AU SOMMAIRE
  • La Mission : toujours l'ouverture
  • Un intersecteur généraliste : oui, mais si...
  • L'Hôpital Général : un des lieux du secteur
  • Catastrophes : un réseau national de prise en charge d'urgence médico-psychologique
  • Actualités de l'intersectorialité

    PÉDOPSYCHIATRIE : LE SECTEUR EN TROIS QUESTIONS

    La pédopsychiatrie souffre essentiellement aujourd'hui de deux difficultés : une première, qu'on peut espérer conjoncturelle mais néanmoins durable : la pénurie de moyens ; une seconde, inhérente à ce qu'elle est, spécifique donc et permanente : son hétérogénéité, conséquence à la fois de la diversité de la demande et de la multiplicité comme de l'ampleur de ses champs d'activité.

    Cette crise de la pédopsychiatrie peut être jugée d'autant plus grave que la prévention est plus que jamais à l'ordre du jour et qu'elle est le lieu même où s'exerçant elle pourrait porter les meilleurs fruits. Est-il possible de desserrer l'étau pénurie-hétérogénéité ? C'est pour tenter de le faire qu'a été proposée la notion d'un dispositif minimum de base (CMP-Hôpital de jour-CATTP). Que faut-il en penser ? S'il n'est pas assuré, que faut-il préférer, d'un intersecteur infanto-juvénile généraliste ou des unités spécialisées ? Enfin, quel rôle faut-il assigner à l'hôpital général dans la liaison indispensable pédiatrie-pédopsychiatrie ?

    Ce sont trois questions que nous avons posées à huit pédopsychiatres : Gérard Bourcier (Vincennes), Patrick Chardeau (Montesson), Christine Chaumon (Sainte-Geneviève-des-Bois), Sophie Cotlenko (Paris), Bernard Durand (Créteil), Serge Fiorina (Pontoise), Paul Marciano (Béziers), Jacques Piant (Gonesse).

    Ce numéro de "Pluriels" résume leurs réponses qui, loin de clore le débat ont pour but de l'ouvrir à vos réactions.

    R. Lepoutre *


    UN DISPOSITIF MINIMUM DE BASE ?

    OUI, MAIS SI...

    PREMIERE QUESTION

    Que pensez-vous de la notion d'un dispositif minimum de base (CMP-Hôpital de jour-CATTP) ?

    Est-il suffisant pour répondre à l'hétérogénéité existante et au manque de moyens ?

    La pénurie de moyens (des M2 et des hommes), et l'hétérogénéité de la demande cadrent la situation actuelle de la pédopsychiatrie. C'est en fonction de cette situation qu'est proposée la notion d'un dispositif minimum de base (CMP-Hôpital de jour-CATTP), et c'est sur le fait de savoir s'il est capable de la faire évoluer, que le dispositif est examiné et jaugé. Toutes les réponses s'accordent sur le constat liminaire de Gérard Bourcier : "Le dispositif est nécessaire mais non suffisant", et toutes notent que même si le dispositif minimum est bien délimité, ce minimum qui apparaît insuffisant aux uns peut, comme le dit Bernard Durand "en faire rêver" d'autres, tant sont fortes aujourd'hui les inégalités.

  • La configuration socio-géographique du secteur

    Le dispositif est sous sa dépendance étroite : la configuration le rend plus ou moins opérant ; en effet, souligne Bernard Durand, "disposer d'un hôpital de jour n'a pas le même impact en milieu urbain ou en milieu rural éparpillé" et "tout dépend aussi des autres équipements existants, tels les CMPP, et aussi du mode de relation avec d'autres départements". Gérard Bourcier estime que le dispositif est un minimum indispensable "à condition qu'il y ait non pas un mais plusieurs CMP, propres à obtenir des effets du côté du soin et du côté de la prévention". À cette condition Christine Chaumon en ajoute une autre : "un quatrième pôle : l'UAFT qui joue un rôle essentiel dans le traitement des alternatives à l'hospitalisation, les crises, le travail de séparation dans la psychose".

    Pour assurer l'efficience de ces exigences, il faut encore que "l'équipe hospitalière intervenant aux urgences dans les unités de soins somatiques et dans les placements familiaux" soit, Jacques Piant l'estime indispensable, "intégrée". Et il faut de plus que soit suffisant "le nombre des places existantes dans les unités, et les effectifs du personnel" (Serge Fiorina).

    Hétérogénéité de la demande

    Mais que peut le dispositif confronté à l'hétérogénicité de la demande ? C'est le hic.

