Strasbourg, 3 janvier 2000 DIR/JUR (2000) 2
[cdbi/cdbi-ph/doc/dirjur2000.2 livre blanc]
" LIVRE BLANC "
sur la protection des droits de lhomme
et de la dignité des personnes
atteintes de troubles mentaux,
en particulier de celles
placées comme patients involontaires
dans un établissement psychiatrique
Le présent "Livre blanc", établi par un Groupe de travail du Comité directeur pour la bioéthique (CDBI) du Conseil de l'Europe, est publié à des fins de consultation publique, en vue d'élaborer des lignes directrices à insérer dans un nouvel instrument juridique du Conseil de l'Europe. Le CDBI a autorisé la publication du présent document dont le contenu ne constitue à ce stade que le résultat des travaux d'un groupe d'experts. Aussi, les vues qui y sont exposées ne reflètent pas nécessairement la position définitive du CDBI, celle du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe ou celle de ses Etats membres.
|
Note liminaire
Le 22 février 1983, le Comité des Ministres du Conseil de lEurope a adopté la Recommandation No R(83)2 aux Etats membres sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires(voir Annexe 2).
Le 12 avril 1994, lAssemblée parlementaire du Conseil de lEurope a adopté la Recommandation 1235 (1994) relative à la psychiatrie et aux droits de lhomme, dans laquelle elle invite le Comité des Ministres à adopter une nouvelle Recommandation sinspirant des règles énoncées dans ledit texte (voir Annexe 3).
Suite à cette Recommandation de lAssemblée, le Comité des Ministres a créé un Groupe de travail sur la psychiatrie et les droits de lhomme (CDBI-PH), qui est un organe subordonné du Comité directeur pour la bioéthique (CDBI).
Le mandat du Groupe de travail sur la psychiatrie et les droits de lhomme (CDBI-PH) est le suivant : " Sous l'autorité du Comité directeur pour la bioéthique et à la lumière de la Recommandation No R(83)2 du Comité des Ministres sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires et de la Recommandation 1235 (1994) de l'Assemblée parlementaire relative à la psychiatrie et aux droits de l'homme, élaborer des lignes directrices à insérer dans un nouvel instrument juridique du Conseil de l'Europe. Ces lignes directrices devront viser à assurer la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux, en particulier de celles placées comme patients involontaires, y compris leur droit à un traitement approprié. ".
Dans le cadre de ses travaux, le CDBI-PH a constamment gardé à l'esprit la nécessité de protéger les droits de l'homme des personnes placées dans des établissements psychiatriques qui, dans le passé, étaient fréquemment violés; dans ce contexte, le CDBI-PH a dûment pris en compte, entre autres, les dispositions de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des Droits de l'Homme, qui se lit comme suit: "Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale."
Durant son examen de la question du placement et du traitement involontaires, le CDBI-PH a également souligné que, quelles que soient les instances indépendantes qui contrôlent cette restriction de liberté, elles n'affranchissent pas les thérapeutes et les professionnels au contact direct de la personne atteinte de troubles mentaux, de réflexion éthique et juridique accompagnant constamment leur activité. Il appartient à tout psychiatre en charge de prendre des décisions majeures pour le projet de vie de son patient d'étayer en permanence son avis par le dialogue et la transparence sur sa démarche vis-à-vis de ses pairs, des patients et de la communauté.
Le CDBI-PH a bénéficié de l'expérience précieuse du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Il a notamment procédé à un échange de vues avec son premier Vice-Président et avec un expert auprès du CPT. En outre, la partie III du 8e rapport général d'activités du CPT couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 1997 (document CPT/Inf (98)12) est consacrée au placement involontaire en établissement psychiatrique.
Le présent "Livre blanc" est publié à des fins de consultation publique, en vue d'élaborer des lignes directrices à insérer dans un nouvel instrument juridique du Conseil de l'Europe.
Le CDBI a autorisé la publication du présent document dont le contenu ne constitue à ce stade que le résultat des travaux d'un groupe d'experts. Aussi, les vues qui y sont exposées ne reflètent pas nécessairement la position définitive du CDBI, celle du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe ou celle de ses Etats membres.
Le Conseil de l'Europe consultera directement des organisations représentatives au plan européen sur le présent document. Les autorités nationales organiseront de leur côté les consultations sur le plan national.
Dans les deux cas, les commentaires issus de ces consultations devront parvenir au Secrétariat du Conseil de l'Europe, en anglais ou en français, pour la fin du mois d'octobre 2000 au plus tard.
********************
L'examen de la problématique pourrait s'articuler autour des questions suivantes:
2. Les catégories incluses dans le concept de troubles mentaux
3. Les critères pour le placement involontaire dans un établissement psychiatrique et pour le traitement involontaire
4. Les procédures pour la prise de décision de placement involontaire et de traitement involontaires
5. Les procédures pour le placement et le traitement involontaires en cas d'urgence
6. Traitement involontaire - considérations spécifiques
7. Les traitements spéciaux
8. Le placement et le traitement involontaires des personnes mineures
9. L'implication de la police, des tribunaux et du système pénitentiaire dans le placement et le traitement involontaires
10. Recherches sur des personnes atteintes de troubles mentaux placées comme patients involontaires
11. Les droits de l'homme des personnes atteintes de troubles mentaux, en particulier de celles placées comme patients involontaires
12. La discrimination des personnes atteintes de troubles mentaux
15. Les systèmes de fixation et de suivi des normes de qualité pour la mise en oeuvre de la législation relative à la santé mentale.
1. Le champ d'application du nouvel instrument juridique
Il est proposé:
1. qu'il soit traité tant du placement involontaire que du traitement involontaire, ce dernier pouvant être envisagé aussi bien dans le cadre du placement involontaire que séparément.
2. qu'un placement involontaire n'ait lieu que pour des raisons thérapeutiques.
3. que, sauf disposition contraire, le nouvel instrument juridique s'applique au placement et au traitement involontaires décidés tant en matière civile que pénale.
Ces propositions sont-elles acceptables et appropriées?
2. Les catégories incluses dans le concept de troubles mentaux
1. Au cours de ses travaux, le Groupe de travail a constaté que les définitions du trouble mental données par l'Organisation Mondiale de la Santé et par l'Association psychiatrique américaine n'indiquaient pas de limites précises. Aussi a-t-il été d'avis que la classification des troubles mentaux ne saurait être d'une précision absolue et que le terme de "trouble mental" pourrait englober la maladie mentale, le handicap mental et les troubles de la personnalité (s'agissant du handicap mental, l'on a noté que certains pays utilisaient le concept d'"incapacité d'apprentissage").
2. Pour ce qui concerne les troubles de la personnalité, l'on a tenu compte de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Winterwerp, qui dispose que" on ne saurait évidemment considérer que l'article 5 autorise à détenir quelqu'un du seul fait que ses idées ou son comportement s'écartent des normes prédominant dans une société donnée.".
3. Cependant, il est suggéré que le placement ou le traitement involontaires ne devraient convenir que pour certains types de trouble mental, par exemple pour certaines personnes souffrant de psychoses ou de névroses sévères, pour certains types de troubles de la personnalité et en cas de handicap mental important. Les personnes atteintes d'un handicap mental présentent parfois un comportement sérieusement agressif et/ou irresponsable. Un tel comportement peut ou non être associé à une maladie mentale. Dans une situation dans laquelle le handicap mental est associé à la maladie mentale, la gestion de la situation requiert occasionnellement le recours à la législation relative au placement et au traitement involontaires. Le terme " handicap mental important" a été utilisé afin de décrire ce trouble.
4. Le placement involontaire ne doit en aucun cas être utilisé à des fins politiques. (A cet égard, référence pourrait notamment être faite à la Recommandation No R (83)2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires, qui dispose que" Les difficultés d'adaptation aux valeurs morales, sociales, politiques ou autres, ne doivent pas être considérées, en elles-mêmes, comme un trouble mental.").
S'agit-il là de catégories qui devraient être incluses dans le concept de "trouble mental" ou en être exclues, aux fins de la législation sur la santé mentale?.
5. Une proposition alternative à l'utilisation du concept de trouble mental est l'usage du concept d'incapacité mentale par le biais duquel les décisions sont fondées sur la capacité de l'individu, telle que déterminée par la profession médicale et d'autres professionnels, à comprendre la nature du traitement ou de l'admission, à en apprécier les bénéfices, à opérer un choix et à le communiquer.
Le concept d'incapacité mentale devrait-il être développé plus avant aux fins de la législation sur la santé mentale?
