AU SOMMAIRE

  • Editorial
  • Comment articuler le sanitaire et le médico-social
  • Une mutation culturelle
  • Comment organiser la filière de soins pour résoudre les inadéquations ?
  • Les résistances respectives du sanitaire et du médico-social
  • Un choix entre structures et besoins
  • La représentation des usagers en santé mentale
  • Technologie et Santé
  • Enquête de la MNASM auprès des centre hospitaliers
  • Une enquête sur les MAS et les foyers à double tarification à Rouffach
  • Passage d'une unité de soins d'arriérés profons à une MAS
  • Les leçons d'une MAS après trois ans
  • La composante soignante dans les structures médico-social
  • D'un établissement public à l'autre : naissance d'une maison d'accueil spécialisée
  • Un CAT : Ecueils et difficultés
  • Penser la création des MAS et des FDT
  • Un partenariat CHS Charles Perrens (Bordeaux) et une ADAPEI
  • Des soins généraux aux structures médico-sociales
  • Quels financements pour les structures médico-sociales
  • Evolution de la prise en charge des handicapés
  • Le concept "soins de réadaptation" a-t-il un sens ?

  • COMMENT ARTICULER LE SANITAIRE ET LE MÉDICO-SOCIAL

    Les Ordonnances d'avril 1996 et les premières orientations de la réforme de la Loi de 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales insistent sur la nécessité de décloisonner le sanitaire et le médico-social. Le clivage artificiel existant entre le sanitaire et le social dans la prise en charge des personnes dont le handicap résulte d'une affection psychique invalidante ne peut perdurer. On estime en effet que 20 à 40 % des hospitalisés le seraient indûment et relèveraient de structures d'encadrement et d'accompagnement qui, aux soins, ajoutent les moyens d'un projet de vie. Comment créer ces structures ? Comment ouvrir ces personnes sur un renouveau de leur individualité ? Une démarche globale doit faire appel à une palette d'approches diversifiées et complémentaires en tenant compte des divers registres de la maladie (déficience, incapacité, désavantage social... ).
    Le colloque organisé par le CNEH et par la MNASM, les 8 et 9 juin 1999, au Novotel Porte de
    Bagnolet à Paris, intitulé
    « L'articulation du sanitaire et du médico-social en psychiatrie » a tenté d'apporter à ses 300 auditeurs une série de premières réponses à ces questions. Ce numéro 19 de PLURIELS réunit les résumés-synthèses des communications, exception faite des travaux d'ateliers.

    R. Lepoutre




    UNE MUTATION CULTURELLE

    Mieux articuler le sanitaire et le social dans le champ de la santé mentale interpelle sur le fond ce qu'il en est aujourd'hui de la psychiatrie. Est-elle ou non capable de continuer à se définir dès lors que, sans oublier sa dimension de soins aux malades mentaux, elle intégrerait aussi dans sa définition une mission d'intervention plus élargie dans l'environnement social. Environnement social comme facteur de risque de la maladie mentale, comme contexte de la vie et de la réinsertion des patients, mais aussi comme espace collectif sur lequel la psychiatrie aurait à prononcer un discours de réformateur politique. On voit bien le danger de dérive et la nécessité qui existe en ce qui concerne la santé publique sur la question. Or, interpeller la santé publique, c'est élargir un état de maladie ou de handicap à ce qui fait la continuité d'une existence, maladie comprise, système de soins compris, que l'on y soit inséré mais aussi si l'on en est exclu. Par la santé publique, on dépasse la dimension médicale habituelle, personne à personne, relation duelle, hippocratique dans l'espace du secret médical. On y parle en termes de populations. Et dès lors on change d'échelle, on change d'espace. Approche statistique de grands ensembles, approche en termes de tendances mais qui n'est pas nulle, au moins en termes d'impacts. En effet, aujourd'hui, c'est beaucoup moins sur le savoir et l'expérience que se construisent les politiques. Elles s'appuient plus volontiers sur une espèce de méta- vérité virtuelle qui est faite de chiffres et d'indicateurs résultant de méthodes à la fois épidémiologiques, économétriques, sociales et que l'on appelle globalement la santé publique (...).
    En fait, quel est le projet explicite ou non quand nous voulons aider les personnes malades ou stabilisées à émerger ? Est-ce de les rendre capables de satisfaire seules le niveau exigeant de l'ordinaire - remplir les papiers, accompagner mille choses extrêmement compliquées, sans être plus incompétentes que nous tous. Ou bien est-ce qu'on veut tout simplement les rendre capables d'arriver à manger seuls, à mettre un pied devant l'autre, éventuellement de s'exprimer un peu sur le versant de la sexualité si ça les intéresse, ou si on les autorise à le faire (...).
    Médecine, chirurgie, psychiatrie, il y a toujours un état antérieur, un extérieur à ce qui se passe dans la relation clinique, un extérieur d'où émerge la personne et où elle retournera. Y a-t-il une partie de responsabilité de ce monde extérieur qui incomberait à ceux qui, à l'intérieur de nos institutions, se trouvent être les soignants d'une personne à un moment donné ? C'est toute la théorie et la démarche ouvertes depuis longtemps par le secteur (...).
    Reconnaître ce qui pourrait sembler être une évidence, qu'il y a un extérieur, c'est admettre que la vie du patient n'est pas réductible à ce qu'il en apparaît dans les moments où il est en contact avec l'équipe des infirmiers ou des médecins. Mais cela ouvre aussi une interrogation redoutable, souvent implicite, posant problème sur le fond : est-ce que l'on devra assumer par la suite, et à long terme éventuellement, la charge de protéger et d'accompagner la vie du patient à l'extérieur sous prétexte qu'à un moment donné de sa trajectoire, par le hasard des choses, il est venu rencontrer le service de soins dans lequel on travaille (...). Mais, pour la psychiatrie, se situer par rapport au devenir du malade apparaît moins évident. Pourquoi est-ce qu'on veut mieux articuler le social et le médical ? Est-ce que c'est pour mieux soigner une phase aiguë et sa retombée ? Est-ce pour mieux rééduquer ou mieux éduquer une déficience ou un retard ? Est-ce que c'est tout simplement parce que le malade relève d'un droit à être assisté dans sa trajectoire de vie, jusqu'au bout, comme doit le faire la sécurité sociale pour son ayant droit ou comme le fait l'armée avec un ancien soldat ? L'exemple est significatif puisque le modèle « ancien combattant » reste partiellement une base de référence pour l'appareillage des handicaps (...).
     
