AU SOMMAIRE

  • Editorial : Un événement pour l'évolution de la santé mentale en France
  • Ouvrir le secteur
  • Un rôle non exclusif
  • Le Conseil Economique et Social dans la Cinquième République
  • La psychiatrie dans la société
  • Réseaux de soins et politique de santé mentale
  • Droits des malades et loi de 1 990
  • Les CMP et les CMPP : la population suivie sur deux semaines
  • 11

    OUVRIR LE SECTEUR

    Le rapport présenté au nom du Conseil économique et social(1) par Pierre Joly qui en est le rapporteur lors de la séance des 1er et 2 juillet 1997 (Journal Officiel du 24 juillet) est un événement. En effet c'est la première fois depuis ses débuts en 1945 que le C.E.S. se saisit des problèmes de la psychiatrie. Il le fait en la situant d'emblée dans le contexte plus large de la santé mentale et en appelant à un débat qui n'implique pas seulement l'administration et les spécialistes mais qui soit largement ouvert à la société civile, dont d'ailleurs ses membres sont largement issus. Il propose que le débat soit conduit à travers toute une série de conférences poursuivies par l'étude des voies et moyens pour atteindre les objectifs fixés par celles-ci en accord avec la commission permanente de la santé mentale. Ce faisant il a en vue une loi d'orientation.

    Ces propositions, il en formule le cadre à partir d'un état des lieux où la situation du secteur tient évidemment une place centrale.

    R. Lepoutre *

    (1) Cf. Le conseil économique et social dans la Ve Républque page 2.


    UN RÔLE NON EXCLUSIF

    Au centre du rapport, le secteur et la continuation de la politique de sectorisation dans la perspective d'une politique de santé mentale. Pour le Conseil économique et social, "la notion de continuité des actions de prévention et de soins dans une aire géographique donnée ­ qui est la base du secteur ­ apparaît toujours d'actualité" mais il s'agit à présent "d'ouvrir la psychiatrie institutionnelle à d'autres horizons" si on ne veut pas prendre le risque de voir "le grand renfermement" qui concernait hier les malades, concerner demain "la psychiatrie elle-même". Pour l'éviter le rapport demande que soient explorées six pistes.

    Faire réellement du secteur

    le centre du dispositif

    Faire réellement du secteur le centre du dispositif, le centre de prévention de soins non seulement des maladies mentales mais des troubles psychiques. Or la sectorisation montre ses limites "en matière de prévention et de prise en charge des personnes qui ne sont pas à proprement parler des malades mentaux mais souffrent de troubles psychiques parfois graves".

    L'efficacité du secteur passe là par "la constitution du réseau avec les autres acteurs sanitaires et sociaux" et la création d'un conseil de secteur (prévu par la circulaire du 14 mars 1990) ; par une révision de la carte de sectorisation ; par une harmonisation (des importantes disparités de moyens) à travers des redéploiements dont le rapport souligne qu'ils ne doivent pas être une occasion d'enlever des moyens à la santé mentale au sein des hôpitaux généraux et qu'il faut donc "isoler le volet santé mentale dans leurs budgets". Dans les mêmes hôpitaux généraux le C.E.S. préconise la mise en place de consultations spécialisées. S'agissant de la prévention, le rapport insiste sur l'importance du rôle de l'ensemble des médecins "les premiers confrontés à la souffrance psychique de leurs patients" et sur le rôle que pourraient jouer les psychologues libéraux.

    Ouvrir le secteur sur le sanitaire et le social

    "Les textes confient au secteur la prévention, le soin et la réinsertion du malade mental" mais, estime le C.E.S. le secteur ne peut tout faire lui-même, et il estime que le secteur doit se voir confier "l'animation d'un réseau comprenant l'ensemble des acteurs" qu'il énumère : "médecins généralistes, spécialistes libéraux, établissements de santé, établissements sociaux et médico-sociaux, travailleurs sociaux, élus locaux, associations, familles, école...".

    Pour mieux servir cette animation, le C.E.S. insiste sur la mise en œuvre du conseil de secteur (Cf. ci-dessus) et sur la nécessité pour le secteur de s'ouvrir sur la population qu'il dessert. "Le centre médico-psychologique doit constituer avec les services d'urgence des hôpitaux généraux le service-porte de la santé mentale", ces centres devant être multiples.