3. Les critères pour le placement involontaire dans un établissement psychiatrique
Le Groupe de travail a considéré qu'une privation de liberté, résultant du placement involontaire ou de l'administration d'un traitement involontaire, devrait dans tous les cas être accompagnée de procédures de protection des droits de la personne concernée.
Il a ajouté qu'une distinction devait être faite entre le fondement juridique du placement involontaire et celui du traitement involontaire. En d'autres termes, cela signifie que le placement involontaire en tant que tel ne signifie pas que le patient peut en tout état de cause être traité contre son gré, ni que ce traitement involontaire requiert inévitablement un placement involontaire.
Une distinction entre placement involontaire et traitement involontaire est-elle valide et utile?
Il a paru opportun de retenir le point de vue selon lequel même si le patient a été placé involontairement, la présomption de capacité de décider de son propre traitement prévaut, à moins que l'état d'incapacité de décider de son propre traitement ne fasse partie des critères juridiques du placement.
Un certain nombre de critères devraient être réunis avant qu'un placement ou un traitement involontaires n'aient lieu.
a. L'existence du trouble mental doit être avérée ou une évaluation demandée afin de déterminer la présence d'un trouble mental.
Les motifs de la détention aux fins d'évaluation devraient-ils être définis en cas d'absence de signes manifestes de trouble mental? Si oui, de quelle manière?
b. Ce trouble mental doit constituer
i. un grave danger pour la personne elle-même (y compris un danger pour sa santé) et/ou
ii. un grave danger pour autrui (étant entendu que le placement ou le traitement ou les deux sont susceptibles d'être bénéfiques pour la personne concernée dans tous les cas).
Des propositions pour la détermination et la définition du seuil requis de dangerosité devraient-elles être incluses dans la loi? Le concept de "risque" est-il préférable à celui de "danger"?
Le concept de bénéfice pour la personne concernée devrait-il être défini plus avant?
c. La personne en question est capable de consentir et ne donne pas son consentement au placement ou au traitement ( la personne est capable de consentir mais refuse explicitement ou n'a aucune réaction) ou bien la personne est incapable de consentir et refuse le placement ou le traitement (il a été souligné que le placement ou le traitement involontaires pourraient en particulier être utilisés dans certains cas où, par exemple, la personne concernée ne marque pas son accord avec la mesure de façon constante et pourrait de ce fait changer d'avis fréquemment quant à son consentement au placement ou au traitement).
d. Des moyens de donner les soins appropriés au patient, portant moins atteinte à sa liberté que le placement involontaire, ne sont pas disponibles. Dans ce contexte, il a été fait mention des alternatives au placement, lesquelles pourraient inclure l'accès immédiat aux diverses formes de soins ambulatoires (par exemple, hospitalisation de jour, assistance infirmière quotidienne à domicile, traitements psychosociaux efficaces, assistance sociale). Les Etats membres doivent s'assurer que des mesures sont prises pour que des alternatives au placement soient aussi largement disponibles que faire se peut.
Etant donné l'importance de cette législation, est-ce que la loi devrait spécifier certaines alternatives qui devraient toujours être disponibles? Si oui, lesquelles?
La privation de liberté dans le domaine pénal devrait-elle être fondée sur des critères différents/plus nombreux que les critères décrits sous a.à d. ci-dessus?
4. Les procédures pour la prise de décision de placement et de traitement involontaires
1. Les procédures décrites ci-dessous ne concernent que les circonstances qui ne relèvent pas d'une situation d'urgence, les procédures en cas d'urgence faisant l'objet du point suivant.
2. Lors de ses travaux, le Groupe de travail a estimé nécessaire:
que le patient soit examiné par un psychiatre ou par un médecin possédant l'expérience et la compétence requises, notamment en matière d'évaluation du risque, en vue du placement involontaire ou de sa prolongation ou de la décision de traitement involontaire ou de sa prolongation;
que la décision de placement ou de traitement involontaires soit prise par une autorité compétente indépendante, fondant sa décision sur des normes valides et fiables d'expertise médicale.
3. Le Groupe de travail a longuement examiné la notion d'"autorité compétente indépendante". Il a notamment pris en compte la Recommandation 1235 (1994) de l'Assemblée parlementaire sur la psychiatrie et les droits de l'homme, qui préconise que la décision de placement involontaire soit prise par un juge. Il a aussi été informé que dans plusieurs Etats membres, cette décision pouvait être prise par des instances autres que des juridictions. Il a constaté que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme n'avait jamais exigé que la décision initiale de placement soit prise par un tribunal ou un organe similaire. De l'avis du Groupe de travail, la question pertinente est celle de l'indépendance de l'organe ou de l'autorité qui prend la décision de placement, cette indépendance pouvant être inférée de ce qu'il s'agit d'une instance différente de celle qui propose la mesure et que sa décision est prise en pleine souveraineté, c'est-à-dire à l'abri de toute instruction quelle qu'elle soit et d'où qu'elle vienne. Aussi a-t-on constaté que, dans certains pays, l'autorité compétente peut fort bien être, par exemple, un médecin autorisé à prendre une telle décision au sein d'un établissement psychiatrique, qui se doit d'être indépendant par rapport au médecin ayant proposé la mesure de placement; dans d'autres, il peut s'agir d'un travailleur social ou du directeur d'un hôpital qui peuvent travailler aux côtés du médecin examinant le patient aux fins du placement involontaire. En outre, une telle autorité devrait s'assurer que les aspects d'assistance sociale sont dûment pris en considération.
Quelle devraient être les caractéristiques de "l'organe indépendant compétent"? Qui devrait raisonnablement pouvoir remplir ce rôle et qui ne le devrait pas?
4. En se fondant notamment sur l'article 5, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence y afférente, les experts ont estimé que la décision de placement involontaire devrait être prise promptement, être dûment documentée et préciser la durée dudit placement. Ils ont en outre considéré que le patient devrait être informé promptement, régulièrement et de façon adéquate des raisons motivant ledit placement. Enfin, dans le cadre de cette procédure, le patient devrait être en mesure de formuler ses vues et ses avis sur le placement et ceci devrait être pris en compte par l'autorité indépendante compétente.
5. Dans le cadre de l'examen de cette problématique, le Groupe de travail a examiné la question de savoir s'il y aurait lieu de consulter les membres de la famille et d'autres personnes proches de ce dernier sur le placement ou le traitement involontaires et est convenu qu'ils devraient être consultés seulement si le patient y consent ou s'il existe des aspects plus larges de sécurité publique indiquant que les membres de la famille et d'autres personnes proches du patient peuvent être consultés sans le consentement du patient. En outre, l'information de la famille et autres personnes proches du patient au sujet des raisons motivant le placement ou le traitement involontaires devrait être fournie promptement et d'une manière appropriée qui, notamment, permet à la famille et autres personnes proches de la comprendre. Ce faisant, le Groupe de travail a été conscient de ce que, dans certains cas, les intérêts des membres de la famille peuvent ne pas être ceux du patient.
Est-ce que les membres de la famille devraient toujours être consultés au sujet de la détention d'un patient ou au sujet du traitement involontaire du patient? Est-ce que les autres personnes "proches du patient" devraient à certaines occasions avoir préséance sur les membres de la famille?
6. Enfin, il a été estimé que dans le cas du placement ou du traitement involontaires d'une personne atteinte de trouble mental ayant un représentant légal nommé par le patient, ledit représentant devrait être informé et consulté, à charge pour le patient ou ses proches ou ses amis d'en indiquer l'existence à l'autorité compétente. L'on a en outre noté que, sauf dans les cas où l'intérêt supérieur de la personne concernée l'exige (par exemple dans les cas où la personne est atteinte d'un trouble mental tel qu'elle a besoin d'un tuteur), l'assistance d'un représentant légal ne devrait pas être obligatoire.
5. Les procédures pour le placement et le traitement involontaires en cas d'urgence
1. Il ne semblerait ni raisonnable ni opportun, notamment en raison du danger immédiat encouru par la personne concernée et/ou autrui dans une situation d'urgence c'est-à-dire une situation dans laquelle existe un danger immédiat pour la personne concernée ou pour autrui et où l'avis d'un psychiatre ne peut être obtenu immédiatement - d'attendre toujours la décision de placement ou de traitement de l'autorité compétente indépendante. Aussi le Groupe de travail a-t-il considéré que, dans une situation d'urgence, le placement et le traitement involontaires pouvaient avoir lieu sans que la décision en ait été prise par l'autorité compétente indépendante, mais sur la base d'un avis médical valide et fiable dans le cadre de l'examen du patient réalisé en vue du placement et du traitement . Le Groupe de travail a néanmoins souligné que les procédures d'urgence ne devraient pas être utilisées dans le but d'éviter l'application des procédures normales.
