AU SOMMAIRE

  • Editorial : La quadrature du cercle
  • Maison-Blanche : une restructuration en devenir
  • Le projet : état des lieux
  • Imagination, opportunités, élaboration
  • Restructuration et gestion des ressources humaines
  • Le projet financier
  • L'opinion de la FNAPSY
  • La position de l'ARH Ile-de-France
  • L'état d'esprit des syndicats
  • Une face cachée du projet : la dimension humaine
  • Formation professionnelle continue : levier des restructurations
  • La clinique Remy de Gourmont : deux ans d'activité
  • MAISON-BLANCHE : UNE RESTRUCTURATION EN DEVENIR

    UNE ŒUVRE EN PROGRES

    Rapprocher les soins des usagers est l'objectif essentiel des restructurations hospitalières à une époque où l'hôpital s'ouvre sur des besoins et des demandes de plus en plus diverses. S'agissant de la région parisienne, cette nécessité est criante: trois grands établissements qui ont en charge sa population se trouvent en effet situés hors Paris. Maison-Blanche est l'un de ces trois établissements, dont la restructuration, commencée il y a plusieurs années, est actuellement en développement. Le numéro 24 de Pluriels tente de dresser l'état des lieux et aussi, celui des esprits.
    Il n'y a pas de restructuration exemplaire, parce qu'il n'y a que des situations particulières, et Maison-Blanche n'échappe pas à ce constat. Il n'y a pas de restructuration qui puisse se conduire sans difficultés, qui sont d'autant plus importantes que les professionnels sont des hommes et des femmes attachés à leur institution et à la culture de leur établissement ­ et c'est évidemment le cas pour Maison-Blanche. Il n'y a pas de moment privilégié où mettre en œuvre une restructuration mais il y a des périodes fécondes, ainsi celle que nous vivons aujourd'hui où une part importante des soins (prévention et réhabilitation comprises) se déplace à l'extérieur de l'hôpital, ce qui oblige chaque professionnel à une remise en question de ses pratiques. La restructuration trouve plus facilement sa place dans une telle période mais souffre aussi des nouvelles interrogations qu'elle suscite ­ et c'est aussi le cas pour Maison-Blanche. Cette situation est illustrée ci-dessous, de manière cette fois exemplaire, par les divers protagonistes de l'établissement :
    Ce numéro de Pluriels n'a évidemment pas été élaboré à l'insu de M. Patrick Mordelet, Directeur de Maison-Blanche qui, plutôt que de prendre lui-même la parole, a préféré laisser à son équipe le soin de s'exprimer dans sa diversité.

    R. Lepoutre

    LE PROJET : ÉTAT DES LIEUX

    L'hôpital de Maison-Blanche, qui vient de fêter son centenaire, a été construit à la fin du XIXe siècle sur le modèle défini par la loi du 30 juin 1838. Il n'a pas cessé de s'étendre jusqu'en 1970, sur le vaste domaine dont il est propriétaire en Seine-Saint-Denis, à Neuilly-sur-Marne. Au cours des trente dernières années, il s'est engagé dans le développement des prises en charge ambulatoires. Aujourd'hui, il s'attaque au transfert de son hospitalisation complète à Paris.

    Cette évolution est très cohérente, mais elle est aussi très lente, car largement dépendante d'une composante immobilière qui pèse lourdement sur les processus de restructuration, notamment à Paris.

    Avant d'aborder précisément le volet patrimonial de la restructuration en cours, il n'est pas inutile de rappeler, fût-ce succinctement, les différentes étapes du développement de Maison-Blanche tout au long du XXe siècle.
    Un peu d'histoire
    Maison-Blanche a été porté sur les fonts baptismaux par le Conseil général de la Seine, le 6 juillet 1894. Ce jour-là, en effet, est décidée la construction d'un asile sur un vaste domaine appartenant au département, et situé à Neuilly-sur-Marne. Ce domaine de plus de 200 hectares accueillait déjà, depuis une trentaine d'années, l'hôpital de Ville-Evrard.
    Maison-Blanche ouvre donc ses portes le 5 juillet 1900, avec une capacité de 630 lits, répartis en douze unités de soins sur un domaine de 27 hectares. Quatre extensions suivront, en 1909, 1935, 1961 et 1967. La capacité de l'hôpital est ainsi portée à 2 400 lits répartis en cinquante unités de soins.
    Parvenu à ce stade, l'hôpital pouvait donc être émancipé. Ce qui fut fait par un décret du 9 juin 1970, qui érige Maison-Blanche en établissement public départemental : personnalité juridique à part entière, il reçoit en dotation des terrains appartenant jusque-là au département de la Seine. L'ensemble, d'une superficie de 100 hectares, est formé par le domaine hospitalier lui-même (54 hectares) à quoi s'ajoutent environ 46 hectares de parcelles limitrophes.
    La période de 1970 à 1980 ne connaît pas d'évolution significative au plan des infrastructures. Mais la mise en œuvre de la politique de secteur, dans les années quatre-vingt, amorce le transfert à Paris du dispositif hospitalier. Alors qu'en 1970, l'hôpital ne disposait à Paris que de deux hôpitaux de jour, il proposait, en 1994, près de quarante adresses et structures de prise en charge ambulatoires. Ce "patrimoine" s'est constitué de diverses manières : loi de décentralisation, volonté propre de l'établissement. Son existence témoigne d'une évolution radicale dans les modes de prise en charge : Maison-Blanche est responsable d'un tiers (700 000) de la population de Paris. Sa file active s'élève à 14 000 patients dont plus des 2/3 ne sont jamais hospitalisés. Ce nouvel équilibre justifie donc de plus en plus la présence de Maison-Blanche à Paris.
    Pour autant, en 1994, l'essentiel du dispositif hospitalier restait installé à Neuilly, à 15 kilomètres des populations à soigner. Toute la logistique, toute l'administration, tous les centres de décisions restaient groupés à Neuilly, autour de l'hospitalisation à temps complet, alors même que ce mode de prise en charge occupe une place en voie de réduction constante.
     
    VOLET PATRIMONIAL DE LA RESTRUCTURATION
     
    I ­ La situation de départ
     
    Si on reprend les chiffres de 1994, année précédant celle au cours de laquelle le projet d'établissement a été approuvé, Maison-Blanche est dans la situation
    suivante :
    1) A Neuilly-sur-Marne : un domaine s'étendant sur 100 hectares utilisés comme suit :
    - partie (33 hectares) à la disposition de la commune de Neuilly-sur-Marne,
    - partie (13 hectares) louée par bail emphytéotique jusqu'en 2049,
    - l'hôpital lui-même (54 hectares), avec cent bâtiments, dont la moitié à usage d'unités de soins. L'ensemble forme 150 000 m2 de plancher. Le nombre de patients hospitalisés "un jour donné" était, en 1994, de 560 en moyenne.
    A noter que, signe des temps, trois unités de soins ont été entièrement repensées pour accueillir, en 1993, un long séjour polyvalent de 114 lits.
     
    2) A Paris : trente cinq adresses différentes regroupant une quarantaine de structures de prise en charge ambulatoires, d'une superficie de l'ordre de 18 000 m2. A trois exceptions près, il s'agit de locaux loués justifiant un budget proche de 8 MF.
    Il s'agit de prises en charge classiques (CMP, CATTP, postcure, hôpitaux de jour, ateliers thérapeutiques) utilisées par les douze secteurs adultes et les deux intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile. On y trouve aussi en petit nombre, des structures innovantes (unité mère-enfant) et des prises en charge spécifiques (personnes âgées, toxicomanes).
    Ce dispositif parisien est plutôt coûteux. D'une part, les baux ont souvent été négociés dans la décennie quatre-vingt, c'est-à-dire en pleine spéculation immobilière ; d'autre part, l'activité exercée par l'établissement exige des aménagements spécifiques, réalisés à fonds perdus si l'établissement ne se maintient pas suffisamment dans des lieux pour les amortir.
    Pour autant, c'est bien à Paris qu'il fallait s'installer, même si ce choix impose des sacrifices, notamment au plan pécuniaire.
     
    II - Le projet d'établissement 1996-2000
     
    Dans sa version initiale, celle votée par les instances de l'EPS en juin 1995, le projet de Maison-Blanche prévoyait le transfert à Paris de 300 lits, 280 autres étant maintenus à Neuilly. L'investissement correspondant, évalué à 275 MF pour un budget de fonctionnement consolidé de 650 MF, était élevé mais raisonnable, compte tenu de la situation financière de l'EPS, plutôt confortable.
    Le maintien du site n'était pas remis en cause par la tutelle en décembre 1995, lors de l'approbation du projet. Certes, la capacité en lits était revue à la baisse à Neuilly avec 180 lits au lieu de 280, à la hausse à Paris, avec la consigne de trouver des lits pour le XXe arrondissement. Le contrat d'objectifs signé en avril 1996 reprenait le même dispositif, jusqu'à la signature d'un avenant, daté d'octobre 1997, qui, sur fond de mouvement social, revenait au schéma de juin 1995 (300 + 280).
    Parallèlement, la direction de l'hôpital s'était assuré les services d'une architecte, missionnée dès 1995, pour définir les conditions d'un regroupement des unités de soins sur une partie de l'hôpital : le surplus était disponible pour aider au financement de la restructuration. Les évaluations issues de ce travail en 1997 ont fait apparaître que le prix d'une éventuelle cession suffisait à peine à couvrir celui du regroupement à Neuilly, et ne procurait aucun bénéfice pour les transferts à Paris.
     