    Développer les structures alternatives

    Le C.E.S. constate le faible développement actuel des structures alternatives à l'hospitalisation "mis à part les centres médico-psychologiques (...) et les centres d'accueil thérapeutiques" et recommande "que chaque secteur soit doté au moins d'un hôpital de jour intégré à la cité et d'un centre d'aide thérapeutique (...) de centres d'accueil permanent". Il insiste pour que soient encouragés "l'hospitalisation et les soins à domicile", et plaide pour "l'augmentation du nombre de lits de nuit (et de week-end)", et qu'un effort soit porté "sur l'accueil familial thérapeutique" en même temps que soit mis en place un véritable statut des accueillants.

    La liaison avec le sanitaire non spécialisé

    Pour que la psychiatrie ne soit pas enfermée sur elle-même, elle doit s'ouvrir aux autres acteurs au premier rang desquels les omnipraticiens libéraux et l'hôpital général. S'agissant de ce dernier, le rapport recommande : une accélération du transfert des services psychiatriques vers l'hôpital général, un développement de la psychiatrie de liaison, l'obligation de répondre à l'urgence psychiatrique et "la généralisation, au moins dans les grands centres urbains, des équipes mobiles d'intervention psychiatrique" ainsi que "l'association des professionnels libéraux aux urgences".

    Insertion et réinsertion professionnelles

    Au même titre que quiconque, la personne qui souffre de troubles psychiques doit se voir offrir "une chance d'insertion ou de réinsertion". Le rapport estime indispensable "une augmentation du nombre de postes ouverts dans les structures de travail protégé", et désire que le fonds d'insertion pour les handicapés s'intéresse plus à "l'insertion en milieu ordinaire des malades mentaux et des personnes souffrant de troubles psychiques".

    Les métiers de la santé mentale

    "L'achèvement du processus de sectorisation "requiert une revalorisation des métiers de la santé mentale" à travers : une réflexion sur le recrutement des psychiatres publics (éventuelle autorisation d'une forme d'exercice libéral) et d'un règlement rapide du statut des infirmiers en psychiatrie.

    Évaluation du suivi

    L'évaluation médicale de la gestion est "une impérieuse nécessité" (avec le concours de l'ANAES).

    Quatre directions d'actions privilégiées

    * Prévenir et traiter le trouble psychique chez l'enfant : il s'agit de renforcer des structures médicales, sociales et de psychologie scolaire.

    * Prévenir et traiter le trouble psychique chez l'adolescent et le jeune adulte : il s'agit de la création d'un nouveau type de secteurs : les secteurs de psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte.

    * Connaître et prévenir les troubles psychiques en milieu de travail : il s'agit de l'ouverture d'un énorme chantier de connaissance, de prise en charge, de réparation de la souffrance mentale, au travail et aussi pour les individus sans emploi.

    * Prendre en charge les troubles psychiques liés à l'exclusion sociale et professionnelle, avec la recommandation qu'un membre de l'équipe de secteur assiste régulièrement aux réunions des commissions locales d'insertion. *


    EDITORIAL

    UN ÉVÉNEMENT POUR L'ÉVOLUTION DE LA SANTÉ MENTALE EN FRANCE

    Le rapport "Prévention et soins des maladies mentales, bilan et perspectives", présenté au nom du Conseil économique et social par M. Pierre Joly, rapporteur, représente un fait majeur dans l'histoire de la santé et, plus particulièrement, de la santé mentale.

    Pour la première fois, ce qui est la troisième assemblée de notre pays, oriente ses travaux dans ce domaine trop longtemps ignoré. Les recherches, les réflexions des acteurs de la psychiatrie sont ainsi reconnues malgré leur perte de puissance dans l'action.

    Voté à l'unanimité ­ fait rarissime ­ ce rapport traduit la prise de conscience par la société civile du retard de ses connaissances et, déjà, de son souci et de sa volonté de prendre possession d'un territoire qui est en fait légitimement le sien.

    L'ouverture d'esprit, la hauteur du propos, la pertinence des solutions proposées méritent que nous nous y attardions tous : professionnels et spécialistes de la santé mentale trouveront intérêt dans une confrontation d'idées avec une somme de réflexions qui a le mérite de redonner son sens général à leurs actions.

    C'est pour aider à ce dialogue que nous avons largement consacré ce numéro de "Pluriels" : à une synthèse qui tente de resituer le contenu logique et méthodique de ce texte, et à son esprit d'ouverture.

    Christian Bonal


    LE CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DANS LA Ve RÉPUBLIQUE

    Créé par l'ordonnance du 29 décembre 1958, ses missions et attributions sont décrites comme suit :

    Le conseil économique et social est auprès des pouvoirs publics une assemblée consultative.

