage adviennent fréquemment lorsque les membres de l'équipe eux-mêmes se trouvent divisés à propos du patient ; leur polarisation est la manifestation externe du processus interne de clivage du patient. Comme l'a souligné SEARLES (1959) l'équipe n'a pas besoin d'être poussée vers un type d'approche soi-disant consistante du patient, mais elle doit maintenir la communication en dépit de sa polarisation. Cela aide le patient à intégrer de tels clivages à l'intérieur de lui-même.

Avec cet éclairage, on peut être long à redistribuer des thérapeutes ou d'autres membres de l'équipe au patient, à cause de la forte détestation de ce dernier envers eux. Il est souhaitable qu'un superviseur ou quelqu'un de l'extérieur de l'équipe immédiate du traitement puisse aider à redistribuer dans la mesure où la requête de changement du patient est raisonnable. Si le patient refuse de voir ses parents, il est important que l'équipe maintienne le contact avec eux jusqu'à ce que le patient soit prêt à reprendre les visites.

Le clivage est un concept difficile tant qu'on n'est pas familiarisé avec lui cliniquement. Je crois qu'il compte, avec sa répression dans les névroses, parmi les plus importants concepts dans la compréhension des patients schizophrènes ou border-line.

Projection

Ce mécanisme primitif sert à débarrasser d'un sens de " mauvaiseté " en expulsant celle-ci et en attribuant cette qualité à quelqu'un d'autre. Les affects intolérables pour le patient, tels la colère, sont projetés sur les autres.

Il est important que ceci soit différencié d'un niveau plus élevé de fonctionnement impliqué dans le transfert. Le psychothérapeute, en composant avec la projection, doit accepter les aspects projetés du patient. Le patient sera ensuite capable de réintrojecter à travers une identification avec le thérapeute.

Puisque la projection implique toujours de très près un élément délaissé dans la réalité, ceci n'est pas difficile pour le thérapeute, par exemple, de reconnaître qu'il est en colère lorsque le patient projette sa colère sur lui. En acceptant cela, le thérapeute aide le patient à accepter la colère qui est en lui. Plus tard, on peut aider le patient à identifier comment il projette ses sentiments sur les autres et, de cette façon, à reconnaître les aspects de lui-même qui sont à ce moment là inacceptables.

Confusion et pauvreté de l'épreuve de la réalité

L'ensemble de l'appareil perceptuel du petit enfant qui n'est pas développé, avec son défaut de différenciation et d'intégration, ne possède que des fonctions du moi rudimentaire, comme le développement du sens du temps.

Un patient peut utiliser la confusion pour se défendre contre l'anxiété envers les conflits sexuels ou les affects (par extension certains patients qui, après avoir éprouvé l'expérience d'une forte quantité d'anxiété, lorsque tout cela a disparu du champ, brusquement deviennent clairs). Il est important que l'équipe mette en évidence la réalité et les identifications incorrectes.

Quand le patient appréhende la réalité pour de bon, il est également important que sa perception soit confirmée par l'équipe. Des directives écrites et des repères, un emploi du temps avec des habitudes régulières pour les patients sont nécessaires pour que les situations deviennent claires et simples.

Les changements fréquents d'interlocuteurs sont perturbants. Même la remise en place des meubles dans une chambre, ou le fait que le thérapeute occupe une place différente peut rendre la situation du patient plus difficile. Il est impératif que les questions abordées au cours d'un entretien puissent être faciles à suivre pour le patient.

Impulsivité

La capacité à différer dépend du développement des processus secondaires et de la formation du moi qui en est seulement aux premiers stades chez le petit enfant. Ultérieurement, l'enfant est capable de remettre ses objectifs à plus tard et de réellement mettre en route des stratégies pour s'en approcher.

Les impulsions du patient nécessitent qu'on mette en place des limites solides, des emplois du temps concrets et des travaux avec des activités supervisées.

L'équipe doit assister le moi du patient en composant avec ces impulsions. Les autres patients de l'unité peuvent participer en contrôlant le patient jusqu'à ce qu'il soit capable de se contrôler lui-même.

Maintenir quelqu'un physiquement dans un espace qu'on peut fermer peut être nécessaire dans le cas d'un patient qui est enclin à fuguer ou a perdre son contrôle. L'équipe ou les autres patients servent de modèles pour des réponses réfléchies, pensées, en tenant compte de ce qui peut survenir ou se dégager.

Quelquefois, si la famille semble être un élément qui entraîne le patient à agir les impulsions de la famille, précisément, le travail engagé d'un service social, ou la thérapie familiale peuvent aider à la compréhension de la dynamique de ces problèmes et participer à leur résolution.

Agressivité relativement mal neutralisée et pulsions libidinales

Encore une fois, l'éventail des possibilités de régulation est rudimentaire et des réactions de rage peuvent survenir. Cliniquement, nous pourrions voir une hyperactivité, des agressions caractérisées, une excitation catatonique (ou son contraire, la rigidité et l'absence de mouvement), des passages à l'acte anti-sociaux, la masturbation affichée, un comportement qui consiste à offrir en tant qu'homosexuel et une impulsivité hétérosexuelle. L'équipe doit veiller de très près à surveiller le patient de manière à ce qu'il ne fasse pas de mal ni à lui, ni aux autres.

Il n'y a pas à encourager l'hyperactivité et le thérapeute peut mettre des limites très sûres ; même lors d'une extrême perturbation, il peut utiliser des enveloppes humides, l'isolement et les médicaments à visée tranquillisante.

En même temps, l'activité et le message de l'équipe peuvent encourager la participation à des activités dans lesquelles la sublimation entre en compte, telles les activités récréatives et l'ergothérapie dans la mesure des possibilités du patient à participer. La " danse-thérapie " peut être un moyen efficace d'expression et canaliser l'agressivité et aussi de dépasser à la fois des peurs liées à la sexualité et des conduites agressives.

Méfiance

Ce mot est supposé comprendre : la suspicion, le repli sur soi et la timidité en société.

Selon ERIKSON (1956), la distinction entre la vérité et le mensonge est le premier stade du développement psychosocial. On peut voir que la peur des autres chez le petit enfant est mélangée à de la curiosité et au désir d'aller vers les autres. Avec les patients régressés, les formes de la vérité sont tout à fait fondamentales dans la toute première rencontre avec l'équipe. Quelqu'un peut, par tous les moyens, éviter la déception. Les sujets d'inquiétude mutuelle dans cette vie de l'unité sont discutés ouvertement lors des réunions de la communauté. Souvent, le premier objectif peut être l'établissement d'une relation de confiance avec une ou deux autres personnes et, à partir de cette base là, le patient pourra être aidé à établir des relations avec le reste de l'équipe et les patients. Il est important que tout changement ait lieu au rythme du patient plutôt qu'à une vitesse qui satisfait les besoins d'une équipe trop passionnée. Le thérapeute doit être digne de confiance et avoir confiance en sa propre identité en tant que thérapeute.

Discours préverbal ou discours verbal précoce

Le patient psychotique régressé va souvent accorder plus de crédit à la communication non verbale passant par les gestes, que dans le contenu verbalisé d'un discours. L'équipe peut se baser sur la gestuelle et la communication non verbale quand le patient est muet, ou communique de manière désorganisée. On pourrait se demander en quoi le mutisme ou le discours désorganisé est en relation avec la période qui précède le discours organisé chez l'enfant, mais il y a des parallélismes. Généralement, lorsqu'on communique avec les patients régressés par les moyens verbaux, il est nécessaire de retenir des phrases très brèves. De grands paragraphes ont très peu de chance d'être entendus. Avec le patient mutique, l'équipe souhaiterait inviter à une communication comportementale et gestuelle, plutôt que d'espérer une réponse verbale.

Pour ces raisons, dans la supervision de la psychothérapie, il est difficile de faire un rapport sur un patient mutique, jusqu'à ce que le thérapeute ait l'impression de subir des pressions pour amener un contenu verbal échangé au superviseur. Il est préférable de suivre un autre cas et de mentionner la description du non verbal, occasionnellement, au superviseur, dès que le patient commence à parler.

Perte du contrôle sphinctérien

Cela nous ramène à une période précédant celle du contrôle de la vessie et des intestins du petit enfant. Si cette phase se prolonge, cela éprouve parfois la patience de l'équipe soignante. Il est important d'être sûr qu'il n'y a pas d'étiologie organique de cette perte de contrôle. La meilleure approche est simplement de nettoyer, ou bien alors d'inviter le patient à aider à nettoyer sans lui faire honte. Réellement, ces évènements peuvent être de bons indicateurs de l'anxiété du patient. SCHWARTZ et STANTON (1950) ont bien dégagé comment la perte du contrôle sphinctérien chez le patient peut être liée à une tension vis-à-vis de l'équipe.

Distractivité (ou distractibilité)

Le parallèlisme manifeste ici, est la mesure de l'attention, très courte, dans la petite enfance. Dans le dialogue avec le patient, on doit avoir des communications franches et claires avec des instructions formulées très directement et un nombre minimal de choix. Avec le plus " distrait " de tous les patients, il peut être utile de se servir fréquemment de la chambre d'isolement, qui limite les stimuli et facilite les choses au patient, plutôt que de lui demander de faire face à des situations plus complexes de la vie quotidienne. Encore une fois, les communications peuvent être simples et brèves avec les objectifs précis, pour rétrécir le champ de l'analyse des problèmes.

Anxiété massive et panique

Le petit enfant est sujet à l'afflux d'apports massifs d'affects en relation avec l'organisation rudimentaire du moi. Avec les contrôles primitifs, il y a des vagues de sentiments intenses, positifs et négatifs. A chaque fois que le patient présente des problèmes qu'il trouve énormes et accablants " Je ne peux pas me débrouiller avec Noël ", une technique thérapeutique efficace consistera à mettre à plat une vaste question et à la diviser en parts dont on puisse faire quelque chose par le biais d'un questionnement thérapeutique. La vulnérabilité du patient à l'anxiété est omniprésente. L'anxiété n'aboutit pas alors à un signal qui pourrait déboucher sur une aide, mais elle envahit tout et si elle est sévère et peut conduire à la panique. Le psychothérapeute est sensé réussir à appréhender l'étendue de ce qu'il peut sensiblement observer et réguler le degré d'anxiété de son patient. Toutes les approches dont nous avons discuté ont été dans le sens d'éviter et de faire décroître l'anxiété quand elle est présente. On n'est pas sensé faire une brèche dans les défenses nécessaires, mais si une anxiété massive survient, des enveloppements humides, la chambre d'isolement et des médicaments à visée tranquillisante sont d'un grand secours.