    III - Les réalisations et les perspectives
     
    Le projet de Maison-Blanche vise, pour l'essentiel, à rapprocher les lieux de soins de ceux où vivent les patients : il s'agit de favoriser l'accès aux soins, et de mieux répondre à tous les besoins de la population dont certains ne sont pas, ou sont mal, pris en charge.
    Pour atteindre cet objectif, Maison-Blanche a imaginé de mettre à disposition, sur le territoire des secteurs, des unités d'hospitalisation d'une capacité moyenne de 80 lits à 100 lits.
    Idéalement, ces unités auraient dû s'implanter dans des hôpitaux généraux. Les recherches engagées dans ce sens ont tourné court, d'autant que dans le même temps, la restructuration du secteur MCO à Paris laissait entrevoir de réelles opportunités.
    C'est ainsi que le 19 juin 1995, le Conseil d'administration approuvait le projet d'établissement 1996-2000 et le projet d'acquisition d'une clinique située dans le XIXe arrondissement, rue Rémy de Gourmont. Encore en activité à cette date, elle nécessitait la réalisation de travaux importants, permettant d'aménager 64 lits (deux secteurs) dont huit de thérapie brève. L'ensemble (achat et travaux) représentait un coût de 45 MF. La mise en service est intervenue le 22 mars 1998.
    Pour le XXe arrondissement, aucune implantation n'était prévue dans le projet d'établissement initial. Des contacts ont été établis début 1996 avec la Ville de Paris, qui s'apprêtait à lancer un programme de logements sociaux sur un terrain limitrophe de l'hôpital Croix Saint-Simon (PSPH). La Ville a accepté de revoir son projet et de laisser à Maison-Blanche la place suffisante pour 86 lits, dont six de thérapie brève. Une tranche supplémentaire portera la capacité totale du site à 126 lits (trois secteurs). Le permis de construire a été obtenu en décembre 1999. Les travaux, commencés en juin 2000, seront achevés en 2002.
    La situation du XXe arrondissement va donc s'améliorer à brève échéance, d'autant qu'il disposera, dès les premiers jours de janvier 2001, d'un foyer de postcure de 32 places situé rue des Pyrénées, cour de la Métairie. L'immeuble qui abrite ce foyer a été acquis en 1992 par Maison-Blanche, et il a connu bien des vicissitudes, notamment une occupation par des "squatters" pendant une année entière. Ce centre vient heureusement renforcer un dispositif plutôt succinct jusque-là, s'agissant d'un arrondissement dont la population est proche de celle de Bordeaux intra muros.
    S'agissant des IXe et Xe arrondissements, Maison-Blanche a signé en juin 2000 la promesse d'achat d'un terrain situé rue d'Hauteville ; le projet architectural est défini, la demande de permis a été déposée en mai 2000. La mise en service de la structure est programmée pour le milieu de l'an 2002. La capacité de cette unité est de 100 lits (deux secteurs) dont dix de thérapie brève.
    Enfin, pour le XVIIIe arrondissement, un accord a été passé avec l'hôpital Bichat (AP-HP). La formule retenue est la suivante : Bichat construit une nouvelle maternité et loue à Maison-Blanche les locaux utilisés par l'ancienne. Maison-Blanche construit à cet endroit une unité d'hospitalisation de 150 lits (trois secteurs) avec des lits de porte. Le choix de l'architecte a été effectué en mai 2000. Le service ouvrira ses portes début 2003.
    Au registre des perspectives, on n'omettra pas de citer la question des transferts de secteurs entre établissements psychiatriques de Paris. Conformément au dispositif arrêté par le SROS, qui prévoit la réduction de 38 à 29 du nombre des secteurs de Paris, Maison-Blanche perdra le 2e secteur (IIIe arrondissement) au profit d'Esquirol, et recevra en échange le 21e; il forme une partie du XVIIIe et dépend aujourd'hui de Perray-Vaucluse. Le calendrier de ces transferts a été plusieurs fois retardé, mais il devrait s'opérer courant 2002. Les conditions, notamment budgétaires, dans lesquelles Maison-Blanche a subi le transfert de trois secteurs en 1992/1993 ont laissé de mauvais souvenirs, et les instances de l'établissement ont été unanimes pour souhaiter que l'opération se fasse de façon équilibrée. Une ponction budgétaire supplémentaire n'est en effet pas envisageable : au total, la population des secteurs de Maison-Blanche augmentera (+ 20 000 habitants) et l'on sait par ailleurs que la morbidité, dans le XVIIIe arrondissement, est très différente de celle que l'on trouve dans les secteurs du centre.
     
    IV - Bilan
     
    Au total, les implantations parisiennes approuvées à ce jour par le Conseil d'administration comporteront 440 lits pour une superficie totale de 26 000 m2 environ. Ce dispositif ne permet pas de régler toutes les problématiques auxquelles l'établissement est aujourd'hui confronté. Ainsi, les équipements en lits du XIXe à Paris sont insuffisants et devront être augmentés. Par ailleurs, Maison-Blanche accueille aujourd'hui des patients dits
    "à séjour prolongé", qui ne peuvent pas ­ ou n'ont aucun intérêt à ­ être hospitalisés à Paris. Il faudra donc, là aussi, trouver des formules adaptées à leur cas. Enfin, la question de l'hospitalisation à temps complet ne constitue qu'une des modalités de prise en charge de la maladie mentale. Et sur le terrain des alternatives, il reste beaucoup à faire à Maison-Blanche.
    Pour autant, on le voit bien, la physionomie de l'établissement est en train de se transformer radicalement : d'un centre hospitalier vivant en autarcie, à distance de la communauté, sur un domaine de 100 hectares, on passe à une entité organisée en services de santé répartis dans la ville au plus près des patients.

    Jean-Pierre BATARD
    Directeur adjoint Affaires générales

    Editorial

    LA QUADRATURE DU CERCLE

    J'éprouve un vif plaisir personnel et un intérêt évident à participer à ce numéro consacré à Maison-Blanche. J'y ai en effet commencé ma spécialité en 1966, avant
    la sectorisation, exercé de 1967 à 1977 pendant sa mise en œuvre initiale,
    et n'y suis plus revenu depuis lors, sauf épisodiquement, en particulier
    à l'occasion de PLURIELS, ce qui m'autorise une certaine distance.
    J'ai donc pu prendre la mesure du chemin parcouru et des problèmes actuels.
    Trois points parmi d'autres me paraissent susceptibles d'être relevés et illustrés par
    les différents rédacteurs.
    1) Un changement de cap irréversible :
    J'ai toujours entendu parler de lits à Paris, question constamment repoussée et différée pour de nombreuses raisons internes ou externes à l'établissement
    C'est depuis le milieu des années 90 que
    "le taureau semble avoir été pris par les cornes", et je suis frappé par la rapidité et l'ampleur de la mutation, après des années d'attente, qui transforment radicalement
    le point d'équilibre institutionnel.
    2) Les questions posées à l'établissement caricaturent à l'extrême la quadrature du cercle imposée à la psychiatrie actuellement :
    - comment concilier une modernisation suffisamment rapide et néanmoins cohérente du dispositif intra-hospitalier avec l'accentuation indispensable du virage ambulatoire ?
    - quelle est l'incidence culturelle, financière, sociale, matérielle de ces choix, sur tous les acteurs institutionnels et les patients ? Quels sont les dilemmes concernant le site intra-hospitalier d'origine ? Existe-t-il des conséquences éthiques et organisationnelles en faveur ou en défaveur d'une diversification graduée des réponses,
    elle-même le reflet de la prise en compte de la diversité des clientèles (problème
    des inadéquations...) etc. ?
    Les demandes adressées à la psychiatrie ­ et donc à la psychiatrie parisienne ­ continuent de croître substantiellement et
    de saturer le potentiel de réponses existant. Comment composer avec ce facteur aggravant ? Compte tenu des difficultés, s'agit-il de ralentir ou freiner les évolutions, ou au contraire s'agit-il de les accélérer pour mieux faire face ? Comment maintenir ou développer une dynamique qui associe tous les acteurs dans une perspective où chacun peut trouver son compte ?