    Par la représentation des principales activités économiques et sociales, le Conseil favorise la collaboration des différentes catégories professionnelles entre elles et assure leur participation à la politique économique et sociale du Gouvernement.

    Il examine et suggère les adaptations économiques ou sociales rendues nécessaires notamment par les techniques nouvelles.

    Le Conseil qui est saisi au nom du Gouvernement par le Premier ministre de demandes d'avis ou d'études, peut aussi :

    "... de sa propre initiative, appeler l'attention du Gouvernement sur les réformes qui lui paraissent de nature à favoriser la réalisation des objectifs définis à l'article ci-dessus".

    Et :

    "Chaque année, le Premier ministre fait connaître la suite donnée aux avis du Conseil économique et social".

    Le rapport sur "Prévention et soins des maladies mentales - Bilan et perspectives" fait suite à une question dont le Conseil s'est saisi lui-même par décision de son bureau en date du 22 novembre 1994.

    La composition du bureau marque la présence des parties les plus actives de la société civile, composition fixée par la loi organique du 27 juin 1984.

    Le Conseil économique et social comprend :

  • 69 représentants des salariés ;

  • 72 représentants des entreprises, dont :

    * 27 représentants des entreprises privées non agricoles,

    * 10 représentants des artisans,

    * 10 représentants des entreprises publiques,

    * 25 représentants des exploitants agricoles ;

  • 3 représentants des professions libérales ;

  • 10 représentants de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole ;

  • 5 représentants des coopératives non agricoles ;

  • 4 représentants de la mutualité non agricole ;

  • 17 représentants des activités sociales, dont :

    * 10 représentants des associations familiales,

    * 1 représentant du logement,

    * 1 représentant de l'épargne,

    * 5 représentants des autres associations ;

  • (Loi organique n° 90-1001 du 7 novembre 1990) : "9 représentants des activités économiques et sociales des départements, des territoires et des collectivités territoriales à statut particulier d'outre-mer".

  • 2 représentants des Français établis hors de France ;

  • 40 personnalités qualifiées dans le domaine économique, social, scientifique ou culturel. *


    LA PSYCHIATRIE DANS LA SOCIÉTÉ

    UN ENTRETIEN AVEC PIERRE JOLY

    Mettre le sujet au centre d'un dispositif de santé mentale. Faire que la complexité du monde de la psychiatrie cesse de la faire assimiler à l'image moyenâgeuse du "fou". Ces deux objectifs, comment les atteindre ? Voilà le fond du rapport du Conseil économique et social (C.E.S.). Le chemin à suivre, le rapport le décrit en trois étapes et un aboutissement : d'abord des conférences de consensus sur les grands chapitres de la santé mentale afin de fixer les objectifs ; ensuite une étude des voies et moyens capables d'atteindre ces objectifs ; enfin une évaluation des mises en œuvre, le tout couronné par une loi d'orientation. Nous avons interrogé le rapporteur du C.E.S., Pierre Joly.

    Pluriels. ­ Comment l'idée est-elle venue au C.E.S. de se pencher sur les maladies mentales ?

    P. Joly. ­ C'était une question qui suscitait la curiosité. Elle était posée, sans plus. J'ignorais tout du sujet. Aujourd'hui, dix-huit mois plus tard ­ il a fallu dix-huit mois pour prendre la mesure du sujet ­ je suis un citoyen militant et tous les membres du C.E.S., chacun à son rythme et de son point de vue ont découvert avec intérêt et parfois avec passion ce qu'est la santé mentale. Notez en effet, phénomène rare, que le rapport a été approuvé à l'unanimité des membres. Notez aussi que le C.E.S. constitue un échantillon représentatif de la société civile française, que le C.E.S., c'est le pays et que donc le diagnostic et les propositions faites sont celles qui émanent de la société tout entière. Notez enfin que le gouvernement est tenu avant un an de prendre position vis-à-vis de ce rapport.

    Pluriels. ­ Comment envisagez-vous la situation et ses évolutions ?

    P. Joly. ­ Aujourd'hui la psychiatrie vit un paradoxe. D'une part, non seulement la discipline a fait en une quarantaine d'années d'énormes progrès et est devenue un outil scientifique et médical remarquable, mais en son sein les querelles sont apaisées et on constate une stabilisation des conflits. D'autre part, face à cette modernité, l'opinion publique reste moyenâgeuse ; l'image du "fou" continue d'inspirer la peur et de recouvrir la totalité du paysage de la maladie mentale. La tâche essentielle est donc de faire cesser ce paradoxe et de faire comprendre et admettre la complexité des démarches nécessaires à un véritable système de santé mentale. Sans l'adhésion de la population, jamais le sujet ne pourra occuper sa véritable place, la place centrale.