2. Dans ces circonstances, l'autorité compétente indépendante devrait, dès que possible, sur la base d'un avis psychiatrique valide et fiable, et après avoir recueilli l'avis de la personne concernée, prendre une décision documentée et formelle au sujet du placement et du traitement involontaires. Il a en outre paru opportun de considérer que, en prenant sa décision, l'autorité compétente devrait à nouveau garder également à l'esprit les autres possibilités offertes par la communauté (hospitalisation de jour, traitements psychosociaux efficaces, assistance sociale, etc..), eu égard à l'éventuelle modification de l'état de santé suite au placement intervenu.
3. Lors de l'adoption de cette position, les experts se sont en particulier fondés sur la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme, qui n'exige nullement une décision préalable de l'autorité compétente dans une situation d'urgence. En effet, l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 5 novembre 1981 dans l'affaire X. contre le Royaume-Uni dispose notamment ce qui suit: " Or l'arrêt Winterwerp a mentionné 'les cas d'urgence' comme une exception au principe interdisant de priver de sa liberté l'individu concerné sans avoir établi son 'aliénation' de manière probante ..".
Y-a-t-il d'autres garanties nécessaire concernant les situations d'urgence?
6. Traitement involontaire - considérations spécifiques
1. Le Groupe de travail a approuvé comme principe fondamental que le traitement doit dans tous les cas être administré pour le bénéfice du patient. Le traitement involontaire devrait toujours être appliqué en réponse à un symptôme clinique reconnu, avoir un but thérapeutique et être susceptible d'entraîner un véritable bénéfice clinique et non pas seulement un effet sur la situation administrative, pénale, de famille ou autre du patient (Bien qu'il ait été considéré comme important de prendre en considération la situation sociale de la personne concernée, il a été souligné que cette dernière ne constituait pas la première priorité. Aussi le traitement ne devrait-il avoir d'autre but que le traitement du symptôme. Il doit correspondre à un besoin médical plutôt qu'à un besoin social, de famille ou d'ordre économique. Il a également été souligné que l'accent devrait être mis sur l'intention thérapeutique plutôt que sur la preuve préalable de l'efficacité du traitement.).
2. En outre, lorsqu'une personne a été placée involontairement, il y aurait lieu pour chaque forme et programme de traitement que l'on envisage d'administrer, de vérifier spécifiquement la capacité de consentement du patient.
3. Le représentant d'une personne devrait être consulté mais, lorsqu'il refuse de consentir à un traitement pour la personne concernée, il devrait être possible de s'adresser à un tribunal ou à un organe similaire ayant le pouvoir de respecter ou de renverser la décision du représentant.
4. Le Groupe de travail a également été d'avis que le programme de traitement involontaire devrait être établi par écrit, si possible en consultation avec le patient ou son représentant ou , s'il n'existe pas de représentant, être soumis à une autorité indépendante pour décision. Le programme devrait être révisé régulièrement et pouvoir être modifié à tout moment en consultation avec le patient, son représentant ou une autorité indépendante selon le cas. Dans le cas où le patient ou son représentant ne consent pas audit programme, il devrait pouvoir former un recours devant un tribunal ou un organe similaire.
5. Enfin, chaque programme de traitement involontaire devrait faire l'objet d'un rapport écrit, sans pour autant que la procédure ne soit trop bureaucratique et le traitement devrait toujours être adapté au patient. En particulier, le traitement devrait toujours être proportionné à l'état de santé du patient et viser, autant que faire se peut, à l'administration dans les meilleurs délais d'un traitement accepté par le patient. On a estimé que seuls des produits pharmaceutiques officiellement reconnus devraient être utilisés pour le traitement involontaire et qu'eu égard au large, et fréquemment excessif, recours à la médication, des effets secondaires et la posologie devraient faire l'objet d'un suivi attentif de manière à ce que les posologies puissent être réduites dès que cela est thérapeutiquement approprié. Il y aurait également lieu d'accorder de l'importance à la mise à disposition de thérapies de groupe, psychothérapie, thérapie par la musique, le théâtre, le sport, etc et à la possibilité d'un exercice physique quotidien. Enfin, l'enseignement a été considéré comme un élément important des activités de la vie quotidienne.
6. Lorsqu'en raison d'une situation d'urgence le consentement approprié ne peut être obtenu, le Groupe de travail, se fondant sur les dispositions pertinentes de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, a estimé qu'il pourrait être procédé immédiatement à toute intervention médicalement indispensable.
7. Il serait utile que les destinataires du présent document indiquent les mesures qui, de leur point de vue, ne devraient pas entrer dans le concept de traitement involontaire.
7. Les traitements spéciaux
1. Ces traitements demeurent controversés. Bien qu'étant déjà parvenu à un certain nombre de conclusions provisoires sur cette question, le Groupe de travail serait désireux de connaître les vues des destinataires du présent document sur le sujet.
2. La recherche en matière de thérapie électroconvulsive a montré l'efficacité de cette dernière dans les cas de maladies dépressives, par exemple. La thérapie électroconvulsive est à présent administrée conjointement avec une anesthésie et des produits myorelaxants: le recours à la thérapie électroconvulsive non modulée devrait être strictement interdit. Dans les cas de maladies dépressives graves, l'administration d'urgence, en l'absence du consentement du patient ou, rarement, contre le consentement du patient, peut être justifiée en raison de la sévérité de la maladie et de l'absence d'alternatives efficaces. La thérapie électroconvulsive devrait être administrée dans des circonstances dans lesquelles la dignité du patient est toujours pleinement respectée.
3. Cependant, l'efficacité de la psychochirurgie n'a pas été établie par des recherches appropriées et contrôlées. Aussi, lorsque les Etats continuent d'approuver son usage, le consentement du patient devrait être un minimum absolu pour son utilisation. De plus, la décision de recourir à la psychochirurgie devrait dans tous les cas être confirmée par un comité qui ne soit pas composé uniquement d'experts psychiatriques. Le Groupe de travail a considéré que dans chaque Etat membre le législateur national devrait établir des protocoles spéciaux pour l'administration de la psychochirurgie. Dans la mesure où il n'existe pas de preuve clairement établie de l'efficacité de la psychochirurgie, les Etats membres qui permettent encore d'y recourir devraient introduire un système d'enregistrement intégral des informations sur toute opération réalisée. L'on a également estimé que la vigilance devrait être de mise s'agissant de l'utilisation des implants hormonaux tendant à modifier les pulsions sexuelles.
Quelles sont les garanties supplémentaires nécessaires pour l'administration :
a. de la thérapie électroconvulsive?
b. de la psychochirurgie?
c. des implants hormonaux?
4. Enfin, aucune circonstance n'a pu être envisagée dans laquelle la psychochirurgie pour trouble mental pourrait avoir des effets bénéfiques pour les personnes mineures. Les destinataires du présent document pourraient souhaiter exprimer leurs vues également sur ce dernier point.
8. Le placement et le traitement involontaires des personnes mineures
1. Lors de ses discussions, le Groupe de travail a considéré que les mesures de protection des personnes mineures devraient être plus contraignantes que celles réservées aux adultes. Les conditions et garanties énoncées en matière de placement et de traitement involontaires applicables aux adultes devraient, au minimum dans la même mesure, s'appliquer également aux personnes mineures.
2. Une personne mineure peut ne pas être capable de défendre ses propres intérêts, et donc dans tous les cas l'assistance d'un représentant devrait être disponible dès le début de la procédure. Cette représentation pourrait être assurée par un avocat, mais également par un membre de la famille, pour autant qu'il n'existe aucun conflit d'intérêt avec le patient mineur, ou encore par un travailleur social.
3. Se fondant sur les dispositions pertinentes de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, le Groupe de travail a par ailleurs estimé qu'en matière de consentement des personnes mineures à un traitement, l'avis du mineur devrait être pris en considération comme un facteur de plus en plus déterminant, en fonction de son âge et de son degré de maturité.