    Un large questionnement
     
    En France, en gros, quand on est sorti d'une institution, son rôle est fini, elle ne vous connaît plus. Or, la question que nous nous posons pour une meilleure articulation du sanitaire et du social, au bénéfice d'une personne dont la vie et les difficultés de toutes sortes ne seront pas éteintes miraculeusement le jour de sa sortie, c'est de savoir s'il convient de continuer ce que je pourrais appeler une prise en charge multi-institutionnelle globale, après la sortie d'une institution spécialisée faisant partie de cette chaîne globale ? (...).
    Aujourd'hui que souhaitons-nous pour ceux qui n'y arrivent pas bien tout seuls dans la vie civile ordinaire ? Faut-il arrêter notre mission, exclusivement réalisée par des professionnels, à la fin de la séquence de prise en charge par prix de journée sociale et/ou médicale ? Faut-il accompagner, tout au long de leur existence, quels que soient les âges de la vie, un grand nombre de nos contemporains, et pas seulement les malades graves et les grands incapables ? Accompagnement qui ne serait pas seulement le fait de la famille et d'éventuels amis mais réalisé par des gens payés pour le faire, dans le cadre d'une mission publique. Il y a là une question qui, à mon avis, n'a jamais été clairement résolue et je ne sais d'ailleurs pas si on peut la résoudre.
    Autre question, autres enjeux, devons-nous continuer à travailler au cas par cas ? Le modèle dominant de l'assurance maladie, de l'aide médicale ou plus généralement de l'aide sociale, ne connaît et ne nous désigne qu'une personne à la fois, même si l'on peut avoir à travailler sur ses proches. Ce mode de désignation, donc de délégation d'intervention sanitaire et sociale qui nous est conférée, nous oblige au travail focalisé sur une seule personne, dans le cadre d'un mode précis et limité de mandat et de financement. Est-il possible de penser autrement cet état de choses ? Nous ne sommes payés que pour prendre en charge la personne désignée, porteuse du symptôme. Aucun d'entre nous n'a explicitement une mission de travail un peu globale sur l'environnement de cette personne, bien qu'il soit facteur de risque ou espace d'épanouissement potentiel. C'est là que se joue aussi l'ouverture de la psychiatrie vers le social. Il y a des problèmes techniques, notamment parce que les financements et les compétences du sanitaire et du social sont extraordinairement séparés en France plus que dans d'autres pays, mais indépendamment de cela, il y a une culture de définition restrictive des missions qui nous sont confiées, ou des missions que nous nous auto-confions. A quoi affecter la mission de la psychiatrie publique ? Prise en charge à long terme de patients malades et dont l'institution devient comme leur parentèle de substitution, pour toujours. Soins discontinus et aide à des personnes insérées dans un milieu de vie mais qui n'y arrivent pas toutes seules. Dans ces cas-là, concrètement, notre temps de travail et nos institutions s'occupent directement de patients désignés et admis dans nos dispositifs. Le débat d'aujourd'hui, quasiment l'alternative dans certaines circonstances, c'est de quitter le service direct aux patients pour s'occuper des gens qui s'occupent des autres. C'est bien l'interpellation faite à la psychiatrie quand les travailleurs sociaux, éducatifs, familiaux, frappent à la porte en déclarant « on n'y arrive pas, venez nous donner un coup de main ». Et nous connaissons bien souvent la réponse à ceux qui se manifestent encore : « mais ce n'est pas de la psy ». Plus qu'avant, la mission nouvelle qui se dessine, c'est d'aider les acteurs de première ligne qui, dans les multiples facettes de la vie sociale, sont au contact direct de l'armée du mal être et de ses symptômes. Est-ce que nous avons, comme responsables institutionnels, le souci d'amener nos contemporains ordinaires à des envies d'engagements de solidarité, au savoir-faire nécessaire pour que leur bonne volonté puisse être efficace sans risquer d'être iatrogène ? En clair, souhaitons-nous inventer et promouvoir des modes d'actions autres que la panoplie médico-sociale et psychiatrique actuelle ? Modes d'actions qui ne seraient pas conçus et mis en œuvre par des professionnels seulement ?
    Du strict point de vue des besoins à moyen et long terme, dans le champ de la maladie mentale chronique et du handicap, mieux articuler les services sanitaires et les services sociaux est une nécessité incontournable, rendue encore plus exigeante par les progrès des soins, de la réadaptation et une espérance de vie offerte aux patients plus longue qu'autrefois. Une réunion comme celle d'aujourd'hui y participe et les interrogations que se posent les psychiatres publics et privés vont dans ce sens, même si des résistances théoriques, techniques et organisationnelles demeurent. Mais je voudrais terminer en insistant sur le fait que les enjeux d'un meilleur croisement entre le champ de la psychiatrie et celui dit du médico-social, ne sont pas seulement ceux de la réforme des institutions de soins aigus et de longue durée. Il me semble encore que ceux qui, mieux que d'autres, appuient leur parole sur du savoir psy, doivent se risquer à étudier plus largement les modes de vie en évolution, prendre position sur les propositions naissantes de transformation des rapports sociaux et de leur réorganisation.

    Antoine LAZARUS

    Professeur à l'UER de Bobigny




    Editorial : DES ENJEUX CONSIDÉRABLES

    La question de l'articulation entre le dispositif médico-social et la psychiatrie contient un ensemble d'enjeux très important pour les deux dispositifs.
    Pour le premier, comment ne pas perdre, ou retrouver dans les soins psychiatriques un soutien et un enrichissement dont il ne peut se passer, et qui risquent de lui faire de plus en plus cruellement défaut ?
    Pour la psychiatrie, l'enjeu est
    plus vaste encore car éthique, financier, structural et culturel. Il impose de relativiser la réussite du projet thérapeutique au profit d'un projet éducatif et de vie de plus en plus prépondérant. Il confronte aussi au cloisonnement qui devrait céder la place à un continuum gradué au sein duquel la place du patient évolue. Il est financier, car il oblige à la coordination harmonieuse entre des financements d'origine différente à propos de la même personne. Structural aussi, car l'évolution et la diversification de la psychiatrie ne pourront s'effectuer
    si la modernisation du dispositif intra-hospitalier n'est pas aboutie. Or, celle-ci dépend aussi de l'articulation du segment hospitalier avec un dispositif gradué médico-social. Est-ce à la psychiatrie d'en être le promoteur, sur ses propres deniers gagés ou non par ses moyens intra-hospitaliers, ou à d'autres ? Mais dans le premier cas, comment la psychiatrie pourra-t-elle financer ses autres missions qui s'amplifient ?
    Enfin, la forme donnée aux solutions possibles de transformation, par l'externalisation, est aussi importante. Elle implique, pour les patients qui en relèvent, le choix de la communauté et de la proximité et pour les hôpitaux concernés, celui des besoins des patients et non ceux des institutions.