    "Ce dispositif n'y répondra pas en particulier lorsque les troubles de l'enfant et de la famille nécessitent une séparation" (Patrick Chardeau).

    "Les besoins de soins ambulatoires et institutionnalisés existent de la petite enfance à l'adolescence (...) le dispositif, en cas de manque de moyen, est insuffisant par définition" (Sophie Cotlenko).

    "Faute de moyens, il est difficile de traiter toutes les pathologies, à tous les créneaux d'âge : périnatalité, enfants plus grands, adolescents" constate Paul Marciano, qui ajoute : "À la diversité des âges, il convient de prévoir des modalités variées de structures et de moyens et, à l'intérieur d'un même âge, un polymorphisme de solutions en réponses au polymorphisme des situations pathologiques".

    Hétérogénéité et priorités

    Devant l'hétérogénéité des situations et la pénurie, des choix doivent donc être faits, mais quelle priorités faut-il satisfaire ?

    Sophie Cotlenko énumère quelques-unes des priorités possibles ! "Favoriser le dispositif ambulatoire (...), la prise en charge institutionnelle (...), le travail de secteur avec les professionnels de l'enfance (...), les soins institutionnels (...), les enfants les plus gravement perturbés", et elle estime que quand "on sait l'intérêt des structures spécifiques (...) au minimum des sous-équipes doivent se dégager pour le travail de liaison régulier avec les équipes partenaires". Mais elle ajoute : "Si ce travail est bien fait, la file active augmente" (...) et elle conclut : "le seul choix cohérent dans une situation de pénurie est de limiter si ce n'est la qualité l'accès aux soins. Cette position est indéfendable". Mais alors ? Alors chacun voit l'heure à son clocher. Chaumon privilégie l'UAFT : "Dans notre service, nous utilisons l'accueil familial et thérapeutique comme une structure de soins intensifs", et estime que ce maillon ajouté au dispositif minimum de base "répond à de nombreuses indications, est peu coûteux et très efficace".

    Nécessaire, intéressant, insuffisant, orientable

    À la question décisive du choix des priorités, Bernard Durand répond d'un mot : "Plasticité" : "Le premier élément d'un dispositif minimum est une plasticité à s'adapter au contexte médical et social du secteur (...) il est parfois préférable de répondre avec une certaine technicité à certains créneaux auxquels les autres structures ne répondent pas et qu'ils contribuent parfois à faire apparaître".

    Nécessaire non suffisant mais intéressant et orientable, voilà donc le dispositif minimum de base... à condition donc qu'il soit plastique.

    "Il est intéressant dans la mesure où il répond à une proportion importante des demandes" (Christine Chaumon).

    "Il faut soutenir la notion de dispositif de base, qui est un acquis, mais indiquer qu'une annexe en précisera les moyens affectés en cas de caractéristiques significatives de l'orientation du lieu en termes d'objectif" (Jacques Piant). *


  • Editorial

    LA MISSION : TOUJOURS L'OUVERTURE

    À partir de sa position privilégiée de médiateur et de l'expérience qu'elle y a acquise, par les visions concordantes et les constats répétés de ses équipes, la Mission relève quotidiennement le paysage de ce qui aujourd'hui est en cours et en cause, et le dessin dans le tapis se précise : nous assistons au passage de la psychiatrie considérée dans son noyau dur de maladies constituées et étiquetées, à la santé mentale dans une vision globale du mal être psychique qui déborde de l'existence de la crise en amont et en aval : vers la prévention en vue de la réintégration.

    Utopie, disent beaucoup ! À écouter pourtant les équipes décrire leurs difficultés, leurs succès et leurs espoirs, on sent bien que ce vaste programme est sinon à portée de main, du moins beaucoup plus proche des réalités concrètes que ne veulent le croire certains.

    Alors qu'elle est sollicitée, lors de crises ­ graves ou larvées ­ et quand existe une volonté de dépasser une situation bloquée, la Mission jusqu'ici a appuyé sa démarche sur la meilleure prise en compte possible de l'offre de soins. Elle a acquis dans cet exercice une certaine dextérité technique.

    Le moment est venu pour nous de porter notre effort au-delà de l'offre de soins sur la prise en compte de la demande et des besoins, afin d'adapter plus étroitement les solutions proposées aux évolutions concrètes.

    Il s'agit donc pour la Mission de démultiplier ses démarches et ses méthodes : d'où la nécessité d'acquérir de nouvelles compétences et de s'adjoindre de nouveaux partenaires. C'est cette étape qui aujourd'hui commence.