C'est aussi un temps où les contacts physiques, toucher le patient, peuvent être très utiles. A chaque fois qu'on serre la main d'un patient perturbé, au début et à la fin d'une séance, on aide à diminuer l'anxiété. Le contact corporel avec les autres patients dans les activités récréatives et pendant la " danse-thérapie " peut être une mesure importante dans la neutralisation, ou l'élimination de l'anxiété intense.

Identification massive aux autres

Le nourrisson fait preuve d'une identification grossière comparable à une introjection par le biais de l'imitation des parents (JACOBSON, 1954). Le patient va imiter les autres patients ou les membres de l'équipe. Il peut aussi exprimer ses fantasmes en avalant ou en mordant les autres. Il s'agit là d'une tentative d'identification grossière et rudimentaire vue comme des mesures temporaires dans l'acquisition du sens d'une identité, qui peut être acceptée jusqu'à ce que le patient trouve une identité plus personnelle et des identifications plus raffinées. Les membres de l'équipe peuvent servir de modèles identificatoires en relative bonne santé ; il y a un bénéfice similaire en mélangeant des patients en meilleure santé et des patients régressés. Si tous les patients régressés et désorganisés sont isolés dans une unité séparée prévue pour des patients de ce niveau, cela tend à prolonger leur désorganisation.

Déni

Il est probable que le petit enfant utilise le déni pour effacer des expériences intolérables du monde interne et externe. L'équipe peut, patiemment et graduellement, mettre en évidence ce qui est dénié. Cela peut parfois être fait plus efficacement si d'autres patients de l'unité se rencontrant dans les séances de groupe et peuvent amener une confrontation avec le patient qui emploie le déni. Encore une fois, les membres de l'équipe, aussi bien que les autres patients, deviennent des modèles auxquels le patient peut s'identifier en communiquant et en acceptant leur propre colère en face d'un patient qui dénie fermement sa colère. FREUD (1961) a mis en évidence le mécanisme par lequel on peut, dans un premier temps, admettre les choses par leur négation. Quelquefois le thérapeute ou la personne de l'équipe peut obtenir une grande quantité d'informations sur le contenu de ce qui est dénié en découvrant ce qui est au plus loin de l'esprit du patient, ou une chose dont il est sûr qu'elle ne peut rien dire : " Je sais que la femme de mes rêves n'est pas ma mère ".

Il est probable que le nourrisson utilise le déni pour effacer les expériences intolérables du monde interne et du monde extérieur. L'équipe doit patiemment et graduellement pointer ce qui est dénié. Cela peut être fait plus efficacement si d'autres patients dans l'unité se rencontrent dans des séances de groupe, peuvent amener une confrontation au patient pris dans son déni. Là encore, les membres de l'équipe, aussi bien que les autres patients, deviennent des modèles auxquels le patient s'identifie en communiquant et en acceptant leur propre colère en face d'un patient qui dénie, par conséquent, sa colère. FREUD (1961) pointait le mécanisme par lequel on admet, dans un premier temps, les choses à travers leur négation. Quelquefois le thérapeute ou l'équipe peut obtenir des éléments importants d'information à propos du contenu de ce qui est dénié en découvrant un contenu dont il est sûr qu'une certaine chose l'exclut " Je sais que la femme de mes rêves n'est pas ma mère ".

Vulnérabilité de la perte du sens du soi

La description clinique de l'expérience de la perte de son propre sentiment de soi est plutôt difficile à transmettre. Nous voyons souvent les défenses contre une telle expérience de perte. Quelquefois c'est une expérience de dépersonnalisation ou d'une sensation d'engouffrement dans une autre personne ou d'un sentiment de transparence avec une perte de sens de l'intimité ou des limites.

La référence la plus précoce de ce phénomène est celle de Victor TAUSK (1933) dans son concept de " perte des limites du moi ". Plus récemment, Edith JACOBSON (1954) a amené une description métapsychologique très claire de la fusion des images du soi et des images objectables.

Le souhait du bébé de ne faire qu'un avec la mère, fondé sur des fantasmes d'incorporation orale de l'objet d'amour amène facilement une fusion entre les images du soi et de l'objet d'amour à chaque expérience de gratification, ou de contact physique, ou de proximité avec la mère, de l'enfant. Evidemment, de telles expériences de fusion avec l'objet d'amour sont toujours reliées à un éveil temporaire des fonctions de perception, c'est-à-dire d'un éveil du sens de la réalité et c'est avec un retour à un stade plus précoce, indifférencié.

Dans le même article, Edith JACOBSON reconnaît la contribution de HARTMANN avec le terme " représentations du soi ".

Dans un précédent papier sur la dépression... j'ai introduit une meilleure contribution métapsychologique de telles identifications pré-oedipiennes, primitives, le terme de " représentations du soi " qu'HARTMANN avait également suggéré. Ce terme, analogue au terme représentation d'objet, fait référence à notre concept mental du soi, c'est-à-dire aux images inconscientes et pré-conscientes de notre soi corporel et de notre personnalité propre.

Elle décrit également les bases des développements sous-jacents du clivage.

Durant la phase précoce pré-oedipienne " bonnes " et " mauvaises " images du soi et de l'objet d'amour commencent à être formées qui, loin de dépeindre la réalité, ne sont pas encore clairement distinguées les unes des autres et montrent la tendance facile à fusionner et à être de nouveau clivées.

Jeanne LAMPL-DE-GROOT (1963) discute des possibles contributions maternelles à la confusion du soi et de l'objet.

Chez les patients schizophrènes nous observons souvent des représentations de parties du corps propre comme séparées des autres parties, aussi bien qu'une fusion des frontières entre le self et le monde de l'objet. En d'autres termes, il y a un noyau de confusion entre la représentation du soi et la représentation de l'objet, et le besoin de ne faire " qu'un " avec la mère ne peut pas être obtenu de manière adéquate avec celui-ci. Une mère qui, se cramponnant à l'enfant, est incapable de le laisser développer sa propre personnalité... va entraîner l'arrêt du développement de l'enfant à ce point. Une mère très perturbée, confuse, égocentrique, distraite, ou passant rapidement de l'amour à la haîne, ne donne pas à l'enfant une image stable à incorporer. En conséquence, le développement des représentations d'objet tracées seront défectueuses. La confusion entre le soi et l'objet influence la fonction de l'épreuve de réalité. Un nombre d'autres fonctions du moi peuvent être excluses dans ce processus pathologique tout aussi bien. Le développement d'actions motrices est dépendant de sensations corporelles, y compris les expériences des mouvements passifs. Une mère perturbée, pas aimante, est incapable de tenir et de porter son bébé avec une attention aimante... Cela peut conduire à un manque de satisfaction dans la sphère motrice, résultant d'un développement pauvre de la motricité de l'enfant.

Les concepts de Margaret MAHLER (1968) ont été très clairement délimités et cliniquement illustrés dans son livre " La symbiose humaine et les vicissitudes de l'individuation ".

En conséquence, la représentation intra-psychique du monde contient des frontières pas claires entre le soi et l'objet. Ces frontières entre le moi et la chose restent déficientes et il en est de même pour les frontières et les connexions entre les parties du moi inter-systémiques.

Pour le patient schizophrène adulte, les conséquences spécifiques résultent soit du manque de sens du soi, soit de tentatives de prévenir ou de se défendre contre la fusion de la représentation du soi avec la représentation d'objet. Je vais faire la liste des groupes de phénomènes cliniques que je regarde comme une expression directe ou dérivée de cet objectif et commenter l'approche des traitements applicables au psychothérapeute et à l'équipe de manière générale.

Besoin excessif de stimuli

Ici, nous pouvons voir des patients impliqués dans des activités qui amènent des influx afférents le balancement, l'auto-agressivité, les conduites boulimiques, les conduites anormales, la compulsion à fumer, s'enrouer à force de crier, l'auto-mutilation, ou l'action de se taper la tête contre les murs.

Des manifestations mineures pourraient prendre les formes suivantes : se piquer la peau, se pincer, ou secouer des parties de son corps. L'approche du traitement, en plus de prévenir toute attaque contre soi-même, consiste à apporter un stimulus de substitut, ce qui dans notre culture peut habituellement être accompli plus aisément avec les femmes que les hommes. Peigner la chevelure de la personne, soigner ses ongles ou tout autre type de contact physique approprié suffira habituellement.

Les massages, les activités sportives sont également utiles. Du point de vue du psychothérapeute, on peut aider le patient à découvrir quelle catégorie d'évènements précipite l'anxiété dont le résultat se manifeste dans ce type de stimuli. Toute confirmation de l'identité du patient peut aussi faire décroître le besoin de stimulation de l'identité du corps. Par exemple, reconnaître la colère du patient plutôt que de l'ignorer confirmera son expérience du ressenti. Les signes d'amélioration surviennent quand il y a une décroissance dans ce besoin de stimuli physiques.

Incapacité de se voir séparé de l'environnement

Ici, le patient personnalise ordinairement les stimuli environnementaux et montre une " hyper-attention " à eux. L'avion qui vole juste au-dessus porte un message qui lui est destiné. Un oiseau à l'extérieur de la fenêtre a une signification particulière. Des articles de journaux ou la télévision font référence à lui. Par exemple, un patient était en train d'avaler tandis que la personne d'à côté s'abreuvait à la fontaine. Ce sont des exemples de l'égocentrisme mentionné plus haut. L'approche et le traitement consistent à encourager l'équipe et les autres patients, à pointer régulièrement et concrètement la séparation de tels évènements et leur absence de relation avec le patient. Avec la délimitation des frontières, vient la délimitation de la réalité qui est détériorée chez ces patients.