4. S'agissant plus spécialement des conditions de vie des personnes mineures faisant l'objet d'un placement involontaire, l'on a considéré que ces dernières devraient être traitées et résider dans des locaux distincts de ceux dans lesquels résident les adultes, à moins que l'intérêt de la personne mineure concernée ne s'y oppose. Sont ici visés certains cas exceptionnels dans lesquels il pourrait s'avérer être dans l'intérêt supérieur du mineur "plus âgé" de se trouver dans un service réservé aux adultes mais qui serait proche de son domicile- facilitant ainsi les contacts avec sa famille- plutôt que dans un service réservé aux enfants, qui serait très éloigné de son domicile. En outre, le Groupe de travail a considéré qu'il y aurait lieu de spécifier, dans le nouvel instrument juridique en préparation, que les personnes mineures atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires dans un établissement psychiatrique ont droit à l'instruction publique, qu'il convient en particulier de considérer chaque patient individuellement et de concevoir, si possible, un programme d'enseignement ou de formation adapté à son cas, étant entendu que l'instruction serait organisée par les services compétents en matière d'éducation, en consultation avec l'administration de l'établissement psychiatrique. Dès que cela apparaît approprié, les mineurs devraient être réintégrés dans le système scolaire général.
Y-a-t-il d'autres questions et commentaires concernant le placement et le traitement involontaires des personnes mineures?
9. L'implication de la police, des tribunaux et du système pénitentiaire dans le placement et le traitement involontaires
1. Dans le cadre de ses travaux, le Groupe de travail a estimé nécessaire d'inclure dans l'instrument juridique en préparation un certain nombre de dispositions plus particulièrement consacrées à la problématique du placement et du traitement involontaires impliquant la police, les tribunaux et le système pénitentiaire. Lors de ses discussions sur ce point, il a attaché une importance particulière aux vues exprimées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), qui, comme l'y habilite la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants de 1987, effectue dans les Etats Parties à la Convention de nombreuses visites dans les lieux où se trouvent des personnes privées de leur liberté, notamment les prisons et les établissements psychiatriques.
La police
2. Le Groupe de travail a estimé que la police est garante du respect de la sécurité des personnes et de l'ordre public. Elle devrait avoir le pouvoir d'intervenir dans des situations où le comportement d'une personne atteinte de troubles mentaux ou raisonnablement suspectée d'être atteinte de troubles mentaux constitue un grave danger pour elle-même ou pour autrui, conformément à la législation nationale.
3. En outre, il a considéré que la police devait coordonner les interventions avec les autres services-médicaux ou sociaux- dans les lieux publics ou privés en respectant la dignité de la personne concernée. Cela devrait se produire autant qu'il est possible avec la coopération et le consentement de la personne concernée. La prise de corps, lorsqu'elle est nécessaire, doit être effectuée par la police dans le respect de la dignité de la personne concernée. Les policiers qui procèdent à l'arrestation doivent prendre en considération la vulnérabilité des personnes atteintes de troubles mentaux lors des investigations de la police et de la détention au poste de police. Lorsqu'une telle prise de corps a lieu, un examen médical doit être mené dans le plus court délai sur le lieu de l'incident, à l'hôpital ou au poste de police selon le cas. L'examen médical devrait déterminer si la personne nécessite des soins psychiatriques et, si tel est le cas, inclure une évaluation médicale et psychiatrique. Le médecin devrait déterminer si la personne peut en toute sécurité demeurer au poste de police et si elle requiert des soins psychiatriques spécialisés. En cas de suspicion d'un délit, les mesures idoines devraient être aussitôt prises, conformément à l'article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet examen médical devrait comprendre l'évaluation de la capacité de la personne concernée à répondre aux questions d'investigation, conformément aux dispositions de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, et en particulier de son alinéa 2 qui dispose que toute personne arrêtée doit être informée , dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.
4. En outre, le CDBI-PH a estimé qu'il peut être demandé à la police, dans le cadre de sa mission générale, à savoir celle d'être le garant du respect de la sécurité des personnes et de l'ordre public, de prêter son assistance pour emmener ou ramener les patients faisant l'objet d'une détention involontaire vers l'hôpital ou d'autres lieux de soin.
5. Enfin, il a considéré qu'une formation appropriée devrait être dispensée aux membres de la police quant à l'évaluation et à la gestion des situations impliquant des personnes atteintes de troubles mentaux. Une telle formation devrait être dispensée en consultation avec les services locaux de santé mentale et inclure des conseils de base quant à l'identification et la gestion des personnes suspectées d'être atteintes de troubles mentaux eu égard à la législation pertinente.
Les tribunaux et les prisons
6. Le CDBI-PH a estimé que les critères applicables en droit pénal devraient se conformer à ceux appliqués en droit civil, avec les exceptions suivantes:
-La personne concernée peut donner son consentement au placement ou au traitement mais le tribunal peut néanmoins imposer le placement ou le traitement;
- Des restrictions peuvent être exercées quant à la fin du placement ou du traitement par le psychiatre en charge des soins de la personne et/ou par l'autorité indépendante, étant entendu que, comme dans le cadre de la procédure civile, le placement ou le traitement devraient prendre fin lorsque les critères pour le placement ou le traitement ne sont plus remplis. En outre, la personne peut demander la révision de la légalité de son placement ou de son traitement, et si elle ne le fait pas, une révision de la légalité ex officio devrait être effectuée.
7. Le Groupe de travail a également estimé que les tribunaux et les organes similaires devraient pouvoir condamner une personne au placement (dans une structure médicalement appropriée) et/ou à un traitement ou prononcer une dispense de peine assortie ou non de conditions sur la base de l'avis d'un expert.
8. Le CDBI-PH a considéré qu'en jugeant, les tribunaux devraient tenir compte du fait que les personnes atteintes de troubles mentaux devraient être traitées dans des lieux médicalement appropriés. En outre, les transferts de la prison à l'hôpital devraient avoir lieu lorsqu'ils sont nécessaires à la mise en oeuvre de l'évaluation et/ou du traitement.
9. Il a également été noté que les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent être traitées au sein de la communauté, dans des structures pénitentiaires normales ou dans des établissements psychiatriques civils offrant des garanties de sécurité (en dehors du milieu carcéral ou dans des structures pénitentiaires spécialisées, sous réserve de la Recommandation NoR(98)7 du Comité des Ministres aux Etats membres relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire(paragraphe 55 de l'Annexe)). La décision relative au traitement dans une structure particulière doit être prise notamment en fonction de la gravité des troubles mentaux ou de la possibilité de leur traitement. L'abus de certaines substances (alcool et/ou drogues) ou les troubles de la personnalité peuvent être considérés comme susceptibles d'être traités dans chacune des structures précitées, mais le choix du lieu dépendra de l'avis psychiatrique de l'expert à l'issue d'un examen de la personne concernée. Un détenu (ou son représentant légal) qui considère que les soins reçus en prison sont inappropriés à son état ou qui considère que son état est incompatible avec un environnement pénitentiaire devrait être en mesure de demander un avis d'expert sur son état. Si son transfert lui est refusé, un système effectif d'appel devrait être disponible.
10. S'agissant des services sanitaires des établissements pénitentiaires, le Groupe de travail a considéré que le secret médical devrait être garanti et observé avec la même rigueur que dans la population générale. Il a également estimé que la prison ne devrait pas être autorisée à accueillir des personnes qui font l'objet d'un placement ou d'un traitement involontaire conformément à la législation sur la santé mentale, sauf lorsqu'existent des unités hospitalières spécialement désignées à cet effet. Lorsque de telles unités existent au sein d'une prison, l'organe national de suivi devrait être responsable de leur enregistrement et de leur suivi. De telles unités devraient être situés dans des locaux distincts de la prison et ne pas se trouver sous la direction des autorités pénitentiaires.
11. Enfin, le CDBI-PH a estimé que les Etats membres devraient s'assurer qu'ils disposent d'une gamme suffisante d'établissements hospitaliers présentant des garanties de sécurité adéquates et offrant des services psychiatriques médico-légaux communautaires. A cet égard, il a été souligné que dans nombre de pays, des personnes atteintes de troubles mentaux nécessitant un traitement en hôpital sont détenues en milieu carcéral. Le défaut de transfert dans un hôpital provient peut-être du défaut d'identification de ces personnes au sein de la population carcérale, mais aussi d'une capacité hospitalière insuffisante ou inadaptée du point de vue de la sécurité, ou encore de la réticence des services locaux de santé mentale à accepter ces personnes. Les Etats membres devraient mettre en place des mécanismes permettant de remédier à ces atteintes aux droits de l'homme des individus.
Y-a-t-il des questions particulières que le Groupe de travail devrait prendre en considération s'agissant de la façon dont les tribunaux et les prisons traitent des troubles mentaux?
10. Recherches sur les personnes atteintes de troubles mentaux placées comme patients involontaires dans un établissement psychiatrique
Le Groupe de travail sur la recherche biomédicale du Comité directeur sur la bioéthique prépare actuellement un projet de Protocole à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine , relatif à la recherche biomédicale, et examine, entre autres, la question de la recherche sur des personnes privées de leur liberté. Le Groupe de travail sur la psychiatrie et les droits de l'homme suivra les travaux de ce Groupe de travail et examinera le texte qui sera élaboré sur le sujet de la recherche sur des personnes privées de leur liberté.