    L'ouverture, toujours l'ouverture !

    Gérard Massé


    UN INTERSECTEUR GÉNÉRALISTE : OUI, MAIS SI...

    DEUXIÈME QUESTION

    Dans une situation où le dispositif de base n'est pas assuré, quelle option choisissez-vous entre un intersecteur infanto-juvénile généraliste et la juxtaposition d'unités très spécialisées (petite enfance, adolescence...) autour de populations spécifiques ?

    Quand le dispositif de base n'est pas assuré, quel choix entre un intersecteur infanto-juvénile généraliste et des unités très spécialisées ? À cette question si la majorité des réponses (six sur huit) donne l'avantage à un intersecteur généraliste, les positions restent très nuancées, même si Jacques Piant déclare : "Je reste très opposé à des structures intersectorielles hors d'un espace sectoriel de base" et si Patrick Chardeau se déclare lui favorable aux unités très spécialisées : "Car chaque population nécessite une formation spécifique".

    Pour Bernard Durand, il n'y a pas "une réponse univoque, car celle-ci dépend avant tout de l'analyse des différents moyens existants sur le secteur, et de la possibilité de mettre en synergie tous ces moyens" et il pose une condition sine qua non à toute possibilité d'efficacité : "Pour gérer un intersecteur infanto-juvénile qui ne dispose pas du dispositif minimum de base, puisqu'il ne possède pas d'hôpital de jour, nous savons qu'aucune réponse satisfaisante n'est possible".

    La synergie c'est ce qu'exige aussi Sophie Cotlenko quand elle souligne (cf. ci-dessus réponse à la question 1) "l'intérêt des structures spécifiques pour jeunes enfants" et l'impossibilité de "défendre un équipement minimum qui ne permettrait pas de faire le travail de soins et le travail de liaison avec les partenaires". Dans cette même optique, Paul Marciano estime "une spécialisation comme forcée", mais ajoute aussitôt que "la spécialisation n'épargne pas les institutions et dispose d'une grande diversité de moyens pour un certain profil psychopathologique" et, s'agissant du choix des unités très spécialisées, il précise : "Le terme de juxtaposition est à éviter (...) notre travail nous impose une nécessaire articulation entre les intervenants".

    Un intersecteur généraliste, plus après...

    Le choix pour l'intersecteur généraliste est très fortement marqué et documenté par Jacques Piant et Christine Chaumon.

    Le premier dit : "Il s'agit vraiment d'une question majeure, un des piliers du secteur reste, je crois, la responsabilité d'aménager la réponse et l'accès aux soins pour toute personne implantée sur l'aire géographique concernée. Cette disposition est un antidote à de nombreuses dérives. D'autre part, l'option généraliste introduit à la dimension temporelle de la cure et au fil rouge que représente le concept de secteur".

    Et la seconde dit : "Nous choisissons à coup sûr le dispositif généraliste. Il permet la constitution d'un réseau de soins adaptés à l'histoire et aux ressources locales (...) la connaissance des partenaires qui sont indispensables à l'élaboration du traitement individualisé de l'enfant. Nous concevons en effet qu'un trajet thérapeutique se soutient des conditions d'existence du jeune en dehors du champ psychiatrique (milieu scolaire, éducatif, de loisirs, et milieu culturel). Dès l'abord d'un projet thérapeutique, nous procédons à une mise en perspective d'une scolarité, d'une inscription sociale et culturelle, de vacances, de rencontres avec des artistes, etc. Seule une responsabilité sectorielle permet cet ancrage dans le milieu de vie de l'enfant".

    Cett adhésion, au dispositif généraliste, qui est aussi celle de Bernard Durand, n'empêche pas celui-ci de tirer les leçons de son expérience : "Nous avons été confronté à la contradiction suivante : être au plus près de la population et des partenaires du terrain, dans une perspective de prévention et de dépistage précoce, au risque de ne pas pouvoir apporter alors les réponses thérapeutiques nécessaires, du fait d'une équipe insuffisante. Cela nous a amenés ainsi à regrouper deux CMPP sur un seul site afin d'offrir une équipe plus cohérente, au risque qu'un certain nombre de familles, les plus démunies de la commune, délaissées, ne puissent plus du tout avoir accès aux soins". Et il conclut : "À côté donc de ce souci d'un minimum de présence généraliste sur le secteur, nous avons développé des unités plus spécialisées du fait de notre implantation dans un hôpital général, en particulier dans le domaine de la périnatalité et dans le domaine de l'accueil des adolescents en collaboration avec le service de pédiatrie".