Hyper-réaction à des pertes de parties du corps

Il peut y avoir une angoisse énorme et une opposition avec le soin, tel que les examens de sang, faire une coupe de cheveux au patient ou lui couper les ongles. Quelquefois, le patient retiendra ses selles et ses urines parce que cela le concerne comme la perte d'une partie de son corps. Cela cause une gêne qui a la fonction secondaire d'un stimulus interne. Ces phénomènes ne devraient pas être pensés seulement comme le résultat d'une crainte de castration. Ils peuvent correspondre à des entrées dans la période phallique et oedipienne. Mais ils représentent aussi une inquiétude sur l'intégrité corporelle dûe au sentiment précaire chez le patient de ce que FREUD a appelé le " moi corporel ". Quelquefois, la procédure doit être remise jusqu'à ce que le patient accepte davantage la perte comme une fonction naturelle. Mais quand une intervention doit être faite, une information rassurante doit être donnée sur la nécessité réelle de l'acte.

Confusion de l'identité sexuelle

Les patients ne sont pas certains de leur identité sexuelle. Une femme pourrait se voir en rêve sous la forme d'un bébé de sexe masculin, ou bien elle pourrait employer une phrase comme " comme le ferait n'importe quel homme ". De même, en illustrant en propos, un patient de sexe masculin disait : " Si je participais à un concours de Miss Amérique... ". Quelquefois les patients vont considérer la moitié droite de leur corps comme masculine et la moitié gauche comme féminine. Ces patients demandent souvent à participer à des activités dans l'hôpital, qui sont investies ordinairement par le sexe opposé ; aujourd'hui, avec des attitudes modernes, on peut accéder à ces demandes sans s'en trouver embarrassé. Des hommes peuvent participer au cours de cuisine et de tricot. Des femmes peuvent faire de la tapisserie (rembourrage, etc...) et d'autres activités qui sont habituellement ou fréquemment tenues par des hommes. Lorsque des améliorations surviennent, le patient l'exprime en allant dans le sens subjectif de l'identité sexuelle plus stable, qui finalement, peut comprendre des éléments des deux facettes de sa bisexualité.

Expérience du patient confondue avec l'expérience des autres

Les patients croient souvent qu'ils peuvent lire dans l'esprit du thérapeute ou que le thérapeute peut lire dans le leur, comme si le patient était transparent et n'avait plus d'intimité durant ses expériences corporelles ou mentales.

Le patient est quelquefois muet ou relativement peu communicatif parce qu'il suppose que le thérapeute sait ce qu'il pense sans qu'il l'ait dit au thérapeute. L'équipe peut informer implicitement le patient de cette forme de pensée et peut encourager ses communications et décourager l'affirmation qu'il s'agit là de transmission de pensée. Les hallucinations peuvent être remises en question plutôt que de recevoir l'approbation tacite dans un silence de l'équipe.

Evitement des relations proches et intenses

La menace existe, pour le cas où le patient devient proche émotionnellement d'une autre personne, d'être avalé, engouffré, ou de cesser d'exister. C'est difficile à mettre en mots, mais le patient fait l'expérience d'une anxiété intense et d'opposition avec le point de vue. En conséquence, le patient peut éviter les engagements dans les relations, tendance qui justifie en partie le concept clinique de retrait dans la schizophrénie. Pour se protéger des rapprochements et des relations intenses, il aura fréquemment des relations superficielles avec un grand nombre de gens. Parce qu'il éprouve " la sécurité dans le nombre " avec bien des amis, mais pas d'intimité plus sérieuse.

Une telle diversité dans les attachements protège aussi contre la perte d'objet. Durant l'approche thérapeutique, les membres de l'équipe doivent être prudents, en ne mobilisant pas un patient prématurément, mais en lui permettant de développer sa proximité à son propre rythme. Dans la psychothérapie, on voit une séquence récurrente dans laquelle le patient à un mouvement de recul après un mouvement d'avancée vers une plus grande intégration avec le psychothérapeute, ou lorsque le thérapeute se montre chaleureux envers lui. Un des patients invente le terme " d'élastosité psychique " pour décrire le phénomène. Cette séquence peut être dans la provocation par le patient de la colère chez le thérapeute, pour restituer la distance. Ces patients demandent fréquemment à ce qu'on leur attribue un autre thérapeute si l'anxiété devient trop grande. Des améliorations surviennent lorsque le patient montre une capacité pour des relations plus intimes. Chez les patients profondément malades, cela prend très longtemps.

Confusion, désorganisation, ou délire paranoïde en tant que réponse à la séparation d'avec les autres

Les patients ne peuvent pas tolérer la perception du chagrin, de la culpabilité, de la colère, ou de la tendresse. Le patient montre une défense régressive, psychotique, dans sa symptomatologie, particulièrement en réponse à des expériences de séparation comme celles qui surviennent à la fin de la séance, ou des week end ou durant les vacances, ou si le thérapeute ou un membre de l'équipe est malade. Avec certains patients, la séparation peut être aussi minime que lorsque le thérapeute n'entend pas une remarque ou rêvasse, ou quitte brièvement des yeux le patient. Avec la réintégration du moi, le patient est capable de répondre avec des sentiments au lieu de la fragmentation. Des sentiments intenses peuvent être une marque d'amélioration avec ces patients, mais peuvent affoler ses proches qui trouvent le patient tout à fait suicidaire, plutôt que plus ou moins confus ou délirant, ce qui est plus agréable. Il est important que l'équipe et les proches comprennent qu'il s'agit d'une manifestation de progrès de manière à éviter de raccompagner le patient à sa position plus précoce de régression.

Lorsqu'ils sont compris, les signes d'amélioration provoquent une réassurance, comme au cours du travail et de la délivrance, lorsque la mère et son mari comprennent que les douleurs qui deviennent plus longues et plus rapprochées signifient que la naissance approche.

Identification erronée du Soi et des Autres

Le patient a des perceptions erronées de lui-même et des autres, souvent en rapport à des personnages importants du passé. Les réalités des différences d'âge, entre autre, sont ignorées. Par exemple, le patient déclare qu'il a connu un autre patient de l'unité alors qu'ils allaient à l'école ensemble, ou qu'il a rencontré le thérapeute précédemment dans un autre pays, ou au cours d'un voyage dans le passé. L'identification erronée représente une absence de perception claire de lui-même et un abandon à une reformulation de la réalité pour éviter l'anxiété. Il peut être nécessaire pour le patient de s'entendre dire clairement de manière répétitive qui il est et qui sont les membres de l'équipe. Il est important que quelqu'un ne s'approprie pas la perception erronée dont le patient soit l'objet. Autrement, toute discussion ultérieure sera sujette aux distorsions de ce principe erroné. Par exemple, si le patient pense que le thérapeute est un agent du FBI, toutes les questions ultérieures et les échanges d'informations seront distordus par la perception originale erronée.

Négativisme

Il y aura une séquence, comme l'évitement de relations proches, durant laquelle la compréhension du patient par le thérapeute ou par un autre membre de l'équipe sera vécue par lui comme une menace. Tout moment chaleureux, toute inquiétude, ou tendresse, exprimé de la part du thérapeute, ou bien du patient sera immédiatement suivi d'une tentative de négation du patient, provenant de la peur de l'engouffrement ou de la fusion. Quelquefois une nouvelle zone de clarté chez un patient qui est par ailleurs confus aboutira au même résultat. Le thérapeute peut expérimenter lui-même de la colère ou de la répulsion envers le patient, et si cette réaction est explorée, il trouve que le patient l'a provoquée pour créer une distance.

Pour illustrer l'exploration de ces phénomènes dans la thérapie, j'ai souvent utilisé la comparaison des patients et d'une bobine de film qui consiste en une série d'images en séquences. On regarde l'image où un certain sentiment, ou un comportement, ou une attitude apparaît et puis on retourne à l'image précédente qui peut l'avoir précipitée. Par exemple, le patient et le thérapeute pourraient trouver une expérience de disjonction, comme la colère ou le retrait, précédée par des sentiments de fort désir ou de rapprochement. Il est important que l'équipe comprenne la fonction du négativisme dans ce contexte.

Le négativisme assure la différenciation, mais amène aussi un moyen de continuer ce qui est relié. J'ai appelé ce lien négativiste " rechauffement par friction ". Il est crucial de ne pas le briser ou l'abolir à travers les efforts de l'équipe, y compris par l'usage de doses massives de tranquillisants, ou d'électrochocs, jusqu'à ce qu'une formation identificatoire rudimentaire se mette à fonctionner, une tentative d'assurer une différenciation du self et de l'objet. L'équipe devra plutôt permettre le négativisme et en même temps encourager le repérage du patient du moment où il l'utilise. De cette manière, le patient peut arriver à comprendre la fonction de son négativisme. Les tentatives du patient pour risquer d'autres voies pour supporter l'anxiété, conduisent en fin de compte à vaincre le négativisme. Le fait que le patient évite la thérapie par une posture négativiste ne doit pas être pris au premier degré par le thérapeute comme une évidence que le patient n'est pas près pour la psychothérapie.

Patient hypersensible aux intrusions des autres

Le processus dans lequel le thérapeute et les autres découvrent le plus à propos de la vie interne du patient, est construit à l'intérieur de la situation thérapeutique, processus que le patient expérimente comme une menace intrusive. Les patients deviennent consternés par le fait qu'ils déposent les armes devant le thérapeute, deviennent comme le thérapeute, ou n'ont rien qui subsiste d'eux-mêmes. Ils se plaignent de vivre dans un aquarium de poisson rouge et sont très protégés de la divulgation d'informations. Quelquefois les patients terminent abruptement une séance et s'en vont. Ils peuvent aller aussi loin pour s'absenter que de se rendre dans la salle de bains au moment du rendez-vous avec le thérapeute.