11. Les droits de l'homme des personnes atteintes de troubles mentaux, en particulier de celles placées comme patients involontaires
Y-a-t-il d'autres questions qui devraient être prises en compte s'agissant des droits civils et politiques des personnes atteintes de troubles mentaux?
2. L'environnement et les conditions de vie d'une personne atteinte de troubles mentaux dans les services de santé mentale devraient être aussi proches que possible, compte tenu de son état de santé et conformément à la législation nationale, de la vie normale des personnes d'un âge et d'une culture correspondants, et notamment comprendre des mesures de réadaptation professionnelle de nature à faciliter la réinsertion dans la société. L'accent a été porté sur l'importance des éléments de nature à créer un environnement thérapeutique positif , comme par exemple un espace de vie suffisant par patient, un éclairage, un chauffage et une aération adéquats, la mise à disposition de tables de chevets et de penderies, l'individualisation de l'habillement, le fait d'éviter de recourir à des dortoirs de grande capacité privant les patients de toute intimité.
3. Le Groupe de travail a aussi estimé que dès que son état de santé le permet, le patient devrait être transféré dans une unité de soins moins restrictive.
4. En outre, le traitement et les soins dispensés au patient devraient se fonder sur un programme individuel discuté avec lui, régulièrement revu, modifié le cas échéant, et appliqué par un personnel adéquatement qualifié (à cet égard, l'on a estimé que les qualifications du personnel devraient être enregistrées auprès d'organes professionnels et que ce personnel devrait lui-même participer à des programmes dispensant un développement professionnel continu) . De plus, sauf circonstances exceptionnelles, à savoir dans l'intérêt de la sécurité publique ou selon ce qui a été agréé aux fins de la recherche médicale (voir section 10 ci-dessus), les informations relatives à la santé du patient, y compris les données médicales, devraient demeurer confidentielles (à cet égard, référence est faite à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui consacre le respect de la vie privée, et à l'article 10 de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine qui dispose que" Toute personne a droit au respect de sa vie privée s'agissant des informations relatives à sa santé." et à l'Annexe à la Recommandation No R(97)5 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la protection des données médicales, et en particulier les principes 3 et 7 ). Il a été considéré que, tout en respectant dûment les instruments mentionnés ci-dessus, les informations pertinentes sur la santé du patient, y compris les données médicales, pouvaient être transmises au médecin ou aux travailleurs de santé ou sociaux appropriés qui pourraient les demander.
5. Le Groupe de travail a également examiné la question des moyens de contention physique et celle de l'isolement . Il a estimé que le recours à de brèves contentions physiques et à de brèves périodes d'isolement devrait être dûment proportionné aux bénéfices et aux risques entraînés. Une formation très détaillée en matière de contention physique devrait être dispensée au personnel. Il a dans ce contexte été souligné que la réponse au comportement violent d'un patient devrait être graduelle, à savoir que le personnel devrait dans un premier temps tenter d'y répondre par la parole, puis, le cas échéant et dans la mesure du possible, par le biais d'une contention manuelle, et en dernier recours par des moyens de contention mécanique. Il a également été souligné que la contention physique doit toujours être utilisée dans le cadre du traitement. En d'autres termes, lorsqu'elle est utilisée, la contention physique doit être considérée comme faisant partie du traitement.
6. L'on a par ailleurs considéré que le recours à l'isolement et aux moyens de contention mécanique ou autres moyens de contrainte pour des périodes prolongées ne devrait avoir lieu que dans des cas exceptionnels et s'il n'existe aucun autre moyen de remédier à la situation; de plus, tout recours à de telles mesures devrait se faire sur ordre exprès d'un médecin ou sous le contrôle d'un médecin ou être immédiatement porté à la connaissance de celui-ci en vue d'obtenir son approbation; les raisons et la durée de ces mesures devraient faire l'objet d'une mention dans un registre approprié et dans le dossier personnel du patient.
Quelles garanties devraient être fournies en matière de contention des patients?
7. Le Groupe de travail a également examiné la question de l'atteinte temporaire et irréversible aux capacités de procréation des individus et a considéré que, si cette question devait être mentionnée dans le nouvel instrument juridique en préparation, il conviendrait que la Recommandation dispose que, sauf dans les circonstances les plus exceptionnelles, aucune atteinte irréversible ne doit être portée aux capacités de procréation des individus sans leur consentement. En outre, l'atteinte irréversible aux capacités de procréation devraient toujours avoir lieu dans l'intérêt supérieur de la personne concernée; en d'autres termes, le but clinique d'une telle atteinte devrait toujours être la protection de la personne concernée.. Il conviendrait alors certainement de préciser que le simple fait qu'une personne soit atteinte d'un trouble mental ne constitue pas une raison suffisante pour porter atteinte de façon irréversible à ses capacités de procréation. Lorsqu'une atteinte irréversible aux capacités de procréation d'une personne est envisagée, la question devrait être examinée par un tribunal ou un organe similaire.
Y-a-t-il des circonstances exceptionnelles permettant l'atteinte irréversible aux capacités de procréation des personnes atteintes de troubles mentaux? Si oui, quelles sont ces circonstances?
Les conditions exceptionnelles dans lesquelles une atteinte irréversible à la procréation est considérée comme étant permise devraient-elles être spécifiées?
Quelles sont les garanties qui devraient exister fin d'assurer que l'atteinte irréversible aux capacités de procréation n'ait lieu que dans des circonstances exceptionnelles?
8. Le Groupe de travail a émis l'avis selon lequel le droit de la personne atteinte de troubles mentaux et placée comme patient involontaire de correspondre avec toute autorité appropriée, son représentant et son avocat ne pouvait être soumis à des restrictions. A cet égard a été précisé que des restrictions à la correspondance avec l'avocat ou l'autorité approprié, y compris la Cour européenne des Droits de l'Homme ou le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) ne serait jamais ni nécessaire, ni appropriée.
9. S'agissant du droit du patient à communiquer avec d'autres personnes que celles mentionnées ci-dessus, l'on a considéré qu'il ne devrait pas être déraisonnablement affecté. Il a cependant été noté que dans certains cas, et dans le cadre des dispositions pertinentes du règlement intérieur de l'établissement psychiatrique, il pouvait être nécessaire de restreindre ce droit dans la mesure où son exercice pourrait porter atteinte soit à la santé ou aux perspectives d'avenir du patient soit aux droits et libertés d'autrui ( par exemple appels téléphoniques ou courriers répétés comportant un contenu déplaisant, suspicion de trafic de stupéfiants; un autre exemple pourrait être celui d'une personne atteinte d'une manie-dépression qui écrit et à l'intention d'adresser à son employeur une lettre de démission.). L'on a également souligné que des mesures telles que la fouille des patients et de leurs chambres, la recherche de drogue dans les urines effectuée au hasard et l'écoute des conversations téléphoniques des patients devraient être menées en conformité avec le règlement intérieur de l'établissement psychiatrique concerné.
Quelles sont les circonstances qui justifieraient la restriction du droit de communiquer? Quelles garanties devraient exister pour protéger ce droit?
10. Le Groupe de travail a en outre estimé que dans ce domaine des règles spécifiques pourraient être établies pour les personnes faisant l'objet d'un placement involontaire, étant entendu que ces règles ne dérogeraient en rien aux dispositions de l'article 8, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, qui traite de la question des ingérences dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale.
11. S'agissant de la communication initiée de l'extérieur, il a été souligné que rien ne devrait entraver la communication entre l'extérieur et l'établissement psychiatrique d'une part ni le droit pour le patient de recevoir des informations de l'extérieur d'autre part.
12. Enfin, le Groupe de travail a été d'avis que la liberté des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires dans un établissement psychiatrique de recevoir des visites ne devrait pas être déraisonnablement restreinte. Cependant, la protection des patients vulnérables ou des mineurs placés dans un établissement psychiatrique ou s'y trouvant en visite qui pourraient être exploités lors de visites et l'existence de droits de visite limités pour certains patients et dans certaines unités de soins devraient être dûment pris en considération. L'on a estimé que la liberté du patient de communiquer avec des visiteurs devrait s'exercer conformément au règlement interne de l'établissement concerné et qu'en l'espèce aucune distinction ne devrait être faite entre un établissement psychiatrique et tout autre établissement hospitalier.