    S. Kannas




    QUELS FINANCEMENTS POUR LES STRUCTURES MÉDICO-SOCIALES

    Si la recherche de l'articulation entre le secteur sanitaire et le secteur social et médico-social se réduit à la recherche de la restructuration immobilière de ces secteurs, et à la course aux financements du sanitaire et du médico-social, on aura perdu l'occasion de résoudre des problématiques et des difficultés qui interpellent un champ plus ouvert qui s'appelle « La lutte contre les exclusions ». En clair, c'est un enjeu de cohésion sociale de notre pays.
    Les partenaires sociaux et les professionnels ont confisqué cette réflexion qui concerne pourtant l'ensemble du corps social. Si l'on rétablit pour tous le débat autour de la lutte contre les exclusions, et pour la part qui nous concerne, à l'insertion sociale, on va élargir le champ des interventions sanitaires et sociales, en termes de santé, telle que la définit l'Organisation Mondiale de la Santé : c'est-à-dire un état de bien-être physique, mental et social. Ainsi, on posera différemment la question du financement des structures sanitaires, sociales et médico-sociales, et cela concernera l'ensemble des pouvoirs publics de notre pays : Etat, collectivités territoriales, système de protection sociale, etc.
     
    Le constat
    Il est double : les besoins sont en augmentation dans un champ de plus en plus ouvert sur la société ; la complexité du système rend difficile d'y répondre.
    * Le champ des compétences est enchevêtré, voire intriqué entre l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale (CNAM, CNAV, CRAM, MSA, etc.).
    * Les statuts des structures sanitaires et sociales sont divers : établissements publics de l'Etat, des collectivités territoriales, établissements publics de santé, établissements associatifs, établissements privés à but lucratif.
    * Les modes de financement sont divers et croisés : dotation globale de fonctionnement, tarification à la journée, subventions, prêts, et relèvent de différentes institutions telles que l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale, les associations, etc.
    * Les instances de tutelle, de contrôle et de tarification sont variées et indépendantes, et sont dans des logiques contributives et contradictoires.
    * Cette organisation crée des flous et des chevauchements. Pour mieux articuler les interventions sanitaires, sociales, et médico-sociales, que faut-il faire ?
     
    La clarification
    Il faut inclure dans le champ social et sanitaire, toutes les populations vulnérables, en difficulté ou en risque : personnes âgées, malades mentaux, handicapés, les exclus du social, l'enfance en danger, etc. Il est donc nécessaire d'élaborer, dans un premier temps, une clarification de la place de tous, sur la base d'un diagnostic territorial transversal : qui fait quoi, qui travaille avec qui, comment peut-on faire ensemble ? Travail institutionnel ou travail en réseau ?
    Ce diagnostic territorial doit pouvoir préciser par une observation, les demandes et les besoins des populations les plus en difficulté ; les interventions sur le territoire de chaque acteur du sanitaire, du social et du médico-social ; quel projet partenarial et coordonné, partagé, peut être développé ; et enfin, quelles actions sanitaires et sociales doit-on conduire. (avec ses objectifs, ses moyens et son financement, son évaluation) ? Quelle part chaque institution apportera à la mise en place de l'action ?
     
    Les outils
    Les outils les plus classiques restent les outils de « l'aménagement social du territoire » (planification, programmation, schéma des équipements sanitaires et sociaux) et la contractualisation (schémas des équipements sociaux et médico-sociaux, contrat de plan régional et contrats d'objectifs et de moyens). Cette démarche méthodologique liée au « développement social du territoire » passe par une bonne connaissance préalable des besoins, par un observatoire social local, et par une bonne documentation-communication reposant sur la maîtrise de la législation et de la réglementation. Enfin, ce processus « itératif » entre les pouvoirs publics et le territorial, doit pouvoir compter, pour s'enrichir, sur « I'expérimentation » du terrain.
     
    Quels financements
    Si les institutions et les professionnels s'inscrivent dans une démarche visant à un projet partagé, concerté et coordonné, ils pourront rechercher les financements croisés qui s'additionneront pour produire de l'action individuelle et collective.

    Michel MASSAT

    Directeur de l'Action Sociale du département des Yvelines


    ÉVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE DES HANDICAPÉS

    L'auteur retrace le processus qui, depuis le début du siècle, conduit à une mise en place de dispositifs de mieux en mieux adaptés aux besoins des handicapés.
    Il insiste en particulier sur les mesures et initiatives prises depuis une vingtaine d'années et qui dessinent aujourd'hui quelques orientations fondamentales :
    1/ l'intégration optimum à tous les âges de la vie, depuis la crèche jusqu'à l'emploi et la vie sociale, en passant par l'intégration scolaire,
    2/ la création d'institutions spécialisées lorsque l'intégration n'est pas possible, mais on demande à ces institutions une normalisation des objectifs et des prestations de manière à ne pas reproduire la ségrégation,
    3/ le renforcement des échanges entre le milieu des institutions spécialisées et le monde normal d'éducation, de formation, d'habitat et de travail,
    4/ le développement d'alternatives aux institutions, c'est-à-dire l'accompagnement de processus d'intégration partiels ou semi-protégés,
    5/ l'accroissement des droits des usagers : il s'agit d'accentuer les droits des personnes handicapées dans leur choix de vie et leur choix des prestations financées par la collectivité. Cette cinquième orientation est importante car elle devrait, logiquement, encourager la multiplication des services aux personnes plutôt que les institutions traditionnelles. Il note particulièrement les orientations des textes qui préparent à la révision de la Loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales :
    - des droits des usagers et de leur entourage (remise d'un livret d'accueil avec une charte de la personne accueillie et un règlement de fonctionnement, le recours possible à un médiateur...),
    - des modalités d'organisation et d'évaluation des interventions sociales davantage axées sur le « sur-mesure que sur le tout-institutionnel »,
    - des coopérations et des synergies entre les établissements médico-sociaux d'une part, et, entre ces derniers et les établissements de santé, d'autre part.
    Ce dernier point intéresse particulièrement la réflexion sur l'articulation entre le sanitaire et le médico-social. Et l'auteur souligne le rôle du secteur médico-social, rôle important d'alternatives aux réponses en santé mentale. Il note :
    * En foyer d'hébergement, en foyer de vie, en FDT, plus d'un résident sur sept est affecté de troubles graves de la personnalité ou d'un handicap par la maladie mentale ; c'est le cas pour 20 à 25 % des employés handicapés des centres d'aide par le travail.
    * Des coopérations entre le sanitaire et le médico-social, malgré des cultures et des approches différentes se sont, avec des difficultés certaines, instaurées.

    Gérard ZRIBI Directeur Général AFASER


    UN PARTENARIAT CHS CHARLES PERRENS (BORDEAUX)ET UNE ADAPEI

    Un GIP associe le Centre Hospitalier Charles Perrens et l'ADAPEI Gironde dans la prise en charge et l'accompagnement d'adultes autistes gravement handicapés.
    L'objectif général est de proposer une articulation entre un cadre de vie avec possibilité d'accompagnement pour les soins, l'autonomie, l'insertion sociale et un lieu de soins à temps complet, en service psychiatrique, réservé à des périodes de décompensation et de crise.
    L'organisation projetée garantit une forte implication des partenaires et une parfaite maîtrise des transferts des personnes entre le lieu de vie et le lieu de crise.
     
