AU SOMMAIRE

  • Editorial
  • Infirmiers et Santé mentale. Un métier qui cherche ses marques
  • Les infirmiers vus du dehors
  • A Quoi servent les infirmières psy ?
  • D'hier à demain : évolution du rapport médecin-infirmier
  • Quels rapports avec les infirmiers psy ? l'opinion d'une mère
  • Des infirmiers qui quittent le métier
  • Ce qu'en pensent les infirmiers
  • Un premier bilan
  • Fonction infirmière et partenariat
  • La crise du monde infirmier
  • Recherche infirmier pour secteurs psychiatriques... Désespérément
  • L'infirmier dans le réseau
  • Dax : 23 ans dans les réseaux
  • L'infirmier et les adolescents
  • INFIRMIERS ET SANTÉ MENTALE
     
    UN MÉTIER QUI CHERCHE SES MARQUES
    L'évolution ne va pas sans crises : les fonctions infirmières en santé mentale se trouvent engagées dans un processus de transformation qui répond au mouvement général du passage actuel de la psychiatrie à la santé mentale, et dont la disparition, il y a neuf ans, du diplôme spécialisé, marquait une étape.
    L'accent mis à présent sur les aspects sociaux de la clinique et de la prise en charge qui, idéalement, devrait se produire sans nuire aux soins proprement dits et à leur technicité, est souvent ressenti comme une dépréciation de la condition infirmière qui se signale par, d'une part, trouble, désaffection et fuite et, d'autre part, par la revendication de la mise en place d'une nouvelle spécialisation. Dans cette perspective est évoquée la convergence de faits défavorables : le volume horaire de formation en psychiatrie qui n'est plus que de 400 h. - pour 4.715 h. de formation ; la diminution des stages en psychiatrie, dans le cadre du réaménagement en cours des contenus de la formation initiale. Cette appréciation fâcheuse se garde de faire état d'une formation plus étendue à la santé publique qui n'est pas sans une nécessaire importance, alors qu'on constate une augmentation de plus en plus significative de la demande de prise en charge infirmière de bonne qualité.
    Quoi qu'il en soit, la crise actuelle, indéniable, se traduit par une baisse sensible de l'attrait exercé naguère par la psychiatrie sur les jeunes infirmier(e)s : 1 pour 300 étudiants en 3e année.
    C'est pour mieux comprendre la situation actuelle, caractérisée par la menace de pénurie d'une profession appelée à adapter ses connaissances et ses pratiques aux savoir-faire d'une équipe marquée par les inter-relations du soin et du social, que nous proposons, dans ce numéro 27 de Pluriels, une tentative d'état des lieux, mais aussi d'état des esprits. Les opinions de nos lecteurs seront les bienvenues.
    R. Lepoutre *


    I LES INFIRMIERS VUS DU DEHORS
    L'OPINION DE LA FNAP PSY
    Nous nous trouvons actuellement devant une mutation dans le champ de la Psychiatrie. Non seulement par l'écoute de la parole collective des usagers, au travers de leurs associations, mais aussi devant l'évolution de la société actuelle, Les personnes en souffrance psychique, soignées en secteur psychiatrique, ne sont pas seulement des personnes dites "psychotiques". L'éventail des personnes soignées passe de la personne
    dépressive (avec ou non tentative de suicide) aux personnes dites à "autonomie réduite" incapables, selon certains, de vivre dans la cité.
    L'infirmier en psychiatrie doit répondre à toutes ces demandes, en s'adaptant humainement à chaque personne soignée. Cela demande une approche différente de la médecine somatique, un "savoir" qui est à la fois inné et acquis.

    * Un savoir inné, car un infirmier ne peut choisir la voie de la psychiatrie, que s'il est capable d'assurer des soins à des personnes qui sont en demande d'écoute, de disponibilité. Il lui faut de réelles qualités humaines, une remise en question permanente, une certaine dose d'humilité.
    * Un savoir acquis, spécifique, car l'approche de ces personnes doit répondre à certaines règles, qui ne peuvent s'apprendre que sur le terrain et par une formation adaptée.
    C'est là que nous, Fédération Nationale des Associations de Patients en Psychiatrie, réclamons une spécialisation du diplôme d'infirmier. Nous sommes passés du diplôme de "sous-infirmier psychiatrique" au diplôme commun. Cette étape a été bénéfique, car nous avons vu arriver des infirmiers "vierges" de toute idée préconçue, qui ont pu parfois faire bouger certaines pratiques. Mais très vite nous avons pu constater qu'un "savoir" humain en plus était indispensable.
    Une spécialisation est donc, à notre point de vue, importante. Cette spécialisation devrait pouvoir être acquise en formation initiale, et en formation continue. Nous pensons que dans la formation initiale, un cursus de 6 mois, avec cours dispensés par les "anciens infirmiers" (par leur connaissance du terrain), par les associations d'usagers, et des stages en services psychiatriques, serait performant.
    Une formation continue est importante également. Là, les associations d'usagers pourraient être des partenaires, afin de permettre aux infirmiers de reprendre conscience du métier qu'ils font, et du regard des personnes soignées quant aux pratiques courantes. C'est pourquoi nous avons créé au sein de la Fnap Psy, une association de formation (Association pour la Connaissance par l'Expérience -
    ACE) qui devrait répondre à ce besoin, qui, nous en sommes sûrs, va se faire sentir.
    Nous sommes actuellement face à une pénurie d'infirmiers. D'infirmiers en général, d'infirmiers en psychiatrie en particulier. Cette spécialisation pourrait faire engendrer des vocations, car il s'agit bien quand même de vocation quelque part, et devrait, bien entendu, être accompagnée d'une rémunération en rapport avec les services rendus. Cette rémunération, attractive, devra appeler, en retour, un réel effort des bénéficiaires quant au travail effectué. Ce travail, adapté aux nouvelles donnes, à la fin de l'hospitalo-centrisme, devra être créatif, actif, imaginatif.
    Ce "nouveau métier" apportera, nous en sommes sûrs, une réponse à la peur de la violence, souvent ressentie par le personnel infirmier. Nous pourrions travailler ensemble pour éviter la violence, dans un sens comme dans l'autre, il ne faut pas oublier que les structures fermées, les institutions toutes puissantes, engendrent la violence réactive. Un véritable travail de prévention peut et doit être fait. Nous avons pu le constater de nombreuses fois au sein de nos associations, une situation de violence peut être désarmorcée par la parole, la prévention.
    Nous en sommes sûrs, l'évolution de la psychiatrie est en route. Les infirmiers en seront un des principaux acteurs. Nous sommes prêts à travailler avec eux.
    FNAP PSY *


    EDITORIAL

    TRANSITION
    Transition est le mot qui résume le mieux le passage où nous sommes engagés entre un système de la psychiatrie "de facto" et un système de la santé mentale "à construire".
    La transition est un moment de durée indéterminée.
    À son terme seront tissés des rapports nouveaux entre le sujet susceptible de bénéficier
    de l'aide et du soutien des structures professionnelles, et des protagonistes
    de ces structures mieux adaptées pour répondre à ses besoins.
    Ce moment de transition est difficile
    à vivre pour tous les partenaires professionnels, obligés de remettre
    en cause connaissances et savoir-faire, satisfaisant ainsi aux figures nouvelles de la prise en charge, dans des lieux souvent inhabituels, au sein d'une équipe dont les membres parfois s'ignorent et toujours relèvent de cultures spécifiques.
    Ces difficultés peuvent aller jusqu'à
    la mise en cause de l'identité des professions ainsi mises en question et déstabilisées.
    Les témoignages réunis dans ce numéro 27 de PLURIELS indiquent que l'infirmier vit cette transition avec une peine particulière, une souffrance tenant à la situation qu'il occupe au carrefour du soin et de la prise en charge, du médico-social et du social ;
    à un moment où la prévention tend
    à occuper une place plus large que naguère et où, surtout, l'usager de
    la santé mentale devient sujet.
    La durée de la transition d'aujourd'hui est étroitement liée au temps nécessaire à l'infirmier, et aux autres acteurs du soin et du social, pour acquérir les savoir-faire nouveaux, qui, mis en œuvre, les replaceront au cœur du système.
    C. Bonal


    A QUOI SERVENT LES INFIRMIERES PSY ?
    L'OPINION D'UN USAGER
    J'ai commencé à me poser cette question dès que j'ai été hospitalisé, en 1966-67, en service très fermé, pour schizophrénie. La réponse qui me venait alors spontanément à l'esprit était que les infirmières psy, sont particulièrement humaines parce qu'on voit bien "qu'elles n'hésitent pas à discuter avec les malades car elles les aiment beaucoup". En plus, ce qui me paraissait vraiment très dur pour elles, c'était qu'elles s'entretenaient surtout avec les malades de leurs peurs, de leurs délires et de leurs passages à l'acte, pour leur remettre "les pieds sur terre", et cela malgré les «"drogues"... pas toujours très efficaces, tout de suite, en début de traitement, quand c'était des urgences ... comme ce fut d'ailleurs aussi mon cas. J'étais aussi au courant qu'à l'hôpital psy, elles étaient obligatoirement diplômées, contrairement aux cliniques privées ... mais qu'elles étaient très mal payées ... que ce soit en public ou en privé. Je fantasmais volontiers que les études d'infirmière psy devaient être quand même assez difficiles; qu'en tous les cas, pour bien faire ce métier, il fallait une très bonne formation théorique et pratique ... et surtout des qualités humaines exceptionnelles d'empathie.
    Mais, par la suite, du fait de nouvelles hospitalisations, surtout au début des années 1990, j'ai malheureusement été obligé de constater une dégradation des soins des infirmières psy : elles ne discutaient plus du tout avec les malades, et se contentaient seulement de distribuer "tristement", cachets, piqûres, et nourriture ... Le reste du temps, elles le passaient toute la journée dans leur fameux "aquarium", c'est-à-dire la pièce vitrée où elles sont censées discuter des problèmes des malades ... En réalité, quand les malades y allaient, par exemple pour signaler "qu'il y a quelqu'un qui pleure" ... on s'apercevait vite qu'elles ne parlaient entre elles que de leurs problèmes personnels, ... comme par exemple "la dernière diarrhée verte du dernier petit bébé" ... et quant au malade qui "pleure toujours", "Eh bien, on lui a donné ses médicaments, le mieux c'est de le laisser pleurer" ! Des histoires de ce genre, j'ai pu en voir beaucoup ... Je me suis donc demandé si cela n'était pas spécial aux infirmières à qui j'avais à faire ou bien peut-être au pavillon ou au service où j'étais enfermé ... Par ailleurs, dans cet hôpital, quand je voyais le psychiatre, y compris même si c'était le chef, j'étais reçu en même pas cinq minutes ... même quand c'était pour des idées de suicide ... Ce dernier m'a d'ailleurs prévenu, la dernière fois, dès que je suis arrivé dans son service: "Vous ne resterez hospitalisé qu'une semaine car pour des idées de suicide, ça suffit!" Je suis donc sorti au bout de huit jour ... et toujours avec mes idées de suicide ... (lesquelles, pour le médecin traitant qui avait demandé mon hospitalisation, étaient un symptôme de ma schizophrénie qui continuait toujours)...
    Vers fin 2000, je me posai la question suivante à propos des soins des infirmières psy : "Pourquoi une telle dégradation, d'autant plus qu'autour de moi, je ne suis pas le seul à avoir constaté ce fait? De nombreux malades s'en plaignent aussi, donc, je n'ai quand même pas eu au début des années 1990, des hallucinations de toutes sortes quand j'ai été à nouveau enfermé !".
    Les circonstances ont fait qu'en tant que militant de base de certaines associations d'usagers de la psychiatrie, j'ai été amené à lire tous les livres du célèbre Professeur Edouard Zarifian, "spécialiste" de l'abus des médicaments psychotropes en France, pour lesquels nous battons le record du monde de consommation. Je crois d'ailleurs bien avoir compris le problème qu'il soulève, puisque d'une douzaine de médicaments psychotropes (notamment les tranquillisants, les hypnotiques, les neuroleptiques incisifs et sédatifs, les antidépresseurs) que je prenais depuis quarante ans, j'ai réussi en quinze jours (même si pendant deux semaines je n'ai pas dormi du tout et ai été très agité intellectuellement), à me sevrer complètement ... Si bien que du point de vue psychiatrique, je ne prends plus seulement qu'un seul comprimé à dose moyenne, d'un seul antipsychotique ou "neuroleptique atypique". J'ai donc depuis lors demandé à être suivi par un psychiatre-psychanalyste de la même génération que le professeur E. Z., et nous sommes certains tous les deux qu'il n'y aura plus de rechute dans la schizophrénie, et de toute façon, il n'y en a plus le moindre nouveau symptôme.
    Mais ce n'est pas tout! En effet les livres du professeur E. Z., expliquent bien les raisons de cette dégradation des soins des psychiatres et donc, à mon avis, en corollaire, cette dégradation aussi, en même temps, des soins des infirmières psy! Pour moi, il est bien évident, maintenant, en réponse à la question : "A quoi servent les infirmières psy ?", que si elles ne sont utiles qu'à distribuer des cachets, faire des piqûres et donner à manger, d'une part, c'est bien triste pour elles, mais surtout, elles ne sont plus de véritables infirmières psy, donc, d'autre part, il n'y a plus besoin ni d'études spécialisées en psychiatrie, ni non plus de diplôme spécifique ... Surtout, si c'est pour qu'elles passent leur temps, presque toute la journée, à être enfermées entre elles dans "l'aquarium", sous les regards ébahis, abrutis, indifférents ou humiliés des malades ...
    Il faut donc absolument, pour les malades comme pour les militants de base des associations d'usagers de la psychiatrie, lire tous les livres du professeur E. Z. En effet, je ne peux pas, dans le cadre modeste de cet article, résumer toute la pensée de cet auteur, sur les raisons de la dégradation des soins en psychiatrie, au risque de la déformer ... car les choses ne sont pas obligatoirement très simples ... et les infirmières, les médecins généralistes, les psychiatres, voire les cardiologues et bien d'autres spécialistes, sont aussi concernés, à mon avis, par tout ce qu'il a écrit, de si intelligent ...
    LUCIEN JEWCZUK *
    FNAP PSY