13. Le Groupe de travail a également été d'avis que la protection de la situation des patients devrait être assurée conformément aux législations nationales des Etats membres. Dans ce contexte, il a été souligné que lorsqu'une personne est atteinte de troubles mentaux, elle peut mettre sa situation économique future en danger. Les législations nationales des Etats membres devraient en conséquence prévoir des mesures tendant à garantir et à protéger la situation économique des personnes atteintes de troubles mentaux, par exemple par le biais de la tutelle ou d'autres moyens appropriés. Les législations nationales des Etats membres devraient aussi mettre à disposition des mesures tendant à protéger les intérêts des personnes atteintes de troubles mentaux, s'agissant de leur situation future dans le domaine de l'emploi et de la vie familiale.
12. Discrimination à l'encontre des personnes atteintes de troubles mentaux
Lors de l'examen de cette problématique, les experts ont estimé que les Etats membres devraient prendre des mesures afin d'éliminer toute discrimination à raison de troubles mentaux, y compris au sein des services de santé. Les Etats membres devraient également encourager la tenue de campagnes tendant à accroître la prise de conscience du public au sujet de la discrimination à l'encontre des personnes atteintes de troubles mentaux. A cet égard, l'importance de l'article 14 (Interdiction de discrimination) de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme a été soulignée. Certains exemples ont été mis en lumière par les experts, notamment l'utilisation abusive et stigmatisante de termes tels que schizophrénie dans les media , les pratiques discriminatoires en matière d'emploi des patients ou anciens patients, les pratiques discriminatoires en matière d'assurance, la moindre allocation financière et en termes d'équipement en faveur des établissements psychiatriques ou des services d'hôpitaux généraux dans lesquels sont traitées des personnes atteintes de troubles mentaux, etc.. En outre, les Etats membres devraient plus spécifiquement attirer l'attention des gouvernements et des institutions publiques et de l'Etat pertinentes sur le rôle de l'Etat dans la promotion de la santé mentale et dans l'amélioration et le maintien du traitement et de la qualité de vie des personnes atteintes de troubles mentaux.
Quelles mesures concrètes devrait-on attendre de la part des Etats membres afin de réduire la discrimination?
13. La fin du placement et du traitement involontaires
1. Le Groupe de travail a été d'avis que le placement ou le traitement involontaires devraient prendre fin lorsque les critères pour le placement ou le traitement involontaires ne sont plus remplis;le médecin, l'établissement et l'autorité indépendante devraient avoir la compétence de mettre fin au placement involontaire au vu des critères mentionnés au point 3. ci-dessus. Il a été souligné que le psychiatre en charge des soins du patient devrait être responsable de l'évaluation tendant à savoir si le patient continue de remplir les critères du placement ou du traitement involontaires.
2. S'agissant de la post-cure des personnes ayant fait l'objet d'un placement involontaire, les experts ont estimé que des dispositions appropriées, créant un lien entre les services hospitaliers et les services communautaires, devraient être établies par les Etats membres afin d'assurer, entre autres, que la fin du placement involontaire ait lieu aussi tôt que possible et déviter, autant quil est raisonnable, le recours au placement involontaire de la personne concernée dans lavenir. Mais ils ont considéré que le défaut de tels services à l'extérieur de l'établissement ne devrait pas en lui-même constituer une raison suffisante pour prolonger la privation de liberté.
14. La révision de la légalité du placement et du traitement involontaires
1. Le Groupe de travail a considéré que les patients devraient pouvoir demander à intervalles raisonnables la révision de la légalité du placement ou du traitement involontaires par un tribunal ou un organe similaire; le tribunal ou l'organe similaire, conformément aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme y relative, devrait statuer à bref délai et garantir le respect du principe du contradictoire; si un patient ne demande pas la révision de la légalité du placement ou du traitement involontaires, une révision de la légalité ex officio par une autorité indépendante (de préférence un tribunal ou un organe similaire) devrait avoir lieu à intervalles réguliers et raisonnables; par ailleurs, dans le cadre de la procédure suivant une demande auprès d'un tribunal ou d'un organe similaire, la personne placée comme patient involontaire devrait avoir le droit d'être entendue soit en personne soit, lorsque cela est nécessaire, par le biais d'un représentant.
2. Les experts ont estimé que dans les cas appropriés, la personne placée ou traitée comme patient involontaire devrait avoir droit à un conseil juridique si elle n'est pas pleinement capable d'agir par elle-même, sans qu'il soit besoin pour elle de prendre l'initiative pour l'obtention du conseil juridique. L'aide judiciaire gratuite devrait être disponible aux fins de la mise à disposition d'un conseil juridique, conformément à la législation nationale.
3. Il y aurait lieu d'examiner la possibilité de mettre à disposition le conseil juridique automatiquement dans toutes les procédures devant un tribunal ou un organe similaire concernant le placement et le traitement involontaires.
4. Il conviendrait que la personne placée ou traitée comme patient involontaire ou son représentant aient accès à toutes les pièces en possession du tribunal ou de l'organe similaire, et aient le droit de contester les témoignages devant le tribunal ou l'organe similaire. En outre, l'on a estimé que le médecin traitant du patient devrait être informé de la procédure intentée devant le tribunal ou l'organe similaire et de son droit d'y participer.
5. La révision judiciaire par un tribunal ou un organe similaire devrait s'assurer de la légalité de l'intégralité de la procédure suivie et vérifier si les critères du placement ou du traitement involontaires continuent ou non d'être remplis. Le tribunal ou l'organe similaire devrait avoir pleinement connaissance des éléments de fait et de droit et devrait pouvoir revoir librement la décision prise par l'autorité indépendante compétente.
Ces dispositions relatives à la révision sont-elles appropriées?Est-ce que des profanes devraient être habilités à participer aux procédures devant le tribunal ou l'organe similaire?
6. D'autre part, le tribunal ou l'organe similaire devrait prendre sa décision rapidement après le dépôt de la requête tendant à l'obtention de la fin du placement ou du traitement , identifier les éventuelles infractions à la législation nationale en vigueur en matière de placement et de traitement involontaires et renvoyer celles-ci devant l'organe compétent; il a en particulier été souligné que dans le cas où l'organe compétent conclut à un placement ou à un traitement contraires aux dispositions législatives en vigueur, la personne concernée devrait avoir droit à réparation, ainsi que cela est prévu par larticle 5, paragraphe 5, de la Convention européenne des droits de lhomme qui dispose que " Toute personne victime d"une arrestation ou d"une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. ".
7. L'on a également considéré que dans le cas d'une personne faisant l'objet à la fois d'un placement et d'un traitement involontaires, le réexamen du placement et du traitement involontaires devrait avoir lieu en même temps.
8. Enfin, le Groupe de travail a étudié la question de savoir si un droit d'appel contre le tribunal ou l'organe similaire devrait être examiné.
Un droit d'appel devrait-il être instauré et, si oui, sous quelle forme?
15. Les systèmes de fixation et de suivi des normes de qualité pour la mise en oeuvre de la législation relative à la santé mentale
1. Dans le cadre de l'examen de cette question, le Groupe de travail a considéré que les systèmes de fixation et de suivi des normes de qualité pour la mise en oeuvre de la législation relative à la santé mentale devraient:
a. être dotés de ressources financières et humaines suffisantes pour effectuer leurs tâches;
b. être indépendants, sur le plan organisationnel, de l'administration des services de santé mentale ou des lieux de placement qui sont contrôlés;
c. être coordonnés entre eux et avec dautres audits et les services d'assurance de qualité;
Par ailleurs, des professionnels, psychiatres et non psychiatres, ainsi que des profanes et des utilisateurs, devraient être impliqués dans le système de fixation et de suivi des normes de qualité pour la mise en oeuvre de la législation relative à la santé mentale ;
2. En outre, les experts ont été d'avis que les procédures de fixation et de suivi des normes de qualité devraient inclure ce qui suit:
a. s'assurer que les personnes atteintes de troubles mentaux ne sont pas placées dans des lieux qui ne sont pas répertoriés par l'autorité appropriée;
b. notifier à l'autorité appropriée les décès des personnes faisant l'objet d'un placement ou d'un traitement involontaires; s'assurer qu'existe un pouvoir d'ordonner une enquête au sujet du décès d'un patient et qu'une enquête indépendante des services locaux de santé mentale a eu lieu au sujet du décès de la personne concernée;
c. visiter et inspecter ces lieux à tout moment et, en cas de besoin, sans préavis, afin de s'assurer qu'ils se prêtent au traitement des patients atteints de troubles mentaux;
d. les utilisateurs des services devraient être impliqués dans la visite et l'inspection des services locaux de santé mentale pour s'assurer que des solutions de rechange satisfaisantes au séjour à l'hôpital sont fournies pour soins aux patients atteints de troubles mentaux;
e. les personnes administrant les services de santé mentale ou les lieux de placement et le personnel qui traite, prodigue des soins infirmiers ou s'occupe des personnes soumises à la législation relative à la santé mentale fournissent toute information requise pour autant que cela soit raisonnablement estimé nécessaire à des fins de fixation et de suivi des normes de qualité;
f. rencontrer les patients en privé et avoir accès à leur dossier médical et clinique à tout moment, conformément aux dispositions de la législation relative à la santé mentale;
g. recevoir confidentiellement les plaintes des patients, s'assurer que des procédures locales de plainte existent et quil est répondu aux plaintes de manière appropriée;
h. examiner les situations dans lesquelles des restrictions à la communication ont été appliquées;
i. s'assurer du respect des normes et obligations professionnelles, conformément à l'article 4 de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine et aux articles pertinents de son rapport explicatif (articles 28 à 32);
j. faire en sorte que les informations statistiques sur le recours à la législation relative à la santé mentale et les plaintes soient recueillies de manière fiable et systématique;
k. présenter un rapport régulièrement (généralement une fois par an) à ceux, jusques et y compris le ministre, responsables de la prise en charge des patients atteints de troubles mentaux, qui devraient examiner la possibilité de publier le rapport; dans le cas où le rapport lui-même n'est pas publié, des informations devraient néanmoins être données au public par le haut fonctionnaire de l'Etat compétent en la matière sur des questions telles que la santé mentale de la société, les activités menées pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de troubles mentaux et les conditions de leur traitement.