    Les buts poursuivis
    * Assurer une prise en charge et un accompagnement de la personne autiste et gravement handicapée de la manière la plus adaptée et la plus efficace, dans un environnement correspondant précisément à ses besoins.
    * Participer à la maîtrise des dépenses de santé en évitant les hospitalisations inadéquates.
    * Conserver la maîtrise du transfert des personnes entre le lieu de soins et le lieu de vie à l'extérieur et réciproquement.
    * Prendre en compte la dimension associative du projet en intégrant la personne handicapée dans son environnement familial et parental, tout en renforçant la composante soignante, afin de contribuer à son maintien dans le lieu de vie.
     
    La population concernée
    D'une part, 38 patients présentant une pathologie déficitaire (catégorie F 84 de la CIM 10 et 17 dans les catégories F72 à F79) âge moyen : 32 ans et 42 ans. D'autre part : 25 adolescents et jeunes adultes : âge moyen : 16 ans.
     
    Le schéma d'organisation sanitaire
    Le projet ne comporte pas de création de lits ou de places et est conforme au schéma des personnes adultes handicapées de la Gironde qui demande, « d'adapter, améliorer et développer les réponses alternatives au maintien en milieu ordinaire de vie » ainsi que de « coordonner les interventions et travailler en réseau ».
    « La globalité et la continuité des interventions au profit de la personne handicapée sera assurée par la mise en place d'un dispositif de travail en réseau dans lequel des établissements et services devront s'inscrire et une mise en complémentarité des équipements, tant sanitaires que médico-sociaux, sur un même secteur géographique ».
     
    Renforcement du personnel para-médical dans le lieu de vie
    Ce choix doit faciliter le maintien des personnes gravement handicapées dans le lieu de vie et éviter la suroccupation de l'unité de crise.
    Le personnel médical : deux postes :1 psychiatre mi-temps sur le lieu de crise mais avec engagement de poursuivre la prise en charge sur le lieu de vie ; 1 généraliste mi-temps affecté au lieu de vie.
    Les autres personnels
    1) Intervenants communs au lieu de vie et au lieu de crise :
    Ils sont affectés principalement sur le lieu de vie : un mi-temps d'assistant social, un mi-temps de psychologue clinicien, un psychomotricien, un ergothérapeute.
    Soit trois postes en équivalent temps plein.
    2) Effectif nécessaire pour le lieu de crise : ce sont les effectifs habituels d'une unité de soins de ce type qui comprennent un cadre infirmier, 10 infirmiers, 5 aides-soignants, 4 agents de service hospitalier.
    Soit en tout 20 personnes.
    3) Les effectifs nécessaires pour le lieu de vie sont les suivants :
    - Direction Administration : un directeur, un directeur-adjoint, une secrétaire de direction, 0,5 employée de bureau (selon statut convention collective ADAPEI).
    - Services généraux : 8 agents de service intérieur ou ASH. Cet effectif ne comprend pas de personnel pour les services logistiques : restauration, blanchisserie, entretien des bâtiments et des matériels feront l'objet de prestations extérieures chiffrées dans le budget de fonctionnement.
    - Personnel de contact : Le jour : 38,5 personnes (10 infirmiers, 9 aides médico-psychologiques, 9 aides- soignants, 10,5 moniteurs-éducateurs). La nuit : 4,5 veilleurs de nuit (statut convention collective ADAPEI).
    - Personnel de remplacement non-permanent : 2,5 personnes pour les veilleurs de nuit, 1,8 pour le personnel de jour soit 4,3 postes en équivalent plein temps.

    Bernard Deixonne *

    Directeur des services financiers, CHS Charles Perrens

    Chantal Savin *

    Directrice de la Stratégie, CHS Charles Perrens

    Christian Tabiasco *

    Ancien Directeur ADAPEI, Gironde


    DES SOINS GÉNÉRAUX AUX STRUCTURES MÉDICO-SOCIALES

    Le projet de réforme
    Les ordonnances de 1996 visent à permettre l'évolution et la modernisation de l'hôpital confortant sur ce point la Loi du 31 juillet 1991. Elles permettent aussi une ouverture vers le médico-social par le biais de l'Article 51 de l'Ordonnance du 24 avril 1996, rompant ainsi avec la logique, qui avait présidé depuis 1975, de séparation du social et du sanitaire.
    Le projet de réforme de la Loi du 30 juin 1975 nous propose l'hypothèse suivante : le secteur médico-social sera progressivement géré comme le secteur sanitaire. Le système de dotation globale, d'agence régionale, de schéma opposable, et les valeurs repères proposées par la loi que sont la contractualisation de la prise en charge, les droits de l'usager, l'instauration d'une référence, à la qualité, et sans doute à une forme d'accréditation, nous obligent à regarder simultanément ces deux mondes qui ont longtemps été opposés : la maladie et le handicap, le soin et le prendre soin (« cure » et « care »), l'éducatif et le médical, les lieux de vie et les lieux de soins, l'usager sujet et acteur de sa vie ou objet de soins. C'est la notion de service rendu à l'usager pris dans sa globalité qui devient élément fondamental.
     
    L'usager au centre du projet
    Il est le destinataire des diverses prises en charge ; il l'est en tant que citoyen, même s'il est handicapé, il doit bénéficier d'un projet de vie s'appuyant sur la multiplicité des points de vue réunis en une synthèse. Cette approche dans un centre hospitalier oblige à un recentrage des agents sur leurs pratiques professionnelles et leurs compétences : les infirmiers sur la dimension globale des soins, les éducateurs sur les aspects du prendre soin, cadre de vie, activité, environnement, socialisation.
     
    L'hôpital en projet
    L'activité de l'hôpital est organisée autour du médecin, des actes médicaux, des pathologies des patients et de l'idée de guérison. Les structures médico-sociales abordent la prise en charge des personnes handicapées de façon plus horizontale, le regard de chaque intervenant (médical, éducatif, rééducation) est une contribution, non hiérarchisée qualitativement à la prise en charge et au bien-être des usagers, pour leur permettre de développer un projet de vie.
    L'hôpital peut évoluer vers le médico-social quand la prise en charge du patient le justifie : seules peuvent être à vaincre, dans un premier temps, les résistances médicales. Mais le parcours est difficile : il faut intégrer une nouvelle culture et gérer de façon volontariste le social, ce qui entraîne une réorganisation interne, le redéploiement d'agents et leurs requalification professionnelle à combiner avec le recrutement des personnels médico-sociaux qualifiés, directeurs d'établissements sociaux, et cadres socio-éducatifs notamment.
    Il est donc crucial d'opérer ce changement culturel important sans risquer de conflit ou d'opposition entre un secteur sanitaire prédominant et un secteur social émergent. Il peut donc être décidé de créer des « binômes soignant-éducatif » lorsque les éducatifs sont nouvellement recrutés ou en formation.
    Mais les structures médico-sociales, même les plus médicalisées d'entre elles, auront toujours besoin de l'hôpital, de son plateau technique, du savoir-faire, des actes et des gestes de la médecine aiguë ou de crise pour les résidants qu'elles accueillent, ceux-ci étant plus fragiles que la population dite normale.
     