    D'HIER À DEMAIN : ÉVOLUTION DU RAPPORT MÉDECIN-INFIRMIER
    Pour savoir où l'on est et où l'on va, il n'est pas interdit de se souvenir de l'histoire; sinon, le retour de la mémoire peut se faire à l'insu de toute lucidité. L'infirmier(e) qui travaille au sein d'une équipe de psychiatrie, qu'il(elle) soit en position de soin et/ou de cadre, a vu son statut et l'exercice de son métier se modifier considérablement ces dernières décennies, en particulier du côté de ses rapports avec les psychiatres.
     
    Quelques éléments de mémoire
    « Manières de procéder en vue d'une injection intraveineuse :
    1er - Avancer la chaise du docteur.
    2ème - Installer confortablement le malade sur ses oreillers...
    7ème - Lorsque le docteur s'est lavé chirurgicalement les mains, lui glisser, si c'est l'habitude, la seringue qu'il monte puis l'aiguille qu'il adapte...
    NB : Si le docteur le désire, on peut lui badigeonner le bout des doigts avec de la teinture d'iode(1) ».
    Ces extraits rappellent sans fard le rôle de "servante du docteur" autrefois dévolu à l'infirmière. On note que " le docteur" apparaît, dans ce texte de 1936, avant le bénéficiaire du soin.
    On sait que les asiles ont fonctionné longtemps sur le modèle militaire: ils ont d'ailleurs dépendu du Ministère de l'Intérieur jusqu'en 1922. Le médecin chef en était le référent absolu, il soignait les aliénés et régnait en maître sur des gardiens sans instruction (mais non nécessairement sans qualité). Cette modalité du rapport, la soumission acceptée comme un état de nature, fait aujourd'hui sourire et frémir ; mais il serait erroné de penser qu'elle est abrasée de la mémoire collective, tout au plus peut-elle être déniée ou contre-investie.
     
    L'émancipation infirmière
    Elle s'est réalisée progressivement. Dans nombre des services, il n'y a pas si longtemps, le(la) surveillant(e) participait seul(e) à l'entretien du médecin avec le malade et il (elle) transmettait les consignes à des infirmier(e)s qui ne parlaient pas avec le médecin.
    En 1955, un programme de formation pour les soins infirmiers est rendu obligatoire sur le territoire national.
    En 1975, création des premières écoles de cadres en psychiatrie. Les surveillant(e)s ne sont plus choisi(e)s par le seul médecin-chef ni à la seule ancienneté, bien que les mesures de transition aient duré longtemps.
    La hiérarchie infirmière s'autonomise vis- à-vis de la DRH et des médecins chefs, avec un point culminant en 1991 : la mise en place du directeur du Service des Soins Infirmiers. La responsabilité des actes infirmiers est affirmée par la loi, comme une déontologie spécifique.
    Parallèlement, on assiste à l'appropriation d'une culture du sujet, en relation, entre autre, avec l'introduction de l'idée psychanalytique, et cela au delà des psychanalystes et psychiatres. Il devient de plus en plus difficile de respecter le patient en tant que sujet sans l'instauration de relations de reconnaissance réciproque à l'intérieur des équipes. Les techniques infirmières deviennent sophistiquées, à la fois sur le plan de la technique médicale et des soins relationnels.
    Un nouveau métier
    L'infirmier(e) de secteur psychiatrique, devenu(e) infirmier(e) DE depuis la réforme des études infirmières, apparaît aujourd'hui avec une compétence reconnue, au sein d'un pouvoir infirmier qui n'hésite pas à s'assumer comme tel. L'infirmier(e) en psychiatrie est aujourd'hui un soignant qui parle, et dont la parole est écoutée: au niveau des entretiens qu'il peut conduire seul ou à la pointe des réseaux qui se constituent, en particulier avec les partenaires sociaux. Si l'infirmier ne prescrit pas, il transmet par son action le sens du traitement ; si l'infirmier ne signe pas les conventions, il les fait vivre effectivement, avec d'autres, en tant qu'acteur de terrain au plus près.
     
    L'avenir de la collaboration médico-infirmière
    Si Ia direction des secteurs de psychiatrie reste médicale, la collaboration médico-infirmière constitue l'axe de l'organisation d'une équipe autant sur le plan hiérarchique que sur le terrain clinique; avec, il est vrai, une prise en considération insuffisante des cliniciens ni médecins ni infirmiers, tout au moins sur le plan institué (psychologues, cadres socio-éducatifs, psychomotriciens, orthophonistes).
    La carence quantitative des psychiatres de secteur, qui va aller croissant, laisse ouverte des possibilités de transformation dans l'institution. Pour autant, il convient d'éviter certaines dérives :
    - les divers métiers au sein de l'hôpital et du secteur peuvent avoir la tentation de penser davantage en terme d'intérêts corporatistes que d'institution au service du soin et du travail en santé mentale ;
    - il peut y avoir risque de rupture entre les rôles et le sens, entre les rapports opératoires du travail et la reconnaissance réciproque des acteurs.
    A l'inverse, le couplage médecins/infirmiers suppose:
    - une conception évolutive du cadre, sans excès d'investissement narcissique corporatiste ;
    - un accord suffisant sur les principes, qui inclut le débat, c'est-à-dire une saine
    conflictualité et la capacité de tenir des positions différentes dans le respect de la place de chacun ;
    - il suppose enfin l'intégration de ce principe de base : le soin institutionnel en Psychiatrie comme en Santé Mentale consiste d'abord à remettre en lien ce qui est morcelé, coupé ; la thérapie du lien n'est pas seulement pour les autres...
    1 Mémento pratique de l'infirmière hospitalière (page 95), Clinique-Ecole des soeurs de Niederbronn (Colmar - Strasbourg), septembre 1936.
     
    JEAN FURTOS *
    Psychiatre, Chef de service (69 G09)
    MICHEL BELLAND
    Cadre Infirmier Supérieur (69 G 09)


    QUELS RAPPORTS AVEC LES INFIRMIER(E)S PSY ?
    L'OPINION D'UNE MERE
    Que dire de mes rapports avec les infirmiers (ères) ? Comment ai-je vécu mes rencontres tant à l'hôpital que dans les structures extra-hospitalières. Mon témoignage ne reflète sans doute pas l'opinion de tous les parents mais nous dirons que c'est le mien.
    Après de nombreuses hospitalisations de ma fille, soit en HDT, soit avec son consentement, mes rapports avec les soignants ont évolué dans le sens d'une plus grande compréhension de part et d'autre, moins d'agressivité de ma part en particulier. Toutefois je m'étonne d'être obligée de demander à qui l'on s'adresse, est-ce Paul, Nicole ou Jacques; ne pourraient-ils pas se présenter ? Il me semble que cette démarche serait souhaitable pour établir des liens entre les soignants et les familles, tellement bouleversées lors d'une première crise. On parle du Référent, mais qui est-il ? Ce n'est pas toujours le même, il n'est, bien sûr, pas toujours présent, on ne connaît pas bien son rôle, alors on se pose des questions. Ce qui me gênait également, c'était les entretiens avec le médecin en présence d'une infirmière, souvent accompagnée d'une stagiaire nouvelle. Le médecin parlait, ma fille souvent confuse s'exprimait difficilement et moi-même je n'osais pas toujours m'exprimer librement. Quant aux infirmières elles n'intervenaient jamais, ce que je trouvais curieux. J'espérais qu'après mon départ une discussion se poursuivait entre le médecin et celles-ci mais cette attitude me gênait. Mon agressivité a éclaté un jour envers un infirmier, style gardien de prison. Celui-ci bien sûr a très mal pris mes injures et puis j'ai appris à le connaître et je me suis aperçue qu'il connaissait bien ma fille, et nos rapports sont devenus tout à fait normaux et bienveillants. Il est vrai que nous attendons beaucoup du Corps des Infirmiers(ères) et souhaitons parfois des réponses plus précises à notre demande: "Comment va ma fille aujourd'hui ?" -'Vous la connaissez, c'est toujours pareil". La réponse est brève, alors de peur de déranger on raccroche le téléphone. Il m'a fallu du temps pour me sentir un peu à l'aise en allant voir ma fille à l'hôpital et oser frapper à la porte du Bureau des Soignants pour leur parler et poser des questions car, lorsque vous arrivez pour la visite, on vous désigne la salle d'accueil et vous attendez, parfois un peu longtemps, avant que votre fille arrive. Vous êtes seule et l'on ne vous dit rien. On souhaiterait parfois un peu plus de "chaleur humaine" et plus d'explications sur le traitement et la maladie. Peut-être sommes-nous trop exigeantes, mais devant la souffrance de nos enfants nous attendons beaucoup des infirmiers(ères). Ceux-ci nous semblent avoir un rôle très important tant pour l'accueil des familles que pour les soins prodigués à nos enfants. Nous admirons par ailleurs leur patience devant des malades parfois difficiles.
    P. MONOD *