    S. Kannas

    IMAGINATION, OPPORTUNITÉS, ÉLABORATION

    LA GENESE D'UN PROJET D'ÉTABLISSEMENT À MAISON-BLANCHE

    D'un projet d'arrondissement au projet d'établissement
     
    Traiter les patients atteints de troubles psychiques au plus près de leur domicile, favoriser leur prise en charge par l'établissement de réseaux sectoriels et accueillir les situations critiques dans une relation étroite avec les urgences des hôpitaux généraux, telle est la vocation de la psychiatrie sectorielle. Vocation certes, rêve surtout, car la réalité parisienne des années 80 était le clivage rigoureux existant entre les centres hospitaliers spécialisés et les structures psychiatriques de l'AP-HP.
    Au sein du Conseil de Santé Mentale du XVIIIe arrondissement se dessine, dès 1985, une volonté très forte des médecins chefs des secteurs et intersecteurs concernés d'implanter 100 lits d'hospitalisation à temps complet (25 par secteur) dont 2 lits réservés aux adolescents dans des locaux de l'Assistance Publique.
    Toutefois, malgré l'aval des tutelles, des politiques, des élus locaux, les lieux d'implantation proposés se succèdent... et se dissipent : Claude Bernard, Bretonneau, la ZAC de la Moskowa, Bretonneau à nouveau. Bien que le SDO de décembre 1989 considère ce projet comme prioritaire, il stagne. Cependant, les équipes impliquées se rencontrent, élaborent ensemble l'ébauche d'un fonctionnement concerté, mettent en place des structures intermédiaires et ce, dans une référence constante au Conseil de Santé Mentale au sein duquel les services sociaux, les représentants des familles, les élus appuient la démarche.
    Portée par l'ensemble de l'arrondissement, elle connaît un dernier aléa : l'échec de l'implantation sur le site de l'ancienne chaufferie de Bichat, avant la décision finale : l'implantation de 140 lits d'hospitalisation temps plein, 8 lits de thérapie brève et 2 lits réservés aux adolescents sur l'emplacement de la maternité à Bichat.
    Parallèlement à ce projet, d'autres réflexions naissent d'une opportunité : l'achat, en 1992, de l'immeuble Métairie situé rue des Pyrénées, à la jonction des XIXe et XXe arrondissements. Les secteurs concernés ne manquent pas de formuler deux projets d'occupation des lieux : un pour le XIXe, un pour le XXe arrondissement.
    Dès lors, l'impulsion est donnée : face aux difficultés d'un accueil au sein des hôpitaux généraux de l'Assistance Publique, l'implantation de tout ou partie des lits d'hospitalisation de Maison-Blanche se fera dans des cliniques ou immeubles achetés au sein des secteurs concernés.
     
    L'élaboration du projet d'établissement débute en 1995
     
    Issu d'un double courant de réflexion, il confronte les projets de secteurs aux besoins de la population desservie par Maison-Blanche. Population bien particulière par sa densité, son augmentation constante, son polymorphisme ethnique, elle connaît le taux le plus important de bas revenus, de Rmistes, de chômeurs et l'encadrement médical le plus faible de Paris. Trois zones sensibles y sont classées DSQ (Développement Social de Quartier). Les exclus et les toxicomanes y abondent.
    Peu à peu, les grands axes du projet se mettent en place. L'élément primordial en est la réaffirmation d'une démarche sectorielle complétée de réseaux et de structures intersectorielles.
    L'implantation de l'hospitalisation temps plein s'assortit d'une implication dans les urgences des futurs SAU au travers d'une étroite coordination, prélude aux conventions légales. L'actualisation de la dynamique intersectorielle concerne en premier chef les adolescents dans le projet commun, avec l'hôpital de Vaucluse, d'un Centre d'accueil spécialisé.
    Parallèlement, Maison-Blanche affirme sa vocation de santé publique au travers des réseaux de personnes âgées, dans la création de structures pour toxicomanes, dans une participation à la prise en charge des exclus. Le contrat d'objectif signé le 18 avril 1996 avec la DRASS, la DDASS et la Caisse d'Assurance Maladie d'Ile-de-France puis l'avenant du 8 octobre 1997, signé par l'ARH valident la démarche.
     
    Les opportunités
     
    Le dynamisme de la direction sous l'impulsion de Monsieur MORDELET permet la concrétisation des projets d'implantation parisienne par l'achat, au sein de la cité, de bâtiments qui seront adaptés ou de terrains à construire.
    La clinique Rémy de Gourmont est la première à ouvrir ses portes le 23 mars 1998 avec 64 lits d'hospitalisation temps plein destinés au 19e arrondissement.
    Le CIAPA (Centre Interhospitalier d'Accueil Permanent pour Adolescent) accueille des adolescents en crise depuis le 22 mai 2000.
    Les projets Hauteville destinés aux 9e, 10e arrondissements, puis Croix-Saint-Simon (20e arrondissement) en relation avec la clinique du même nom sont sur le point d'aboutir.
    Parallèlement, les structures alternatives se multiplient avec le projet Métairie (hospitalisation de nuit et des places de post-cure), l'accueil familial thérapeutique, les maisons communautaires, les appartements, les chambres d'hôtels associatifs et le CIAPS(1).
    L'installation des services administratifs de l'établissement rue Pierre Bayle dans le 20e arrondissement le 12 avril 1999 marque la volonté d'une gestion parisienne.
    Le projet d'établissement n'est pas clos pour autant. Restent posées nombre de questions telles :
    - le devenir des structures restées sur le site de Neuilly-sur-Marne,
    - la prise en charge des patients en séjour prolongé, des malades difficiles, des autistes,
    - les moyens nécessaires au fonctionnement des diverses structures.

    Docteur Marie-José COTTERERAU

    (1) Centre d'Information et d'Accueil

    RESTRUCTURATION ET GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

    Pour assurer sa mission de soins à l'attention des 700 000 parisiens dont il a la charge, l'établissement de Maison-Blanche s'appuie sur un potentiel humain de 2 000 salariés dont 150 médecins.
    Parmi toutes les implications du projet de l'établissement sur la gestion des ressources humaines, j'en retiendrai trois qui me paraissent les plus significatives :
    - la question de l'implantation géographique du futur hôpital,
    - la nouvelle cartographie des emplois,
    - la cohésion et la cohérence du futur établissement.
     
    La question de l'implantation géographique du futur hôpital
     
    Le projet de Maison-Blanche comporte des incidences très significatives pour le personnel au plan des conditions de travail : logement, transport, restauration, prestations sociales diverses. Aussi, la première préoccupation pour l'accompagnement du projet consistait à offrir à Paris un environnement de travail aussi proche que possible de celui que chacun connaît aujourd'hui.
    Pour accompagner le déplacement du centre de gravité de l'hôpital de Neuilly vers Paris, l'établissement ne s'est pas cantonné aux mesures réglementaires que constituent le remboursement de la carte orange ou le bénéfice de chèques restaurant.
    Il a souhaité proposer des logements à Paris au personnel amené à y travailler tout comme il dispose à l'heure actuelle d'un parc de logements à Neuilly. Une convention a été passée à cette fin avec un bailleur privé afin que les salariés bénéficient d'appartements à loyer modéré. Vingt logements ont été attribués dans ce cadre.
    De la même manière, la réflexion sur la prestation garde d'enfant a conduit à une politique de diversification des modes de garde permettant aux agents de l'établissement de bénéficier du mode de garde de leur choix, dans les mêmes conditions tarifaires qu'à la crèche de l'établissement. Des conventions ont été conclues avec la Ville de Paris, le Conseil général de Seine-Saint-Denis, l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris, ainsi que diverses municipalités permettant l'accès des enfants du personnel de l'hôpital aux crèches dépendant de ces différentes institutions au même tarif qu'à Maison-Blanche, l'établissement se substituant aux parents pour les frais de garde. Un dispositif similaire s'applique en cas de garde chez une assistante maternelle agréée par le versement d'une allocation différentielle.
    Ce nouveau dispositif permet donc à l'ensemble des salariés de l'établissement de choisir le mode de garde le mieux adapté à leur situation.
     
    Une nouvelle cartographie des emplois
     
    Le projet d'établissement ne se résume pas au transfert de capacités d'hospitalisation complète : la démarche implique une organisation spécifique et impose des compétences nouvelles. Ainsi, les différents corps de métier réfléchissent à leur organisation future, à leurs pratiques professionnelles, à la définition de leur champ d'activité et d'un nouveau référentiel de compétence.
    A titre d'illustration, il est prévu qu'à l'ouverture des structures, chaque arrondissement disposera d'un cadre administratif chargé avec son équipe de gérer sur place la totalité des fonctions qu'il est possible de déconcentrer. L'objectif est d'offrir la plus grande autonomie possible à l'échelon local dans les domaines de la gestion des patients (admission, facturation), des agents (déroulement de carrière notamment) ou de celle des structures (commandes, maintenance, régie d'avance, etc.). Cette déconcentration administrative suppose l'apparition de métiers nouveaux et le développement d'une polyvalence administrative au service des patients et des équipes.
    Chaque nouvelle structure se verra également dotée d'une filière hôtelière. Ces agents auront en charge les commandes et la réception des fournitures de tous ordres, les contrôles qualité et quantité, la gestion des stocks et l'approvisionnement des offices ainsi que des lingeries, enfin les relations avec les différents partenaires de la structure.
    Les pratiques soignantes sont de même interrogées par la création de ces nouveaux lieux de soins.
    La création de nouveaux lieux de soins, l'apparition de filières et de métiers nouveaux, le renforcement de la polyvalence, créent d'importants besoins en qualification pour lesquels il importait d'impliquer les agents de l'établissement dans le cadre de projets d'évolution professionnelle.
    Maison-Blanche appuie la réalisation de son projet sur la formation professionnelle continue ainsi que sur un dispositif d'accompagnement des personnes.
    Il fallait, dans un premier temps, fournir un cadre aux mobilités géographiques, fonctionnelles et professionnelles requises par ces évolutions. Aussi, une procédure unique d'attribution des postes a été instituée, qui assure la déconcentration de la fonction recrutement, la publicité systématique des vacances de postes et l'examen de toutes les candidatures.
    Dans un deuxième temps, l'importance du volet social de l'opération et la nouveauté des problématiques qu'il pose ont conduit à créer une structure dédiée à l'accompagnement social des personnes. Animé par un consultant extérieur à l'établissement, le Point Info Conseil fonctionne en réseau avec les différents interlocuteurs naturels que sont la DRH, la formation continue, la médecine du travail, le service social du personnel, etc. Son positionnement facilite l'expression et vise à mieux prendre en compte les enjeux individuels de la transformation de l'établissement. Trois missions lui sont confiées :
    - mettre à la disposition du personnel de l'hôpital un lieu d'information sur les métiers, leurs évolutions et les conditions d'accès,
    - accompagner les agents qui le souhaitent dans la réalisation d'un bilan de compétence et l'élaboration d'un projet professionnel
    - accompagner les agents dans la réalisation de ce projet professionnel.
    Enfin, la formation continue constitue un pilier de l'accompagnement du projet au plan de la gestion des ressources humaines. Alors que les restrictions budgétaires ont conduit certains établissements à couper dans la part de leur budget consacrée à la formation, Maison-Blanche considère au contraire le dispositif formation comme un investissement et fait le choix de consacrer des sommes chaque année plus importantes à ce poste budgétaire.
    Cette volonté de privilégier une approche individuelle permet de faire le lien entre projet de l'institution et intérêt de chacun.
     