    En fait, la réponse "idéale" pourrait être pour tous : d'abord un dispositif généraliste et ensuite ­ avec les moyens du bord ­ des unités très spécialisées. C'est ce que pensent explicitement Gérard Bourcier et Serge Fiorina quand ils disent respectivement : "Orientation de type généraliste, ce qui n'empêche pas théoriquement de travailler avec les structures de la petite enfance" et "des unités spécifiques peuvent être promues dans le cas d'intersectorialité et de fédérations", et c'est ce que confirme Christine Chaumon : "Les structures spécialisées ne doivent se concevoir qu'après implantation préalable. Ceci garantit alors un aller-retour d'ordre thérapeutique entre le travail sectoriel au long cours, qui fonde l'histoire thérapeutique, et des moments spécifiques forcément limités dans le temps (hôpital de jour pour adolescents, hospitalisations, etc.)". *


    L'HÔPITAL GÉNÉRAL : UN DES LIEUX DU SECTEUR

    TROISIÈME QUESTION

    Quel rôle l'hôpital général doit-il tenir à votre avis pour la liaison pédiatrie et pédopsychiatrie ?

    La réponse de Jacques Piant, dans sa forme lapidaire, résume l'accord des réponses à la troisième question : "l'hôpital général est un des lieux du secteur". Qu'il en soit ainsi, l'histoire de la psychiatrie infanto-juvénile l'explique, comme le dit Bernard Durand : "Il ne faut pas oublier les différentes origines de la psychiatrie infanto-juvénile : les services d'enfants des hôpitaux psychiatriques d'une part (...), le secteur de l'enfance inadaptée d'autre part, mais aussi, enfin, la présence de psychanalystes dans les services de pédiatrie. Cette troisième origine est tout à fait fondamentale, et tous les créneaux un peu pointus et même parfois à la mode aujourd'hui, sont issus de cette rencontre (périnatalité, prévention précoce, etc.). Aussi, même si la collaboration psychiatrie-pédiatrie ne va pas de soi, elle est indispensable et il n'est pas concevable qu'un intersecteur de pédopsychiatrie ignore ce champ de la médecine".

    Aujourd'hui, Paul Marciano voit l'hôpital général comme "un formidable creuset pour l'essor d'un travail pluridisciplinaire et, espérons-le, pour l'approche d'une conception transdisciplinaire des troubles de l'enfant et des difficultés dans les relations parents-enfants".

    Et Jacques Piant détaille les mécanismes qui doivent, à ses yeux, être les siens : "La pédiatrie en fait partie. Il est fondamental de faire évoluer la limite d'âge, 16 ans voire 18 ans. Le lien doit être institutionnalisé avec des interlocuteurs constants et des temps de synthèses codifiés. Des lits d'accueil dans d'autres services peuvent servir de solutions ponctuelles (manque de place) mais c'est l'équipe de pédiatrie et/ou de pédopsychiatrie qui intervient. Les urgences dirigent, à chaque fois qu'indiqué, vers l'unité de pédiatrie concernée ; le bilan pédopsychiatrique est inclus dans le résumé de sortie avec une codification PMSI notée par le psychiatre (c'est une proposition). La maternité peut être associée à certaines demandes. Un éventuel CAMSP peut médiatiser certains protocoles".

    Bernard Durand fait un pas de plus et pense que la nécessité existe de créer dans un hôpital qui accueille des enfants : "un véritable pôle mère-enfant (éventuellement sous la forme d'un département ou d'une fédération de services) où des liens existent entre la maternité et la réanimation infantile, la réanimation infantile et la pédiatrie, la pédiatrie et la chirurgie infantile, etc. L'équipe du secteur pédopsychiatrique doit y être également présente et jouer un rôle de lien tout à fait essentiel. Elle peut contribuer à modifier ainsi la qualité de l'accueil de l'ensemble de ce pôle, et assurer un travail de prévention tout à fait dans la ligne de travail de secteur".

    "Les conditions de collaboration idéales sont réunies lorsque l'hôpital général gère le secteur de pédopsychiatrie et que les personnalités locales souhaitent la collaboration" et Sophie Cotlenko ajoute : "Celle-ci s'adresse non seulement à la pédiatrie mais aussi à la gynéco-obstétrique", obstétrique dont Bernard Durand considère qu'il est important qu'elle collabore "car c'est au sein même de la maternité qu'un certain nombre de questions fondamentales se posent concernant en particulier l'instauration de la relation mère-enfant".