l. informer ceux, jusques et y compris le ministre, responsables de la prise en charge des patients atteints de troubles mentaux des conditions et des moyens appropriés pour leur traitement;
m. s'assurer que ceux, jusques et y compris le ministre, responsables de la prise en charge des patients atteints de troubles mentaux, répondent aux questions soulevées lors des visites et, à un stade ultérieur, aux recommandations et rapports émanant des procédures pour la fixation des normes de qualité. Les procédures de fixation et de suivi des normes de qualité devraient assurer qu'une action de suivi est entreprise.
Quelles dispositions en matière de suivi seraient appropriées? Les dispositions proposées sont-elles de nature à être efficaces et suffisantes à cette fin?
************
Y-a-t-il d'autres domaines qui présentent de l'intérêt à vos yeux et au sujet desquels vous souhaiteriez faire des commentaires?
************
Conclusion
Le CDBI-PH va poursuivre ses travaux, à la lumière notamment des vues exprimées par les destinataires du présent document. Il est prévu qu'il soumette au CDBI un avant-projet de Recommandation en 2001. Le texte ainsi approuvé par le CDBI sera alors présenté par ce dernier sous forme d'un projet de Recommandation au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, en vue de son adoption.
ANNEXE 1
GLOSSAIRE
.PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE: Signifie que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu par un tribunal ou appelé à comparaître devant lui. Les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme pourraient être utilisées comme lignes directrices dans ce contexte.
.TRIBUNAL OU ORGANE SIMILAIRE: L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme se réfère à "un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi". Le"droit à un tribunal" comprend trois éléments. Il doit y avoir un "tribunal" , établi par la loi et répondant aux exigences d'indépendance et d'impartialité; il doit avoir une compétence suffisamment étendue poue se prononcer sur tous les aspects de la contestation ou de l'accusation à laquelle s'applique l'article 6; l'intéressé doit avoir accès au tribunal. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le "tribunal" se caractérise par son rôle juridictionnel: trancher, sur la base de normes de droit et à l'issue d'une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence. Il doit être habilité à rendre une décision contraignante sur la cause dont il est saisi.
. DANGER : Le danger peut sinterpréter comme la probabilité de survenue dun dommage.
.PLACEMENT INVOLONTAIRE: Le placement involontaire consiste à faire admettre et retenir, aux fins de traitement, une personne atteinte de troubles mentaux dans un hôpital ou établissement de soins ou autre endroit approprié, étant entendu que la personne en question est capable de consentir et ne donne pas son consentement au placement ou que la personne est incapable de consentir et refuse le placement.
. TRAITEMENT INVOLONTAIRE: Ce terme couvre la gestion d'une personne atteinte de troubles mentaux et toute intervention à visée thérapeutique, qu'elle soit d'ordre physique, psychologique ou social, étant entendu que la personne en question est capable de consentir et ne donne pas son consentement au traitement ou que la personne est incapable de consentir et refuse le traitement.
. MEDECIN POSSEDANT L'EXPERIENCE ET LA COMPETENCE REQUISE: Il s'agit d'un médecin qui n'est pas nécessairement un psychiatre, ce qui peut fort bien être le cas dans des situations d'urgence, mais qui possède une expérience suffisante pour traiter des questions médicales et administratives soulevées dans le cas du placement ou du traitement involontaires.
. TROUBLE MENTAL : Ce terme englobe la maladie mentale, le handicap mental (ou incapacité d'apprentissage) et les troubles de la personnalité.
. INCAPACITE MENTALE: Concept en vertu duquel les décisions sont fondées sur la capacité de l'individu, telle que déterminée par la profession médicale et d'autres professionnels, à comprendre la nature du traitement ou de l'admission, à en apprécier les bénéfices, à opérer un choix et à le communiquer.
. PSYCHIATRE: Médecin possédant une expertise spéciale en matière d'évaluation, de diagnostic et de traitement des troubles mentaux.
. DELAI RAISONNABLE: Le caractère "raisonnable" de la période en question dépend des circonstances de la cause . Il y a lieu de tenir compte de la complexité de l'affaire, du comportement du requérant et de celui des autorités.
. AUTORITE COMPETENTE INDEPENDANTE : Ce terme couvre soit un tribunal ou un organe similaire, soit une autre autorité indépendante. Lindépendance de lautorité sinfère de ce quil sagit dune instance différente de celle qui propose la mesure de placement et de ce que sa décision est prise en pleine souveraineté, cest-à-dire à labri de toute instruction, quelle quelle soit et doù quelle émane.
.TRAITEMENT : Ce terme couvre la gestion d'une personne atteinte de trouble mental et toute intervention à visée thérapeutique, dordre physique, psychologique ou social.
ANNEXE 2
RECOMMANDATION N° R (83) 2
SUR LA PROTECTION JURIDIQUE DES PERSONNES ATTEINTES
DE TROUBLES MENTAUX ET PLACEES
COMME PATIENTS INVOLONTAIRES
(adoptée par le Comité des Ministres le 22 février 1983,
lors de la 356e réunion des Délégués des Ministres)
Le Comité des Ministres, en vertu de larticle 15.b du Statut du Conseil de lEurope,
Considérant que le but du Conseil de lEurope est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, en particulier par lharmonisation des législations sur des questions dun intérêt commun ;
Tenant compte de la Convention de sauvegarde des Droits de lHomme et des Libertés fondamentales ainsi que de son application par les organes créés par cette convention ;
Tenant compte de la Recommandation 818 (1977) de lAssemblée Consultative du Conseil de lEurope relative à la situation des malades mentaux ;
Considérant quune action commune au niveau européen favorisera une meilleure protection des personnes atteintes de troubles mentaux,
Recommande aux gouvernements des Etats membres dadapter leur législation aux règles annexées à la présente Recommandation ou dadopter des dispositions conformes à ces règles lorsquils introduiront une nouvelle législation.
Règles
Article 1
Article 2
Les psychiatres et les autres médecins doivent se conformer aux données de la science médicale lorsquils ont à déterminer si une personne est atteinte dun trouble mental nécessitant le placement. Les difficultés dadaptation aux valeurs morales, sociales, politiques ou autres, ne doivent pas être considérées, en elles-mêmes, comme un trouble mental.
Article 3
A défaut de tout autre moyen dadministrer le traitement approprié :
Article 4
Article 5
Article 6
Les restrictions imposées à la liberté individuelle du patient doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et lefficacité du traitement ; cependant, les droits du patient :
ne peuvent être soumis à des restrictions.
Article 7
Un patient ne peut être transféré dun établissement à un autre que compte tenu de son intérêt thérapeutique et, dans la mesure du possible, de ses désirs.
Article 8
soit de sa propre initiative, soit sur demande du patient ou de toute autre personne intéressée.
Article 9
Article 10
Dans toutes circonstances, la dignité du patient doit être respectée et des mesures appropriées doivent être prises pour protéger sa santé.