    La cohésion de l'établissement futur
     
    La structure très éclatée de l'établissement, constitué à l'avenir d'un réseau d'une cinquantaine de structures, impose de travailler à la cohérence et à l'unité d'ensemble.
    Pour cela, trois domaines sont particulièrement investis :
     
    - Développer une politique d'intégration forte
    Un nouveau livret d'accueil à l'intention du personnel est en cours d'élaboration. Il sera complété par la mise en place d'un séminaire d'intégration pour l'ensemble des nouvelles recrues de l'établissement comprenant, outre la présentation de Maison-Blanche, de son plan stratégique et de ses différents acteurs, plusieurs sessions de formation centrées sur la spécificité du travail et des soins en psychiatrie, l'appréhension et la gestion des situations de violence.
     
    - Développer le partage des expériences et des connaissances
    La mémoire et le savoir-faire propres à la psychiatrie en général et à Maison-Blanche en particulier, constituent un patrimoine précieux dont il s'agit d'assurer la pérennité et le développement.
    C'est ce que mettent en lumière, si besoin en était, les travaux du groupe "Prévention de la violence" pour lequel l'établissement a été retenu comme site pilote. L'accent est en effet mis sur l'importance du savoir propre à la psychiatrie, dans la gestion des épisodes de violence bien entendu, mais, plus largement, dans la prise en charge des patients.
    La capitalisation et le partage des connaissances doivent à l'évidence constituer l'un des axes majeurs du prochain projet social (2001/2005).
     
    - Développer l'outil intranet
    Le développement des instruments de communication internes revêt une importance considérable dans une structure éclatée. L'investissement de ce nouveau médium par la gestion des ressources humaines permettra une gestion plus rapide et plus fluide de la mobilité interne, un accès facilité aux informations institutionnelles ou statutaires, enfin le partage des connaissances évoqué plus haut.

    Renaud PELLÉ
    Directeur adjoint Ressources humaines

    LE PROJET FINANCIER

    En 1994, à la veille de l'engagement du projet, l'Etablissement public de santé Maison-Blanche présente une structure financière caractéristique d'un établissement psychiatrique traditionnel. La structure de la section d'investissement apparaît peu dynamique, le taux de vétusté est relativement élevé, l'endettement faible, les ressources d'amortissement limitées. Afin de soutenir financièrement la restructuration envisagée, il importe dès lors de porter l'effort sur une activation des ressources financières de l'établissement que constituent une trésorerie confortable et un niveau d'endettement peu élevé. La section d'exploitation se caractérise alors par la part relative élevée des dépenses de personnel et une hypertrophie des dépenses administratives et logistiques au regard de l'activité produite. Le budget de fonctionnement est de l'ordre de 650 MF.
    Face à l'ampleur du projet de restructuration et pour tenir compte de ces contraintes, l'établissement se dote rapidement d'un plan de développement ou "business plan". Cet instrument de gestion familier à l'entreprise constitue un prolongement du plan d'investissement pluriannuel de nos établissements hospitaliers. Il précise et complète ce dernier en mettant l'accent sur les enjeux cruciaux de gestion afin de garantir la "soutenabilité" budgétaire et financière du projet. Il constitue un document de travail tant sur un plan interne que dans le cadre du dialogue avec les instances de tutelle.
    La difficulté majeure de l'exercice consiste en un suivi précis du programme d'investissement afin de réduire les périodes de transition et donc de surcoût en particulier sur le plan logistique. Ce suivi est d'autant plus crucial que l'établissement doit mettre en place une gestion de trésorerie dynamique tant sur le plan du raccourcissement des délais de paiement aux fournisseurs que sur celui de la
    définition d'un calendrier optimal de conclusion des emprunts. Ces deux axes constituent en effet autant d'économies potentielles pour les dépenses de fonctionnement de l'établissement, économies qui gagent en partie les surcoûts ponctuels liés aux périodes de transition (coexistence des structures logistiques traditionnelles et restructurées).
    Le financement d'un investissement global de l'ordre de 332 MF pour les transferts de structures à Paris s'effectue selon la répartition suivante : l'emprunt y concourt à hauteur de 50 %, le ratio d'endettement demeurant ex post inférieur aux normes nationales ; les fonds propres à hauteur de 26 %, grâce en particulier à l'activation des réserves de trésorerie et provisions ; les subventions et cessions d'actif pour 24 %, par le biais des fonds d'investissement et de modernisation des hôpitaux et par la vente de terrains. Ce financement est donc étroitement dépendant du projet patrimonial de l'établissement et du soutien des tutelles à l'égard du projet de restructuration. Sa réussite constituera l'aboutissement d'une démarche contractuelle dans l'esprit des contrats d'objectifs et de moyens, modalité dont l'établissement fut un des premiers signataires. La définition d'une réelle culture de projet et la redéfinition des circuits administratifs sont enfin deux sûrs garants d'une bonne gestion financière du projet.

    Benoît SEVCIK
    Directeur adjoint Finances

    L'OPINION DE LA FNAPSY

    Actuellement, un réel espoir et un réel désir des personnes souffrant de problèmes psychiques est de pouvoir faire partie de cette société, de devenir acteur de leur souffrance, et de vivre une vie vivable en étant reconnu socialement. C'est pour cette raison que les associations d'usagers commencent à connaître un tel essor. Pour cela, la nature des soins doit évoluer et se mettre au service des personnes souffrantes, tout en respectant les contraintes que la société ne manquera pas de leur demander. Une hospitalisation, que ce soit en médecine somatique ou en psychiatrie, ne doit intervenir que si la personne ne peut être soignée chez elle. C'est un principe simple, qui doit être intégré. La difficulté actuelle de trouver la filière de soins, fait que souvent les personnes souffrantes se trouvent hospitalisées suite à une crise. Cette hospitalisation dans les grands hôpitaux loin de la ville de résidence, ne favorise pas le maintien social de la personne. Les hospitalisations vont devenir de plus en plus courtes, et pour cela une évolution doit accompagner ce phénomène. D'abord une prévention qui passera par le regard de la société civile, par la reconnaissance de ces troubles comme des "troubles comme les autres", qui peuvent être soignés, la fin de la "confidentialité" des CMP, qui devraient avoir pignon sur rue, être reconnaissables et accueillants, avec un service de renseignements ouvert à tous.
    L'hospitalisation, lorsqu'elle est inévitable, doit avoir lieu dans des structures à dimension humaine, près du domicile, afin d'éviter une désocialisation ou une stigmatisation, dont il est ensuite très très difficile de se sortir. Bien sûr, un suivi performant doit accompagner ces hospitalisations. Toutes ces réflexions pour affirmer que les usagers ne peuvent que souhaiter que se généralise ce que l'hôpital de Maison-Blanche a commencé avec la clinique Rémy de Gourmont. Parmi nos associations membres, le Fil Retrouvé a beaucoup d'adhérents qui dépendent du secteur de l'hôpital Maison-Blanche, et presque tous, bien que regrettant le manque d'espace, manifestent le désir d'être hospitalisés dans ce lieu, proche de leur domicile, accessible aux familles et aux amis, et moins stigmatisant que le site de Neuilly-sur-Marne. Bien sûr, cette innovation présente quelques défauts. Notamment le fait qu'il s'agisse d'une structure fermée, alors que seulement environ 30 % des personnes hospitalisées le sont sous contrainte. Ce fait, ajouté à l'absence de cour, renforce l'impression d'enfermement, malgré la proximité du parc des Buttes Chaumont, et cela est dommage. Mais il est évident (pour nous) que les grandes structures hors la ville ne sont plus acceptables. Nous comprenons qu'il est plus facile de gérer un grand hôpital que de petites structures, autant pour le personnel que pour la direction. Cependant, l'hôpital doit se mettre au service des "clients" et non le contraire. L'évolution se fera plus ou moins bien, cela dépendra de nous tous, soignés, soignants, personnel administratif. Mais elle se fera. Nous allons vers une hospitalisation plus courte, pour des besoins économiques à court et à long terme. A court terme, pour le coût de ces hospitalisations, à long terme pour l'avantage apporté à la non-désocialisation des personnes hospitalisées. Mais pour cela, il faut réinventer le rapport soignant-soigné, repenser les structures, s'adapter à ce changement radical du regard des soignés et donc de la société civile. Sans être du "consumérisme" cela devient du soin librement accepté, car bien expliqué et donné avec respect de la liberté de chacun. Et cela passe par l'éclatement de ces grandes structures de la fin du 19e siècle en petites structures humaines, proches. Il fallait donner le coup d'envoi, avant que, comme en Angleterre, nous soyons dépassés. Nous remercions l'hôpital de Maison-Blanche d'avoir essuyé les plâtres.
    Je terminerai par ce qu'a écrit Anneke Bolle, représentante des usagers en Hollande, et qui visitait un CHS parisien (ce n'est pas Maison-Blanche) :
    "Je suis allée dans un grand hôpital psychiatrique, une véritable ville hors la ville. Il faisait beau, il y avait des arbres, les oiseaux chantaient. Je me suis promenée dans les allées, j'ai cherché des patients, je n'en ai pas trouvé. Peut-être étaient-ils bien rangés ?".