    La psychiatrie de liaison

    Christine Chaumon, à titre d'exemple, fait part du fonctionnement qui est celui de son secteur : "Plusieurs fois par semaine, un psychiatre et une infirmière du secteur sont présents dans le service de pédiatrie. Il s'agit d'un fonctionnement fructueux que les pédiatres souhaiteraient augmenter jusqu'à une présence quotidienne régulière large. Sur notre secteur, c'est donc plutôt nous qui faisons le travail de liaison, ce qui me paraît dans l'ordre de notre fonction".

    "Quand le service de pédiatrie est le lieu de la collaboration avec les "psy" ceux-ci peuvent rencontrer et prendre en charge la pathologie afférente à la maltraitance, aux tentatives de suicides, aux manifestations psychosomatiques. Le service de pédiatrie peut être alors le lieu de séparation de courte durée" (Patrick Chardeau).

    Pourtant, Bernard Durand veut qu'on précise le terme de "psychiatrie de liaison" qui : "n'évoque souvent que le fait que le passage d'un pédopsychiatre est prévu à la demande du pédiatre. Il peut s'agir parfois de plusieurs pédopsychiatres qui se répartissent ces temps d'intervention dans la semaine. Nous pensons au contraire qu'il est important que l'intervenant psy dans un tel service soit toujours le même pour qu'il puisse d'une certaine manière s'intégrer à l'équipe pédiatrique. C'est la seule manière de faire évoluer la demande vis-à-vis des psy et d'intégrer cette dimension dans la démarche globale de la pédiatrie. Il en est ainsi par exemple dans les services de néonatologie, à propos de la prise en charge des familles d'enfants en réanimation ou, pour l'accompagnement des familles d'enfants porteurs de handicap. La présence du psy peut modifier le travail d'équipe pluridisciplinaire et apporter autant aux équipes pédiatriques qu'aux familles (...). De même pour l'accueil des adolescents, il ne s'agit pas qu'un pédopsychiatre puisse venir ponctuellement donner un avis de super technicien, mais de pouvoir instaurer une collaboration quasi quotidienne avec les pédiatres afin de modifier les possibilités d'accueil de l'unité de pédiatrie".

    Un rôle essentiel mais...

    Le rôle de l'hôpital général est donc, de l'avis unanime, très important dans la mesure surtout où il peut jouer un rôle majeur pour la psychiatrie de liaison. Mais cependant Gérard Bourcier pense que ce rôle ne peut être exclusif "de l'importance d'avoir à tracer des liens entre la pédopsychiatrie et la pédiatrie dans la communauté en général, et ce essentiellement à partir des CMP : en direction de la PMI, des pédiatres de ville, des crêches, des haltes garderies, des médecins généralistes...". *


    ACTUALITÉ DE L'INTERSECTORIALITÉ

  • LE SECTEUR
  • Nous ne répéterons jamais assez que si l'élaboration des principes fondateurs du secteur précèdent de plusieurs années sa législation tardive de 1985, le secteur psychiatrique repose sur quelques grands principes fondamentaux de Santé publique marqués par l'esprit républicain de Service public alliant la liberté, l'égalité et la fraternité.

    Liberté d'abord :

    * les malades mentaux restent des citoyens à part entière ; ils ne peuvent être relégués de la communauté nationale dans des lieux infamants pour citoyens de seconde zone ;

    * les malades choisissent librement leur médecin, le colloque singulier reste la pierre angulaire d'une confiance partagée en des soins de qualité.

    Égalité ensuite :

    * l'accès aux prestations offertes est effectué sans discrimination d'âge, de sexe, de nationalité, de religion, de condition sociale, de pathologie ;

    * les soins prodigués s'avèrent d'égale qualité pour l'ensemble du territoire.

    Fraternité enfin :

    * la continuité des soins est assurée ; un lien de proximité s'établit avec chaque malade ;

    * les quatre volets du traitement, la prévention, le soin, la réadaptation et la réinsertion sont indissociables dans leur complémentarité ce qui induit des liaisons avec la médecine libérale et somatique et avec les secteurs sociaux et médico-sociaux.

    Les circulaires 1990 et 1992 apportèrent par leurs précisions un cadre opératoire et actualisé pour le secteur et une définition souple puisque par exemple le secteur de psychiatrie générale a pour mission de répondre aux besoins de santé mentale d'une population d'environ 70 000 habitants, sur une aire géographique déterminée, a priori sans limitation de durée de la prise en charge et à tous les stades des différentes pathologies.

    Comment dès lors s'organiser sur le terrain ?