    Une synergie entre le sanitaire et le médico-social
    Le secteur sanitaire d'un établissement pour lequel les nouvelles dispositions juridiques prévoient une prise en compte sans précédent de l'usager, s'enrichit fortement des dispositions et solutions mises en place dans les structures pour adultes handicapés, le patient redevenant une personne prise en charge individuellement dans une « médecine globale ».
    La démarche qualité entreprise, centrée sur le patient ou le résident, dans le cadre de processus transversaux, intègre les réflexions développées par l'émergence du secteur « handicap », et constitue un élément fort du management participatif nécessaire à la mise en œuvre du projet d'établissement. Enfin, elle s'inscrit dans la procédure d'accréditation.

    Marie-Paule MORIN *

    Directrice du Centre Hospitalier de Beaumont-sur-Oise

    Michel ROUX *

    Directeur-Adjoint du Comité d'Etude et Soins polyhandicapés (CESAP)


    COMMENT ORGANISER LA FILIERE DE SOINS POUR RÉSOUDRE LES INADÉQUATIONS ?

    Le temps est venu que la psychiatrie admette de n'être plus considérée comme la réponse unique aux pathologies mentales. Ce qui suppose de nouvelles façons de concevoir les alternatives à l'hospitalisation. En fait, l'idée d'une articulation avec les institutions sociales et médico-sociales n'est rien d'autre qu'une démarche de réseau. S'interroger sur la chronicité, ce n'est pas délaisser les chroniques !
    L'exposé de l'auteur s'interroge en effet sur la notion de chronicité en psychiatrie, à travers l'histoire de l'assistance apportée aux aliénés en France au cours du XIXe siècle, jusqu'aux conceptions des psychiatres de la libération qui déboucheront sur la sectorisation - et sur son échec partiel. Cet échec naît d'une contradiction entre la rupture radicale avec l'option ségrégative en vue d'intervenir « dans la cité » et l'absence de modification profonde des concepts restant axés sur la maladie mentale, à travers ses institutions intactes. C'est ainsi que si le secteur représentait « le déploiement en acte de la spécificité de la psychiatrie », l'organisation de la psychiatrie démeurait, au milieu des années 80, essentiellement hospitalière.
    Aujourd'hui, le débat dépasse la psychiatrie du CHS/ la psychiatrie du CHG, se poursuit par celui de l'articulation et de la répartition des champs d'activité du sanitaire et du médico- social. Il est temps de passer des oppositions idéologiques à la considération des réalités ; donc de cesser de vouloir concilier l'inconciliable pour tenter des réponses opératoires.
     
    Propositions de réponses
     
    Les patients hospitalisés qui ne relèvent plus de l'hospitalisation relèvent de 4 cadres nosographiques :
    - les psychoses chroniques stabilisées et de nouvelles pathologies (états-limites, etc.) demeurant dépendantes de l'institution et en attente d'une alternative,
    - les personnes âgées détériorées psychiquement et physiquement en attente d'un service de long séjour,
    - les psychoses infantiles et les arriérations parvenues à l'âge adulte, en transfert ancien des services de pédo-psychiatrie,
    - les polyhandicapés et adultes jeunes dépendants (atteinte neurologique et désocialisation).
    Pour tous ces patients, la prise en compte de l'autonomie versus la dépendance auxquelles concourent la dimension psychopathologique et Ies circuits en place doit permettre de dégager des points communs aux soins et au médico-social, sans exclusion.
    Certains établissements ont spécifié leurs unités : pavillon d'admission ; de suite ; de réinsertion ; d'autres ont maintenu des unités non spécifiées où se côtoient tous les types de pathologies... La situation représente un moment historique où les hôpitaux sont marqués par le regroupement à certaines périodes de certains types de patients ou de pathologies. Aujourd'hui le recrutement cesse pour les polyhandicapés, diminue pour les psychoses infantiles, se poursuit pour les psychoses chroniques.
    En règle générale, la situation est figée.
     
    Une démarche intersectorielle
     
    Prendre en compte la chronicité, c'est vouloir résoudre l'insuffisance des moyens extérieurs aux établissements - donc créer des outils. La notion de secteur est ici peu pertinente du fait de la rupture avec la communauté. La première étape passe par une requalification des unités de court séjour, une spécification d'unités par la mise en commun de moyens et de compétences. Les patients sont regroupés selon leur situation clinique et leur état de dépendance sur la base d'un projet thérapeutique individuel.
     
    A- Les psychotiques stabilisés
    Cette population comporte plusieurs sous-groupes de patients à potentialités différentes. Une évaluation clinique doit pour chaque cas trouver la réponse adaptée (proximité, site hospitalier, hébergements divers, appartements thérapeutiques, etc.) ces derniers sur une base intersectorielle articulant les démarches intra-hospitalières des unités de préparation à la sortie (U.P.S.) avec les structures alternatives. Il s'agit de proposer un réseau articulé, souple et gradué de réponses.
     
    B - Les psychoses infantiles et les arriérés adultes
    Dans les cas où ils ne peuvent être accueillis en structure médico-sociale, ils nécessitent des unités associant projet éducatif et soutien soignant. Ces unités développent un réseau avec l'ensemble des structures médico- sociales de la zone d'attraction. Elles pourront constituer un département organisant une unité de court séjour pour bilan, diagnostic, orientation et traitement séquentiel.
     
    C - Les polyhandicapés
    On estime le nombre des adultes polyhandicapés en France entre 30 000 et 40 000. Il s'agit là de polyhandicapés associant déficiences motrice et mentale avec restriction extrême de l'autonomie. Ces patients nécessitent des unités capables d'offrir un nursing prévalent et divers modèles d'interventions.
     
    Des principes
     
    La mise en place de ces unités passe par une reconnaissance de leur existence et par le développement de nouvelles compétences. Chaque unité doit être placée sous la responsabilité d'un médecin et d'un cadre infirmier qui assurent les nouvelles missions et leurs objectifs.
    Il s'agit d'apporter une réponse au cas par cas et non générale, et de raisonner, en termes d'insertion, pour des malades à évolution lente. Les nouvelles compétences peuvent être acquises par la formation continue des professionnels et le recrutement de certains secteurs du sanitaire et du médico-social. A mesure de l'évolution de la population prise en charge, les unités se transformeront en vue de nouvelles missions sanitaires ou médico- sociales.
     