    Claude FINKELSTEIN

    LA POSITION DE L'ARH

    Rapprocher les lieux de soins du domicile est au cœur de la politique de secteur voulue par les pouvoirs publics et portée par les professionnels de la psychiatrie. C'est aussi un des axes forts du SROS de psychiatrie de l'Ile-de-France, arrêté le 17 juin 1998 par le directeur de l'ARH.
    Exigence de santé publique, le rapprochement des lieux de soins, et en particulier des lieux d'hospitalisation, répond à une demande constante des malades et de leurs familles qui ne veulent plus que l'hospitalisation provoque la rupture des liens sociaux, familiaux et amicaux du patient. L'installation des services dans des locaux neufs permet aussi d'améliorer le confort et la qualité de vie des patients et de ceux qui les soignent et restaure le respect de leur dignité et de leur intimité.
    Rapprocher les services d'hospitalisation complète, c'est aussi intensifier les liens entre les équipes de l'intra et de l'extrahospitalier et améliorer la continuité des soins. C'est enfin se rapprocher de l'hôpital général et des urgences, faciliter l'accès aux soins pour toutes les catégories de patients, quelle que soit leur maladie, et améliorer la capacité de l'offre de soins à répondre aux situations de crise.
    Convaincue de l'intérêt de ce mouvement, l'ARH-IF soutient l'action des établissements engagés dans cette politique : Maison-Blanche mais aussi Perray-Vaucluse, Moisselles, l'ASM XIII, Neuilly-Courbevoie (Clermont-de-l'Oise), Barthélémy Durand, Paul Guiraud. Le contrat d'objectifs et de moyens est l'un des instruments de ce soutien car il permet de lier l'ensemble des questions soulevées par la réorganisation de l'offre de soins et de clarifier pour l'ensemble des acteurs les perspectives de moyen terme.
    Parfois considérée comme une rupture avec l'histoire et la culture de l'établissement, le rapprochement des lieux de soins amène en effet les personnels à construire une nouvelle identité professionnelle dans le nouveau contexte d'un établissement profondément modifié.
    Au-delà, la relocalisation des unités d'hospitalisation mobilise les personnels à un double titre. Changer de lieu de travail, c'est réorganiser sa vie personnelle et familiale ; les conséquences doivent en être accompagnées sur le plan social en mettant à disposition des logements, des moyens de transport, des moyens de garde des enfants, etc. Changer l'organisation des soins, c'est demander à certains d'exercer un nouveau métier, à tous de travailler différemment ; ces changements doivent eux aussi être accompagnés en termes de formation, d'adaptation à l'emploi, parfois de conversion professionnelle et de mobilité vers un nouvel établissement hospitalier ou d'autres horizons professionnels. Le fonds pour la modernisation des établissements de santé (qui vient de se substituer au FASMO) prévoit le financement de ces mesures d'accompagnement individuel et collectif. L'ARH et les établissements l'ont largement sollicité depuis deux ans. Créer de nouveaux équipements dans des zones le plus souvent fortement urbanisées où les coûts du foncier sont très élevés, mobilise de très importantes ressources financières. L'aide du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO) a contribué au financement d'un certain nombre d'opérations, en particulier pour Maison-Blanche.
    Enfin, la reconfiguration de l'offre de soins amène à repenser l'avenir des sites hospitaliers d'origine et à proposer des formules de reconversion qui prennent en compte certains besoins de santé non satisfaits ou s'orientent vers la création de nouveaux équipements collectifs.

    Elisabeth BEAU
    Chargée de mission à l'ARH-IF



    *Agence Régionale d'Hospitalisation

    L'ÉTAT D'ESPRIT DES SYNDICATS

    La MNASM (S. Kannas et R. Lepoutre) a rencontré les représentants de la CGT (28/08/2000) et ceux de la CFDT (24/10/2000) afin de recueillir leurs analyses sur la restructuration en cours de Maison Blanche.
    Les deux analyses se rejoignent sur deux points :
    1) Hors toute restructuration, les représentants des deux syndicats insistent sur le contexte largement dégradé dans lequel les personnels sont conduits à travailler. Les conditions de travail qui ne cessent de s'aggraver, leur apparaissent comme un enjeu plus essentiel que la restructuration elle-même, cette dernière contribuant à accélérer leur désorientation.
    2) La nécessité d'une restructuration qui permette de rapprocher les lieux de soins des patients qui doivent pouvoir en bénéficier n'est pas discutée dans sa finalité, et seules les modalités de mise en œuvre peuvent l'être.
     
    LA POSITION DE LA CGT
     
    La CGT était représentée par Mme LAFON, infirmière de secteur psychiatrique, permanente détachée, secrétaire de la CGT, membre du CHSCT d'établissement et Serge KLOPP, cadre infirmier, membre du bureau, représentant de la CGT au CA.
    1) Le nœud du problème est un projet "tout Paris" mis subrepticement à l'œuvre. L'évolution du projet 1996-2000 qui n'a pas été discuté n'est pas lisible, ce qui entraîne une grande difficulté dans les relations avec la direction. Les médecins subissent des pressions de la direction.
    2) Par voie de conséquence du projet "tout Paris", le devenir du patrimoine du site actuel reste flou et, ce qu'en dit la direction est peu crédible du fait des agissements contraires à ses engagements.
    3) Ainsi, dans le cadre des moyens actuels, il semble impossible de faire vivre les deux sites, malgré l'engagement des tutelles, alors que la CGT estime nécessaire de maintenir pour les patients parisiens, des lieux de soins diversifiés, dont l'EPS Maison-Blanche à Neuilly-sur-Marne. Une preuve en est l'augmentation de 30 % de la file active des patients entraînée par l'ouverture de Rémy de Gourmont, qui fait refluer sur Neuilly-sur-Marne de nombreux patients dont l'état pathologique ne permet pas le maintien à Rémy de Gourmont.
    4) Un point de principe clairement affirmé : le refus de trier les patients sous prétexte qu'ils ne relèveraient pas d'une hospitalisation active.
     
    LA POSITION DE LA CFDT
     
    La CFDT était représentée par Mme SOLER, secrétaire de section, manipulatrice radio, M. AZINCOURT, infirmier, secrétaire adjoint, Mme CHANTAL PLAS, infirmière, secrétaire adjointe, M. FOUBERT, psychologue.
    La CFDT rappelle que, lors de la création du cinquième asile de la Seine en 1900, des élus de Paris s'inquiétaient déjà d'une trop grande distance pour les patients et leurs familles entre la commune de Neuilly-sur-Marne et les quartiers populaires des 17e, 18e et 19e arrondissements de Paris.
    Elle rappelle que, depuis la loi sur la sectorisation, des alternatives à l'hospitalisation ont été créées sur Paris.
    En complément à ces dispositifs, et toujours dans l'esprit de la loi sur la sectorisation, l'établissement Maison-Blanche, en charge du nord est parisien (3e, 9e, 10e, 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris), se devait de créer des structures d'hospitalisation au plus près des populations.
    La CFDT participe activement au travail de restructuration de l'hôpital de Maison-Blanche, comme le confirme l'accord qu'elle a signé en 1997 avec les tutelles après un long conflit.
    Pour la CFDT, l'implantation de lits sur Paris, ne doit pas pour autant faire disparaître l'activité psychiatrique du site nocéen qui a tout son rôle à jouer.
    Reste toujours posé et reposé le problème de l'inadéquation des structures parisiennes à certains patients (pour exemple, Remy de Gourmont dans le 19e arrondissement ne pourrait fonctionner sans l'existence d'unités d'hospitalisation restées sur le site). La CFDT se refuse de différencier les patients en fonction de critères d'inadéquation qui n'ont pas été jusqu'ici discutés dans les équipes, entre les médecins et personnels soignants.
    L'évolution de l'établissement ne peut se faire qu'avec l'ensemble des personnels soignants administratifs techniques et généraux et non sans eux (non-fonctionnement des conseils de service, peu de place laissée aux personnels logistiques dans les différents projets...).
    Aujourd'hui, les conditions de travail difficiles et l'insuffisance de communication entre les acteurs de l'établissement apparaissent comme un enjeu d'une importance aussi vitale que la restructuration.
    La CFDT s'interroge sur la réelle volonté des trois pouvoirs qui structurent l'hôpital (pouvoir politique, pouvoir administratif, pouvoir médical) de souhaiter
    ensemble un bon compromis pour Maison-Blanche.
    Dans l'intérêt des personnels et au service des patients et de leurs familles, la CFDT revendique les moyens financiers d'appui pour une restructuration réussie :
    Qu'est-ce qu'une restructuration réussie ?
    - C'est une amélioration de la qualité des soins et de l'accès aux soins ;
    - C'est un maintien de l'emploi et une amélioration de la qualité de l'emploi ;
    - C'est une psychiatrie qui se développe au plus près des usagers et inscrite dans les progrès de l'ensemble du secteur sanitaire.
    Nous avons demandé au Docteur Norbert SKURNIK, Président de la CME, de nous donner son opinion sur la restructuration en cours. Il nous a reçu très courtoisement mais n'a pas souhaité répondre à nos questions.