    Très tôt, la volonté précise du législateur a créé une psychiatrie intersectorielle, la psychiatrie infanto-juvénile et la psychiatrie en milieu pénitentiaire, et des services ou unités spécialisées (les unités pour malades difficiles).

    En regard, les professionnels médecins et administratifs ont souhaité fédérer leur actions, à l'épreuve des circonstances, de l'émergence de nouvelles techniques de prise en charge.

  • L'INTERSECTEUR
  • De fait, l'émergence de très nombreuses structures inter-sectorielles concrétise la volonté de plusieurs secteurs de promouvoir ensemble un projet de soins élaboré en commun, pour assurer une mission précise de service public, dont la spécificité, la localisation ou l'étendue ne permet pas à un seul secteur de répondre de façon adéquate.

    Trois ordres de raison motivent ce déclenchement.

    * Le développement de nouvelles techniques de prises en charge spécialisées mises en place au sein d'un secteur, en dehors du secteur, ou d'emblée de façon inter-sectorielle. Ainsi la psychiatrie de liaison, la réponse aux urgences, la prise en charge des adolescents ou des toxicomanes.

    * Le disparate et l'hétérogénéité des moyens des secteurs (y compris au sein d'un même établissement) conduisent certaines équipes à se substituer à d'autres moins bien dotées ne pouvant assurer l'ensemble de leur mission.

    * La liberté du malade de choisir un médecin et certaines techniques proposées ici et là, implique le dépassement des "frontières" sectorielles tout en respectant la nécessaire continuité des soins prodigués.

  • LES DANGERS DE L'INTERSECTORIALITÉ
  • La base de l'organisation reste le secteur et l'intersectorialité ne peut naître qu'en son sein. Elle doit éviter pourtant certains dangers liés à des facilités ou des laxismes en pervertissant son intérêt.

    Une psychiatrie à deux ou plusieurs vitesses :

    Une trop grande hiérarchisation des soins peut aboutir à rejeter des catégories de populations dont la prise en charge ne serait pas jugée gratifiante. La diversification des techniques ne peut pas conduire à l'abandon de certains patients.

    Des lieux de relégation :

    Conséquence ultime du danger précédent. Certains secteurs se débarrasseraient alors de patients lourds et jugés difficiles.

    La discontinuité des soins :

    La spécialisation trop grande des équipes aménerait alors une segmentation des activités sans coordination possible dans la continuité nécessaire des soins à prodiguer.

    La gadgétisation :

    Certaines structures créées ne correspondraient alors qu'à des préoccupations "d'effet vitrine", négligeant les besoins prioritaires.

    LES MODES D'ORGANISATION

    Les préalables à respecter

    * Une évaluation précise des besoins et une inscription dans les schémas départementaux et régionaux d'organisation.

    Cette analyse faite par les acteurs concernés (ARH, DRASS, DDASS, divers échelons de l'établissement) évoque :

    * le nombre supposé de patients bénéficiaires du projet, le temps qu'il leur sera consacré,

    * les réponses, en terme de soins, dont ils bénéficient actuellement,

    * l'évolution prévisible des flux,

    * la compatibilité avec les orientations des schémas, une éventuelle inscription dans les cartes sanitaires. Leur élaboration, leur validation, leur degré de priorité peuvent être très utilement évalués au sein des conseils de Santé mentale par tous les partenaires.

    Un bilan de l'activité de ce type de structures s'engage à rendre compte très régulièrement des services rendus aux patients.

    * Un projet médical précis, noyau dur de toute activité intersectorielle, déclinant les objectifs poursuivis, les catégories de patients pris en charge, les soins proposés, les limites géographiques des secteurs concernés, les compétences du personnel médical et paramédical, les formations requises.

    * Les articulations avec le secteur :

    Le passage dans l'unité intersectorielle s'intègre parfaitement dans le projet de soin individuel du patient. En conséquence l'unité n'est pas contrainte d'accepter tout type de patients non désirés par le secteur d'origine. A contrario l'unité ne peut sélectionner ses patients. Chaque admission, chaque sortie suppose un cadre de négociation préalable clairement défini.

    Trois types d'intersectorialités

    * Une unité fonctionnelle d'un secteur : sorte de "banque de moyens" mis à disposition des secteurs adjacents. Un règlement intérieur prévoit les modalités de ce recours. Le cas très fréquemment rencontré pose un problème d'équilibre de moyens entre services puisque les moyens de l'intersectorialité sont directement affectés à un seul service.

    * Une fédération d'unités fonctionnelles avec deux possibilités.