    La démarche de base est celle du réseau entre le sanitaire et le médico-social
     
    La délimitation entre le sanitaire prépondérant et le médico-social prépondérant s'appuie essentiellement sur des arguments techniques.
    Si le registre de réponses est à dominante médico-sociale pour les psychoses infantiles, l'arriération et le polyhandicap, les psychoses chroniques relèvent de réponses sanitaires prépondérantes.
     

    Gérard MASSÉ

    Responsable de la MNASM -
    CH Sainte-Anne




    LES RÉSISTANCES RESPECTIVES DU SANITAIRE ET DU MÉDICO-SOCIAL

    Au cours des dernières années, un nombre croissant de patients a basculé vers les structures sociales et médico-sociales. Le mouvement inquiète la psychiatrie et le secteur social. Dans un contexte économique difficile « la peine à vivre » (H. Arendt) déborde les catégories des pathologies ou des formes de la précarisation, et le flou des concepts entraîne un désarroi devant « l'inefficacité des différents outils techniques et sociaux ».
    AUJOURDH'Ul (1998) 500 000 personnes cumulent précarité sociale et précarité médicale (CREDES). 12 à 15 millions d'individus souffrent en France de « souffrance mentale » s'ajoutant à la précarisation. S'il ne saurait être question de psychiatrie, mais de souffrance existentielle, il faut pouvoir répondre à la détresse et aux dégradations. D'où la nécessité de favoriser la combinaison des interventions des travailleurs sociaux et des équipes psychiatriques.
    LA NÉCESSITÉ est de trouver des modes de collaboration qui tiennent compte, par delà les logiques propres des dispositifs psychiatriques, sociaux et médico-sociaux, de la réalité complexe et instable des personnes en difficulté.
    Faire accepter aux professionnels les changements nécessaires implique des modifications dans l'organisation du travail et dans les identités de chacun. L'auteur insiste sur les différences culturelles enracinées des professions éducatives et soignantes.
     
    Les professions sociales et éducatives
    Le champ d'intervention des éducateurs spécialisés, est aujourd'hui très large : nés dans le secteur de l'enfance inadaptée, ils sont sollicités en milieu scolaire, en psychiatrie ; ils s'occupent d'adultes, d'handicapés, de RMIstes, de personnes âgées. A l'intérieur même du champ, les projets individualisés et institutionnels s'inscrivent dans les trois dimensions : éducative, pédagogique, thérapeutique, ce qui justifie des équipes pluridisciplinaires, au sein desquelles chacun des actes n'est pas la propriété exclusive des uns ou des autres : « trois actes pour trois acteurs, mais aussi trois actes pour un même acteur ».
     
    Les infirmiers en santé mentale
    Depuis l'arrêté de 1998, leur diplôme est validé non seulement pour les établissements de santé mais pour les institutions sociales et médico-sociales. Mais quel intérêt ont-ils à passer du premier secteur à l'autre ?
    Les infirmiers éprouvent un malaise qui touche à leur travail et à leur identité. Certains revendiquent un « rôle propre », une « science infirmière », « un diagnostic infirmier », comme affirmation d'un contre-pouvoir vis-à-vis de références distinctes : psychanalyse, biologie, sociologie...
     
    D'autres se réfugient dans l'action au quotidien
    Pour ajouter au trouble, il y a eu la question de la reconnaissance du diplôme des infirmiers du secteur psychiatrique qui s'est soldée par l'acquisition du titre d'infirmier de soins généraux, qui ne mettra sans doute pas fin à la bipolarisation des identités professionnelles, entre techniciens du soin et des infirmiers qui se sentent proches (hors hôpital) des travailleurs sociaux. Cette antinomie entre le pôle relationnel et le pôle instrumental, qui recoupe largement la distinction entre travail en milieu hospitalier et extrahospitalier est illustrée par une enquête d'A. Pidolle qui révèle que 39 % des infirmiers du secteur psychiatrique s'estiment proches des éducateurs, contre 26 % qui se sentent proches des infirmiers de médecine générale.
    De surcroît, l'évolution du travail infirmier doit être mise en perspective avec l'intervention de nouveaux professionnels à l'heure du redéploiement des moyens en personnel, alors que l'inflation passée des effectifs a surtout profité - en pourcentage - aux psychologues, aux assistants de service social et au personnel éducatif. Avec le diplôme unique, le choix d'une intégration complète au champ médical a le mérite de la clarté. Il participe d'une médicalisation de la psychiatrie dans le contexte des courants organisés et de la psychiatrie biologique et il éloigne les infirmiers de la psychiatrie sociale.
     
    Comment articuler ?
    « La seule façon de tenter de surmonter les résistances des deux bords est d'impulser une réflexion sur les statuts, mais aussi sur les qualifications et sur les compétences. Inévitablement, cela suppose de repenser les formations, à la fois en termes d'adaptation à l'emploi et en opérant une projection sur les besoins à venir ».

    Marcel JAEGER Directeur de l'Ecole d'Educateurs Spécialisés de BUC


    UN CHOIX ENTRE STRUCTURES ET BESOINS

    Les services d'hospitalisation des hôpitaux psychiatriques et des services de psychiatrie des hôpitaux généraux conservent, depuis parfois plusieurs années, des patients régressés, autistes, polyhandicapés, déments et arriérés profonds, dont la présence dans des structures d'hospitalisation de soins aigus, ne se justifie pas. Leur maintien dans ces services s'explique par le déficit criant en structures médico-sociales de type maison d'accueil spécialisée (MAS) ou foyer à double tarification (FDT). Or, les hôpitaux psychiatriques sont confrontés depuis plus de 20 ans à une baisse régulière de leur activité hospitalière : un transfert des patients régressés vers les structures médico-sociales peut accélérer cette baisse d'activité et la question peut se poser de l'existence de ces hôpitaux. La question se pose donc du choix des priorités entre structures de soins et besoins de santé et de prise en charge de cette population.
    Comment créer des structures médico-sociales ? Sur quel site et qui gère ? Voilà la double question qui se pose.
     