Durant l'échange verbal, le patient peut montrer une certaine prudence envers le questionnement d'une personne de l'équipe et souvent peut inverser le questionnement, essayant d'interroger le thérapeute. Ces patients refusent l'information et ont des secrets ou des pensées cachées du thérapeute et des autres membres de l'équipe. Le traitement demande l'exploration et la compréhension du but de ce refus plutôt que l'action d'administrer quelque chose.

Incapacité d'approuver ou de désapprouver le thérapeute

Le patient s'oppose et fait exception de presque tout ce que dit le thérapeute ou, à l'opposé, montre une adaptation excessive avec l'exposé du thérapeute. Dans les deux cas, le patient n'écoute pas, mesure ses idées, ou donne des opinions indépendantes en réponse au thérapeute. Cela sort d'un manque de sens clair du soi dans la relation à un objet. Pour le patient, ses opinions et celles du thérapeute peuvent coïncider ou différer entièrement selon sa capacité à discriminer.

Confusion des rôles

Dans la situation psychothérapeutique, le patient pourrait s'asseoir dans la chaise du thérapeute ou poser des questions à la manière du thérapeute. Ce n'est pas la même chose que le développement du patient de ses propres capacités d'observation et que son éventuelle conduite de sa propre psychothérapie. Plutôt, c'est une inversion des rôles, avec le patient se proposant d'analyser les rêves de l'équipe ou de conduire des séances dans lesquelles il écouterait les problèmes des membres de l'équipe.

Quelquefois une équipe sensible qui ne reçoit pas une supervision suffisante peut pousser un patient à se conduire dans ce sens, évoluant à travers le seul échange ouvert et la sincérité consistant en utilisant réellement le patient comme un thérapeute.

Ici l'approche du traitement est de mettre des limites à la tentative du patient d'inverser les rôles et de s'annexer son intérêt à explorer le contexte dans lequel cette inversion des rôles est survenue.

Contre-transfert de la part du thérapeute

Le thérapeute montre le phénomène du contre-transfert dans la phase symbiotique. Harold SEARLES a émis l'hypothèse qu'il s'agit là d'une phase normale dans le travail avec des patients qui n'ont pas résolu le lien symbiotique à la mère. L'utilisation du contre-transfert dans la psychothérapie a été mise en relief dans des articles de SEARLES (1961) et COHEN (1952). SEARLES, particulièrement, s'est montré très sincère en révélant exemple après exemple les expériences de contre-transfert, et comment elles ont été utilisées pour comprendre le patient schizophrène. Ces exemples de contre-transfert sont particulièrement siginficatifs durant la période symbiotique du traitement.

C'est évident lorsque le thérapeute rapporte une citation, et est ensuite dérouté lorsqu'il ne peut pas décider si cette situation est une des siennes, ou produit du patient.

Un résident en Psychiatrie se suprit à questionner un patient à propos de l'Ecole de Médecine alors que le patient, en réalité, était allé à l'Ecole de Droit. Les membres de l'équipe voient le thérapeute comme " trop investi ", ou le thérapeute peut réaliser ceci par lui-même en remarquant des lapsus, surtout en supervision quand il parle du patient comme de lui-même et mélange les pronoms : quelquefois la séance peut dépasser l'heure, avec un thérapeute complètement ignorant de l'heure à laquelle la séance devait être terminée. SEARLES voit ce contre-transfert non pas comme quelque chose qui doit être évité ou avorté, mais comme un phénomène naturel. Eventuellement, le thérapeute et le patient font la différenciation durant le traitement. J'ai trouvé que lorsque cette différenciation avait lieu, le patient voit souvent le thérapeute changé dans son attitude et se plaint quelquefois que le thérapeute prend moins soin de lui.

Besoin d'accentuer l'inégalité du patient et du thérapeute

Le patient accentue de manière répétitive ses différences par rapport au thérapeute, dans des domaines tels la religion, le sens, l'intelligence, la compétence, le système de valeur, l'approche du traitement, etc...

Encore une fois, le thérapeute et l'équipe doivent reconnaître la réponse séquentielle comme un besoin d'assurer la différenciation plutôt que de partir dans des démonstrations à propos de l'importance des différences, ou du fait qu'elles représentent certains préjugés résiduels du patient. Même lorsque les caractéristiques du transfert sont présentes, il est essentiel ici de donner priorité au fait de composer avec la fonction de cette séquence en termes d'angoisse provoquée par la fusion du soi et des autres.

Vulnérabilité à la perte d'objet et à la séparation

Le phénomène décrit précédemment, de différenciation inadéquate du soi et de l'objet est inévitablement lié à des problèmes de constance de l'objet. Les patients ayant ces problèmes semblent incapables de tolérer l'anxiété réveillée par la séparation ou la perte. Ils grandissent souvent avec un évitement de l'implication de type schizoïde, de manière à s'épargner l'expérience de la perte, en plus de l'expérience précédemment décrite de la menace de l'engouffrement. Ce qui distingue particulièrement ces patients du patient de type dépressif est qu'au lieu de la dépression en réponse à la perte et la séparation, on rencontre une fragmentation psychotique plus régressive et plus désorganisée.

Désormais, la dépression est un indicateur favorable du pronostic et de l'amélioration au cours du traitement. Le patient réagit avec une réponse organisée et cohérente de dépression et de chagrin lorsqu'il y a des séparations, comme la fin d'un rendez-vous, l'interruption causée par un week-end de vacances, ou le départ d'un autre patient ou d'un membre de l'équipe à l'extérieur de l'unité.

Fréquemment, les membres de l'équipe, particulièrement les nouveaux thérapeutes, dénient leur importance vis-à-vis du patient. Désormais, c'est souvent qu'ils ne reconnaissent pas les liens entre la perte ou l'interruption et des réponses comportementales de la part du patient. Si cela persiste, il peut y avoir un déni du contre-transfert du fait du terrain spécifique de la personne de l'équipe et de son propre besoin d'éviter de devenir averti de la séparation ou de la perte, ou d'avoir les autres qui sont dépendants de lui.

Un critère important de l'efficacité de la thérapie en se débrouillant avec les patients schizophrènes est sa capacité de composer avec des affects intenses du patient. Initialement, ses affects sont vraisemblablement générateurs d'hostilité et haîneux à un degré meurtrier. Après que le patient s'améliore à travers le stade de la régression psychotique et de la désorganisation, il montrera souvent des sentiments intenses tels être sans l'aide de personne, être sans espoir, et de solitude. Ils ne doivent pas non plus être accrochés prématurément au patient par le thérapeute dans sa propre anxiété de l'impatience, ni évités et autorisés à avoir lieu sans être reconnus. Le patient, au lieu de recourir à des formes plus régressives de clivage, déni, projection, confusion et désorganisation, a maintenant progressé jusqu'à ce point du traitement où il montre un moi suffisamment organisé pour expérimenter la dépression et le désespoir. Plutôt que d'être une indication à l'utilisation de médicaments antidépresseurs et d'électrochocs, cette dépression est vue comme une phase qui doit être traversée en thérapie. Le thérapeute a besoin du support d'un superviseur dans la manipulation de ses tendances contre-transférentielles pour essayer de faire quelque chose par rapport à la dépression plutôt que de la traverser avec le patient. Le thérapeute et les autres membres de l'équipe doivent continuer avec le patient durant cette expérience, en toute probabilité de ressentir une incapacité à prodiguer beaucoup d'aide directe au patient. De cette façon, l'équipe expérimente un sentiment d'impuissance et d'incompétence avec le patient, excepté qu'ils ont quelque espoir d'un résultat positif pour lui dans le futur. Bien sûr, cela aide le thérapeute d'avoir eu précédemment un patient qui a traversé cela et est ressorti de l'autre côté. Mais avec chaque cas, le thérapeute expérimente le même sens de la futilité et du doute. Il doit, par dessus tout, éviter de s'occuper en administrant des médicaments antidépresseurs, des électrochocs et d'autres mesures qui termineraient le travail d'accompagnement à travers cette phase dépressive.

Manifestations spécifiques de la vulnérabilité à la perte

Comme il a été décrit précédemment, le patient peut montrer une désorganisation du moi régressive et psychotique en réponse à la perte et à la séparation, même au point de devenir une panique. Nous tentons de faire avec en apportant une continuité dans les relations et en ayant l'admission et la fin de la prise en charge dans la même unité clinique.

Nous tentons également d'assigner un thérapeute qui peut continuer la relation pour deux ans ou plus, si nécessaire. Tout programme résidentiel organisé dans une unité de soin et introduisant le thérapeute pour seulement six mois ou un an avec de tels patients participe au problème des angoisses quant à la perte et les solutions de continuité dans le traitement. La survenue répétée de changements de ce type peut être suffisante pour décourager le patient en permanence de former de nouvelles relations thérapeutiques. Quand des absences doivent survenir, le patient reçoit toujours une information claire à propos de leur necessité et des substituts intérimaires sont introduits. Ce n'est jamais justifié d'être malhonnête dans les détails dans un effort de faussement réassurer le patient. De l'autre côté, nécessairement, des interruptions relativement brèves fournissent l'occasion de travailler les sentiments à propos de la perte.

Au fur et à mesure que le patient progresse de la désorganisation vers la dépression, ou avec d'autres manifestations d'amélioration, il y a presque toujours de l'anxiété à propos du changement. Cette peur du changement peut aussi se retrouver à l'intérieur de l'équipe, surtout si le changement est précipité et dramatique. L'équipe en vient à éprouver de la méfiance vis-à-vis du changement, et la question de savoir si oui ou non le patient " cache sa maladie ".

L'anxiété du patient semble être concentrée autour de l'abandon de son monde psychotique avec lequel, malgré toutes ces horreurs, il s'était accoutumé et aussi son appréhension à s'adapter à de nouvelles demandes de responsabilité. Au total, il y a une perte anticipée du thérapeute et du reste de l'équipe lorsqu'il guérit. Pendant que nous pourrions ordinairement regarder le patient comme vivant bien le changement qui survient avec l'amélioration c'est réellement des attitudes fréquemment ambivalentes à propos du changement lorsqu'il survient. Les patients à qui l'on donne des responsabilités accrues vont fréquemment revenir à d'autres symptômes ou à des transgressions des règles qui aboutiront à l'instauration, de nouveau, d'une plus grande supervision par l'équipe. Pendant que l'équipe peut se mettre en colère ou se décourager par rapport à cela, ce qui nécessite d'être mis en relief et exploré sont les aspects dynamiques par rapport à l'anxiété et leur relation au changement et à la perte.