    * La fédération concerne peu de secteurs, les objectifs sont larges, les activités intersectorielles sont multiples. Une tradition de collaboration et de répartition des tâches est nécessaire.

    * La fédération concerne de nombreux secteurs, les objectifs sont précis et limités. Exemple : les urgences, la liaison toxicomanie et alcoolisme.

    * Un département ou un service avec une mission clairement spécialisée. Cette structure autonome s'insère obligatoirement en complémentarité avec le dispositif sectoriel.

    Le règlement intérieur de l'établissement, le projet d'établissement, les schémas organisent cette complémentarité. Il est clair que ce type d'organisation comporte des dérives possibles et fortes par rapport à la politique de secteur. Bien mené, il correspond actuellement à des projets très ciblés et reconnus nécessaires par l'ensemble des partenaires.

    Des garanties

    Fournies par le règlement intérieur et le suivi de l'activité. Demandés et analysés par la CME, le CTP, le CA présents dans le projet d'établissement, ces éléments pérennisent la structure au-delà des changements de personnes.

    Identifiées et comptabilisées, elles apparaissent distinctement.

    Des modalités de coopération

    Elles se formalisent très diversement. Les conventions restent un moyen commode et très utilisé. Les syndicats inter-hospitaliers, les groupements d'intérêt public, bientôt les communautés d'établissements favorisent ces rapprochements.

    Modalités de planification

    Les structures intersectorielles sont planifiées par groupes de secteurs et soumises aux indices globaux et partiels définis par l'arrêté du 11 février 1991.

    Elles apparaissent dans le cadre des schémas départementaux et régionaux. Au niveau départemental, elles s'articulent avec les schémas des personnes handicapées et des personnes âgées établies par les services du Conseil général. Au niveau du schéma régional avec les SROS "M.C.O.".

    CONCLUSION

    L'intersectorialité ne peut exister que s'il existe une sectorisation. Sa mise en place suscite une ouverture, une coopération des équipes. Elle facilite la création d'un réseau, le tissage de liens entre notamment le sanitaire, le social et le médico-social.

    Des solutions sont extrêmement variables selon le contexte de diversité et le volume de la population. Les zones urbaines denses, les zones rurales ou semi-rurales nécessitent de trouver le bon niveau de l'adéquation offre/demande et nécessitent toujours de privilégier la continuité et la qualité des soins.


    CATASTROPHES :

    UN RÉSEAU NATIONAL DE PRISE EN CHARGE DE L'URGENCE MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

    La circulaire DH/E04-D65 du 28 mai 1997 crée un dispositif de prise en charge graduée de l'urgence médico-psychologique au profit des victimes de catastrophes ou d'accidents impliquant un grand nombre de victimes ou susceptibles d'entraîner d'importantes répercussions psychologiques en raison des circonstances qui les entourent.

    Les catastrophes n'occasionnent pas seulement des blessures physiques mais aussi des blessures psychiques, individuelles ou collectives, immédiates ou différées, aiguës ou chroniques. Leurs victimes nécessitent des soins d'urgence au même titre que les blessés physiques.

    L'intervention rapide de médecins psychiatres, de psychologues et d'infirmiers, préalablement formés et intégrés aux unités d'aide médicale urgente doit permettre une prise en charge immédiate et post-immédiate satisfaisante.

    Cette prise en charge doit s'étendre au soutien psychologique des sauveteurs. Elle comprend également un bilan psychologique de chaque mission.

    Le réseau national de prise en charge de l'urgence médico-psychologique repose sur la création de sept cellules permanentes d'urgence médico-psychologique chargées de la coordination des soins d'urgence médico-psychologiques et d'assurer le soutien médical d'un réseau de psychiatres référents présents dans chaque département. Les psychiatres coordonnateurs de cellules et les psychiatres référents sont chargés de constituer des listes départementales de psychiatres, de psychologues et d'infirmiers psychiatriques volontaires pour intervenir en cas de sinistre majeur. Les équipes ainsi constituées interviennent dans le cadre des structures hospitalières d'aide médicale urgente. Un schéma type d'intervention médico-psychologique y est défini, en liaison avec les directeurs d'établissements concernés. Les frais de déplacements des psychiatres, des psychologues et des infirmiers lors de leurs interventions donnent lieu à remboursement.

    L'organisation départementale de la prise en charge de l'urgence médico-psychologique repose :

    * dans les sept départements des Bouches-du-Rhône, de la Haute-Garonne, de la Loire-Atlantique, du Nord, du Rhône, de la Meurthe-et-Moselle et de Paris, sur une cellule d'urgence médico-psychologique.