    Pluriels. ­ Comment concevez-vous la mise en œuvre de cette ouverture à la société ?

    P. Joly. ­ Pour que la psychiatrie ne s'enferme pas sur elle-même dans un monde séparé, il faut militer. Il faut guetter toutes les opportunités d'ouverture pour que cesse le face à face stérilisant des acteurs de la psychiatrie et des décideurs de l'administration. Ainsi, par exemple, lors des États généraux de la Santé, il sera nécessaire qu'une part spécifique y soit faite à la santé mentale qui mettra en valeur les caractéristiques d'une démarche qui, pour médicale qu'elle doit être, est distincte de celles des disciplines somatiques et a sa propre identité. Elle doit donc disposer de moyens qui lui soient propres.

    Pluriels. ­ Êtes-vous optimiste ?

    P. Joly. ­ Résolument. Je pense qu'aujourd'hui alors que les nécessités nouvelles de la société font pression dans ce sens, tous les éléments sont là pour poursuivre et parachever un mouvement initié avec le secteur.


    LIBRE OPINION

    RÉSEAUX DE SOINS ET POLITIQUE DE SANTÉ MENTALE

    Les notions de réseau, de continuité et de complémentarité de l'offre de soins, de coordination entre acteurs de santé et autres intervenants de la communauté ne sont pas des nouveautés dans le champ de la santé mentale.

    Comme le souligne fort justement P. Noël(1) : "Les secteurs psychiatriques étaient des réseaux avant la lettre et sont de plus en plus un tissu de relations réciproques avec la société civile, la vie sociale, la famille, les généralistes".

    Cependant, en y regardant de plus près, cette consécration de l'un des éléments conceptuels de la politique de secteur nécessite aujourd'hui de s'interroger et d'approfondir la notion de réseau en psychiatrie.

    Le guide méthodologique de planification en santé mentale(2) insistait sur quelques caractères généraux :

    * Le réseau est fondé sur une équipe qui exerce son activité en des pôles divers.

    * L'équipement de secteur n'est pas une juxtaposition de structures isolées.

    * Les patients et les soignants transitent d'une structure à l'autre.

    * Il convient de décrire les corrélations et les modes de coordination, notamment quant au fonctionnement du personnel.

    * Ce réseau de prévention et de soins est en constante évolution.

    * Une évaluation qualitative doit être régulièrement pratiquée, permettant de rendre compte des actions proposées.

    Selon G. Baillon(3) : "l'idée de passage d'un patient d'une unité de soin à l'autre, d'un soignant à un autre, d'un lieu de soins au champ social est un temps essentiel qui doit être l'objet de l'intérêt de la réflexion des soignants".

    L'autre aspect de la notion de réseau en psychiatrie concerne l'incription communautaire des pratiques. Elle est loin d'être parachevée selon P. Bantman(4) : "Il ne suffit pas de quitter l'hôpital pour en abandonner la dimension de clôture et d'isolement. Autrement dit on peut être dans les lieux les plus avancés du secteur tout en restant entre soi, sans véritable rouage avec le quartier. Il importe de restituer le cadre communautaire dont nos patients font partie".

    À cet effet, je considère que la mise en place du conseil de secteur, préconisé par la circulaire du 14 mars 1990, mériterait d'être réactivée.

    Instance de concertation suffisamment proche des préoccupations locales et largement ouverte aux partenaires de la communauté non spécialisée en psychiatrie, ce conseil devrait concerner le secteur de psychiatrie générale et infanto-juvénile d'une même circonscription géo-démographique.

    On ne peut que déplorer le peu de succès qu'a rencontré cette disposition et le peu de réalisations concrètes qui en ont découlé.

    Cette analyse est confortée par l'avis du Conseil économique et social adopté à l'unanimité au cours de sa séance du 1er et 2 juillet 1997.(5)

    "Mieux accueillir le malade en ouvrant le secteur sur son environnement sanitaire et social. Les textes confient au secteur la prévention, le soin et la réinsertion du malade mental. Si une telle option, que certains dénoncent comme totalitaire, permet d'assurer un suivi et une continuité dans la prise en charge, elle peut se révéler trop ambitieuse voire irréaliste pour une équipe, aussi pluridisciplinaire soit-elle. Le secteur ne peut tout faire lui-même.