    DES INFIRMIERS QUI QUITTENT LE MÉTIER
    Devant les difficultés croissantes de recrutement de personnels infirmiers et paramédicaux en secteur de soins généraux, et plus particulièrement en santé mentale, il est préoccupant de voir un certain nombre d'infirmiers quitter la profession pour embrasser d'autres filières professionnelles.
    Participant au Comité régional de Gestion de la formation, à l'ANFH Ile-de -France, représentant le directeur régional des Affaires Sanitaires et Sociales, nous avons observé à chaque session d'analyse des dossiers de demande de formation, qu'un certain nombre d'infirmiers en santé mentale demandaient à bénéficier d'un congé individuel de formation pour changement de métier.
    Leur demande s'oriente, pour une majeure partie vers :
    - la maîtrise et le DESS de psychologie ou de sociologie,
    - le professorat des écoles qui s'intensifie depuis 2001 (ce changement concerne aussi des infirmiers en soins généraux),
    - visiteur médical, etc.
    Après sondage auprès de directeurs du service de soins infirmiers, la charge physique et surtout mentale de ces professionnels génère un épuisement professionnel important. D'autre part les contraintes organisationnelles, la permanence et la continuité des soins, ne permettent plus aux professionnels de pouvoir répondre à une qualité de vie recherchée.
    Ce constat est la conséquence du "burn-out" que l'on peut situer sur deux périodes :
    - avant 1992 (date de la fusion des diplômes d'infirmiers de soins généraux et d'infirmiers de secteur psychiatrique) ces derniers étaient "cantonnés" dans les services de psychiatrie. La polyvalence n'existait pas ;
    - depuis 1995, date du diplôme d'Etat infirmier dit "polyvalent", il s'avère que l'exercice infirmier en établissements de secteur psychiatrique ne constitue pas le choix prioritaire des nouveaux diplômés. S'agit-il d'une discipline considérée difficile, d'une formation en
    institut de formation en soins infirmiers moins appuyée que lors de la formation spécifique ?
    Par ailleurs, il est important de rappeler que les élèves infirmiers psychiatriques étaient tous recrutés en qualité de stagiaire rémunéré et qu'en contre partie ils signaient un engagement de servir de cinq ans. Au-delà de cinq ans, la fidélisation était le plus souvent assurée.
    Depuis 1992, cette forme de recrutement des élèves infirmiers n'existe plus. Cette situation a pour conséquence un turn over dont la source semble être une importante démotivation.
    Une des solutions pourrait être de favoriser la mobilité, ce qui éviterait peut-être le burn-out spécifique au secteur psychiatrique.
    Les modifications actuelles du système de santé nécessitent une adaptation permanente des professionnels pour répondre à ces évolutions.
    Elles nécessitent un acheminement vers plus de responsabilisation des infirmiers et une demande de reconnaissance institutionnelle.
    La mise en œuvre du décret N°99-1147 du 29 décembre 1999 relatif à l'application des dispositions de l'article L.474-2 de l'ancien Code de Santé publique, concernant la formation des infirmiers de secteur psychiatrique, candidats à l'obtention du diplôme d'Etat d'infirmier en soins généraux, n'a pas obtenu le succès escompté.
    A cette date, seuls 280 infirmiers en santé mentale se sont inscrits dans le processus de formation du diplôme d'Etat en soins généraux - sur environ 7100 infirmiers en santé mentale sur l'Ile-de-France.
    Une des explications pourrait être l'élargissement des lieux d'exercice ayant permis aux infirmiers de secteur psychiatrique d'exercer toutes les activités relevant de la profession d'infirmiers en soins généraux (arrêté du 16 décembre 1998* relatif aux lieux d'exercice des infirmiers de secteur psychiatrique).
     
    SIMONE DESMOULINS *
    EDWIGE MICHEZ
    Conseillères techniques régionales
     
     
    * Cet arrêté a été annulé par décision du Conseil d'Etat. (séance du 21 juin 2000)


    II CE QU'EN PENSENT LES INFIRMIERS
     
    UNE SPÉCIALISATION INFIRMIERE EN PSYCHIATRIE ?
    Pour de nombreuses raisons, à l'issue de la formation initiale, les jeunes infirmiers sont peu, voire dans certains cas, mal préparés à exercer en psychiatrie. C'est pourquoi il apparaît de plus en plus nécessaire, et de nombreux interlocuteurs de la psychiatrie en attestent, de prévoir une formation complémentaire pour les IDE(1) qui souhaiteraient exercer durablement en psychiatrie. Deux éléments fondent cette position : les critiques sur la dimension compilative de la formation initiale et le fait qu'en psychiatrie, plus qu'ailleurs, un
    certain nombre de questions ne peuvent être mises à jour qu'après un minimum d'immersion.
     
    Aujourd'hui plusieurs personnes proposent comme réponse possible la mise en place d'une spécialisation.
     
    Retour sur les raisons
    d'un choix
     
    Le choix d'un diplôme unique en 1992 reflétait l'état des forces (quantitatif, "conceptuel" et réglementaire) en présence autour de trois options possibles.
     
    1) Le maintien d'un dispositif scindant psychiatrie et soins généraux avec, s'agissant des infirmiers psychiatriques, un partage entre deux tentations :
    - une identification aux travailleurs sociaux, en particulier pour les ISP(2) qui exercent dans la communauté, ce qui les amène à prendre en compte les problèmes sociaux, la précarité, la grande solitude rencontrée par les patients ainsi que leurs difficultés à s'organiser dans la vie sociale,
    - la fascination pour la psychothérapie. Mais avec toutes les ambiguïtés et toutes les limites du bon vouloir médical, les considérations n'ont quasiment pas bougé. Sauf peut-être que la référence psychanalytique s'est effacée au profit d'un axe biologisant (modèle des neurosciences) ou pseudo-consensuel (modèle bio-psycho-social).
    2) La mise en place d'un cadre unique d'infirmiers au nom de la polyvalence, voulue par les pouvoirs publics (souci de la rationalisation des moyens) et de la prise en charge globale de la personne, voulue par les "décideurs de la profession" (souci identitaire). Mais, là aussi, que de contradictions entre un discours et la réalité d'une pratique plus médico-chirurgicale que de soins généraux. Et que d'ambiguïtés liées à la tentation holistique, qui, sous couvert de globalité, peut vite s'apparenter à une approche totalitaire.
     
    3) L'inscription dans la profession infirmière, à partir d'une base en soins généraux (dans la véritable acception du terme) orientée Santé Publique, et la reconnaissance de la spécificité de la psychiatrie à partir d'un exercice s'appuyant sur une formation complémentaire. Bien entendu, cette option, sur laquelle nous reviendrons, est de notre point de vue la plus pertinente, mais elle nécessite des étapes intermédiaires, dont celle du passage par le diplôme unique (toute la question étant de savoir comment le gérer dans une dimension évolutive).
     
    De nouveaux diplômes non opérationnels
     
    Face à ces trois possibilités, les pouvoirs public ont opté pour le deuxième choix, le critère européen étant mis en avant(?) et ont tenté, au nom de la recherche de consensus, de faire rentrer deux programmes en un seul. Ce qui, obligatoirement, au plan pédagogique, ne peut donner qu'un dispositif bancal. Il y a toujours cette impossibilité française à envisager une réforme pédagogique qui ne poserait pas la question de ce qu'il faut rajouter, mais de ce qu'il convient de supprimer. La venue de ces nouveaux diplômés dans les services a donné lieu à de vives critiques sur le manque d'opérationnalité immédiate, que ce soit en chirurgie, médecine ou psychiatrie. Cette référence à l'opérationnalité immédiate (vision utilitariste) est souvent compensée par une plus grande capacité à se projeter. Moins savoir, mais savoir que l'on ne sait pas, c'est un progrès, surtout pour ces jeunes infirmiers qui ont fait le choix du travail en psychiatrie. Nous laisserons la chirurgie et la médecine de côté pour nous interroger sur la psychiatrie, et nous arrêter sur quatre aspects pouvant mettre en difficulté les infirmiers nouvellement diplômés.
     
    La confrontation à la psychose
     
    L'exercice en psychiatrie, et pas uniquement auprès des psychotiques, est un travail permanent sur la bonne distance et le respect (au sens kantien). La formation s'acquiert au plan théorique et au plan technique. La compétence n'est pas le produit de l'accumulation de savoirs mais passe par la possibilité de l'interrogation de soi-même.
    Les dispositifs anciens, même s'ils étaient critiquables, avaient au moins la qualité de permettre l'apprentissage de son métier en observant les aînés avec une transmission par petites touches (aux plans oral, visuel, mais aussi comportemental) et l'intégration de la dimension temporelle. Comme aucun ne travaillait de la même façon, il fallait réussir à prendre ce qu'il y avait de mieux chez chacun pour trouver son style. Ne pas répondre trop vite, reconstruire par petits bouts, sans forcément vouloir s'inscrire dans une démarche logique. Essentiellement être là, sans être oppressant. La formation en psychiatrie est une formation permanente qui s'intègre d'autant mieux que d'autres expériences de vie ont été vécues préalablement. Nous savons tous combien l'entrée dans la psychose détermine un long cheminement avec des périodes où la symptomatologie peut être envahissante. Tout l'art (et non la science) infirmier repose alors sur la
    capacité d'accompagner la personne en lui offrant quelques points de repère. Le rapport à la maladie mentale s'inscrit dans le temps. C'est un rêve de technocrate de croire que la prise en charge de la schizophrénie relève des conditions du court séjour.
     
    Une logique interdisciplinaire et pluriprofessionnelle propre à la psychiatrie
     
    La psychiatrie, c'est à la fois sa richesse et sa faiblesse, se caractérise par une multitude de références et une multiplicité d'acteurs. La pluridisciplinarité au sein des équipes de secteur est une donnée importante. L'élargissement des professions repositionne en permanence les infirmiers. Faute d'une assise et d'une légitimité suffisantes dans le domaine de la psychiatrie, ils peuvent se retrouver avec la portion congrue (l'infirmerie par exemple). La crispation globalisante mal référencée de la formation infirmière prépare mal au travail en équipe pluridisciplinaire, c'est-à-dire à la confrontation, au recoupement des compétences et, en même temps, à la détermination des complémentarités.
     
    La professionnalisation des interventions
    Les professionnels confirmés en psychiatrie participent à des actions de plus en plus "pointues", par exemple de type "accueil / orientation", ou "conduite de prises en charge individuelles ou collectives". Ils peuvent aussi être amenés à exercer une fonction de conseil auprès d'autres intervenants (sanitaires et sociaux plus généralistes). Ils sont donc appelés à un élargissement des lieux et types de leurs interventions. Même si les cadres de références sont multiples, beaucoup d'infirmiers ont une maîtrise que pourraient leur envier d'autres catégories intervenant en psychiatrie. S'agissant de la psychiatrie de liaison, ou de la gestion de l'urgence, notamment à l'hôpital général, leur "savoir-faire" est largement reconnu. Ils font sortir la profession des archétypes dans lesquels certains voudraient bien les laisser enfermés. L'autre élément particulièrement remarquable de la pratique des infirmiers psychiatriques concerne l'individualisation de leurs interventions.
     
    Affronter les problèmes sociaux
     
    L'hôpital, toutes disciplines confondues, n'a pas échappé à l'intrusion du social. Au même titre que l'école, il a perdu petit à petit sa position de sanctuaire. Il suffit de passer quelque temps dans un service d'urgence pour regarder la société, nous pourrions dire la vraie, avec ses détresses, ses demandes, sa violence parfois. Mais la psychiatrie a peut-être une petite longueur d'avance, car elle doit s'y confronter là où ça se passe. Et son interpellation est de règle, surtout quand plus personne n'y comprend quoi que ce soit. Deux écueils sont alors à éviter, pour rester dans une position soignante: - la démission face à la première difficulté (et dans certains cas elle arrive très vite),
    - l'activisme, où faire à la place de l'autre devient la règle.
     
    La spécialisation infirmière en soins psychiatriques
     
    La question de la spécialisation est posée depuis de nombreuses années. Néanmoins, à vouloir aller trop vite sans oser une remise à plat du dispositif et une étude approfondie de toutes les questions à se poser, nous prenons le risque d'ajouter un nouveau problème. Pour nous, le choix de la spécialisation est inéluctable à terme, nous l'avons écrit plusieurs fois et depuis longtemps. Le seul intérêt du diplôme unique est de permettre la transition.
    Une des principales critiques portées à la spécialisation en soins infirmiers psychiatriques serait un fonctionnement par mimétisme des spécialités médicales. Dans la mesure où la formation de base resterait médico-chirurgicale, ce risque existe. Mais si la spécialisation est pensée à partir d'une base soignante, elle permet d'ancrer la spécificité de la psychiatrie, à l'exemple du dispositif du CES de psychiatrie qui prévalait pour les psychiatres (qui sont d'abord des médecins).
    La spécialisation, c'est aussi la voie de l'Europe. Les diverses orientations internationales (recommandations du Conseil de l'Europe, recommandations de l'Union européenne, évolution des principaux pays de l'Union) tendent à la mise en place d'une formation complémentaire en psychiatrie et santé mentale après un diplôme de base en soins généraux. Inéluctablement, la France devra s'aligner sur cette orientation.
     