    À l'échelon interrégional : sept cellules permanentes.

    Les missions des cellules permanentes sont les suivantes :

    * veiller à la cohérence de l'ensemble du dispositif de l'urgence médico-psychologique ;

    * définir des objectifs et une doctrine d'intervention des équipes d'urgence médico-psychologique ;

    * évaluer l'ensemble des actions menées dans le domaine de l'urgence médico-psychologique, y compris en ce qui concerne la formation théorique et pratique des personnels ;

    * mettre en place une équipe pédagogique au niveau national qui devra assurer la formation initiale des psychiatres référents et la formation complémentaire des volontaires de l'urgence médico-psychologique ;

    * l'envoi éventuel en renfort d'équipes régionales ou interrégionales de psychiatres, de psychologues et d'infirmiers en cas de catastrophe sur demande du SAMU du département concerné. *


    dernière heure
    VIOLENCES SEXUELLES

    UNE CIRCULAIRE SUR LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES

    La nécessité de faire face aux graves conséquences physiques et psychologiques qui marquent les personnes, victimes d'agressions ou de sévices, conduit les pouvoirs publics à promouvoir une action de sensibilisation et de prise en charge en faveur de ces personnes.

    Pour répondre à ces situations, il convient, d'une part, d'assurer l'accueil et la prise en charge médicale en urgence des victimes de sévices, et ce sur l'ensemble du territoire, et d'autre part, d'être en mesure d'identifier les pôles de référence qui répondent le mieux à ces conditions de prise en charge. La mise en place des dispositifs régionaux que constituent ces pôles de référence, incombe aux préfets de région, en étroite collaboration avec les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation.

    LA PRISE EN CHARGE EN URGENCE DES VICTIMES

    L'accueil en urgence des personnes victimes de violences ou de mauvais traitements (coups et blessures, violences sexuelles, maltraitance, etc.) doit pouvoir être assuré dans tous les établissements de santé dotés soit d'un service d'accueil d'urgence, soit s'agissant des violences sexuelles accomplies sur des personnes de sexe féminin, d'un service de gynécologie-obstétrique, soit d'un service de pédiatrie, s'agissant des différents types de maltraitances à enfant.

    En outre, un psychiatre, exerçant à l'établissement doit pouvoir intervenir si nécessaire.

    La prise en charge des enfants victimes de violences sexuelles nécessite une vigilance particulière et la mise en place d'un dispositif coordonné.

    En ce qui concerne les mineurs, les établissements hospitaliers participant à l'accueil d'urgence, doivent être associés au dispositif départemental placé sous l'autorité du président du conseil général, prévu à l'article 68 du code de la famille.

    LES POLES DE RÉFÉRENCE RÉGIONAUX

    Outre les fonctions dévolues à tout lieu d'accueil sanitaire, les pôles de référence régionaux assurent des missions qui leur sont propres. Les critères à retenir pour l'identification des pôles de référence régionaux sont la possibilité d'accueil des victimes 24 h/24, l'existence d'un plateau technique comprenant un service d'accueil d'urgence, un service de gynécologie-obstétrique, de pédiatrie ainsi que des liaisons avec le service de médecine légale et les secteurs de psychiatrie.

    En outre, un médecin responsable est identifié au sein de chaque pôle. Dans un souci d'efficacité, de précision et de rapidité, il est spécialement chargé de travailler en collaboration avec les services des conseils généraux (protection maternelle et infantile, aide sociale à l'enfance) pour veiller à la cohérence du dispositif régional.

    Il revient au pôle de référence :

    * de remplir son rôle opérationnel propre en assurant l'accueil et la prise en charge des victimes qui se présentent dans ses services ;

    * d'assurer un rôle de mise en relation et de conseil auprès des professionnels de santé ayant recours à lui, en suscitant des réunions d'information, en concourant à l'efficacité des circuits de prise en charge des victimes tant sur le plan matériel que sur le plan humain.

  • Pluriels

  • La Lettre de la Mission Nationale d'Appui à la Santé Mentale - Directeur de la publication : G. Massé - Comité de rédaction : C. Bonal - M. Clémente - J. Collet - S. Kannas - L. Lefèvre - R. Lepoutre - J.-P. Mariani - F. Pétoin.

  • "Pluriels", 74 bis, avenue Edison, 75013 Paris - N° de téléphone : 01.45.85.73.63 - N° de télécopie : 01.45.85.99.11.