    Le pourrait-il que l'on courrait le risque d'un nouvel enfermement, cette fois-ci hors les murs. Aussi, le Conseil économique et social estime-t-il nécessaire de revenir à l'esprit des textes et de faire en sorte que, dans l'organisation et le fonctionnement du dispositif, le secteur ­ et son équipe pluridisciplinaire ­ se voit confier l'animation d'un réseau comprenant l'ensemble des acteurs (médecins généralistes, spécialistes libéraux, établissements de santé, établissements sociaux et médico-sociaux, travailleurs sociaux, élus locaux, associations, familles, écoles...) susceptibles d'intervenir dans la prévention, le soin et la réadaptation des personnes souffrant de troubles mentaux. Ainsi, la personne qui souffre pourra entrer par n'importe quelle porte et être assurée d'une prise en charge de sa souffrance.

    Dans cette optique, le Conseil économique et social estime indispensable la mise en œuvre effective et rapide du conseil de secteur (prévu par la circulaire du 14 mars 1990). Ce conseil, dont la composition et les missions doivent être revues, doit rassembler, autour de l'équipe pluridisciplinaire, des représentants des acteurs sanitaires et sociaux susmentionnés. Réuni très régulièrement, il pourrait orienter la politique de prévention et de réadaptation en fonction du contexte local et permettre la mise en œuvre de synergies positives entre le secteur et le reste du tissu sanitaire et social".

    La nouveauté des réseaux de soins préconisés par l'ordonnance de 1996 réside dans l'officialisation des relations partenariales.

    La création de réseaux est formalisée par une "convention constitutive précisant les objectifs, les modalités organisationnelles et le champ d'application propre à chaque réseau".(6)

    Cette convention est agréée par le directeur de l'agence régionale.

    Les objectifs opérationnels d'un réseau de soins, qui visent à améliorer la qualité des soins délivrés aux patients sont les suivants :

    * assurer une meilleure orientation du patient,

    * favoriser le maintien ou le retour à proximité de leur lieu de vie,

    * assurer la continuité et la coordination des soins... que ce soit par l'adaptation des procédures spécifiques entre établissements de santé ou par une plus grande ouverture de l'hôpital sur la ville.

    Si l'article 29 de l'ordonnance a délibérément laissé les acteurs de santé libres de s'engager dans un réseau de soins, plusieurs dispositions incitatives sont à souligner, telles que leur intégration dans les contrats d'objectifs et de moyens... leur accréditation par l'ANAES, le dégagement possible de moyens nécessaires à leur mise en place.

    Certains craignent que "trop de réseaux tuent le réseau...", d'autres redoutent leur "institutionnalisation"...

    Au-delà de l'effet de mode, le travail en réseau nécessite que les acteurs de terrain s'approprient la démarche.

    Un réseau ne se décrète pas mais se construit. Il n'est pas figé et doit pouvoir s'adapter aux évolutions de l'environnement afin de favoriser et accompagner l'initiative communautaire.

    J.J. Moitié *

    (1) Noël P., La ville dans la psychiatrie, L'information psychiatrique, n° 4, 1997.

    (2) Guide méthodologique de planification en psychiatrie, Mise à jour au 15/12/87, BO n° 88 - 6 - bis.

    (3) Baillon G., La psychiatrie en 1994, V.S.T. n° 35.

    (4) Bantman P., Le secteur pour quoi faire ?, Compte rendu de la journée du 28/11/96 au CH des Murets à la Queue-en-Brie, Le Journal de Nervure, n° 1, février 1997.

    (5) Avis et Rapports du Conseil économique et social, Prévention et soins des maladies mentales, Bilan et Pespectives, J.O., 24/10/97.

    (6) Circulaire DH/EO n° 97-277 du 9 avril 1997, relative aux réseaux de soins et communautés d'établissements.


    DROITS DES MALADES

    ET LOI DE 1990

    LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

    Les principales propositions du groupe de travail, réuni sous la présidence d'Hélène Strohl, peuvent être regroupées autour de quatre thèmes :

    Simplification de la mesure d'HSC et des indications

    Le souci a été de recentrer le texte sur des objectifs sanitaires en modifiant les indications de l'hospitalisation sans consentement afin d'améliorer l'image de l'hôpital psychiatrique qui ne doit plus être un lieu d'exclusion qui limite l'accès aux soins.