    Des points importants à clarifier
     
    Aller vers la spécialisation suppose de bien clarifier plusieurs points importants. Faute de quoi ce sera une spécialisation de bonne conscience, sans impact sur le terrain.
    La spécialisation :
    * c'est une question d'identification de compétences. L'asseoir à partir du décret du 15 mars 1993(1) (actuellement en cours de révision) apparaît très limitatif. Mais ceci suppose que les psy soient capables de formaliser leur pratique, d'identifier ce qu'ils ont en propre et ce qui est partagé par d'autres.
    * c'est une question d'exercice, soit à partir de dispositifs institutionnels (dans ce cas, lesquels ? et quelle délimitation s'impose ?), soit en termes de population, soit en termes de techniques mises en œuvre.
    * c'est une question de statut, par référence aux trois spécialisations infirmières reconnues en France(2). Mais dans ce cas, c'est aussi une question économique. Il y a donc derrière un vrai point de crispation (la spécialisation est obligatoire ou facultative).
    * c'est une question de formation : notamment, à partir de quel point d'ancrage définir les objectifs puis les contenus et les dispositifs de formation ?
    * c'est une question de mesures transitoires, sauf à penser que trois situations différentes peuvent coexister pour le même travail : ISP ancien modèle, IDE polyvalents et IDE spécialisés en psy.
    * c'est une question de refonte de la formation initiale, qui ne se cotenterait pas de retrancher des heures de psychiatrie pour les renvoyer à la formation spécialisée.
    * c'est une question de transmission des savoirs. En effet, tout un processus de professionnalisation risque de s'arrêter avec les départs massifs d'ISP, compte tenu des courbes démographiques actuelles dans les institutions psychiatriques.
    DOMINIQUE LETOURNEAU *
    Directeur de l'Ecole Supérieure Montsouris (Paris), Maître de Conférences (Paris XII)
    FRANÇOIS MOUSSON
    Directeur du Service de Soins Infirmiers, Association de Santé Mentale du XIIIe Arrdt de Paris
    (1) IDE : Infirmier diplômé d'Etat
    (2) ISP : Infirmier de secteur psychiatrique
    (1) Décret n°93-345 (JO du 15 mars 1993) relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier.
    (2) Il s'agit du Diplôme d'Etat de Puéricultrice, du Diplôme d'Etat d'Infirmier anesthésiste, du diplôme d'Etat d'Infirmier du bloc opératoire.


    UN PREMIER BILAN
    Après neuf années d'application du nouveau programme d'études en soins infirmiers, six promotions issues du diplôme unique polyvalent d'état ont intégré les services de psychiatrie. Qu'en est-il de l'infirmier nouveau ?
    En application de l'arrêté du 23 mars 1992, les études infirmières comportent quatre modules théoriques obligatoires de 360 heures au total, portant sur "Soins infirmiers aux adolescents, aux adultes et aux personnes âgées atteints de troubles psychiatriques", auxquels s'ajoutent trois stages cliniques. Un par an - en santé mentale, ou en psychiatrie, ou en géronto-psychiatrie, de quatre semaines chacun. Par ailleurs, les étudiants doivent choisir deux modules théoriques optionnels d'approfondissement parmi les huit modules proposés (dont deux en psychiatrie).
    Par rapport à la formation antérieure des infirmiers de secteur psychiatrique, le volume horaire de formation en psychiatrie a considérablement diminué, la pédo-psychiatrie est sacrifiée, les temps de stage réduits, ne prenant pas en compte la notion de temporalité dans lequel s'inscrit la prise en charge en psychiatrie.
    L'ANFIIDE et le CEFI(1), qui ont conduit en 1997 une enquête dans la région Rhônes-Alpes, ont bien cerné les intérêts et limites du nouveau programme d'études infirmières(2).
    1/ Intérêts - Les compétences acquises par les nouveaux infirmiers diplômés s'exercent dans les domaines suivants :
    - la prise en charge globale du sujet,
    - l'intégration du champ de la Santé Publique,
    - le professionnalisme,
    - le savoir relevant de la psychiatrie.
    2/ Limites de la formation polyvalente pour un exercice en psychiatrie. Limites liées au programme de formation, aux dispositifs de formation et aux compétences infirmières.
    E. PIEL et R. ROELANDT, dans leur pré-rapport d'avril 2001, notent que "Les infirmiers DE sont à ce jour, globalement, bien formés sur le plan de la santé mentale, si l'on inclut l'obligation pour tous d'un stage en santé mentale. Cette formation de base doit être à tout prix garantie car ce sont les infirmiers DE qui sont et seront bien souvent en première ligne face aux troubles psychiques. Mais, pour une pratique en secteur de santé mentale, les formations sont trop hospitalo-centriques, manquent de réflexion sur les représentations sociales, le travail individuel avec un patient, les pratiques ambulatoires, le lien avec la communauté, etc. Elles sont donc non suffisantes dans ce cadre". Les intéressés eux-mêmes, étudiants infirmiers ou nouveaux diplômés s'expriment peu. Cependant, dans un article de Santé Mentale(3), six étudiants en soins infirmiers de troisième année, qui ont choisi de travailler en psychiatrie, s'interrogent sur le niveau de préparation: "Aujourd'hui, nous abordons en 420 heures de stage en psychiatrie ce que nos aînés faisaient en 1.320 heures... Sommes-nous capables de conduire efficacement un entretien, d'établir une relation d'aide? Qu'en est-il de la connaissance du réseau et de la sectorisation ? Au vu de ces éléments, il semblerait que la polyvalence du diplôme n'aille pas dans le sens d'une meilleure qualité des soins en santé mentale. En revanche, la polyvalence a engendré une amélioration indéniable en soins généraux, où les infirmiers, grâce à l'introduction des modules en psychiatrie et en théorie sur la communication, ont été conduits à prendre le patient en charge de façon plus globale. Les nouveaux IDE sont désormais mieux armés pour évaluer la souffrance morale des patients en service de médecine ou de chirurgie par exemple. De même, les apports théoriques sur les pathologies somatiques permettent aux nouveaux diplômés se destinant à la psychiatrie d'avoir une meilleure approche des patients. Autre avantage de cette formation commune: les échanges entre professionnels, désormais possibles, permettent une collaboration efficace, le patient y gagnant en sérénité. Celui-ci n'est plus pris ainsi dans la traditionnelle scission corps-esprit".
    Ces points de vue me permettent de dresser un premier bilan.
    Le nouveau diplôme infirmier sensibilise à la souffrance psychique et aux soins en psychiatrie, mais il est insuffisant pour un exercice en psychiatrie.
    Ce bilan est à nuancer au vu des investissements individuels des étudiants au cours de leur formation, en particulier grâce aux modules optionnels, au vu des orientations pédagogiques des IFSI et de leur localisation, quelques IFSI étant encore situés sur des sites psychiatriques.
    Enfin, il nous faut stigmatiser l'inquiétante dérive de la pensée unique du corps enseignant des IFSI, due à la quasi disparition des formateurs titulaires du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique.
    Face à cette situation, que faire ?
    Mieux encadrer les stages.
    Les directions du service de soins infirmiers ont mis en place ces dernières années des référents ou coordonnateurs de stage, des protocoles d'encadrement, des livrets d'accueil pour les étudiants infirmiers.
    Transmettre aux étudiants en soins infirmiers une vision adéquate des soins en psychiatrie, c'est assurer non seulement la continuité des pratiques soignantes, mais aussi promouvoir l'image des soins infirmiers en psychiatrie, c'est donner l'envie aux étudiants de nous rejoindre.
    Mettre en place localement une formation continue d'adaptation à l'emploi.
    Depuis 1995, à l'initiative des Directeurs en Soins Infirmiers, de nombreux établissements psychiatriques organisent un complément de formation qui s'adresse en priorité aux nouveaux diplômés. Ces initiatives sont à encourager et à généraliser même si leur caractère aléatoire (aucune obligation à former et à se former) est renforcé par la disparité des contenus, des méthodes pédagogiques et la durée des enseignements.
    J'y vois, pour ma part, un complément indispensable au programme initial de formation pour tout candidat à l'exercice en psychiatrie, dont le contenu peut être adapté aux besoins. La spécialisation infirmière en santé mentale est présentée par un certain nombre d'associations et de professionnels comme la solution à ce problème.
    Dans quel contexte ?
    Les statistiques officielles révèlent une diminution constante du nombre d'infirmiers exerçant en psychiatrie :
    - fermeture de la grande majorité des centres de formation situés sur un site psychiatrique;
    - maîtrise des dépenses de santé, gel et débudgétisation de postes ;
    - processus de substitution des postes infirmiers par d'autres professionnels - par exemple le nombre d'aides-soignants a doublé, représentant aujourd'hui 15 % des effectifs infirmiers ;
    - mise en place du diplôme unique et mobilité accrue de ces nouveaux diplômés ;
    - postes vacants d'infirmiers de plus en plus nombreux dans certaines régions ;
    - départs en retraite des infirmiers de secteur psychiatrique - il en restera 15.000 en 2010.
    L'histoire de la profession infirmière en France est faite de ruptures et de rapprochements. La polyvalence instaurée en 1992 peut-elle être un tremplin vers la spécialisation, elle-même point d'ancrage de la spécificité de la psychiatrie ? En préalable au contenu de la formation à mettre en place, trois questions me paraissent essentielles:
    1) Le danger bien réel de diminution des temps d'enseignement et de stage en psychiatrie dans le programme actuel de formation de base DEI.
    2) Les axes de connaissances et de compétences en psychiatrie et en santé mentale à développer dans la spécialisation. Au vu des difficultés actuelles de refonte du décret du 15 mars 1993, cela interroge.
    3) L'accès à cette spécialisation pour tous.
     
    J.J. MOITIÉ *
    Directeur du Service des Soins Infirmiers,
    CHS Paul Guiraud, Villejuif
     

    (1) ANFIIDE : Association Nationale des Infirmiers et Infirmières Dîplômé(e) d'Etat - CEFI: Comité d'Etude des Formations Infirmières
    (2) Enquête en Région Rhônes-Alpes - Formation infirmière, acquis en formation et exercice infirmier en santé mentale et en psychiatrie : quelle adaptation? - CH Le Vinatier, disponible sur demande auprès de l'IFSI
    (3) Santé Mentale n°48 - page 29


    FONCTION INFIRMIERE ET PARTENARIAT
    La fonction infirmière en santé mentale, en pleine évolution depuis 2 décennies, a suivi "à petit pas" l'évolution des dispositifs de secteur.
    Les attentes et sollicitations des partenaires du social, médico-social ou du sanitaire ont largement contribué à développer des pratiques nouvelles.
    Ecrire sur ce thème m'amène à m'appuyer sur un tryptique qui donne le sens à cette pratique, son intérêt pour les soins et aussi pour les acteurs.
    * Le bénéfice pour les patients (usagers) qui peuvent disposer de ressources soignantes en dehors du champ sanitaire prenant en compte une trajectoire plus large de la prévention à la réinsertion.
    * Une réponse spécifique vis-à-vis des besoins des partenaires et la construction de relais possibles et coordonnés au profit d'une prise en charge adaptée.
    * Une ressource pour le management des équipes infirmières et l'expression des compétences dans la diversification des pratiques.
    Je préciserai avant tout que cette réflexion prend sa source dans les questions que je peux entendre ou recevoir dans les relations que j'établis avec les équipes infirmières et, plus particulièrement, les cadres, dans mon positionnement de directeur du Service de Soins Infirmiers. Elle vient aussi en appui de la définition de la mission de l'infirmier affecté en santé mentale, telle que nous l'avons précisée dans le profil de fonction au sein de notre établissement :
    "L'infirmier, exerçant dans le cadre du dispositif de secteur psychiatrique, dispense des soins infirmiers tant au niveau individuel que collectif. Il intervient au sein de l'équipe pluridisciplinaire dans les domaines de la prévention, de la cure, de la postcure et de la réinsertion.
    Dans le cadre plus spécifique de la prévention et de la réinsertion, l'infirmier est appelé à travailler en coordination avec les partenaires du champ médico-social et socio-éducatif
    Quel que soit le lieu d'affectation, les actions infirmières s'inscrivent dans le cadre du projet de soins du patient. Elles relèvent de la prescription médicale et du rôle propre infirmier. Le projet de soins infirmiers individualisé s'appuie sur le processus du diagnostic infirmier. Les soins infirmiers en santé mentale sont réalisés dans une vision holistique du soin et prennent en compte le projet de vie du patient dans son environnement habituel ou nouveau, en favorisant son autonomie et l'éducation pour sa santé".
     