    R. LEPOUTRE

    UNE FACE CACHÉE DU PROJET : LA DIMENSION HUMAINE

    Face à un environnement en profonde mutation, chaque hôpital cherche à s'adapter en apportant une réponse stratégique à travers son projet d'établissement. C'est ainsi que l'EPS Maison-Blanche s'est engagé dans une profonde restructuration de son dispositif de soins psychiatriques. Son programme consiste en un transfert progressif de la banlieue vers Paris, des lits d'hospitalisation qui viendront compléter le dispositif ambulatoire déjà installé dans la capitale. Ainsi, la déclinaison des différents projets médicaux s'est traduite par la nécessité de définir des nouvelles structures de soins plus proches et mieux adaptées aux exigences de la population et aux nouvelles pratiques médicales. Une mutation aussi profonde du dispositif de soins constitue une réelle source d'inquiétude, mais c'est aussi l'occasion de remettre à plat les pratiques, et de profiter du changement de lieu et de structures pour travailler et soigner autrement. Par ailleurs, la série de projets successifs, à la fois semblables dans leur finalité mais différents dans leur spécificité, constitue une occasion unique de mettre en place une démarche globale d'accompagnement à travers une conduite du changement appropriée et la mise en œuvre d'un management de projet.
    La démarche en cours à l'EPS Maison-Blanche permet de définir certains principes qu'il conviendrait de mettre en application pour la réussite des projets. Certains sont d'ores et déjà appliqués, d'autres ne le sont pas encore, mais l'expérience des premières réalisations permet de tirer des enseignements qui permettront d'améliorer la conduite des projets. Dans tout projet, il existe au départ une idée, une vision future, qui semble, à travers sa concrétisation, apporter des solutions à des problèmes actuels. Le projet va donc consister à mettre en œuvre une action spécifique permettant de structurer méthodiquement et progressivement cette réalité projetée. Les projets hospitaliers s'inscrivent dans cette problématique et leurs réalisations nécessitent l'utilisation d'outils et de techniques éprouvés et utilisés dans le cadre du management du projet. Celui-ci se développe selon quatre axes principaux : le programme, la planification, le contrôle, le management des hommes.
     
    QUATRE AXES PRINCIPAUX
     
    - Le programme consiste à élaborer avec le groupe projet et compte tenu des contraintes connues, le cahier des charges de la future structure (finalités, fonctionnalités, agencements...).
    - La planification a pour but de prévoir comment devrait se dérouler le projet : elle consiste à élaborer l'organigramme technique du projet qui décline l'ensemble des tâches à réaliser, leur durée, leur programmation et leur coût ; à déterminer les rôles et les responsabilités, les circuits d'information et de décision ; définir les ressources nécessaires à l'ensemble des tâches programmées.
    - Le contrôle du projet consiste à suivre l'avancement du projet en termes de performance, coût, délai, avancement général, par rapport au plan d'origine à apporter les correctifs et les réajustements nécessaires en cas de dérive. Les planning Gantt et Pert seront utilisés pour comparer les prévisions et les réalisations, ils constitueront un outil de pilotage des différentes phases.
    - Le management des hommes consiste à mettre en œuvre la structure projet (comité de pilotage, groupes projet, groupes fonctionnels) permettant de s'assurer que l'établissement met à disposition les ressources nécessaires à la réalisation du projet et que les acteurs seront dans des conditions favorables autorisant disponibilité et implication. La répartition des rôles, des responsabilités et la coordination des activités assurent la cohérence d'ensemble. Mais le cœur du système va se situer dans l'animation des groupes de travail et le nouveau style de relation formel et informel qui va s'instaurer entre les acteurs du projet. C'est la mise en place de ce nouveau tissu relationnel qui va créer les conditions propices à la mobilisation des acteurs et qui permettra l'émergence d'un processus créatif qui soit partagé et qui donne du sens à l'action collective.
     
    STRUCTURES ET COMPORTEMENTS
     
    Si les outils du management de projet sont utiles à la réalisation du projet, ils ont tendance à sous-évaluer la dimension humaine des projets. En effet, les acteurs d'un projet sont trop souvent considérés comme des ressources ou des compétences à utiliser au bon moment et à bon escient. Or, la réalité humaine est bien plus complexe. En effet, tout projet fait intervenir des acteurs professionnels de disciplines ou de services différents, dont il faut coordonner les activités parfois contradictoires et antagoniques. Privilégier l'aspect technique d'un management de projet aux dépens des aspects humains est comparable à l'acte de privilégier l'évolution des structures à celui des comportements, au sein d'un projet d'établissement. Dans les deux cas, c'est l'individu qui est oublié et la dimension humaine qui est sous-évaluée. Or, tout groupe projet possède à la fois un potentiel d'innovation, de coopération, de faculté de s'enthousiasmer, mais aussi et parfois simultanément des forces d'opposition, des sources de conflit inhérentes à la nature humaine. Cette ambivalence doit être intégrée et gérée dans la dynamique du projet. Mettre en place une structure projet, c'est constituer une organisation spécifique et temporaire, qui sera mobilisée et mise sous tension, pour atteindre l'objectif qu'elle s'est assigné, dans le cadre d'une concertation et d'une écoute mutuelle. Dans un projet de construction, il se passe plusieurs années entre les études de faisabilité et la mise en exploitation, ce laps de temps doit être mis à profit pour déclencher une synergie des individus permettant de construire une œuvre commune qui transcende les intérêts individuels. Dès lors, chaque nouvelle réalisation, à travers sa spécificité et son aspect unique constitue un véritable enjeu, et il convient d'instaurer un système de management permettant la mise en perspective entre une vision initiale nécessairement idéale et la concrétisation toujours compliquée par les difficultés inhérentes à la réalisation. Pour réaliser ces différentes constructions, il est fait appel aux compétences des hommes de l'art afin de réaliser l'architecture des bâtiments qui réponde aux besoins exprimés par les équipes de soins, tout en intégrant les contraintes techniques. Mais c'est la mise en œuvre d'un management qui va permettre de mettre en perspective les aspects architecturaux avec les aspects fonctionnels tout en intégrant la dimension humaine fondamentale dans chaque projet. Un projet de clinique constitue en premier lieu un enjeu technique : une architecture appropriée et esthétique, une fonctionnalité et une organisation optimisées. C'est pourquoi les outils et techniques utilisés dans le management de projet (structure projet, organigramme technique, planification), ainsi que le suivi des résultats en termes de coûts, qualité, délais, sont essentiels dans la mise en œuvre. Mais l'erreur consisterait à privilégier les aspects techniques au détriment de la dimension humaine, comme s'il n'existait pas de corrélation entre le changement de structures et le changement de comportements. Or la réussite tient autant à la qualité technique de la réalisation qu'à l'implication et la motivation des professionnels qui donneront le supplément d'âme nécessaire à toute nouvelle construction. C'est pourquoi, chaque projet constituant une œuvre collective, il s'agit de promouvoir dès l'origine, un style de
    management et une communication qui permettent de créer une dynamique libérant la créativité et l'esprit d'initiative des acteurs professionnels impliqués dans "leur" projet.
     
    LOGIQUE INDIVIDUELLE ET DYNAMIQUE COLLECTIVE
     
    Mais cette conjonction entre logique individuelle et dynamique collective ne va pas de soi, car on assiste à une montée de l'individualisation au sein de la société et la rigidité des formes d'organisations traditionnelles (pyramidales et hiérarchisées) fait obstacle à la mise en place d'un véritable management qui nécessite de nouveaux comportements. Combien de potentialités inexploitées chez les acteurs professionnels, faute d'avoir su les découvrir ! C'est pourquoi dans un projet, l'évolution des comportements compte autant que l'évolution des structures. Quand il s'agit de motivation et de créativité, l'individu jouit, en dernier ressort, d'une totale liberté de s'impliquer ou pas. Chaque être dispose ainsi d'une dimension cachée, qui concerne son intimité et ses convictions et participe à son équilibre. Pour réussir sa mutation, l'hôpital doit donc initier une conduite du changement et un nouveau mode de management plus personnalisé qui reconnait l'individu et lui permet de développer ses aptitudes individuelles. En ce sens, la mise en place d'une structure projet qui s'appuie sur une communication interpersonnelle en constitue l'étape essentielle. Le projet constitue l'occasion unique d'initier un nouveau mode de communication plus personnalisé. En effet, à l'intérieur des groupes projet, la liberté de parole, le climat de confiance, le foisonnement des initiatives, la confrontation des idées et la dynamique qui en résulte, doivent être mis en cohérence avec une logique plus globale qui intègre l'avenir de l'ensemble de l'établissement et s'inscrive dans un projet collectif. Au-delà des changements inhérents à toute nouvelle implantation, les perturbations apportées au niveau de l'individu induisent bien souvent une résistance au changement des acteurs qu'il faudra gérer tout au long de la mission. La logique individuelle engendre un réflexe égoïste, c'est la confrontation aux autres et la réponse apportée par le groupe et l'institution qui permettront de faire évoluer le comportement individualisé. Par ailleurs, l'existence de rigidités au sein de l'organisation ne doit pas occulter les rigidités internes de chaque individu et sa résistance naturelle au changement. Celui-ci, en remettant en cause les convictions les plus intimes de l'individu, implique une adaptation parfois douloureuse qui nécessite l'appui de l'organisation. C'est pourquoi le changement constituant un processus, il serait vain de vouloir résoudre à l'avance l'ensemble des problèmes qui seront rencontrés au cours de l'élaboration d'un projet ; il s'agit plutôt de mettre en œuvre une dynamique collective qui prendra appui sur un réseau de communication interpersonnelle fondé sur la reconnaissance et la contribution de chaque individu. Il résulte que les projets seront réellement une réussite, lorsque les acteurs seront parvenus à transcender leur logique individuelle pour construire avec les autres une œuvre collective porteuse de sens et d'épanouissement individuel et collectif. Le changement implique donc de promouvoir un contexte qui permette le développement des aptitudes individuelles et provoque un processus d'apprentissage collectif. Il s'agit ainsi d'établir de nouveaux modèles relationnels, de nouvelles capacités collectives, à travers une communication interpersonnelle et un management plus personnalisé.