    Sur quel site ?
    La plupart des structures médico-sociales créées à l'initiative des établissements psychiatriques l'ont été - avec l'accord des pouvoirs publics - sur le site de l'hôpital.
    L'auteur voit là une erreur pour trois raisons :
    - la stigmatisation de la folie et de la maladie mentale est fortement ancrée dans ces hôpitaux, conçus au début du XIXe siècle et réalisés jusqu'au milieu du XXe siècle. La maison d'accueil spécialisée ou le foyer à double tarification, installé dans l'enceinte de l'hôpital - avec ou sans entrée particulière - conservera cette stigmatisation,
    - l'histoire et la culture asilaires, propres à ces établissements, risquent d'influencer l'organisation et surtout le projet de prise en charge des patients dans cette nouvelle structure. Avant tout lieu de vie, la maison d'accueil spécialisée est fondamentalement différente d'un service hospitalier,
    - en implantant la structure médico-sociale dans l'hôpital psychiatrique, au détriment de la prise en charge des patients, ses promoteurs choisissent délibérément d'accorder la priorité à la structure d'hospitalisation psychiatrique. Rien n'interdit en effet une implantation sur un autre site, pas même des considérations budgétaires ou financières, et quel que soit par ailleurs l'organisme gestionnaire.
    L'auteur y voit aussi une volonté de conserver une clientèle issue de l'hôpital afin d'assurer la pérennité de l'institution et constate que le but est atteint, puisque notre pays conserve aujourd'hui la totalité de ses grands hôpitaux psychiatriques, mais qu'en 2003 la Grande-Bretagne aura fermé la totalité des 130 grands asiles victoriens.
     
    Qui gère ?
    L'Etablissement Public de Santé (EPS) peut gérer la structure médico-sociale, mais il est préférable, estime l'auteur, de confier cette gestion à un organisme dont c'est le métier.
    Les structures médico-sociales et le secteur. Les objectifs fondamentaux du texte fondateur du secteur (1960) sont en relation directe avec l'implantation des structures médico-sociales. L'auteur les rappelle :
    Le premier concerne le développement d'actions précoces, permettant d'éviter l'émergence et la persistance d'affections mentaIes, par la prévention, les soins ambulatoires et une hospitalisation recentrée sur sa vocation thérapeutique, et la participation à une meilleure insertion sociale des malades mentaux.
    Le second porte sur la proximité des services au plus près de la population, de manière à faciliter l'accès aux soins, à permettre des soins plus précoces, un suivi ambulatoire et un maintien des patients dans leur milieu social et familial naturels.
    Le troisième objectif, enfin, porte sur la coordination entre les acteurs de santé et les autres intervenants de la communauté dans le champ de la santé mentale.
    La gestion, par les hôpitaux psychiatriques, de structures médico-sociales implantées sur le site même de ces établissements, est aux antipodes de la politique de santé mentale qu'il faut conduire. La période actuelle est pauvre en débats d'idées et en réflexion philosophique sur la psychiatrie à penser et à réaliser. Le discours est trop polarisé sur le maintien des moyens, la sécurité et la conservation de l'hôpital psychiatrique.

    Patrick MORDELET

    Directeur de l'Hôpital de Maison-Blanche


    UN CAT : ÉCUEILS ET DIFFICULTÉS

    Le CAT en question est d'une capacité de 100 places et a été créé en 1983. Le budget du CAT est de 6,8 MF ; le budget du foyer d'hébergement de 5,8 MF et le chiffre d'affaires de 6,9 MF.
     
    Deux diffcultés
    1. La fongibilité des enveloppes : comme la création du CAT provient de réductions de capacités et de crédits de la psychiatrie, il s'agit de basculer les crédits du secteur sanitaire vers les crédits du budget de l'Etat. La première enveloppe est gérée par l'ARH ; la seconde par la DRASS et la DDASS. Il s'agit donc de délégations de crédits spécifiques. Budgétairement, il s'agit d'un transfert de crédits : quel est le bien-fondé de l'opération, compte tenu de ces mécanismes complexes ? Par ailleurs, l'encadrement des crédits fait du CAT - section sociale - une structure très normalisée.
    2. Les qualifications
    Le CAT, géré par l'ASM, est composé de 17,7 postes ETP, dont la majorité (14,7) sont des moniteurs qui encadrent les travailleurs handicapés.
    Un des enjeux de cet aspect du problème est la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
    En effet, faut-il privilégier, dans ce cas, la présence au sein des ateliers d'infirmiers ayant une compétence technique (qu'il faut parfois leur donner), ou faire appel à des professionnels que l'on sensibilise à la maladie mentale ?
    Le premier cas de figure pourrait paraître le plus séduisant, mais se pose alors la question du coût salarial, qu'il n'est pas toujours possible de financer, compte tenu du coût à la place limitatif. En tout état de cause, il appartient à l'établissement qui élabore le projet d'arrêter le plus rapidement possible une stratégie afin d'anticiper au mieux les besoins en recrutement en profitant des départs naturels.
     
    Le choix des activités
    On ne peut se contenter de l'occupationnel. Ici, on a opté pour des ateliers à « marché captif » (garage, blanchisserie) ou d'autres intégrés dans le marché économique (menuiserie, ferronnerie, etc.). Tous ces ateliers dégagent des marges pour la rémunération des handicapés (10 à 15% du SMIG).
    Pour terminer son intervention, l'auteur souligne un dernier point qui lui paraît fondamental, à savoir : éviter qu'une structure telle que le CAT développe sa propre logique d'établissement et se démarque de son objectif initial.
    En effet, dès lors qu'il se situe dans le cadre d'une création à partir des unités de psychiatrie, le CAT devra se positionner en conséquence. Or, la logique économique s'imposant, les choix de recrutement de travailleurs handicapés se portent tout naturellement vers les plus productifs et les mieux intégrables professionnellement. Il faudra donc veiller à organiser, de façon permanente, des liaisons entre les secteurs de psychiatrie et le CAT, de façon à obtenir une décision collégiale d'intégration ou pas du travailleur handicapé, qui ne soit mal perçue par l'une ou l'autre des parties. Ce point est, à son sens, une des clés importantes de la réussite et de la pérennisation du projet.