    Le bénéfice pour les usagers
     
    Je choisis d'emblée de parler "d'usagers" puisque dans le dispositif de partenariat il ne s'agit pas toujours de "patients". C'est le cas de la prévention, et c'est aussi toutes les situations où il convient de prendre en compte l'environnement proche. Dans le travail avec la PMI par exemple, la notion de pathologie ne prend pas la même connotation.
    Cet aspect a conduit le personnel infirmier à agir avec prudence. Longtemps formés pour les soins curatifs, ils ont dû changer leurs représentations et leur pratique afin qu'elle devienne moins interventionniste.
    Les usagers qui hésitent à s'engager dans une démarche de soins psychiatriques apprécient cette approche infirmière qu'ils imaginent moins intrusive dans leur problématique, ou moins psychiatrisée. Par le biais du partenariat social, qu'il passe par les réseaux d'alcoologie, de gérontologie ou ceux plus récents développés pour la précarité, les personnes en souffrance peuvent trouver une écoute plus permanente auprès des infirmiers.
    La question de l'accès aux soins bute encore sur les carences observées dans certains secteurs. Combien ont pu formaliser les temps d'accueil infirmiers au sein des CMP ? Comment offrir cette complémentarité demandée par nos partenaires en ouvrant plus largement notre dispositif sectoriel ?
    C'est d'abord dans l'accès aux soins et pour préparer l'entrée dans le soin que les êtres en souffrance psychique peuvent bénéficier d'un partenariat organisé, réfléchi et efficace, reposant sur des valeurs communes et une éthique partagée.
    La place des équipes infirmières peut ainsi se situer tout au long de la trajectoire du patient jusqu'à la réinsertion. Les prises en charge à domicile ont certainement initié les premiers partenariats auprès des patients adultes. Visant à intégrer le patient au mieux dans son environnement, elles ont conduit à
    décloisonner les territoires tout en
    favorisant la complémentarité.
    Les lieux du partenariat se sont aussi structurés : psychiatrie de liaison, PMI, écoles, CMPP, CHRS, associations diverses...
    Si j'ai parlé de prudence, c'est bien qu'il ne s'agit pas pour les infirmiers de tisser un filet qui viserait, en étant partout, à ne plus laisser échapper une problématique psychiatrique sans qu'elle n'entre dans une tentative d'élucidation, mais de proposer une ressource supplémentaire pour les usagers.
    S'agissant de la réinsertion ou, au moins, du suivi d'une prise en charge en ambulatoire, on observe actuellement qu'une part importante est dévolue aux infirmiers. S'il est vrai que les personnes suivies peuvent bénéficier d'une prise en charge globale pour laquelle les infirmiers sont mieux formés, seul le travail de partenariat bien compris de ces acteurs, peut donner au patient la chance d'échapper au regard unique et peut-être, un jour, de quitter les soins. Cette question de "quitter les soins" doit être abordée avec éthique pour garantir le relais sans que le patient le vive comme un rejet, surtout lorsque l'usure des soignants est perceptible.
    Chaque personne doit bénéficier d'un projet individualisé et disposer des informations afin qu'elle soit placée en position "d'acteur"; ainsi le travail infirmier pourra de plus en plus se structurer dans un dispositif en partenariat. C'est bien de la singularité de la personne prise en charge dont il s'agit, afin que les symptômes et la pathologie ne soient pas seuls au cœur des préoccupations.
     
    La réponse spécifique
    vis-à-vis des besoins des partenaires
     
    Deux préoccupations cohabitent en permanence :
    * Les demandes de plus en plus nombreuses venant des acteurs du social, médico-social, judiciaire.
    * Les attentes des soignants de la psychiatrie pour construire des relais et dynamiser la trajectoire du patient.
    Ces deux préoccupations peuvent s'entrechoquer parfois lorsque les pressions sont trop fortes. Les infirmiers qui cherchent à tisser des liens savent d'emblée qu'il faudra d'abord apporter de l'aide et être présent, comme s'il fallait déjà montrer sa compétence, se faire reconnaître et apporter une aide, pour obtenir en retour une chance d'organiser des relais. Ils doivent aussi travailler à atténuer les représentations quelquefois négatives.
    Le chemin parcouru dans les actions de psychiatrie de liaison, dans les structures hospitalières de soins généraux, a parfois été long avant que puissent se tisser des relations positives réciproques. Aujourd'hui les résultats sont là, même si les attentes sont toujours plus fortes devant une épidémiologie qui "malmène" les soignants qui se sont longtemps attachés aux symptômes, faute de pouvoir prendre le temps de la vision globale.
    On ne peut parler des attentes des partenaires sans chercher à poser les limites des interventions. L'inflation des besoins culpabilise parfois les personnels infirmiers. Comment faire des choix en ciblant au mieux la réponse spécifique ?
    La réponse ne peut se trouver qu'auprès de l'équipe pluridisciplinaire qui, elle, pourra rassurer, élucider les problématiques et permettre aux infirmiers de retourner sur le terrain avec une meilleure argumentation.
    On observe que ce travail n'est pas toujours fait. Et pourtant, c'est dans cette approche que peut être parlée la limite de l'intervention spécifique infirmière. Cette même limite, relative à la coordination des compétences, doit d'abord se poser au sein de l'équipe pluridisciplinaire psychiatrique si l'on veut qu'elle soit perçue plus clairement et explicitée auprès de nos interlocuteurs externes. Ce qu'on donne à voir à nos interlocuteurs influe sur notre crédibilité. Lorsqu'on entend les personnels dire "il faut être partout", on a, bien sûr, le souhait que cette question des limites soit traitée tant auprès des acteurs qui en font la demande qu'auprès de nos tutelles qui nous donnent des injonctions à toujours être plus présents dans la communauté.
     
    Une ressource pour le management des équipes infirmières
     
    Le management des personnels infirmiers impliqués dans le travail de partenariat mérite une attention particulière du fait de leur isolement de l'équipe et de la spécificité de l'intervention. Cette intervention s'inscrit, bien évidemment, dans la définition de la fonction et des compétences ; dans la permanence et la continuité des actions infirmières.
    Le futur décret relatif aux actes professionnels, non encore paru à ce jour, mais dont nous connaissons la teneur probable, est aussi un point de référence à prendre en compte :
    "L'exercice de la profession d'infirmier comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques, et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé. Les infirmiers exercent leur activité en liaison avec les autres professionnels du secteur de la santé, du secteur social et médico-social et du secteur éducatif.
    Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, sont de nature technique, relationnelle et éducative. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne et en tenant compte de ses composantes physiologiques, psychologique, économique, sociale et culturelle:
    - de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et morale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social".
    Il n'y a rien de particulièrement nouveau puisque ce qui est précisé conforte bien les pratiques existantes. C'est au moins un peu plus de certitudes pour les acteurs et, en même temps, une responsabilité bien définie.
    L'exercice infirmier dans le cadre des réseaux de soins repose sur sa capacité à identifier les besoins de santé, poser un diagnostic infirmier, formuler des objectifs de soins, organiser et mettre en œuvre des actions appropriées et à les évaluer,
    Si j'évoque le management comme un point important, c'est évidemment dans le souci de ne pas laisser les infirmiers gérer seuls toutes ces actions. Je parle d'un soutien qui repose sur la dynamique du projet du patient, des outils précisés et travaillés dans l'équipe infirmière. Les cadres sont formés à ce travail et déjà, on observe dans certains secteurs une clarification des objectifs et des actions conduites.
    Il ne s'agit pas non plus de mettre en place des dispositifs lourds. Je prendrai comme exemples les rapports d'activité qui ont l'avantage de mettre en évidence les pratiques réalisées, mais on est encore très timide pour parler des résultats observés et des résultats attendus.
    On peut ainsi éviter de tomber dans le piège de l'unique évaluation quantitative. La question des indicateurs de résultats n'a pas encore suffisamment été travaillée. Pourtant, elle est, en termes de management, inscrite dans la boucle "résultat-satisfaction-motivation".
    De nombreuses équipes infirmières se forment actuellement à l'animation de groupes d'entraînement aux habiletés sociales. Cet outil complémentaire, sans être totalitaire, est une ressource qui peut certainement préparer à l'articulation du travail de partenariat. La place offerte à l'auto-évaluation par le patient est, de plus, intéressante.
    D'autres formations peuvent aussi apporter de nouvelles méthodes de travail. Je pense particulièrement à la mise en place de "démarches qualité". En effet, elles ont l'avantage de faciliter l'expression des objectifs, des résultats à atteindre et des indicateurs de résultat pour améliorer l'évaluation.
    La préoccupation est de ne pas risquer de retrouver des personnels travaillant seuls, en "satellite", parfois sans ancrage formalisé dans la dynamique de soin du dispositif sectoriel.
    On ne peut espérer voir des infirmiers à l'aise dans le travail de réseau, capables de se situer au sein de lieux d'exercices nouveaux et des cultures différentes, sans mettre en œuvre un accompagnement et un soutien organisés.
     
    En conclusion
     
    J'ai tenté d'éviter l'écueil du "patchwork" qui m'aurait conduite à décliner des actions, des lieux et des partenaires, et j'ai pris le risque de rester très généraliste. Ceci me renvoie au débat actuel sur le futur décret de compétences : tout ne peut se décliner et se définir en actes, car il faut laisser place à la démarche clinique qui ouvre aux infirmiers la possibilité de comprendre, de vérifier leurs hypothèses, d'élucider, d'évaluer...
    C'est, pour l'avenir, la place que l'on voudra bien laisser à l'expertise infirmière, tout en étant aussi vigilants devant la prévisible pénurie médicale qui ne doit pas tolérer des glissements dommageables. Le traitement des demandes formulées par nos partenaires, travaillé en équipe, doit sûrement réduire ce risque afin de garantir la pertinence et la compétence spécifique de la réponse infirmière au bénéfice des usagers.
     