    Pour les cas d'hospitalisation d'office, il est proposé que la référence au trouble à l'ordre public soit supprimée et remplacée par la notion de danger pour autrui.

    Pour les hospitalisations à la demande d'un tiers, la notion de surveillance constante en milieu hospitalier serait remplacée par la nécessité de soins, sans lesquels l'état de santé de la personne se détériorerait gravement. Le groupe s'est inspiré de la formulation des recommandations européennes relative à l'hospitalisation sans le consentement du malade.

    Le groupe proposerait une seule forme d'hospitalisation, regroupant les deux indications, à condition que le régime juridique de levée de la mesure ne soit pas rendu plus difficile, auquel cas les deux modalités subsisteraient avec suppression de la demande administrative du tiers.

    Réorganisation des soins

    En amont, il faut dédramatiser l'hospitalisation sans consentement et dans la mesure du possible éviter d'y avoir recours, elle doit toujours et seulement constituer une mesure d'urgence. Le groupe propose que toute hospitalisation sans consentement soit précédée par un accueil en urgence dans un hôpital général ou spécialisé pour une période de soixante-douze heures maximum permettant l'observation et l'orientation.

    L'objectif de cette proposition est de permettre une procédure légère et non stigmatisante qui bénéficierait des mêmes garanties juridiques (décision du directeur d'hôpital) que les mesures d'hospitalisation contrainte prises à l'issue de cette période. Cette proposition implique une amélioration de la prise en charge de l'urgence psychiatrique dans l'accueil et dans le transport médicalisé.

    En aval, la loi doit prendre en compte les pratiques de la psychiatrie moderne : il doit être possible de soigner les malades en dehors de l'hôpital. Plutôt que de recourir à la pratique des sorties de longue durée, comme actuellement, le groupe propose que les sorties d'essai, rebaptisées "essais de sortie" soient limitées à six mois maximum et que soit mise en place une alternative ambulatoire à l'hospitalisation sans consentement avec les mêmes indications et garanties que celle-ci.

    Renforcement des droits des malades soignés en service de psychiatrie

    Les personnes hospitalisées dans les services de psychiatrie avec leur consentement ont les mêmes droits que les personnes hospitalisées dans les services somatiques. Lorsqu'elles sont hospitalisées sans leur consentement, elles doivent pouvoir exercer tous les droits du citoyen.

    Il est proposé que les libertés des personnes ne puissent être restreintes que dans le cadre d'un protocole défini : chaque restriction devra être justifiée médicalement et inscrite au dossier de la personne afin de pouvoir être contrôlée. Cela concerne l'hospitalisation en service fermé, le traitement, l'utilisation de la chambre d'isolement, les mesures de contention et toutes les restrictions aux libertés fondamentales de communication avec l'extérieur.

    Le libre choix du secteur par le malade et sa famille de son praticien et de son équipe thérapeutique à l'intérieur ou hors du secteur et, à certaines conditions (existence de réseaux), au sein de l'offre libérale doit pouvoir devenir une possibilité réelle.

    Enfin pour veiller à la bonne application de la loi relative à l'hospitalisation sans consentement, il sera proposé que les moyens matériels et humains de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques soient renforcés.

    Populations spécifiques

    Les garanties apportées à l'hospitalisation sans consentement doivent être identiques quel que soit le statut juridique de la personne : détenus, mineurs, incapables majeurs, personnes déclarées irresponsables en application de l'article L.122.1 du nouveau code pénal. Des mesures spécifiques les concernant seront inscrites dans la loi concernant l'hospitalisation sans consentement.

    >LES RÉSISTANCES ET LES RÉSERVES

    Ces propositions ne font pas l'objet d'un consensus unanime :

    * Les ministères de l'Intérieur et de la Justice sont opposés à l'orientation sanitaire de la loi souhaitée par la plupart des professionnels et des associations de familles et d'usagers et souhaitent sans doute le maintien de la référence au trouble à l'ordre public.

    * La mise en place d'une période d'observation suscite des réserves de la part du SPH quant aux garanties des droits des patients, alors que la procédure envisagée ressemble à l'HDT actuelle qui se déroule sous la responsabilité du directeur d'hôpital.

    * La mise en place d'une alternative ambulatoire à l'hospitalisation sans consentement est contestée par les associations d'usagers et certains psychiatres qui redoutent son utilisation à d'autres fins que sanitaires.

    Il faut souligner qu'elle existe dans les faits sous la forme des sorties d'essai de longue durée.