Un autre grand trait spécifique du sens de la perte est reflété dans l'accrochage du patient à des possessions physiques, qui peuvent être des vêtements, une poupée, ou d'autres articles, y compris des parties du corps comme les urines, les fécés ou les menstrues. Ces articles deviennent, dans un sens, comparables à l'objet transitionnel du petit enfant (WINNICOTT, 1953), seulement à ce niveau ils deviennent une partie d'un self corporel transitionnel. L'équipe peut avoir à temporiser et augmenter avec cette situation pendant un moment jusqu'à ce que le patient travaille ce point et puisse aller au-delà.

Finalement, d'autres aspects de la perte sont centrés autour de l'évitement de son expérience. Cela peut être fait directement par le déni, mais aussi à travers l'usage de drogues illégales pour faire partir la dépression, à travers des tentatives de terminer des relations avant qu'on soit abandonné des autres et par le retrait schizoïde pour prévenir l'expérience de l'attachement.

Perturbation dans l'estime de soi

Pendant que chacun est sujet aux appréciations réfléchies des autres et répond en accord avec son niveau d'estime de soi, c'est finalement le processus interne qui fonctionne comme un mécanisme régulateur des valeurs du soi et des appréciations de l'estime de soi. Il importe de repérer ce qu'on accomplit ou ce qu'on n'accomplit réellement pas, mais l'objectif crucial est comment on mesure cela contre certains modèles internes. Si les modèles internes sont perfectionnistes et extrêmes, alors une personne va regarder presque tout ce qu'il fait comme un échec à achever.

Dans des cas sévères, nous voyons un balancement entre le sentiment d'être complètement inutile et sans valeur à des fantasmes intimes, ou même des hallucinations, d'être un génie avec des pouvoirs d'omniscience et d'omnipotence.

Les concepts de KOHUT (1971) du trouble de la personnalité narcissique sont extrêmement valables comme arrière-plan pour comprendre les phénomènes cliniques impliqués dans le traitement du narcissisme.

Tandis que je trouve ses concepts pour ces patients très justes et très lumineux, je ne partage pas son pessimisme au sujet des patients psychotiques, ni n'accepte le degré de fragmentation qu'il suppose. Au contraire, je vois ses recommandations à propos des aspects narcissiques du patient névrotique comme applicables au patient psychotique, avec quelques modifications. En bref, il recommande d'éviter une attitude critique et dérogatoire envers les aspects narcissiques du patient et les aspects de l'idéalisation dans le transfert qui se développent tout au long de la désillusion que le patient expérimente. Son approche développe une intégration des éléments grandioses et exhibitionnistes. Je pense qu'il est utile d'inclure cette approche dans l'approche des aspects narcissiques du patient psychotique, excepté que quand ces aspects deviennent délirants, on peut pointer au patient psychotique le degré de leur distorsion narcissique. Une comparaison similaire peut exister dans le traitement des patients avec les conflits à propos de la colère. Comme avec les patients névrotiques, nous ne voulons pas réprimer la colère d'un patient psychotique, ni la dénier, mais devons au lieu de cela tenter de développer une conscience plus grande de la colère ; avec le patient psychotique, de toute manière, nous devons pointer spécifiquement toute idée délirante à propos des effets destructeurs de sa colère ou de ses idées colériques.

Le patient qui est très perturbé dans l'estime de soi peut montrer un clivage entre " bons " et " mauvais " aspects de lui-même ou peut montrer des fluctuations rapides entre l'un et l'autre. C'est en relation avec le clivage primitif des concepts du soi du nourrisson entre bon et mauvais.

Durant les périodes de baisse de l'estime de soi d'un patient, ces attitudes pourraient cohabiter avec des attitudes surmoïques archaïques, primitives et agressives aboutissant à l'auto-mutilation ou à l'auto-castration. Chez de tels patients, le surmoi est rudimentaire et primitif, reflétant les attitudes de danger plutôt que les désapprouvant. Durant cette période, il est essentiel pour l'équipe de prévenir le patient de l'auto-mutilation et du suicide, ou bien ils ne peuvent pas assumer la totale responsabilité de ce patient. Ils tendent, plutôt, à travailler avec cet aspect du patient qui veut progresser. Des changements dans les attitudes du surmoi primitif surviennent lentement, à travers des identifications au thérapeute, l'équipe, et les autres patients.

Le traitement des problèmes dans la baisse de l'estime de soi demande une double approche. Extérieurement, l'équipe procure des champs d'activités qui maximisent la probabilité de l'entrée des patients en compétition et du succès de l'accomplissement. Dans le même temps le thérapeute peut concentrer ses efforts psychothérapeutiques sur les aspects internes du problème, c'est-à-dire sur les aspects narcissiques du patient et sur les éléments internes d'appréciation. Les membres de l'équipe peuvent reconnaître la tendance concomitante du patient vers l'idéalisation des autres et lorsqu'ils devraient souhaiter se réchauffer à cette idéalisation, il est important de comprendre cela comme un aspect non résolu du développement narcissique du patient.

Conceptuellement, il pourrait être utile de penser de l'approche psychothérapeutique décrite plus loin qu'elle est un processus comparable à l'étude de l'embryologie. Dans cette dernière discipline, on observe le développement longitudinal de l'organisme et on comprend le modèle de développement qui s'est déroulé pour produire son stade courant de la morphologie. C'est, après tout, la base du concept d'ERICKSON (1956) du " principe épigénétique* ". Nous prenons des échantillons des attitudes du patient, de sa conduite et de sa psychologie globale en coupe transversale, à travers sa mémoire de son histoire depuis des époques différentes dans son passé, ses interactions courantes avec les autres et ses manières de se relier au thérapeute dans les séances. Nous tentons d'intégrer cela dans une totalité longitudinale donc il peut comprendre comment son développement s'est déployé et comment il en est arrivé à ce qu'il est, y compris une compréhension du déraillement de certains de ses processus développementaux et les résultats distordus.

TECHNIQUES SPECIFIQUES DANS LA PSYCHOTHERAPIE DES PSYCHOSES

Jusqu'à présent j'ai conceptualisé le phénomène psychologique primitif comme il apparaît cliniquement avec les patients perturbés et régressés. En même temps que cela j'ai présenté un échantillon des réponses thérapeutiques de la part de l'équipe. Il devrait être compris que dans le même temps le psychothérapeute est aussi en train de composer avec les conflits, les défenses et les phénomènes psychologiques à un niveau plus élevé, plus que l'on ne pourrait affronter cela et travailler avec pour des patients névrotiques. Bien sûr, il y a un double emploi assez large dans certaines de ces techniques. J'aimerais maintenant résumer quelques unes des choses spécifiques que le thérapeute fait en psychothérapie, particulièrement en traitant les patients psychotiques.

Mettre en relation le passé et le présent

Le thérapeute écoute le passé et l'applique au présent. Il s'agit simplement d'appliquer le vieil adage selon lequel quand le patient parle du passé, le thérapeute doit essayer de penser à son application au présent ; et quand le patient parle du présent, le psychothérapeute doit voir comment il est relié au passé. De cette façon il aide à intégrer des aspects variés, déconnectés, des expériences du patient, du passé et du présent, ce qui est particulièrement valable avec les patients psychotiques qui montrent une fragmentation et le manque de la fonction de synthétisation et d'intégration.

Intégrer les expériences de l'extérieur avec les séances de traitement

De la même manière, le thérapeute écoute le patient raconter des évènements en dehors de la séance et essaie de penser à la manière dont cela pourrait être appliqué à la thérapie. Réciproquement, quand le patient parle de choses qui arrivent pendant la séance, le thérapeute doit écouter comme des indications comment cela pourrait s'appliquer en dehors de la situation thérapeutique. Le thérapeute doit s'enquérir des aspects variés des problèmes du patient avec les autres membres de l'équipe et les patients, et tenter d'inégrer ces expériences " extérieures " avec ce qui continue dans les séances du traitement. Synthétiser pour le patient des aspects apparemment déconnectés de son expérience tend à neutraliser le clivage et la fragmentation. Dorénavant, il sera souvent utile au patient que le thérapeute fasse un résumé des comptes rendus et des commentaires, plutôt que d'assurer que le patient organise mentalement ses expériences de lui-même.

Ecouter et interpréter à différents niveaux

Le thérapeute écoute à différents niveaux. La nature de l'interprétation avec les patients schizophrènes s'est déplacée par rapport aux interprétations très étroites et spécifiques " symboliques " ou " directes " de ROSEN (1947) vers une approche interprétative plus holistique. Je crois que c'est venu principalement à la psychologie du moi, à son développement et à son application et aux concepts structuraux. Depuis le papier de WAELDER (1936) sur " le principe de la fonction multiple ", le thérapeute tend bien plus à penser à un élément de comportement comme relatant la réalité, le surmoi, l'idéal du moi, les défenses du moi, les conflifs, les conduites et l'adaptation, le tout en même temps. Quoique le papier de WAELDER soit apparu il y a environ quarante ans, il n'a pas reçu une force suffisante, spécialement dans le travail avec les patients psychotiques, jusqu'à récemment.

Maintenant, remercions cette influence, il y a une plus grande force dans les processus et dans la séquence de l'apparence dans l'interprétation d'un symptôme, l'anxiété ou la défense qu'il y en a dans le contenu. Par exemple, pour un patient mentionné précédemment qui faisait des demandes itératives pour que l'on diminue ses tranquillisants, il y avait une possibilité que l'intérêt de sa médication parentérale était d'indiquer une peur de quelque chose de " mauvais " qui était né à l'intérieur de lui ou que cela puisse entrer en conflit avec son souhait de médication per os. Au lieu de cela, le but appartenait au fait qu'il se plaignait de sa médication à ce point du traitement où il commençait à se sentir plus proche du thérapeute et était menacé de la perte de son identité du moi. Ce processus de combattre le rapprochement a été répété dans d'autres aires de vie (manger la salade avec ses doigts pour rejeter sa mère ; ne pas nettoyer sa chambre pour ennuyer l'infirmière référente).