    MARIE-ANGE VUILLERMET *
    Directeur du Service de Soins
    Infirmiers, Centre Hospitalier de
    Saint-Cyr au Mont d'Or (69)


    LA CRISE DU MONDE INFIRMIER
    La modernisation du système de santé, et plus particulièrement celui du champ de la santé mentale, vient modifier le fonctionnement des services et les pratiques des équipes soignantes.
    C'est dans ce contexte d'évolution des soins conjugué à une démographie incertaine que la désaffection des infirmiers pour venir exercer dans le champ de la psychiatrie se fait ressentir avec une plus grande acuité, et la conduite des projets s'en trouve perturbée. Les causes de cette pénurie sont à rechercher dans les domaines de la formation, dans les conditions d'exercice du métier, dans la définition du soin. La diminution des entrées dans les Instituts de Formation en Soins Infirmiers, l'augmentation du taux de féminisation, les disparités entre la formation et le terrain, le réagencement des rôles entre les médecins et les soignants sont autant de facteurs à prendre en compte pour questionner cette nouvelle crise du monde infirmier. Les études pilotées par le CREDES(1), l'UHRIF(2) ainsi que les rapports publiés par le Ministère, apportent une vision différente de cette situation, tout en n'identifiant pas suffisamment clairement l'ensemble des causes de ce malaise. Nous devons alors nous poser la question ainsi: "la pénurie est-elle engendrée par une nouvelle crise du métier, une anticipation insuffisante des besoins quantitatifs, ou est-elle la résonance d'une dynamique d'évolution rapide des espaces et des lieux de soins, des pratiques soignantes, d'une identité en perpétuel mouvement ?".
    En effet, la demande de la population se diversifie, s'accompagne d'une recherche de qualité dans l'information, dans les soins et dans le confort des lieux d'hospitalisation. Elle peut aussi s'exprimer par des manifestations parfois très vioIentes et apporter un sentiment d'insécurité où le soin se cherche. Ces facteurs jouent lorsqu'il s'agit pour des jeunes de s'identifier à l'image de l'infirmier mécontent de ses conditions de travail, de sa rémunération, d'autant plus que celle-ci est médiatisée de manière dévalorisante, parfois tous ces éléments sont à relier au manque d'attirance des jeunes pour s'engager dans ce métier et plus encore, choisir le champ de la santé mentale.
    Un autre point fort, qui provoque une perte potentielle d'infirmiers vers le secteur de la psychiatrie est le manque de concordance de plus en plus aigu entre la formation et le travail sur le terrain. C'est pourquoi, il est nécessaire et urgent, non pas seulement de chercher à colmater les manques en termes de connaissances cliniques mais bien d'envisager un autre système de formation multiprofessionnel où l'ensemble des métiers du soin et de la santé serait engagé.
    Cette organisation -de type IUT-, faciliterait le passage d'un cursus à l'autre, d'un exercice à l'autre, d'un champ à l'autre. Cette formation doit en plus rendre le soin accessible à l'étudiant, lui permettre d'être un véritable acteur, par exemple par la mise en place de stages d'immersion et, ainsi, faciliter son orientation
    Amener l'apprenant à se connaître, à identifier ses ressources, à prendre en compte ses doutes, développerait une qualité de lien entre le soignant et lui, et serait une force de mobilisation pour les jeunes. Enfin, nous prônons une véritable culture de l'accueil et de l'intégration qui prenne en compte leurs attentes et celles des professionnels. C'est un des points clé du recrutement. Pour répondre à ces besoins, la logique à suivre pour définir un programme de formation est donc de partir de la définition des soins et de la prise en charge du patient, puis déterminer les compétences et les qualifications nécessaires des soignants. Ce processus favorise le transfert des savoirs, le réajustement permanent de la fonction d'infirmier, et permet de mieux cerner les limites de ses responsabilités. Au terme de ce processus, cet enseignement peut être qualifié en termes "de spécialisation, de formation complémentaire, de spécialités...".
    Le deuxième point lié à la désaffection des infirmiers réside dans une image d'enfermement véhiculée par les soins et le traitement de la maladie mentale, opposée à celle, plus humaniste, d'un professionnel actif et performant auprès des personnes ayant subi un traumatisme par exemple. La création de nouveaux champs d'intervention à entraîné une fongibilité des espaces de soins et une évolution des métiers qu'il faut ré-interroger et analyser pour retrouver les racines des pratiques soignantes, et pour délimiter les interfaces avec les secteurs du médico-social, du social, du pédagogique. L'objectif aujourd'hui est donc de construire une image positive du professionnel et de sa satisfaction afin de valoriser le métier et son exercice en Santé Mentale et le rendre attractif.
    Dans un même temps, la mise en place de groupes de réflexion clinique doit favoriser la cohérence et la coordination des savoirs, faciliter leur transfert et amener chaque soignant à accepter et respecter le travail de l'autre dans sa fonction et sa spécificité. Cette démarche implique une identification de l'élargissement des nouvelles compétences et par conséquent des nouveaux métiers dont les contours se dessinent dans les approches novatrices du soin et la réponse aux besoins de la population. La mise en place de démarches de qualité et d'évaluation, ont densifié le travail de l'infirmier; le temps qui lui est nécessaire à la réflexion sur le "soin dispensé" s'amenuise de plus en plus, le laissant devant ce qu'il appelle un "vide de sens" de sa pratique. Ses soins sont porteurs de connaissances et contribuent à une forme de réflexivité dans la mesure où ils deviennent des facteurs agissant sur le métier. Il apparaît donc important d'harmoniser les actions avec les organisations des espaces pour sortir de l'immobilisme de certaines équipes, souvent décriées par les nouveaux diplômés, et rechercher l'ouverture aux autres et dans une pratique en réseau.
    Pour terminer mes propos, je citerai M.F. Collière(3), qui propose de substituer à l'infirmier modèle, un modèle pour l'infirmier. Nous devons aborder le métier en nous interrogeant sur la nature des soins, pour ensuite clarifier la fonction de chaque soignant. En effet, la noblesse du métier d'infirmier réside dans la dimension humaine qu'il apporte à prendre soin des nécessités engendrées par la vie quotidienne. Il doit en cela mobiliser ses capacités, ses connaissances pour identifier les réactions de la personne prise en charge face aux évènements existentiels, et faire appel à des compétences variées.
    Ces propositions relatives à la formation et aux qualifications de l'infirmier ne sont pas exhaustives, ne répondent pas à tous les points en matière de recrutement pour les années à venir, mais elles s'appuyent sur des constats très forts, et sur une logique qui renverse les priorités hospitalières, en mettant l'usager au départ de la réflexion sur les réponses à apporter en termes de soin.
    Cependant, si la question à se poser est "quel soin appelle quel métier", il ne faut pas minimiser les conditions salariales et de travail dans lesquelles se débattent les infirmiers aujourd'hui. Il est plus que nécessaire de leur donner du temps pour une réflexion sur la recherche de sens, si l'on veut que le "soin transcende la formation et les professionnels qui le dispensent".
    MADAME LACOSTE *
    Directeur du Service de Soins Infirmiers, EPS de Ville Evrard
     

    (1) Centre de Recherche Etudes Documentation en Economie Santé
    (2) Union Hopistalière Régionale d'Ile-de-France
    (3) "Soigner, le premier art de la vie", Interéditions.


    RECHERCHE INFIRMIER(E) POUR SECTEURS PSYCHIATRIQUES... DÉSESPÉRÉMENT
    Force est de constater que le métier d'infirmier(e) ne fait plus recette. Malgré les annonces de recrutement dans la presse spécialisée, une forte décrue est annoncée : les jeunes ne se bousculent pas aux portes de nos hôpitaux pour y faire carrière.
    Les carrefours des métiers, proposés chaque année dans les lycées par les collectivités territoriales en partenariat avec l'éducation nationale, attestent du manque de motivation de la jeunesse pour ce secteur d'activité. Les instituts de formation en soins infirmiers, toujours représentés dans ces manifestations, déploient des trésors d'ingéniosité et d'arguments convaincants pour "accrocher" les éventuels candidats à cette mission, où la plus grande des vertus dans l'inconscient collectif reposerait encore sur l'altruisme et le dévouement. Certains instituts de formation misent sur l'aspect humanitaire lié à la fonction, proposant dans leur cursus des voyages d'étude, fédérateurs en terme de choix d'école, mais qui, outre l'aspect pédagogique incontestable, s'inscrivent en décalage avec la pratique quotidienne des soins dans les établissements où les nouveaux diplômés seront amenés à exercer. Ce décalage entre formation théorique et pratique de terrain, plutôt classique dans toutes les formations professionnelles paramédicales peut à terme engendrer désenchantement et démotivation : il est vrai que la formation théorique est de plus en plus valorisée au détriment d'une pratique analysée.
    A niveau de formation équivalent BAC+3, les étudiants issus des filières généralistes préfèrent prospecter vers des cursus qui leur paraissent plus engageants au regard du bassin d'emploi, et plus prometteurs en terme d'évolution de carrière. Les BTS et les DUT, suivis d'une année de spécialisation, ont de loin leur préférence, compte tenu de la conjoncture actuelle de l'emploi et des avantages incontestables supposés. Ils ouvrent des portes dans tous les secteurs de l'entreprise, (gestion, commerce ...), le secteur bancaire restant, par opposition au secteur hospitalier, particulièrement prisé.
    Faire le choix d'être infirmier suppose de commencer son activité professionnelle dans la fonction publique pour un salaire de 9000 francs par mois, de travailler un week-end sur deux, jours de fêtes et jours fériés et ce, au regard de la continuité des soins, d'être mobile, au point de travailler tantôt du matin, tantôt du soir, sans compter le service de nuit parfois obligatoire selon le régime défini à l'hôpital, et d'être confronté en permanence à Ia souffrance, à la déchéance du corps et de l'esprit, souvent à la mort. Difficile alors de concilier vie professionnelle et vie privée. De plus, à compétence égale, le secteur de l'entreprise, qui sait reconnaître rapidement ses futurs managers, parce que engagé dans une démarche concurrentielle, se voit amené à confier rapidement des postes à responsabilité à ses collaborateurs âgés d'une trentaine d'années à peine.
    Qu'en est-il de la pénurie ?
    Elle est bien réelle, il est vrai, car le nombre de postulants à la fonction ne couvre pas les postes à pourvoir. Pourtant les infirmiers diplômés n'exerçant plus dans ce domaine, parce qu'ils ont embrassé d'autres horizons professionnels, sont particulièrement nombreux dans l'hexagone, consituant ainsi un "vivier" auprès duquel le ministère de la santé a lancé dernièrement un S.O.S. de détresse, rappelant même de façon transitoire certains retraités qui voudraient, ne serait-ce qu'un temps limité, reprendre un peu d'activité. Du jamais vu dans le domaine sanitaire, ce qui pose la question de la durée de vie professionnelle de cette catégorie de personnel.
    Le malaise existe. Il est en lien direct avec la pénibilité du travail qui, quelque part, constitue la quotidienneté des professionnels, l'essence même du travail infirmier, et contribue ainsi à sa juste valeur. Le public accorde confiance et estime aux infirmiers, un record toutes professions confondues : le soutien de la population lors des dernières grèves en atteste. Pourtant, malgré la reconnaissance sociale du métier (car les infirmiers sont populaires) les valeurs véhiculées par celui ci sont en décalage avec celles véhiculées par le corpus social.
    Et la psychiatrie alors ?
    En psychiatrie le problème reste tout aussi épineux, mais trouve d'autres justifications, conjuguées à celles qui ont été précédemment exposées. Travailler en psychiatrie relève d'un choix professionnel "particulier" qui mérite la réflexion que requiert ce domaine, car très souvent la folie interroge, fait peur, et les infirmiers s'y épuisent faute de ressources valorisantes. Nombreux sont par ailleurs les étudiants qui redoutent leurs stages en psychiatrie, une branche qu'ils perçoivent très à part de la médecine.
    Voici quelques années, une vingtaine tout au plus, les professionnels faisaient ce choix en tout état de cause, sciemment, parfois par défaut, après un parcours professionnel et personnel. Les études étaient rémunérées et une grande majorité d'élèves s'étaient déjà frottés à la vie active. La moyenne d'âge était plus élevée, et la démarche s'inscrivait dans une orientation professionnelle. Quoiqu'il en soit c'était un choix, même si la vocation n'était pas plus hier qu'aujourd'hui l'apanage de ces infirmiers psychiatriques. Aujourd'hui, et ce depuis la réforme des études (1992), la légitimité des infirmiers psychiatriques a disparu avec la spécificité qui a, de fait, contribué à sa dévalorisation. L'identité professionnelle et la culture institutionnelle, inhérentes à celle-ci, étaient portées et transmises par les anciens qui, au fil du temps s'en vont, emportant avec eux expérience et savoir faire.
    Aujourd'hui, la formation initiale ne contribue plus à elle seule à dispenser l'enseignement spécifique dont les infirmiers ont besoin pour exercer en psychiatrie. Il est regrettable de constater que certains représentants de la profession (notamment des associations, eu egard à leur représentativité), n'aient pas défendu ce point de vue, demandant une formation commune au lieu de reconnaître cette branche de la médecine comme une spécificité des soins infirmiers, plaçant uniquement le débat sur les fonds baptismaux de la querelle qui opposait infirmiers diplômés d'Etat et infirmiers psychiatriques. A ce jour, la question des professionnels gravite encore autour de la spécificité ou de la spécialisation. Quoiqu'il en soit, il s'avère essentiel de proposer une panoplie de mesures, dont la formation continue est le pivot central. Notre établissement a fait le choix d'inscrire en priorité dans son plan de formation des actions ciblées sur la pratique du métier (techniques de l'entretien en psychiatrie, relation d'aide, séminaires de psychopathologie clinique, interculturalité...). Ces actions de formation ont essentiellement pour objectif de permettre aux professionnels infirmiers de mieux s'inscrire dans une démarche qualité. L'adaptation à l'emploi devient plus que jamais nécessaire, pour que tous les infirmiers puissent exercer avec compétence leur fonction. La fidélisation des professionnels passe également par une série de mesures sociales qui nécessitent de la part des institutions des moyens suffisants. Le développement du temps partiel, les gardes d'enfant, les indemnités compensatrices de perte de salaire, s'inscrivent, entre autres, dans cette démarche.
    Il est également indispensable que les infirmiers puissent participer activement aux nouvelles orientations en matière de santé mentale pour accompagner les changements qui feront la psychiatrie de demain. Du gardien d'asile voici quelques décennies, l'infirmier psychiatrique s'est engagé dans une démarche d'adaptation à la maladie (coping) qui s'inscrit en rupture avec la conception traditionnelle des soignants qui étaient là, en institution hospitalière, pour soigner et gommer toute symptomatologie psychiatrique. Si l'infirmier est devenu "l'ange gardien" qui aide à la reconstruction d'une identité personnelle intégrée à un réseau relationnel, il faut lui donner la possibilité d'engager des consultations infirmières qui permettent le suivi psychologique des patients psychotiques dont nous avons la charge. L'éducation à la santé fait partie de son rôle propre, sachant que les professionnels avertis ont la compétence d'évaluer et de répondre à toute situation de demande de soins.
    Fidéliser les infirmiers, c'est également leur donner la possibilité d'accéder à des formations universitaires, notamment dans le cadre de la recherche en soins infirmiers auxquelles ils peuvent prétendre au vu de leur niveau de formation initiale. Il devient essentiel de valider des doctorats en soins infirmiers, en gestion, comme en pédagogie, car en effet, les systèmes d'expertise et de références de la profession ne sont pas encore complètement construits. Il faut également leur permettre de publier, de façon à ce qu'ils puissent se situer dans la vie publique et faire reconnaître leur travail dont la valeur des actes s'inscrit véritablement dans la relation, l'écoute, le dialogue, la compréhension, l'échange, pour une prise en charge personnalisée.
    La nouvelle identité professionnelle de l'infirmier qui exerce en psychiatrie reste très certainement à construire et à s'affîrmer, mais ce constat ne doit pas occulter les problèmes réels d'effectifs, les difficiles conditions de travail et le besoin de reconnaissance.
    ALAIN FABRE *
    Responsable formation,
    EPS Maison Blanche