Article 11
Les présentes règles ne limitent pas la faculté de chaque Etat dadopter des dispositions accordant une protection juridique plus étendue aux personnes atteintes de troubles mentaux et faisant lobjet dun placement.
EXPOSE DES MOTIFS
" il (faut) que lintéressé (le malade mental qui fait lobjet dune mesure de placement involontaire) ait accès à un tribunal et loccasion dêtre entendu lui-même ou, au besoin, moyennant une certaine forme de représentation " (voir le paragraphe 60 de larrêt Winterwerp rendu par la Cour européenne des Droits de lHomme).
Dans cet arrêt, la Cour a précisé que la Convention européenne des Droits de lHomme exige quun tel malade ait accès à un tribunal. Larrêt Winterwerp a été étudié avec soin et une attention particulière a été accordée à cette conclusion lors de lélaboration de la Recommandation.
Article 1
Article 2
Ainsi, la difficulté de sadapter aux valeurs morales, sociales, politiques ou autres de la société ne doit pas être considérée comme un trouble mental justifiant le placement lorsquelle nest pas accompagnée dautres éléments importants permettant, selon la première phrase de larticle, de diagnostiquer, conformément à la science médicale, lexistence dun trouble mental.
Cette disposition nempêche pas que la difficulté en question puisse, selon la science médicale, être considérée comme lun des symptômes du trouble mental mais il faut quil ne sagisse pas du seul symptôme.
Article 3
La destruction de biens peut, dans des cas limités, être prise en considération, dans la mesure où il y a toute raison de croire que les troubles de la personne concernée pourront évoluer au point quelle pourra être dangereuse également pour les autres personnes.
Article 4
Quelles que soient les différentes hypothèses, le placement étant une mesure médicale mais aussi privative de liberté, il est important que, lorsque la décision est prise par un juge, lavis médical soit requis et que, lorsque la décision est prise par une autre autorité appropriée (organe administratif après avis médical ou autorité médicale seule), le droit soit reconnu au patient de former un recours en justice contre la décision de cette autorité. Afin déviter une dure épreuve au patient, la procédure, dans tous les cas, doit être simple et rapide.
Il y a urgence lorsque le trouble mental nécessite ladmission immédiate dans un établissement et il nest pas possible dobtenir au préalable la décision de lautorité compétente.
Il a été estimé que, puisque dans ce cas le juge nintervient pas au commencement de la procédure, des garanties spéciales devraient être reconnues au patient.
Par exemple, si le juge, malgré la volonté dêtre entendu personnellement exprimée par le patient, devait estimer que létat de santé du patient ne permet pas une telle audition, il devra prendre des mesures permettant à un représentant du patient dexprimer le point de vue de celui-ci.
Article 5
Lexpression "détériorer la personnalité du patient" doit être interprétée comme désignant toute altération autre que la modification du comportement pathologique du patient qui est un symptôme des troubles mentaux parce que cette modification est le but même du traitement.
Lexpression legal representative, dans le texte en anglais, ne signifie pas, ainsi que les pays de common law le considèrent, "un juriste". Dans le paragraphe 2, elle est utilisée dans le sens que lui attribuent les pays de droit civil dans lesquels elle désigne toutes les personnes qui, en vertu de la loi ou dune décision dune autorité judiciaire ou autre, exercent les droits dun incapable juridique (par exemple tuteur).
Article 6
Lidée de base est que le patient doit être considéré, dans la mesure du possible, comme toute autre personne et les restrictions à sa liberté personnelle doivent se limiter aux mesures nécessaires dans lintérêt de sa santé et du traitement quil reçoit. En aucun cas le placement ne doit constituer une mesure de répression ou disolement sans traitement.
Article 7
Article 8
Il établit deux principes fondamentaux.
Ce principe n'interdit pas aux Etats, dans lesquels l'autorité judiciaire décide du placement, de prévoir que la décision de fin de placement prise par le médecin soit soumise à cette autorité.
Article 9
Article 10
Article 11
ANNEXE 3
RECOMMANDATION 1235 (1994)1 relative à la psychiatrie et aux droits de l'homme
1. L'Assemblée constate qu'il n'existe aucune étude d'ensemble sur la législation et la pratique en matière de psychiatrie couvrant les Etats membres du Conseil de l'Europe.
2. Elle note que, d'une part, une jurisprudence s'est développée à partir de la Convention européenne des Droits de l'Homme et que, d'autre part, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a été amené à faire un certain nombre d'observations concernant la pratique en matière d'internement psychiatrique.
3. Elle relève que, dans un grand nombre de pays membres, les législations concernant la psychiatrie sont en cours de révision ou d'élaboration.
4.Elle est informée que, dans de nombreux pays, un débat animé est en cours sur des problèmes liés à certains types de traitements, tels la lobotomie et les électrochocs, ainsi que sur les abus sexuels dans le cadre du traitement psychiatrique.
5. Elle rappelle la Recommandation no R (83) 2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires.
6. Elle considère qu'il est grand temps que les Etats membres du Conseil de l'Europe se dotent de mesures législatives assurant le respect des droits de l'homme des malades psychiatriques.
7.En conséquence, l'Assemblée invite le Comité des Ministres à adopter une nouvelle recommandation s'inspirant des règles ci-après:
i.Procédure et conditions de placement:
a.le placement non volontaire doit être exceptionnel et doit répondre aux critères suivants:
- il existe un danger grave pour le patient lui-même ou pour autrui;
- un critère additionnel peut être celui du traitement, si l'absence de placement peut entraîner une détérioration de l'état du patient ou l'empêcher de recevoir un traitement approprié;
b.en cas de placement non volontaire, la décision de placement dans un établissement psychiatrique doit être prise par un juge et la durée du placement doit être précisée. Une révision périodique et automatique de la nécessité du placement doit être prévue. Dans tous les cas, il faut tenir compte des principes posés dans la future convention sur la bioéthique du Conseil de l'Europe;
c.la décision doit pouvoir faire l'objet d'un recours prévu par la loi;
d.un code des droits des malades doit être porté à la connaissance des malades à leur entrée dans l'établissement psychiatrique;
e.un code de déontologie pour les psychiatres devrait être élaboré, qui pourrait s'inspirer notamment de la Déclaration d'Hawaï approuvée par l'Assemblée générale de l'Association mondiale de psychiatrie à Vienne en 1983.
ii.Traitements:
a.une distinction doit être établie entre les patients handicapés mentaux et les patients aliénés;
b.la lobotomie et la thérapie par électrochocs ne peuvent être pratiquées que si le consentement éclairé a été donné par écrit par le patient lui-même ou par une personne choisie par le patient pour le représenter, soit un conseiller soit un curateur, et si la décision a été confirmée par un comité restreint qui n'est pas composé uniquement d'experts psychiatriques;
c.le traitement appliqué au malade doit faire l'objet d'un rapport précis et circonstancié;
d.le personnel soignant doit être en nombre suffisant et avoir une formation adaptée à ce type de malades;
e.un "conseiller" indépendant de l'institution doit être accessible aux patients sans aucune entrave; de même un "curateur" devrait être chargé de veiller aux intérêts des mineurs;
f.une inspection analogue à celle du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants devrait être mise en place.
iii.Problèmes et abus en psychiatrie:
a.le code de déontologie doit stipuler expressément qu'il est interdit au psychothérapeute de faire des avances sexuelles à ses patientes;
b.l'isolement des patients doit être strictement limité et le logement en dortoirs de grande dimension doit également être évité;
c.aucun moyen de contention mécanique ne doit être utilisé. Les moyens de contention chimique doivent être proportionnés au but recherché, et aucune atteinte irréversible ne doit être portée aux droits de procréation des individus;
d. la recherche scientifique dans le domaine de la santé mentale ne doit pas se faire à l'insu ni contre la volonté du patient ou de la patiente, ou de son représentant, et doit être menée seulement dans l'intérêt du patient ou de la patiente.
iv.Situation des personnes détenues:
a.toute personne incarcérée devrait être examinée par un médecin;
b.un psychiatre et un personnel spécialement formé devraient être attachés à chaque établissement pénitentiaire;
c.les règles énoncées précédemment et les règles de déontologie devraient s'appliquer aux détenus, et, notamment, le secret médical devrait être observé dans toute la mesure compatible avec les exigences de la détention;
d.des programmes sociothérapeutiques devraient être mis en place dans certaines unités pénitentiaires pour les détenus présentant des troubles de la personnalité.
__________
1.Discussion par l'Assemblée le 12 avril 1994 (10e séance) (voir Doc. 7040, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Stoffelen; et Doc. 7048, avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: M. Eisma).
Texte adopté par l'Assemblée le 12 avril 1994 (10e séance).