    La proposition de réglementation des unités fermées est largement dénoncée comme un retour à la logique asilaire. Il existe poutant en de maints endroits des unités fermées qui fonctionnent bien, quand ce n'est pas la majorité des services de psychiatrie qui sont fermés pour une majorité des patients en hospitalisation libre.

    Le groupe national d'évaluation, soucieux de concertation, a modulé ses propositions en ne parlant que de protocoles d'hospitalisation en unité fermée, qui devront être élaborés par les professionnels afin de ne pas définir de modèle unique d'organisation.

    L'argument économique doit aussi être pris en compte : ces propositions induisent une remise à plat de l'organisation des soins, notamment en ce qui concerne les urgences qui ne tiennent pas suffisamment compte actuellement de l'importance des troubles psychiques dont souffrent nos concitoyens et des conditions hôtelières dans les services de psychiatrie qui sont indignes.

    La réorganisation de l'offre de soins et l'aménagement de lieux appropriés entraînera un coût pour :

    * Le renforcement des effectifs si l'on veut ouvrir les services et aménager des lieux de soins fermés pour les malades perturbateurs et recevoir les malades en période d'observation.

    * La formation des personnels médicaux et non médicaux appelés à intervenir dans (les problèmes de gestion de la violence sont de plus en plus cités dans les établissements) et au dehors de l'institution (médecins généralistes notamment).

    LES NOUVELLES DONNÉES

    Nous arrivons à la dernière étape d'un long processus d'intégration du système de santé mentale dans le dispositif général, initié depuis les années 1960, pour abolir définitivement la filière ségrégative de la loi du 30 juin 1838.

    Ce processus a été marqué par les étapes suivantes :

    * la loi de 1968 portant réforme des droits des incapables majeurs, qui séparait maladie mentale et incapacité civile,

    * les lois de 1985 légalisant l'organisation de la psychiatrie en secteurs géographiques et sa prise en charge financière par l'assurance maladie comme les autres disciplines somatiques,

    * la loi de 1990 sur les droits des malades hospitalisés en psychiatrie légalisant l'hospitalisation libre et garantissant leurs droits,

    * la loi de 1991 portant réforme hospitalière regroupant tous les établissements hospitaliers sous le nom d'établissements publics de santé et intégrant la psychiatrie dans les disciplines de court séjour,

    * la réforme du dipôme unique d'infirmier qui a supprimé la filière spécifique pour la psychiatrie.

    Dès lors l'évolution générale est l'application du droit commun dans le domaine de la psychiatrie. Les ordonnances d'avril 1996, qui s'appliquent à tous les établissements hospitaliers redéfinissent l'organisation des soins à partir des besoins de la population : la logique du soin aux malades, considéré comme un usager ou un client doit remplacer la logique de l'institution.

    Les garanties apportées par ces derniers textes aux personnes malades accueillies à l'hôpital s'appliquent de droit aux personnes soignées en psychiatrie, y compris le libre choix du médecin par le patient.

    LES POINTS EN DÉBAT

    C'est pourquoi, le groupe a toujours soutenu l'alignement des règles applicables aux malades mentaux sur le droit général. Ainsi le règlement intérieur des services de psychiatrie doit-il être intégré dans le règlement intérieur prévu en application de l'article L.710-1-2 du code de la santé publique et non en application d'un texte particulier.

    La psychiatrie reste cependant la seule discipline médicale qui peut légalement contraindre une personne qui ne le veut pas à se soigner.

    Les questions suivantes se posent : doit-on garder une législation particulière pour la psychiatrie ou abroger la loi de 1990 ? Si on l'abroge doit-on alors étendre la possibilité de soigner contre son gré à une personne qui ne peut donner son consentement en raison de son état de santé pour des motifs autres que psychiatriques (personnes âgées démentes, comas...) comme certains professionnels le souhaitent ?

    Le groupe de travail n'a pas été dans le sens d'une déspécification de l'hospitalisation et a préféré garder sa spécificité à la maladie mentale en encadrant la contrainte pour garantir les droits des personnes. Il a estimé qu'il y avait des risques à étendre la possibilité de soigner contre son gré des personnes contraintes non malades en raison des dérives possibles vers une utilisation sécuritaire. Mais le débat resurgira lors de la discussion du futur projet de loi encadrant l'hospitalisation sans consentement.