    Jean-Claude PENA
    Ingénieur en organisation

    FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE : LEVIER DES RESTRUCTURATIONS

    ANTICIPER L'ÉVOLUTION
     
    La formation professionnelle continue a pour mission essentielle d'anticiper sur l'évolution des techniques, les modes de production, les métiers, et sur-le-champ d'activité des professionnels de l'hôpital. Elle accompagne le changement, permet les innovations et s'inscrit dans une démarche de gestion prévisionnelle de la compétence et de l'emploi. C'est un véritable levier institutionnel qui "traque et débusque" la compétence qui permet d'atteindre les résultats attendus. C'est ainsi que le Décret du 5 avril 1990 pose le cadre juridique de la formation, préconisant l'adaptation à l'emploi, la promotion et la reconversion professionnelle. Mais au-delà de ces missions "classiques", la formation doit accompagner les restructurations, telles que définies par le projet d'établissement de Maison-Blanche. Restructurer signifie, étymologiquement, modifier les structures existantes avec la nécessité de (re)penser à de nouvelle organisations. Il s'agit bien de "repanser" les situations anciennes et de réfléchir à de nouvelles orientations. En effet, la restructuration du site nocéen avec la délocalisation partielle des activités soignantes modifie les pratiques professionnelles des uns et des autres. Cette restructuration vient bousculer les habitudes de travail et percuter le contenu même des emplois. Nous évoquerons succinctement cet accompagnement essentiel dévolu en partie au service de la formation professionnelle continue qui doit impulser, soutenir, aider, conseiller, orienter... et tout ceci dans la perspective de dispenser un soin toujours spécifique mais plus adapté aux attentes de la population concernée. Maison-Blanche a été conçu jadis comme un lieu de vie où les espaces verts n'ont rien à envier au jardin du Luxembourg ou à certains jardins des châteaux de la Loire. C'est une image excessive, nous en convenons, mais elle permet de mieux comprendre l'attachement qui lie les personnels à leur lieu de travail et qui légitime un fort sentiment d'appartenance. C'est dans ce contexte que des emplois nouveaux se créent et que d'autres disparaissent, notamment au niveau des services techniques et généraux qui assurent l'entretien des locaux, des espaces et des services administratifs qui assurent la lourde intendance d'une telle institution.
     
    LA FORMATION AUX NOUVEAUX MÉTIERS
     
    Depuis cinq ans, la Direction des ressources humaines propose un éventail de mesures qui doit permettre à chacun d'élaborer son propre plan d'action. Il s'agit alors d'inviter chacun à être acteur de son devenir. La formation intervient de façon spécifique sur l'élaboration de projets professionnels qui se traduisent le plus souvent par une conversion professionnelle. A titre d'exemple, nous évoquerons les actions de conversions professionnelles et promotionnelles engagées chaque année de 1996 à 2000. Ainsi, plus de 200 personnes, issues de postes techniques centraux administratifs occupant des emplois sensibles, ont bénéficié de mesures spécifiques leur permettant d'accéder à de nouveaux métiers dans des domaines différents(1). L'accès leur est ouvert à partir d'un concours. La durée de formation est variable (en moyenne trois ans) et son coût, sur cette durée, est de 500 000 F. Deux orientations majeures ont permis la concrétisation de ces projets : l'employabilité et la mobilité. L'activité conseil de notre service reste fondamentale et se concrétise par des entretiens individuels qui visent un accompagnement personnalisé. Le bilan d'activité 1999 recense pour cette année 650 entretiens. Nous ne cacherons pas la difficulté de la tâche qui exige de notre part (cellule de formation) beaucoup de temps, de compréhension, d'écoute, d'ingéniosité, de curiosité et d'optimisme. Il faut dire que l'on ne fait pas facilement le deuil d'une activité professionnelle après vingt ans d'exercice en qualité de jardinier quand on a 45 ans (c'est un exemple parmi tant d'autres). Pour les personnels soignants, la situation se présente sous de meilleurs auspices. En effet, ceux-ci ne sont pas menacés dans leur emploi, mais il appartient à la cellule formation de les guider au mieux dans leur activité professionnelle ou la "spécificité psychiatrique" trouve son sens. Les soignants sont plus autonomes loin de la maison-mère. Ils sont en quelques sorte les anges gardiens qui aident à la reconstruction personnelle intégrée à un réseau relationnel. On est loin de la conception classique du soin qu'ils se sont forgés tout au long de leurs années de formation initiale, qu'ils soient infirmiers, médecins, psychologues, assistants sociaux ou autres spécialités. La formation continue s'efforce pour chacun de trouver les moyens nécessaires au maintien et à l'optimisation des compétences.
    Pour conclure, nous dirons que la formation professionnelle trouve tout son sens dans l'accompagnement des projets qui visent une meilleure qualité des soins. Maison-Blanche a fait le choix d'investir dans ce domaine (3,7 % de la masse salariale sont consacrés à la formation), conscient de l'intérêt que les personnels toutes catégories confondues portent à leur pratique et aux patients dont ils ont directement ou non la charge.
     

    Alain FABRE
    (Cellule de Formation)

     
    (1) - 63 % concernent des formations paramédicales (infirmiers, assistants sociaux, aide-soignants, auxiliaire de puériculture, animateur, éducateur de jeune enfant),
    - 13 % concernent des métiers techniques (agents de prévention et de sécurité, CAP de chauffagiste, électricien, technicien en information),
    - 24 % concernent des métiers administratifs (adjoint administratif, secrétaire médicale).

    LA CLINIQUE REMY DE GOURMONT : DEUX ANS D'ACTIVITÉ

    La clinique Remy de Gourmont a ouvert ses portes le 23 mars 1998. Cela fait plus de deux ans qu'elle accueille des patients domiciliés dans le 19e arrondissement en fonction des principes de sectorisation, les deux secteurs parisiens de cet arrondissement étant responsables de cette nouvelle unité de soins.
    L'hôpital s'est déplacé et rapproché du domicile des patients, notre nouvelle structure psychiatrique étant située près du parc des Buttes Chaumont, au cœur de l'arrondissement. Cette structure offre ainsi des soins de proximité à sa population. Cela faisait longtemps que les deux secteurs de psychiatrie adulte du 19e arrondissement, dont toutes les unités d'hospitalisation étaient situées au CHS de Maison-Blanche, soit à 20 km de Paris, souhaitaient rapprocher les soins psychiatriques de sa population. Grâce à l'enthousiasme de l'administration de Maison-Blanche pour implanter des structures de soin sur les lieux de vie de la population sectorisée, on a trouvé une ancienne clinique médicale au 18-20, rue Remy de Gourmont, qui a fait l'objet d'une transformation architecturale complète pour pouvoir accueillir 60 patients dans de bonnes conditions d'hébergement.
     
    I - Description
     
    La clinique Remy de Gourmont comprend 4 niveaux correspondant chacun à une unité fonctionnelle spécifique :
    1) Le niveau ­1 offre des salles d'activités : ergothérapie, psychomotricité, balnéothérapie
    2) Le niveau 0 correspond à l'unité d'accueil et de thérapie brève comprenant 8 chambres particulières, 1 chambre à 2 lits, et une chambre d'isolement. Une équipe soignante d'infirmiers spécifique à cette structure est dirigée par une psychiatre présente en permanence, la journée, de 9 h à 18 h, par un praticien hospitalier du 34 et 35e secteur en alternance, et la nuit, par un psychiatre de garde senior. Il s'agit d'accueillir tout patient admis à la clinique, en principe pour une durée limitée permettant de réaliser un bilan, une observation psychiatrique et médicale et la mise en route d'un traitement. A l'issue de quelques jours d'hospitalisation dans cette unité d'accueil, le patient pourra, soit ressortir de la clinique, jouant le rôle d'un centre de crise, soit être transféré dans les autres unités d'hospitalisation, y compris à Neuilly-sur-Marne, pour y être traité de façon plus durable.
    3) Les niveaux 1 et 2, situés au 1er et 2e étage, comprenant une unité d'hospitalisation de 18 lits chacun, pour la plupart en chambres particulières. Chaque niveau correspond à un secteur psychiatrique déterminé. Les patients y séjournent pendant une durée variable en fonction de la résolution de leur trouble, névrotique ou psychotique, de leur modalité d'hospitalisation, libre ou par contrainte. Il existe ici aussi une équipe infirmière spécifique dirigée par un praticien hospitalier.
    4) Le niveau 3, installé au 3e étage, bisectoriel comme le niveau 0, accueille des patients stabilisés dont la sortie est prévue, mais difficile en raison d'une situation sociale, familiale ou professionnelle ou non encore réglée. Il n'y a pas d'équipe infirmière spécifique pour ce niveau dont les patients sont suffisamment autonomes.
    5) Le niveau 4 est aménagé en cafétéria ouverte à tous ­ patients ­ personnels ou familles ­ et ouvre sur une terrasse (seul espace de promenade de l'établissement).
    La clinique Rémy de Gourmont n'est pas la seule structure psychiatrique du secteur, elle s'inscrit dans un réseau de soins sectoriels plus vaste, comprenant :
    1) deux pavillons d'hospitalisation de 30 lits "actifs" sur le site de Neuilly-sur-Marne,
    2) un CMP par secteur
    3) un CATTP par secteur, ouverts aussi dans l'arrondissement
    4) un certain nombre d'appartements thérapeutiques installés, soit à Paris, soit en banlieue.
     