Permettre au patient de déployer la thérapie

Le thérapeute permet au patient de déployer la thérapie pour son propre compte et facilite grandement ce processus, mais d'une manière active cela demande d'être vigilant au matériel et dans le même temps, capable de suspendre des conclusions prématurées à propos de ce qui est rapporté ou observé. Pour le thérapeute, c'est presqu'une manière de réglage et d'être sensible au fait que le patient soit prêt à écouter. Par exemple, la compréhension du thérapeute qu'une réponse du patient dans la dépression plutôt que dans la confusion est un signe de progrès ne doit pas le conduire à retirer la dépression prématurément ; au lieu de cela, il doit rester attentif à l'apparence de la dépression et ne pas être alarmé ou surpris quand elle survient.

Agir comme un support du moi

Le thérapeute apporte un " éclissage " pour un moi fracturé. Là, il compose avec la régression du patient en essayant de renforcer les fonctions manquantes du moi ou en procurant des substituts, à travers l'utilisation de sa propre observation et de sa capacité d'intégration. Quelquefois la question se pose de savoir si la régression en elle-même est un trait valable du processus thérapeutique. Notre réponse est que ce n'est pas la survenue de la régression elle-même qui est thérapeutique, mais ce qui en est fait en terme d'apprentissage du patient à partir d'elle. En principe nous n'avons pas à induire la régression, elle surviendra comme une réponse naturelle à l'anxiété et le thérapeute sera alors préparé à en venir à bout quand elle survient. L'un des avantages spécifiques de la situation de l'hôpital est que cela autorise le thérapeute à traiter avec des objectifs tels que celui-là qu'il ne prendrait pas le risque de soulever avec un patient de consultation.

Eduquer le patient à observer

Le thérapeute éduque le patient à observer. Eventuellement, le patient peut apprendre à prendre la suite de beaucoup des choses que le thérapeute fait dans cette liste des fonctions thérapeutiques. Le patient apprend comment remarquer les séquences qui surviennent dans sa propre pensée et ses propres sentiments. Il apprend à utiliser l'anxiété comme un indicateur plutôt que d'essayer de l'oblitérer et d'obtenir le soulagement. Le but final de la thérapie est pour lui de prendre la responsabilité de lui-même.

Servir de modèle pour le patient

Le thérapeute devient un modèle pour le patient. Dans les séances de thérapie il fonctionne comme un enquêteur curieux et " dépassionné " dans les phénomènes de la vie du patient. Il écoute avec la liberté de ne pas avoir à faire quelque chose immédiatement à partir des choses qu'il entend. Il peut, de toute façon, avoir des réactions affectives qui deviennent apparentes au patient. Par moments, il révèle tout à fait ouvertement ses propres pensées et sentiments dans l'intérêt de la thérapie du patient. Alors, en parlant du thérapeute comme d'un modèle nous ne prétendons pas qu'il doive être un modèle d'objectivité.

Contrôler l'anxiété du patient

Le thérapeute contrôle l'anxiété du patient. Il doit être sensible aux degrés d'anxiété qui interfèrent avec le traitement. Il peut observer les défenses du patient et instruire le patient à observer sa propre anxiété et ses propres défenses, d'abord comme des indicateurs et plus tard pour savoir par avance quelle sorte d'évènements produiront de l'anxiété et certaines réponses défensives caractéristiques. Cela rend le patient capable d'observer sa situation et de répondre avec introspection davantage que d'une manière aveugle et automatique.

Poser des questions et y répondre

Une des plus fréquentes erreurs du thérapeute néophyte est de s'asseoir et de rester silencieux. Il est nécessaire de chercher de l'information et il est également nécessaire de procurer au patient des informations. Tout ceci, bien sûr, doit être fait avec une compréhension globale de ce qui arrive dans la thérapie à ce moment là. Le thérapeute pose des questions et quelquefois répond à des questions. Par moments, par exemple, explorer la nature de la question pourrait être plus indiqué que d'y répondre.

Contrôler la propre expérience du thérapeute

Le thérapeute doit contrôler sa propre expérience. Dans le prolongement de ce qu'il comprend lui-même, il est capable d'utiliser ses réactions comme des indications sur ce qui se passe à l'intérieur du patient. Bien que j'aie trouvé que certains thérapeutes étaient capables de traiter des patients même quand eux-mêmes n'avaient pas été analysés, c'est certainement une aide et au thérapeute et au processus thérapeutique, si le thérapeute a une compréhension étendue de lui-même.

La psychothérapie de patients perturbés peut être très stressante pour le thérapeute ; la connaissance de soi peut l'aider à venir à bout du stress.

Traiter avec les mécanismes de déni, clivage et évitement

Le thérapeute doit traiter avec les efforts du patient à dénier, cliver et éviter. Ces mécanismes seront souvent présents en parallèle par des mécanismes similaires chez le thérapeute pour éviter les questions qui ont de l'intensité pour lui, comme une séparation pendant les congés et les vacances du patient, ou des tragédies comme le suicide d'un patient. Bien sûr, le thérapeute doit être avisé de ses propres tendances à l'évitement avant qu'il puisse pointer les défenses du patient.

Trouver la sortie avec une conduite inappropriée

Le thérapeute trouve la sortie avec les assertions du patient quand bien même son silence communiquerait un consentement tacite. C'est surtout important avec le délire paranoïde et à chaque fois que les limites demandent à être posées. Le silence du thérapeute pourrait inciter le patient à dépasser ses limites plutôt qu'à intervenir une action et y penser. De la même façon, si un délire paranoïde n'est pas questionné, le patient peut ignorer ses propres doutes par rapport au délire.

Manipuler le niveau de défenses névrotiques

Le thérapeute doit savoir quand analyser le niveau de défense névrotique et quand le renforcer. Encore une fois, cette décision est une question de temps, de juger de telles variables comme la possibilité courante du patient de composer avec l'anxiété.

Mettre les problèmes en perspective

Le thérapeute aide le patient à briser des problèmes massifs en parties avec lesquels on puisse traiter. De la même façon, des aspects des évènements anticipés sont parfois condensés dans un amalgame confus et peuvent être placés dans la perspective rassurante d'un futur qu'on peut discerner, avec lequel on peut se débattre pas à pas.

Faire des interprétations

Tandis que je pense que la relation thérapeute-patient est un levier très important dans le travail avec les patients psychotiques, je ressens que c'est l'entière dimension du traitement. Le thérapeute peut aussi faire des interprétations.

Dans le passé, il y a eu une grande insistance de la valeur de la relation elle-même dans la psychothérapie. A un moment donné, moi aussi je caressais l'idée que les interprétations et les formulations proposées par le thérapeute étaient simplement des véhicules pour l'interaction et que c'était la relation qui était le facteur thérapeutique essentiel. De toute façon, j'en suis arrivé à sentir que lorsque la relation est vitale, l'importance pour le patient de la compréhension et de l'utilisation de cette compréhension pour faire des choix et remanier sa conduite est aussi crucial. Donc je suis en train d'insister pour dire que la relation n'est pas le seul facteur, mais personne ne doit sous-estimer sa valeur, surtout par extension dans le soin de patients en consultation externe

Couramment, je vois un certain patient environ une fois par mois. La combinaison de médicaments neuroleptiques et une vitesse très progressive, presque glaciaire dans le développement de l'introspection a suffi pour soutenir cet homme dans une situation de travail productive, avec seulement deux brèves hospitalisations durant les dix dernières années.

Quelquefois nous perdons de vue l'utilité de contacts aussi occasionnels ; mais ils peuvent être juste suffisants pour garder de telles personnes psychologiquement à flot. Je crois que la compréhension cognitive par le patient lui-même est un ingrédient essentiel pour son fonctionnement et que le thérapeute facilite cela à travers ses interprétations et ses confrontations. Leur brièveté est très importante du fait de l'incapacité de ces patients à suivre des formulations complexes. Comme avec tous les patients psychiatriques, le comptage du temps est très important, avec une priorité donnée au développement de l'introspection dans ces obstacles de la communication et la perception que nous regardons ordinairement comme une résistance.

Les principes énoncés ci-dessus de la technique de la psychothérapie conduisent à une extension qui peut être formellement dite et apprise à propos du traitement du patient schizophrène. Dans mon expérience, certains thérapeutes semblent être des thérapeutes " naturels ", mais presque tous bénéficieront de la maîtrise des outils conceptuels dans la compréhension des influences qu'ils s'efforcent d'exercer et des conséquences de leurs interventions. Je pense, néanmoins, qu'il n'y a vraiment aucun substitut d'expérience de la part de l'équipe. Cela prend habituellement plusieurs années de quasi " travail au jour le jour " avec le type de patient dont nous discutions précédemment avant qu'un thérapeute commence à se sentir chez lui dans la relation thérapeutique et que sa propre anxiété ne constitue plus une interférence majeure en relation avec le patient. Quand bien même cela pourrait être une comparaison simplifiée à l'extrême, je pense qu'il y a un parallèle dans le fait d'apprendre à conduire une voiture, lorsque le sentiment de conscience de soi et l'attention au détail deviennent finalement organisés dans un fonctionnement qui est donné, intégré, et automatique. De la même façon, l'expérience avec des catégories variées de routes et de conditions météorologiques et avec des saisons à accidents rendent le conducteur compétent, et en font un opérateur fiable pour la conduite automobile. Par analogie, c'est important d'avoir un noyau de personnes expérimentées et endurcies dans l'équipe de traitement. Nous pouvons alors ajouter de nouvelles recrues et des membres moins expérimentés.