    III SUR LE TERRAIN
     
    L'INFIRMIER(E) DANS LE RÉSEAU
    Pour aborder la notion du travail en réseau, de sa mise en place et de sa fonction, il semble important de reparler des missions de secteur liées à la fonction infirmière.
    * L'accueil de la proposition de soins, à partir du CMP, s'opère à partir d'un dispositif pluridisciplinaire - psychiatres, psychologues, infirmières, assistantes sociales, secrétaires - qui permet une écoute "plurielle".
    * Les actions de prévention, d'accueil et d'accompagnement, varient en fonction des pathologies et du parcours singulier de chaque patient.
    * L'infirmier, à travers des entretiens thérapeutiques au CMP ou à domicile, prend en compte la souffrance du patient et celle de sa famille, et renforce ainsi la capacité du patient à prendre soin de lui-même.
    Dans cet article, j'aborderai les soins proposés au patient souffrant de psychose, au sens large du terme, car c'est le malade qui mobilise le plus complètement nos capacités à créer avec lui des liens. Ce qui suppose une écoute de l'autre qui souffre, dans un cadre de soins sécurisant qui permette au patient de "redevenir juge de sa vie" : de pouvoir à nouveau prendre soin de soi et être capable d'être avec les autres dans son lieu habituel de vie.
    Il s'agit d'un travail long, et parfois douloureux, vers l'autonomie et la réassurance.
    Dans cette perspective, l'infirmière occupe, au sein de l'équipe plurielle, une place particulière : elle tisse des liens hors le milieu de soins dans la cité et accompagne le patient pour qu'il retrouve sa place dans la société et ses droits de citoyen.
    Pour obtenir ce résultat, l'infirmière sait d'expérience :
    - que si le logement, les loisirs, les activités professionnelles, ont une dimension bien réelle, ils sont aussi symboliques ;
    - que pour pouvoir habiter de nouveau son territoire intérieur, il faut, au-delà des conditions matérielles offertes par le lieu extérieur, que ce lieu puisse être investi par un sentiment de sécurité.
    Telle est la trame qui sous-tend notre participation à la création et à la mise en œuvre de partenariats dans le "réseau" qui est alors porteur de sens pour les patients.
     
    Travail en partenariat
     
    Il est essentiel, parce qu'il permet au patient de s'inscrire dans son identité sociale en pouvant distinguer les divers partenaires qui l'entourent, ceux du soin, ceux de l'accompagnement social, ceux aussi de la protection sociale ; tous ceux-ci se complétant sans se confondre car chacun agit avec sa spécificité.
    Cette situation est d'autant plus importante quand il s'agit de personnalités psychotiques souffrant de morcellement et de difficultés identitaires et fonctionnant souvent par le désir de l'autre : de ne pas être la seule référence, mais une parmi d'autres, dilue le sentiment que le patient pourrait éprouver d'une toute puissance qui serait un obstacle à son intériorisation et à son autonomie. Par les clivages existants entre les divers membres de l'équipe, le patient peut tester ses capacités propres à exister, son identité d'individu et son rôle social.
    L'articulation du travail de partenariat ne signifie pas de tout savoir, de tout partager, de tout maîtriser mais d'accepter qu'une partie échappe. Les partenaires partagent ce qui est nécessaire au bon fonctionnement global.
    Ce travail de terrain partagé avec d'autres partenaires hors du champ sanitaire conduit à des missions plus institutionnelles.
     
    Travail en réseau
     
    Croisement des pensées, tissage de liens pour des projets associatifs, pour des montages de structures d'hébergement en partenariat ont conduit à la mise en place de liens de réseaux. Je fais référence ici à la création de la fédération FILHOE (Fédération inter-établissements pour le logement et l'hébergement de malades mentaux) en 1996. C'est une structure issue d'une réflexion portée par des représentants du soin en santé mentale, et d'associations à travers le CRACIP (collectif rhodanien d'associations concourant à l'insertion de personnes en difficultés psychologiques) qui a conduit différentes actions : recherche/ action menée sur la problématique du logement et l'hébergement de personnes souffrant de troubles psychiques ; enquête sur le logement de personnes suivies en santé mentale ; commission de travail interinstitutionnelle ; journées de réflexion et de débat sur le thème du logement.
    Ce travail au long cours, au sein d'une telle structure et suivi de réflexions de professionnels de champs de compétences différents attachés à un objet commun, est un vecteur d'ouverture qui nous oblige à interroger plus globalement les "politiques" de soin, d'accompagnement et de logement ; d'affiner la mise en place de projets dans un souci pluriel. Ces instances de travail en réseau nous conduisent à confronter nos pratiques et à envisager la dimension complexe des liens interactifs créés à l'avantage d'une population donnée.
    La participation à cette représentation institutionnelle favorise en fait d'autres liens, moins porteurs d'enjeux institutionnels, ceux-ci permettant des échanges multi-professionnels sur un objet commun : hébergement, travail, loisirs, et autres activités communes - ainsi sont
    favorisées la confrontation des réalités particulières aux divers champs d'intervention, la mise en relief des compétences et des limites de chacun, et la participation à des projets novateurs.
    Ce travail de maillage et le partage des pratiques où l'infirmière apporte l'éclairage particulier du soignant en santé mentale, et reçoit en retour la lumière des actions sociales entreprises par d'autres professionnels, permet de nourrir des prises en charge globales conduites sur le terrain, et facilite l'intégration des patients à leur retour dans la vie sociale.
     