    Le risque de dérive vers des positions sécuritaires a d'ailleurs surgi à propos du projet de loi sur les délinquants sexuels, qui est en cours de discussion au Parlement : un amendement a été adopté qui modifie subrepticement l'article L.348 du code de la santé, issu de la loi de 1990, en renforçant les difficultés de levée d'hospitalisation d'office des personnes reconnues irresponsables de leurs actes à cause de troubles mentaux (article L.122-1 du nouveau code pénal). Ceci représente 248 mesures en 1995 et peu des personnes visées sont des délinquants sexuels !

    La question de la judiciarisation des mesures a été écarté par le groupe car il n'est pas apparu que le juge serait un meilleur garant de la protection des malades en raison du fait que la France est le seul pays d'Europe où ce n'est pas le juge qui prend des mesures d'hospitalisation contrainte, et qui a la particularité de posséder deux ordres de juridictions. Cette situation ne simplifie pas le droit de recours de la personne qui conteste le bien-fondé de son hospitalisation, qui ressort du juge judiciaire tandis que la légalité de la décision est appréciée par le juge administratif.

    CONCLUSION

    Le débat à l'Assemblée nationale sur une éventuelle modification de la loi ainsi que la discussion annuelle sur les finances de l'assurance maladie permettront peut-être à la nation de prendre conscience de ces problèmes. Des priorités pourront alors être dégagées.

    À terme une meilleure organisation des soins et une prise en charge active dès le début aux urgences devrait raisonnablement améliorer l'accès aux soins précoce. La généralisation des habilitations des services à recevoir des personnes hospitalisées sans leur consentement rendra plus facile le libre choix du praticien inscrit dans la loi en supprimant les lieux étiquetés personnes dangereuses.

    Ces propositions qui forment une certaine cohérence dans la prise en charge, devraient limiter le recours à l'hospitalisation sans consentement qui deviendrait exceptionnelle et ne serait plus qu'une forme de soins de l'urgence, et entraîner des économies à long terme.

    Martine Clémente, rapporteur
    Direction générale de la santé
    Bureau SP 3

    *


    dernière heure

    LES CMP ET LES CMPP :

    LA POPULATION SUIVIE SUR DEUX SEMAINES

    En juin 1996, le centre collaborateur de l'OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) et le bureau "Santé mentale, toxicomanies, dépendances" de la Direction générale de la santé, ont mené une enquête nationale sur la population prise en charge par les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, les centres médico-psychopédagogiques (CMPP), et les hôpitaux de jour privés. La population étudiée représente tous les enfants et adolescents vus au moins une fois, suivis à temps complet un jour, à temps partiel pendant une semaine, en ambulatoire pendant deux semaines. Elle concerne la France entière y compris les DOM. Le diagnostic est enregistré selon la CFTMEA.

    Sur l'ensemble des résultats de cette coupe transversale, on peut dégager les données suivantes (taux de réponses 95 %) concernant le suivi ambulatoire sur deux semaines.

    Plus de 96 000 enfants et adolescents sont suivis en ambulatoire par les secteurs sur cette période, principalement en CMP (soit 84 % de la population prise en charge par les secteurs) ; les CMPP en suivent plus de 73 000. Respectivement 62 % et 64 % sont des garçons. Plus de la moitié ont entre 5 et 9 ans, mais la population des CMP est plus jeune que celle des CMPP (les CAMPS n'étaient pas pris en compte) : 9 % de moins de 5 ans contre 3 %, 30 % de 10 à 14 ans contre 38 %. Les 15-19 ans sont relativement plus représentés chez les filles, 14 et 10 %, que chez les garçons, 7 %.

    Plus du tiers (35 %) des enfants suivis en CMP ont des troubles névrotiques, 46 % en CMPP. Les pathologies de la personnalité représentent autour de 20 %, les troubles des fonctions instrumentales entre 12 et 14 %. Les psychoses sont relativement plus fréquentes en CMP, 6 %, qu'en CMPP, 3 %.

    Entre 85 et 90 % des enfants suivent une classe ordinaire, 7 % une classe spécialisée.

    Le suivi est plus intensif en CMPP qu'en CMP : 76 % ont au moins une consultation par semaine contre 63 %. Les premières consultations représentent de 10 à 12 %.

    En conclusion, les populations suivies par les CMP et les CMPP sur une quinzaine (sans rapport direct avec la file active annuelle) sont très proches. Celle des CMP est sensiblement plus jeune et plus "grave" en termes de pathologies et de facteurs organiques associés, ce qui est cohérent avec les possibilités de soins plus intensifs qu'offre le dispositif public dans son ensemble sectoriel.

    Nicole Quemada

    et Bénédicte Boisguérin *


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