PREPARATIONS POUR UNE SORTIE APRES LA PHASE HOSPITALIERE DE

TRAITEMENT

Il y a certains buts ultimes que j'aimerais voir le patient atteindre avant de compléter la psychothérapie, même si ce n'est pas nécessairement avant l'abandon de son statut de malade hospitalisé. Nous devons ne pas être trop perfectionnistes et en pratique devons souvent nous installer pour moins que cela. Ces objectifs à long terme pour le patient sont les suivants :

- Il a une compréhension de l'assaut de sa maladie comme une excroissance de son expérience de vie. Des fragments d'expérience déconnectés, isolés, peuvent alors être liés par des thèmes traversant sa vie.

- Il reconnaît les principales manières de se relier aux gens et les façons dont les autres lui répondent. Cela devrait inclure une perception de facteurs pré-conscients et inconscients.

- Il sera capable de permettre à une série de sentiments (colère, tristesse, affection, désir) d'entrer dans son champ de conscience. Le patient doit être capable d'accepter ses sentiments. Un corollaire est qu'il n'a pas besoin nécessairement d'agir de tels sentiments.

- Il sera familiarisé avec sa principale façon de travailler avec l'anxiété, et il comprendra la plupart de ses conflits et, par extension, leur origine. En considérant le concept du clivage chez les patients psychotiques ou border-line, de toute façon, nous devons reconnaître que leur connaissance des aspects réprimés n'est pas suffisante. Le clivage autorise à des expériences cognitives d'être portées à leur connaissance, dès lors séparées les unes des autres de manière à rendre la connaissance inopérante. L'efficacité du clivage comme une défense contre l'anxiété est comparable avec celle de la régression.

- Il a une certaine connaissance de son propre développement personnel à travers les différentes époques depuis son enfance jusqu'au présent.

- Il aura " arrondi " quelques uns des aspects non réalisés de ces ères du développement soit avec le thérapeute, soit avec d'autres. Par exemple, il devra avoir appris à traiter avec des efforts de compétition, ou il devra avoir l'expérience d'une intimité réelle et d'un attachement, en contraste avec la sorte d'interaction ritualisée qui coupe court au développement de la tendresse.

- Il a quelques impressions plus ou moins constantes du thérapeute comme d'une personne libre de distorsions majeures.

- Il est capable d'interpréter ses rêves. Il y a eu une attention croissante aux rêves du patient psychotique. Dans un travail précédent (SCHULZ et KILGALEN, 1969), j'ai décrit un exemple clinique dans lequel le patient commençait à rapporter des rêves après qu'il ait cessé de montrer des symptômes de la période aiguë des perturbations psychotiques.

Ces rêves exposent un contenu identique à celui de sa période psychotique perturbée et qui n'est plus disponible pour lui dans sa vie éveillée. Autrefois, il semblait y avoir quelques hésitations à travailler avec les rêves de la personne psychotique de peur que cela soit perturbant et disloquant pour lui. Nous sommes maintenant davantage prêts à reprendre ces choses avec le patient et nous enseignons aux résidents beaucoup plus à propos de l'interprétation des rêves.

Quelques objectifs plus proximaux sont énumérés ci-dessous pour aider dans l'évaluation du stade courant du programme global de traitement et à décider quand le patient est près à sortir de l'hôpital. Comme critères de sortie je proposerais la liste suivante :

- Le patient doit être capable d'assumer des responsabilités en dehors de l'hôpital. Après que le patient ait quitté la sécurité et la structure de l'hôpital, la récurrence de l'auto-destruction, l'extrême hostilité, la fragmentation du moi, ou tout ce qui rend nécessaire d'hospitaliser le patient dans le lieu initial ne doit plus être une probabilité.

- Il doit avoir une compréhension expérimentale de la manière dont la psychothérapie marche et être capable de l'exprimer à une autre personne. Ceci contraste avec de simples efforts tournés vers l'extérieur pour être " bon ", pour plaire aux autres dans le but d'obtenir une sortie.

- Il doit participer au processus de sortie lui-même, et peut avoir des projets adéquats pour la continuité du traitement dans l'après-coup.

La planification de la sortie est une part importante du processus de traitement et doit être faite soigneusement. Comme d'autres aspects du traitement, ce n'est pas quelque chose que l'équipe fait au patient ou pour le patient, mais quelque chose qui l'inclut lui, et il doit participer à la formulation du plan de sortie. L'équipe doit répartir les graduations de la transition. Quelquefois il peut se casser sur une marche décalée ; par exemple, c'est un changement majeur pour le patient sortant de l'hôpital de s'adapter à un nouveau lieu de vie. Par conséquent, il est important que le patient maintienne une continuité avec le même thérapeute ou continue le même travail ou les mêmes études. Plus tard, après que le patient soit bien établi dans ses nouvelles conditions de vie, un changement de thérapeute peut être évoqué. Des détails pratiques entrent en compte dans la désignation d'un nouveau thérapeute, comme la situation géographique, le fait que le patient soit retourné ou non à la maison, l'accessibilité des thérapeutes, et ainsi de suite. Quelquefois les patients (et même l'équipe) tenteront d'éviter les anxiétés créées par le processus de la sortie en avortant les plans de sortie à travers un départ abrupt. Les anxiétés de la récurrence des premiers symptômes qui se présentent durant ce processus de séparation donneront une occasion pour travailler les objectifs non résolus, y compris les vieilles réactions qu'on réveille de chagrin et de deuil. Si l'équipe comprend cela, elle ne sera pas alarmée et sera capable d'aider le patient à bénéficier du processus.

Cela devient parfois très difficile de savoir si les réactions du patients et ses angoisses sont simplement une réponse régressive au changement et à la séparation ou si elles représentent une indication comme quoi le patient n'est pas prêt à assumer des responsabilités à l'extérieur, et dans ce cas les plans de sorties peuvent être reportés ou revus. Généralement, dans notre expérience, les patient font mieux que les prédictions de l'équipe et particulièrement de leur thrapeute.

Je voudrais utiliser un exemple d'un effort d'un plan de sortie pour illustrer la différence entre ce que j'appellerais une approche " administrative " et une approche " psychothérapeutique ". Dans ce cas particulier, l'équipe avait décidé que le patient retomberait malade s'il retournait vivre dans sa famille. La famille et le patient avaient été vus ensemble en thérapie familiale, au titre d'une partie du programme de traitement, et il apparaissait qu'il y avait des modèles principaux de communications défectueuses. Cela a contribué à avoir un effet nuisible sur le patient. Certains membres de l'équipe étaient convaincus qu'il serait conseillé que le patient trouve un autre endroit pour vivre. Cela pouvait être, par exemple, une résidence thérapeutique, affranchie des problèmes de vie dans la famille. Je considérerais cette solution comme une approche administrative qui tenterait de changer la situation et qui pourrait être quelquefois la seule façon de traiter avec un problème. Au contraire, une approche psychothérapeutique serait de voir continuer le patient et la famille en thérapie familiale, suivant la sortie, dans un effort de résoudre les communications erronées et de provoquer des changements dans les membres de la famille plutôt que dans la situation. Ceci, bien sûr, altérerait la situation, mais indirectement. Avec une approche psychothérapeutique qui se concentre sur le processus et tente de procurer des changements dans la capacité du patient de se débattre avec une situation, il est plus probablement préparé à s'adapter à d'autres situations.

L'approche psychothérapeutique du traitement est basée sur une compréhension des distorsions transférentielles et sur le travail sur ces distorsions, ouvrant la personnalité à un égo relativement plus grand et un champ plus large d'options. La préparation pour l'ajustement de la vie en dehors de l'hôpital demande des aspects spéciaux des fonctions de l'équipe soignante, par exemple, les services sociaux et le conseil vocationnel. Le lieu de vie tel un appartement, une résidence thérapeutique, une famille d'accueil, ou d'autres arrangements apportent les ressources du service social. La préparation pour un emploi et l'assistance pour en trouver un peuvent être nettement facilitées par le conseil vocationnel et les services d'embauche. Tandis qu'a priori ces services peuvent sembler avoir peu de chose à faire avec la psychothérapie, ils sont parfois cruciaux en rendant le patient capable de franchir le grand pas des responsabilités augmentées qui sont prises de manière à amoindrir ses anxiétés, le rendant capable de développer à nouveau l'estime de soi, et lui donnant un rôle compatible avec celui des autres, qui vivent à l'extérieur.

Tandis que le patient schizophrène montre des améliorations symptomatiques avec des changements dans ses comportements manifestes, nous restons avec une incertitude dans la façon dont il reste un défaut du moi ou une faute dans la différenciation. Ce défaut persisterait sous la forme d'une vulnérabilité à une fusion de la représentation du soi avec la représentation de l'objet. Même si nous pouvons postuler pour un mouvement vers une plus grande différenciation, le patient et le thérapeute sont encore confrontés à un travail sur les sentiments corrélés à l'anxiété quant à la perte et l'anxiété, quant au caractère destructeur de l'objet par l'agression.

Il devrait y avoir une sincérité et une ouverture avec le patient à propos de ses difficultés résiduelles. Le Docteur FROMM-REICHMANN participa une fois à une discussion d'équipe impliquant une controverse au sujet de la planification de la sortie précoce de l'un de mes patients qui devait passer du statut de patient hospitalisé à celui de patient suivi en psychothérapie en milieu ouvert. Elle souleva un point que j'ai depuis continué à regarder comme valide dans des situations similaires : elle accentua l'importance de la transmission par le thérapeute au patient de sa conscience que beaucoup de travail restait qui n'était pas fini. Une approche contraire pourrait essayer de rassurer le patient à propos des gains qui ont été obtenus et à propos du fait qu'il est prêt à sortir et à gravir une plus grande responsabilité.

Le Docteur FROMM-REICHMANN pointa bien que le danger d'une telle réassurance résidait dans le désespoir du patient à propos de la défaillance de son thérapeute à reconnaître les problèmes avec lesquels il continue à se battre. Il abandonne alors l'espoir que quelque chose d'ultérieur puisse être fait pour ses problèmes.

Par conséquent, avec des patients qui quittent l'hôpital après des hospitalisations de plus en plus écourtées, cela devient particulièrement important que nous les aidions prudemment et systématiquement à délimiter ce qui doit être travaillé. Le patient doit être informé que sa transition vers le statut de consultant ne signifie pas forcément que le maximum d'amélioration possible a été accompli.