    Il convient de remarquer qu'il n'existe aucun hôpital de jour ou foyer psychiatrique appartenant aux deux secteurs.
    Comme nous l'indiquions au début de cet article, notre pratique psychiatrique, enrichie de l'ouverture de la clinique Remy de Gourmont depuis deux ans et demi, a été transformée et modifiée. Nous allons tout d'abord mettre en évidence un certain nombre d'évolutions quantitatives et qualitatives de la file active perçues intuitivement par les praticiens hospitaliers et parfois confirmées par une approche statistique du DIM. Nous serons ensuite amenés à formuler quelques réflexions enthousiastes et critiques.
    II ­ L'impact de Remy de Gourmont sur la file active
     
    Voici les principales modifications concernant les caractéristiques de l'ensemble de la population hospitalisée à Remy de Gourmont :
     
    a) Une augmentation quantitative de la file active des deux secteurs a été constatée. Voici les chiffres :
     

    FILE ACTIVE

    34e secteur 35e secteur

      971 2041 199
      981 3031 263
    991 4791 284
     
    Nombre de personnes hospitalisées

    34e secteur 35e secteur

    97417347
    98423417
    99519465
     
    b) Une diversification des pathologies est apparue : à côté de notre rôle traditionnel de prise en charge des états psychotiques aigus ou chroniques, avec parfois la nécessité de recourir à des hospitalisations par contrainte, nous avons été confrontés, depuis l'ouverture de Remy de Gourmont, à des pathologies de type névrotique et dépressif.
    c) L'origine de la demande d'hospitalisation s'est aussi différenciée : certes le CPOA et l'IPPP nous adressent encore leur lot habituel de patients, mais des médecins généralistes, des psychiatres installés, diverses associations et surtout le service des urgences de Lariboisière, nous envoient des demandes d'hospitalisation.
    La présence 24/24 h d'un psychiatre senior, capable de fournir des réponses précises, de donner des conseils judicieux pour un patient que souvent il connaît, ou de décider rapidement d'une hospitalisation... transforme progressivement les relations de la psychiatrie de service public avec ses partenaires médicaux de l'arrondissement. L'étape ultérieure consisterait à créer, dans le 19e arrondissement, de véritables réseaux de soins incluant les médecins généralistes, les psychiatres installés et les deux hôpitaux les plus proches.
    Cette évolution est indispensable sous peine de cantonner Rémy de Gourmont à sa fonction d'hôpital replié sur lui-même.
    Nous n'avons pas, malheureusement, la disponibilité pour aborder cette étape.
    d) Il semblerait, car cela n'a pas été statistiquement prouvé, que les patients admis à Remy de Gourmont soient mieux insérés, plus jeunes et hospitalisés moins longtemps.
     
    Réflexions
     
    Nous allons tenter de conceptualiser les différences de prise en charge d'un patient hospitalisé dans son milieu habituel de vie (clinique Remy de Gourmont) ou dans un lieu beaucoup plus éloigné (hôpital de Maison-Blanche).
     
    III ­ La proximité spatiale
     
    Le patient admis à la clinique Remy de Gourmont n'est pas isolé et séparé de son environnement habituel : les visites familiales sont faciles et fréquentes, les amis ou les collègues de travail le contactent sans difficultés. Il n'existe plus d'isolement du patient qui, bien qu'hospitalisé, conserve un accès facile à ses objets personnels, à son argent, à son domicile. Les liens sont maintenus avec son entourage habituel. La marginalisation du patient n'est donc plus une fatalité. Un réel système interactif se déploie entre le patient et différentes instances familiales, sociales, professionnelles, éducatives... Le téléphone devient un véritable outil thérapeutique utilisé par les infirmiers, les médecins et le patient.
    La souffrance psychique est ainsi traitée en tenant compte des relations complexes du patient avec son entourage, auparavant effacées quand il séjournait loin de son habitat. Le patient, moins exclu, peut espérer mieux réussir sa réintégration socioprofessionnelle.
    Cependant, nous avons constaté, à maintes reprises, une sorte d'excès dans la présence d'autrui, le patient restant, en quelque sorte, constamment sous la pression de son environnement relationnel, culturel ou familial. La clinique a souvent été envahie par des familles trop anxieuses ou fusionnelles, au point où cela a pu générer une forme de violence entre le patient et sa famille, alors qu'il était pourtant hospitalisé. Ainsi, le patient souffre parfois d'une trop grande proximité et d'une trop forte promiscuité ne lui permettant pas de s'isoler suffisamment pour recouvrer son unité intrapsychique. Quelques patients ont du alors être transférés à Neuilly-sur-Marne pour pouvoir être mieux traités, à distance de leur environnement trop hostile.
    Il est assez surprenant de constater que les bénéfices ou les désavantages d'une telle proximité ne sont pas superposables à la distinction psychose/névrose. Ceci nous conduit à soutenir l'idée qu'il convient de maintenir deux lieux d'hospitalisation, chacun ayant un intérêt thérapeutique particulier.
     
    IV ­ La durée d'hospitalisation
     
    Nous avons conçu une unité d'accueil et de thérapie brève. La notion de durée d'hospitalisation a donc d'emblée retenu notre attention. Quelle doit être la bonne durée de traitement au sein de la clinique Remy de Gourmont ? Cette question semble être importante alors que les patients hospitalisés dans un hôpital psychiatrique semblent être souvent plongés dans une ambiance intemporelle. Nous savons que le temps hospitalier est souvent nécessaire pour qu'un patient puisse recouvrer partiellement ou totalement son unité et son intégrité psychique. On constate donc qu'il y a un temps spécifique à chaque patient, lui permettant de profiter au mieux des soins hospitaliers, ni trop court, favorisant les rechutes, ni trop long, entraînant une chronicisation par perte d'autonomie et excès d'assistance. A Rémy de Gourmont, les permissions sont plus facilement accordées aux patients, ce qui leur permet d'accomplir plus rapidement des formalités. Cela est donc très avantageux, les patients étant plus rapidement autonomes et indépendants.
     
    En revanche, très sollicités pour sortir le plus vite possible de la clinique Remy de Gourmont, certains patients n'arrivent pas à bénéficier d'un temps hospitalier suffisamment prégnant pour leur permettre de réfléchir ou de "digérer" leurs crises d'angoisse. On retrouve ainsi, à l'instar des difficultés de repérages spatiaux, des troubles psycho-temporels supplémentaires, quand le temps d'hospitalisation n'est plus suffisamment pur et est parasité par le temps habituel, celui de la cité. La notion de durée d'hospitalisation renvoie donc à celle de la distance temporelle et renforce nos convictions quant à la nécessité de plusieurs lieux d'hospitalisation.
    V ­ Conclusions
     
    Que pouvons-nous retenir de "l'effet Remy de Gourmont" ?
    1) Il y a bien une adéquation entre le projet d'implantation sur le secteur de lits d'hospitalisation et les besoins des usagers de la psychiatrie publique, puisque la file active a augmenté et que les demandes d'hospitalisation sont de plus en plus nombreuses.
    2) Les psychiatres hospitaliers et leur équipe de secteur s'intègrent progressivement dans un réseau de soins où ils semblent être de plus en plus considérés comme des partenaires et non plus, comme des spécialistes de prises en charge difficiles, voire désespérées.
    Le secteur ne deviendrait plus le recours ultime pour certains patients ayant multiplié des échecs thérapeutiques.
    3) Les réflexions psychopathologiques concernant les patients se sont enrichies de deux façons :
    a) nécessite de recourir à des considérations phénoménologiques temporo-spatiales pour évaluer, pour chaque patient, quels sont le lieu et la durée les plus adaptés à sa souffrance ;
    b) obligation de tenir compte des intéractions pathogènes ou thérapeutiques entre le patient et son environnement.
    Loin de considérer l'implantation d'une structure de soin au sein du secteur comme étant la solution pour tous les patients, il nous est apparu évident qu'il faut encore plus différencier les prises en charge en conservant des unités d'hospitalisation à distance de la population, en renforçant les réseaux de soins et en créant des foyers d'hébergement spécialisés.

    Docteur Charles REBOUL
    Docteur Denis MAQUET


    Pluriels

  • La Lettre de la Mission Nationale d'Appui à la Santé Mentale - Directeur de la publication : G. Massé - Comité de rédaction : G. Massé * Comité de rédaction : C. Bonal - E. Graindorge - S. Kannas - R. Lepoutre - J.-P. Mariani - C. Martin Le Ray - G. Massé - J.-C. Mie

  • "Pluriels", 74 bis, avenue Edison, 75013 Paris - N° de téléphone : 01.45.85.73.63 - N° de télécopie : 01.45.85.99.11.