    EDITH LETULLE *
    Infirmière psychiatrique
    CMP Presqu'île Village


    DAX : 23 ANS DANS LES RÉSEAUX
    Notre secteur de psychiatrie générale a été créé à l'hôpital général de Dax en 1978 par Michel Minard, sur deux idées fondamentales.
    La première était que la psychiatrie dite de secteur était une manière géniale de penser et d'organiser la psychiatrie, mais qu'elle était trop en avance sur les idées et les manières de faire du temps, et que les médecins psychiatres, pour un grand nombre d'entre eux, n'avaient pas les capacités de la mettre en pratique, ni d'animer correctement des équipes pluridisciplinaires, même lorsqu'ils étaient bons psychiatres et de bonne volonté, parce qu'ils n'avaient reçu aucune formation à ce sujet et qu'ils n'avaient, pour beaucoup d'entre eux, ni compétence, ni savoir faire, ni disposition en matière d'animation de groupe, d'organisation des soins dans la cité et d'articulations concrètes entre le sanitaire et le social.
    La seconde idée était que, pour lui, les infirmiers travaillant en psychiatrie étaient utilisés par le système de santé au dixième de leurs capacités thérapeutiques, organisationnelles et décisionnelles, parce que leur formation était très insuffisante d'une part et que, d'autre part, les médecins mal formés ne les utilisaient que comme des "aide-médecins" au mieux, des serviteurs disciplinés au pire, comme c'était alors la coutume dans l'ensemble du système de santé, et plus peut-être encore en psychiatrie, malgré les avancées certaines en ce domaine de la psychothérapie institutionnelle.
    La création du secteur de Dax va donc reposer sur la constitution d'une équipe pluri-professionnelle dans laquelle les acteurs du soin - et donc bien sûr les infirmiers et les infirmières - auront à développer toutes leurs potentialités thérapeutiques, organisationnelles et décisionnelles, dans un exercice quotidien, individuel et collectif de la responsabilité de chacun.
    Cela passe par de vrais programmes de formation continue, et un véritable exercice de la démocratie, loin des pesanteurs hiérarchiques, traditionnelles ou plus modernes, et des lourdeurs bureaucratiques qui entravent trop souvent encore le service public de santé.
    Ce dispositif n'a qu'un but : poursuivre les différents objectifs fixés par la société à la psychiatrie publique par les lois et la réglementation, et déclinés par les projets d'établissement et la planification, objectifs au service des usagers et de leur entourage.
    Nous avons ainsi formulé pour notre usage ces objectifs :
    1) Soigner les personnes souffrant de troubles mentaux, ou contribuer à leurs soins, en évitant au mieux leur désinsertion, ou en favorisant leur insertion, sans référence à un modèle normatif d'adaptation sociale.
    2) Apporter une aide psychologique à des personnes en butte à des difficultés existentielles : problèmes de l'adolescence et de la vieillesse, crises familiales, difficultés professionnelles ou relationnelles transitoires, détresse sociale,
    3) Œuvrer à l'amélioration de la santé mentale de la population par des actions de prévention, conformément aux objectifs de santé publique.
    Nous estimons que, si l'on veut vraiment parvenir à ces objectifs, le travail thérapeutique lui-même a un rendement de machine à vapeur s'il ne s'alimente pas de deux autres types de travail : le travail que l'équipe fait sur elle-même (formation continue, échanges avec d'autres équipes françaises ou étrangères, élaboration de projets, prises de décisions, évaluation des actions en cours, recherche clinique, théorisation, etc.) et le travail dans la communauté.
    C'est ce travail dans la communauté qui constitue depuis 23 ans un des piliers de notre pratique et, avant la lettre, une pratique des réseaux dans laquelle infirmiers et infirmières ont une place et un rôle prépondérants. Dans la mesure où nous sommes restés pendant 18 ans sans lits, nous avons été dans l'obligation, bien sûr, d'utiliser les lits des autres, ceux du CHS voisin de Mont-de-Marsan d'abord, mais aussi, et de manière croissante, les lits de médecine de notre propre hôpital général. Mais nous avons surtout tenté, chaque fois que cela était possible, de trouver des solutions alternatives à l'hospitalisation, ce qui ne peut se faire que dans une étroite articulation avec les divers acteurs de terrain, amenés pour des raisons diverses à collaborer avec nous: les professionnels somaticiens de notre hôpital au premier chef, les assistantes sociales des CCAS, du département ou de l'Etat, comme les assistantes sociales catégorielles, les médecins généralistes, les psychiatres d'exercice privé, les éducateurs, les magistrats, les policiers et les gendarmes, les tuteurs, les élus locaux, les associations de familles et d'usagers, les professionnels des institutions médico-sociales et ceux de l'hébergement social, les infirmières d'exercice privé, les aides-ménagères et les travailleuses familiales, les professionnels du logement, etc.
    Ce travail en réseau, même s'il n'est pas ainsi nommé dans les premiers textes, a toujours été au cœur de la réglementation, depuis la circulaire fondatrice du secteur jusqu'à la remarquable circulaire de mars 1990. Ce ne sont que les mauvaises interprétations de cette réglementation, et les mauvaises pratiques inspirées d'un repli asilaire ou d'une visée hospitalocentrique, qui font qu'aujourd'hui ce travail de réseau reste encore globalement bien timoré, comme l'ont prouvé très clairement le rapport Demay, le rapport Massé, le rapport Lazarus, le rapport Psychiatrie et grande exclusion et la mission Piel-Minard. Indépendamment des nombreuses rencontres sur le terrain avec les divers acteurs que nous avons mentionnés - qu'il s'agisse de réunions de travail régulières ou de rencontres ponctuelles concernant nos clients communs -, rencontres qui représentent pour nous le travail en réseau "de fond", les infirmiers de notre équipe ont participé à la création de réseaux formalisés, ou ont été à l'initiative de la fondation de certains d'entre eux.
    Le plus ancien est le Réseau Ville-Hôpital sida-toxicomanie, créé à l'initiative d'un infirmier et du chef du service des maladies infectieuses de notre hôpital. Il regroupe des médecins généralistes, des infirmières libérales, des pharmaciens d'officine, des kinésithérapeutes, des chirurgiens-dentistes, plusieurs services hospitaliers (dont le pôle de Santé Publique), divers services sociaux et quelques associations (aide au logement, CHRS, éducateurs de rue, etc.), le centre méthadone. Il permet d'articuler les rôles de tous dans la lutte contre le sida et ses complications psychiques et sociales, et contre les toxicomanies.
    Le Réseau d'écoute et de soutien en alcoologie de la région de Dax a été créé quelques années après par le responsable du service de gastro-entérologie de l'hôpital, le CCAA et deux infirmiers de notre service. Y participent des médecins généralistes, un centre privé de post-cures, des associations néphalistes, des médecins du travail, le CODES des Landes, les CCAS. Il permet la coordination des diverses actions concernant les soins et l'aide aux patients alcooliques, et des actions d'information et de prévention.
    Enfin, le réseau Psychiatrie-précarité, créé à l'initiative de notre secteur, regroupe pour des réunions régulières de travail et de recherche-action, des associations caritatives (Secours catholique, Secours populaire, Pain partagé), l'association La Source (aide médico-éducative aux jeunes sortant de prison, aux SDF et aux toxicomanes), la Mission locale, la Maison du logement (qui gère CHRS et hébergement d'urgence), le pôle de santé publique du Centre hospitalier, le réseau prévention-jeunesse de la CPAM des Landes, le CCAA, les CCAS, et les services sociaux du département. Ces objectifs sont simples: par un travail de réflexion commune, de projets communs, faire que nos concitoyens les plus démunis puissent, à tout moment, faire valoir leurs droits dans notre agglomération, droits aux soins, au logement, à la subsistance quotidienne, à l'écoute et au respect.
    C'est aussi dans cet esprit d'un travail en réseau que notre secteur a passé des conventions (durables ou limitées dans le temps pour des objectifs précis) avec trois CAT, deux foyers d'hébergement, la Maison du logement et le CHRS, l'association La Source, un service de suite associatif, l'ADMR (aide à domicile en milieu rural).
    On entend dire quelquefois, ici comme ailleurs, que les infirmiers et les psychiatres, débordés qu'ils sont par la demande, se doivent de consacrer d'abord leur précieux temps aux malades, et n'ont pas de temps à perdre à des réunions diverses, surtout si elles ont lieu hors de leurs lieux habituels de travail (service hospitalier ou CMP). La pratique des réseaux apprend au contraire que le temps passé dans ce travail, certes difficile et toujours à reprendre, certes chronophage, est un temps investi qui fera, à moyen ou long terme, gagner beaucoup de temps, aujourd'hui perdu du fait de la méconnaissance qu'on a de ceux qui devraient être nos collaborateurs quotidiens, des incompréhensions et des conflits qui en résultent, du temps ainsi gâché et des dommages ainsi infligés à nos clients communs.
    Infirmières et infirmiers travaillant en psychiatrie ont tout à gagner dans ce travail en réseau, pour peu qu'ils se donnent la peine d'acquérir d'indispensables connaissances, d'exercer leur rôle plein et entier de thérapeute, leurs missions de réinsertion et de prévention, et d'abandonner tous les replis frileux sur des fonctionnements asilaires, liés quelquefois à la paresse mais le plus souvent à de vieilles peurs entretenues de manière plus ou moins consciente par le système et les pouvoirs en place, qu'ils soient administratifs, médicaux ... ou infirmiers !
     
    ANDRÉE HOURDILLÉ *
    Cadre infirmier
    JEAN-MARIE DARTIGUELONGUE Cadre infirmier
    ALAIN CASTÉRA
    Cadre supérieur infirmier


    L'INFIRMIER ET LES ADOLESCENTS
    Le travail en pédo-psychiatrie recouvre un champ très élargi puisqu'il est question de prendre en charge une population de 0 à 18-21 ans. Le travail de l'infirmier est ainsi extrêmement varié. Il se spécifie selon les différentes institutions et formes d'exercice adaptées aux situations rencontrées: visite à domicile, accueils à temps partiels ou familiaux thérapeutiques, en hôpital de jour, accueils spécifiques ou consultations spécialisées... Outre le sanitaire, son exercice se fait en interface avec les champs et disciplines socio-professionnels auxquels sont référés l'enfant ou l'adolescent : le social, l'éducatif, le scolaire et le judiciaire.
    Le CCASA est un centre communautaires d'accueil et de soins pour adolescents de 12 à 20 ans. Il y est proposé, dans le cadre d'une hospitalisation temps plein, des séjours brefs (de quelques jours à quelques semaines). Inséré dans la communauté, il s'inscrit dans le dispositif de réseau du Val de Marne (94). N'assurant pas le suivi des adolescents en post-crise, tout adolescent doit préalablement être engagé dans un travail de consultation du secteur, ou au moins avoir bénéficié d'une évaluation, par un psychiatre, quant à l'intérêt d'un séjour hospitalier dans le cadre d'un projet de soins inscrit dans le projet global dont le secteur est le référent.
    Dans le contexte d'une hospitalisation, les infirmiers organisent un espace-temps propice à un travail de soin plus étendu. Ce dispositif doit faciliter le travail avec la famille comme le travail thérapeutique de l'adolescent, et permettre l'inscription de l'ensemble des temps quotidiens dans une fonction d'étayage multiple.
    Ce qui nous intéresse ici est de montrer comment les médiations à type d'activités et d'ateliers contribuent à l'évaluation clinique et proposent des interventions thérapeutiques. Toutes les activités que nous proposons se font en groupe afin de limiter la stigmatisation. Le travail des soignants sera d'essayer d'extraire de cette configuration les éléments singuliers qui pourront venir éclairer la prise en charge individuelle. Nous offrons une palette d'activités en interne comme sur l'extérieur, obligatoires ou non-obligatoires, mises en place à partir de la motivation des soignants à les encadrer. Le soignant est le porteur du désir de faire, la stimulation qu'il exerce sur le soigné permet d'obtenir ces résultats un terme d'actes et de productions tangibles. L'objet produit va faciliter un travail de renforcement narcissique permettant à l'adolescent, qui en fait part ensuite autour de lui, de réintroduire un lien positif avec son environnement. Chaque activité possède un cadre suffisamment souple, de façon à ce que l'adolescent puisse rejouer des situations qui le déterminent à l'extérieur: activisme, refus ou opposition, suivisme... Les soignants pourront alors retravailler les positions adoptées par la réassurance, l'accompagnement, la stimulation. Le conflit qui est réapparu dans ce cadre rassurant facilitera le travail d'analyse et d'intériorisation des conflits qui ont amené l'hospitalisation. Le respect de l'expression et du libre arbitre de l'adolescent dans ses engagements par rapport à ce qui lui est proposé comme activités extérieures (vélo, piscine, musculation, sorties à thèmes...) permettra de noter les problématiques anxieuses, dépressives, phobiques... C'est également dans la possibilité donnée à l'adolescent de ne pas être occupé qu'il pourra s'aménager des temps de réflexion, voire de régression. La qualité du contenant thérapeutique dans lequel l'adolescent rejoue des conflits réside dans la capacité du soignant à soutenir sa position d'adulte en mettant à distance sa propre adolescence et devenir porteur d'ouverture et de questionnement. C'est en quelque sorte une reproduction du contexte familial. Dans la mesure où ils viennent prouver la validité du faire-ensemble, les activités et les ateliers seront les supports de conseils auprès des parents et de l'environnement proche. Nous pourrons par là les aider à surmonter le négativisme et la rupture des liens, en les incitant à retrouver des projets communs.
    Pour conclure, les médiations sont des offres de postures que l'adolescent pourra adopter durant son séjour, et transférer dans ses relations proches. Le consentement aux soins, recherché avant tout, le déterminera comme acteur de son devenir. La confrontation à l'obligation de faire, dans la mesure où elle viendra renforcer sa confiance en lui, l'aidera à surmonter la réalité extérieure. L'expérience qu'il aura fait d'avoir pu affirmer sa capacité à exprimer des désirs, contribuera à son affirmation d'exister en tant que sujet. Le passage au CCASA aura alors permis de franchir une étape vers l'autonomie et une moindre dépendance. Les activités proposent toutes un cadre différent, elles possèdent toutes des limites particulières, elles viennent tisser un canevas qui s'appuie sur un cadre plus large de régulation groupale. L'ensemble offre des éléments de clinique qui étayeront le travail thérapeutique et tous les actes de soins quotidiens : repas, visites familiales, entretiens d'aide, entretiens individuels, entretiens familiaux ... Nous pensons que la mise en œuvre d'ateliers et d'activités de médiation est un outil indispensable et particulièrement approprié à l'établissement d'un cadre thérapeutique, lorsqu'il s'agit de prendre en charge la souffrance psychique des adolescents.
    EQUIPE INFIRMIERE ET *
    ÉDUCATIVE DU CCASA
    112 rue de Lagny, 93100 Montreuil



    La Lettre de la Mission Nationale d'Appui à la Santé Mentale * Directeur de la publication : G. Massé * Comité de rédaction : Jean-Pierre BATARD, Directeur Adjoint EPS Maison-Blanche ; Christian BONAL, MNASM ; Martine MANDO-POULOS CLEMENTE, Directrice adjointe du CH d'Arpajon ; Jean FURTOS, Praticien Hospitalier ; Marcel JAEGER, Directeur de Buc-Ressources ; Alain JOURDAIN, Enseignant chercheur à l'ENSP ; Serge KANNAS, MNASM ; Raymond LEPOUTRE, MNASM ; Catherine MARTIN LE RAY, MNASM ; Jean-Claude MIE, Directeur de l'EPS de Perray-Vaucluse ; Françoise MOUGEOTTE, FNAPSY ; François MOUSSON, Infirmier général ASM 13 ; Eric PIEL, Praticien Hospitalier ; Sarah SARAGOUSSI, Chargée de mission, Hôpital Esquirol ; Mme ERMATINGER BAUDEN-HAUSEN, UNAFAM.
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