PROGRAMMES DU TRAITEMENT DE JOUR

Le concept du traitement de jour est relativement nouveau dans le champ du soin psychiatrique. Souvent les patients ne passent pas directement d'un service d'hospitalisation à un programme de jour, mais passent par un placement plus transitionnel en traitement de jour. De plus, un certain nombre de patients vivant à l'extérieur n'ont pas besoin d'hospitalisation s'ils peuvent participer au traitement de jour dont les programmes offrent de nombreux services thérapeutiques qu'on trouve dans le programme d'hospitalisation. On a estimé que parmi les patients psychotiques dont autrefois on pouvait espérer l'hospitalisation, 80 % sont capables de participer au lieu de cela dans un programme de traitement de jour et seulement 20 % ont réellement besoin d'être hospitalisés, c'est-à-dire seulement les patients qui constituent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui ou qui sont si fragmentés qu'ils nécessitent soit un traitement institutionnel fermé, soit le soutien d'une institution ouverte.

Parmi les patients pour qui la psychothérapie individuelle n'est pas suffisante, nous trouvons que le traitement de jour combiné avec la psychothérapie, soit individuelle, soit de groupe, peut être énormément utile. Comme le nom " traitement de jour " l'indique, le patient vit dans la communauté la nuit, mais prête attention au traitement de jour autant qu'un patient dans un hôpital le ferait. Le centre de traitement de jour apporte les atouts de la relation communautaire avec les autres patients ; une équipe qui assiste le groupe de patients en faisant des plans et en arrivant à des décisions pour les activités ; des services variés de thérapie récréationnelle et occupationnelle ; la psychothérapie de groupe ; et l'usage de médicaments neuroleptiques quand c'est indiqué. Tandis qu'il y a des avantages économiques à l'utilisation des traitements de jour, le principal avantage est sa tendance à prévenir la régression qui survient souvent dans l'hospitalisation du patient. Le programme peut être adapté avec souplesse aux besoins du patient. Par exemple, un professeur dans un collège était capable de soutenir deux séminaires par semaine tout en consacrant le reste de son emploi du temps à la participation à l'hôpital de jour. Il fut graduellement capable de prendre des responsabilités supplémentaires et de réduire sa participation dans le programme de traitement. Cette approche se focalise sur un maximum d'espoir dans la participation et le progrès. Au même moment, il donne aux patients le soutien nécessaire en terme de structure de vie, l'occasion d'apprendre à travers les processus de groupe, et l'aide à triompher des symptômes tel un retrait et un isolement, la dépression, et les tendances suicidaires occasionnelles.

Lorsque des programmes de traitement de jour sont disponibles, les patients sont quelquefois capables de quitter les structures hospitalières plus tôt que s'ils ont à faire le grand pas vers la consultation externe tout seul. Presque toutes les modalités de traitement, y compris le conseil vocationnel et le travail du service social mentionné plus haut, peuvent être rendus disponibles pour les patients des traitements de jour. Le principe du traitement ébauché pour le patient hospitalisé, appliqué à ces patients, excepté, le thérapeute n'aura pas à traiter avec des degrés sévères de régression et de désorganisation décrits précédemment.

PSYCHOTHERAPIE EN CONSULTATION

Là, le patient est à un niveau auquel il peut prendre ses propres décisions, gérer ses propres affaires, et rencontrer à intervalles réguliers un psychothérapeute pour continuer à explorer ses expériences psychologiques. Beaucoup de techniques et d'approches sont très semblables à celles qu'on utilise dans la psychothérapie générale de n'importe quel patient. Par conséquent, je vais seulement tenter de pointer quelques différences.

Premièrement, l'espace de traitement pour ces patients nécessite souvent une perspective du temps différente de celle d'un patient ordinaire de psychothérapie. Cela s'étend jusqu'au point où quelques patients sont considérés comme presque des cas de " vie " et où le but est de les rendre capables de fonctionner à l'extérieur avec seulement de très progressifs élargissements de compréhension. Même lorsque le degré de changement est péniblement lent, ces patients ne doivent pas être maintenus sous médicaments uniquement sans aucune attention du tout aux processus psychologiques. Je crois que c'est un évènement survenant trop communément dans des cliniques de post-cure. Une autre différence dans le traitement pourrait être le besoin d'arrangements pour le patient afin qu'il soit vu durant les intervalles où son médecin est en vacances, ou lorsqu'il y a une autre cause d'interruption du traitement. La plupart des patients névrosés de consultation peuvent faire avec ces interruptions et n'ont pas besoin de cela. Pour les patients schizophrènes, parfois le fait de savoir qu'il y a d'autres possibilités de consultation est suffisant. En général, le thérapeute peut être bien plus disponible pour des rencontres avec l'épouse ou d'autres membres de la famille de ces patients. Cela peut bien devenir nécessaire, en contraste avec l'approche thérapeutique la plus usuelle pour des patients de consultation. Plus tard, le psychothérapeute ne devra pas être découragé si, à l'occasion, ou même de manière répétitive, le patient nécessite un traitement supplémentaire tel que des médicaments, la participation à un traitement de jour, ou même un soin en intra-hospitalier. On regarde la grande étendue et on ajuste les objectifs au temps du patient. Une " cure " peut avoir été abandonnée en faveur d'un ajustement plus partiel.

C O N C L U S I O N

A travers cette approche du traitement, l'accent a été mis sur la tentative d'ajuster le large effort du traitement psychothérapeutique aux besoins particuliers de chaque patient en tant qu'individu. Cela demande une évaluation continue du patient et de ses situations globales particulières en terme de monde interne ou externe si tant est qu'on puisse déchotomiser de cette façon, aussi bien qu'un encouragement à participer au traitement d'une manière qui optimiserait son potentiel le plus grand en tant qu'être humain.

Pour aider les patients à acquérir ce potentiel, un programme de traitement doit être concerné par la personne entière. Nous devons simultanément travailler avec les aspects sains aussi bien qu'avec les aspects invalides ; avec les tendances créatives et artistiques aussi bien qu'avec les besoins physiques d'entretien de la vie ; et avec les processus de pensée, de réflexion et de prise de décision, aussi bien qu'avec le comportement réflexe automatique. Nous ne devons pas négliger, en fait, aucune de ces plus grandes capacités qui distinguent l'être humain comme différent, de manière unique, des autres animaux.

Je voudrais conclure avec certaines opérations à propos de la psychothérapie des patients schizophrènes qui ont été vraies pour moi, du moins jusqu'à ce point de mon expérience. Les concepts de développement humain normal offrent la meilleure approche à une compréhension des signes et des symptômes rencontrés chez les patients schizophrènes. Il est postulé que depuis que les signes cliniques et les symptômes de la schizophrénie précoce représentent les aspects primitifs précoces de la personnalité humaine, nous devons regarder les concepts du développement de la petite enfance et de l'enfance pour comprendre ces phénomènes. Cela ne veut pas nécessairement dire que les facteurs étiologiques dans les évènements de la schizophrénie sont exclusivement développementaux.

Cela implique que les facteurs expérimentaux inter-personnels sont une dimension importante dans le développement humain, normal comme schizophrène, et donc que les interventions expérimentales inter-personnelles sont efficientes comme approche thérapeutique du patient schizophrène, même lorsque l'étiologie peut aussi impliquer une composante biochimique ou d'une autre nature somatique.

Je pense que ce ne sont pas tous les patients qui peuvent profiter d'une approche d'investigation thérapeutique. Certains d'entre eux vont mieux avec des mesures plus proches du soutien, et je pense que c'est à respecter tout à fait. Comment décider quel patient a besoin de quel traitement est encore une question difficile, qui peut quelquefois être déterminée seulement à travers une tentative prolongée de traitement. Mais je suis convaincu que la psychothérapie est efficace pour de nombreux patients schizophrènes, en dépit du fait que des études statistiques et des méthodes expérimentales aient été employées depuis si longtemps pour prouver le contraire. Une telle psychothérapie peut et doit commencer dans un hôpital et continuer au dehors. Même lorsque l'hospitalisation est nécessairement brève, il est possible pour le patient et pour le thérapeute durant ce temps là, de délimiter les champs principaux des problèmes, et pour le patient de comprendre comment la psychothérapie travaille en expérimentant ses effets dans au moins un domaine de sa vie.

Fréquemment, des thérapeutes travaillant avec des patients externes reçoivent des patients qui leur sont envoyés par les hôpitaux de l'Etat sans avoir eu le bénéfice du contact durant la phase aiguë. Quand le thérapeute commence avec un inconvénient dans cette situation, il peut encore procéder par recrutement de la collaboration du patient dans la délimitation des aires de conflits au niveau desquels on travaille. Je suis aussi convaincu que point n'est besoin d'avoir un antagonisme entre la psychothérapie et les médicaments neuroleptiques. Des médicaments utilisés au point de " submerger " le patient peuvent constituer une interférence, mais ces adjonctions valables ne doivent pas être manipulées de cette façon. Aussi, je pense que la possibilité de faire du mal au patient à travers la psychothérapie a été grandement soulignée. Si le thérapeute opère dans une situation thérapeutique qui soutient ses efforts et s'il a un canevas théorique avec lequel fonctionner, il doit y avoir de petites hésitations à propos des interprétations proposées, de l'exploration des rêves et de l'utilisation d'autres techniques d'investigation. De plus, sans réel jugement ferme au feu, il est très difficile de décider à l'avance quels thérapeutes sont capables de faire une excellente psychothérapie. De même, on ne peut pas prédire quels patients seront capables d'en profiter.

Je soulignerais de nouveau que le plus souvent le patient est déclaré " inaccessible " du fait d'un manque d'expérience du thérapeute et/ou de l'absence de philosophie de la psychothérapie dans le lieu de soin où il fonctionne.


Traduction de "An individualized psychotherapeutic approach with the schizophrenic patient". Schizophrenia Bulletin, Issue n° 13, Summer 1975.