    Patrick RODRIGUEZ

    Directeur Général de l'Association Audoise Sociale et Médicale de Limoux


    PENSER LA CRÉATION DES MAS ET DES FDT

    Il s'agit, lors de l'écriture d'un projet d'une MAS et d'un FDT d'arrêter les principes qui vont définir les conditions de vie des futurs résidents et de faire en sorte que ceux-ci ne deviennent pas les otages d'une institution qui peut être elle-même la victime de sa propre culture. C'est un travail sur les principes que l'auteur mène depuis 16 ans avec ses collègues des autres CREAI (Centre Régional pour l'Enfance et l'Adolescence Inadaptée), et les 474 établissements (MAS et FDT) de France (Publics et privés).
    Le but est d'assister un promoteur dans l'élaboration de son projet d'établissement ou de donner un avis au CROSS sur la pertinence d'un tel projet.
    Le travail s'opère au sein de séminaires (une semaine) et porte sur l'examen de toute une série d'études :
    - l'étude de la demande et des besoins,
    - l'étude de la population et ses caractéristiques,
    - son degré d'indépendance, (régie directe, convention associative),
    - la taille de la structure (40/50 grand maximum),
    - l'implantation géographique et son environnement,
    - les choix architecturaux (espaces dédiés, choix des matériaux),
    - la composition du plateau technique avec des qualifications et des compétences en nombre suffisant et suffisamment diversifié,
    - le fonctionnement social et organisationnel de l'établissement (les réunions, les horaires, la composition des groupes),
    - la place du soin, la place des familles, la place du psychiatre, la place des bénévoles,...
    Ces études permettent de fixer les difficultés opératoires qui seront rencontrées :
    - des horaires relativement figés où l'on ne repère plus les saisons,
    - l'heure de distribution des médicaments (surtout le soir),
    - les heures du dîner et du coucher,
    - la durée et l'organisation des toilettes le matin,
    - le choix des ateliers et leur mode de fonctionnement,
    - les activités proposées (ou possibles),
    - la nature des repas et de la nourriture (mixés, ...),
    - le cadre de vie de jour comme de nuit,
    - les zones de déambulation (avec le système de clés, et le niveau d'enfermement),
    - les sorties à l'extérieur (s'il y en a encore) et les vacances, si le mot peut encore signifier quelque chose,
    - et enfin, le vocabulaire et le ton utilisés pour s'adresser aux résidents (les diminutifs), les mots pour désigner les personnes « les malades », « les patients », « les grabataires », « les poly », « les psy », « les CRETON »...,
    - et parfois la tenue vestimentaire des professionnels,
    - sans parler du cloisonnement entre les unités de vie et de la juxtaposition des interventions (travail d'équipe... ).
    Les difficultés témoignent de la culture dominante en cause, ce qui donne la mesure du travail en réseau qu'il reste à accomplir à ce stade, et précise la nécessité des formations afin d'organiser une approche pluridisciplinaire.
     
    Pour sortir de la segmentation du secteur
    La marche désormais commencée de l'articulation du sanitaire et du social, du sanitaire et du médico-social, et du médico-social et du social, suppose donc un travail en réseau qui débouche sur une plus grande perméabilité des structures : AP, CAT, Foyers, FDT, MAS, CHS... si on veut arriver :
    - à apporter des réponses de proximité qui puissent être territorialisées,
    - à créer des établissements qui soient de véritables plates-formes multiservices où l'on va de la gestion du maintien à domicile à l'accueil de jour, proposant de l'accueil temporaire et permanent, de l'accueil familial, etc.,
    - à créer des établissements qui soient de véritables centres ressources pour les personnes handicapées et leurs familles.

    René CLOUET

    Directeur CREAI Pays-de-Loire


    ENQUETE DE LA MNASM AUPRES DES CENTRES HOSPITALIERS

    L'enquête se présente sous la forme d'un questionnaire transmis en février 1999, à 330 établissements (130 CHS -160 CHG - 36 MAS-FDT), afin d'obtenir une vision quantitative et qualitative des structures médico-sociales créées et en projet. Le total des réponses s'établit à 112, soit 34%.
     
    1. Les résultats quantitatifs
    On compte 24 MAS créées et 28 MAS en projet ; 4 FDT créés et 15 en projet, ainsi que divers Foyers de vie : 20 créés et 13 en projet. Quelle que soit la structure, on n'observe que peu de différences en personnel :
    - Le ratio : de 1 à 1,3 agent par lit pour les MAS - 1 pour les FDT.
    - La composition : FDT, recours fréquents à un cadre socio-éducatif ; MAS, choix entre aides-soignantes et aides médico- psychologiques. La place des AMP est variable comme celle des infirmiers.
     
    2. Les résultats qualitatifs sur l'élaboration et la mise en place des structures
     
    A - Des difficultés
    * Avant la création :
    - définition des champs de compétence, (Etat - Conseil Général) et conceptions différentes,
    - position de la CME (résistances médicales à un projet de vie plus éducatif que de soins),
    - délai souvent long,
    - manque de crédit,
    - rôle de la COTOREP.
    * Lors de la création :
    - erreur de conception architecturale.
    * En fonctionnement :
    - difficultés d'adaptation : des malades, du personnel redéployé,
    - difficultés de recrutement,
    - difficultés de renouer avec les familles,
    - mauvaise considération des structures par le milieu hospitalier,
    - pressions de certains établissements contre les foyers occupationnels,
    - articulations de fonctionnement difficiles à trouver entre établissements et foyers.
     
    B - Les avantages
    * L'essentiel, la prise en charge des résidents en situation d'inadéquation avec la définition d'un projet de vie.
    * Constat de progrès comportementaux sensibles chez ces résidents.
    * La création apparaît comme la réponse à une situation de carence.
    * La création d'une MAS permet à l'activité du centre hospitalier de se concentrer sur les patients relevant de la psychiatrie.
    Les relations entre les CH et les associations privées du secteur du handicap. Le problème, est celui du comment travailler ensemble :
    a - Au stade du projet : réunions de présentation de chaque « partie » en vue d'un partenariat multiple, dont les CREAI et les associations de parents, pour une intégration des associations dans la conception du projet.
    b - Pour construire un réseau à deux niveaux.
    * Articulation au niveau des structures médico-sociales entre elles : des conventions peuvent permettre une complémentarité entre les structures.
    * Articulation au niveau des relations entre structures et CH : il s'agit de participation et de collaboration en vue de la mise en œuvre d'activités communes (participation réciproque au conseil d'établissement et représentation aux conseils d'administration ; participation réciproque à la vie des structures, collaboration des psychiatres des deux parties).
    * Articulation par actes concrets : conventions de partenariat logistique (achat de prestations au CH), conventions pour la prise en charge de patients chroniques ; signatures de protocoles et intégration des acteurs dans l'élaboration du schéma départemental.
     
    3 - Les éclaircissements souhaités
     
    A la question de savoir quelles sont aujourd'hui les étapes qui restent à franchir pour une bonne articulation du sanitaire et du médico-social, quatre thèmes émergent des réponses comme autant d'obstacles à vaincre :
     
    a - Le financement
    Les modes, le régime des autorisations et de la prise en charge financière, la problématique financière de l'hébergement, etc.
     
    b - Le résident et sa famille
    Il s'agit avant tout de questions autour du handicap et de ses pathologies ; quelles sont ses limites ? Quel type de prise en charge pour ces patients, (la question des groupes homogènes), les erreurs d'orientation et leurs corrections ; la question des autistes adultes avec troubles associés, la possibilité d'une évolution des textes ?
    Il s'agit aussi du rôle de la famille dans les structures médico-sociales, et de l'intégration du patient dans la cité.
     
    c - Les personnels
    C'est la question de leur formation et de leur requalification qui domine, ainsi que de leur composition et de leur hiérarchisation fonctionnelle.
     
    d - Le fonctionnement des structures et leurs créations
    Comment on élabore un dossier CROSS ; comment implanter ou réutiliser des immeubles ; à travers quelles structures concilier les prise en charge de type CATTP et une structure légère d'hébergement ; quels critères conduisent au choix d'une structure juridique ; comment créer une structure alternative à l'hospitalisation, etc. etc.

    Claudine ROUSSET
    MNSAM


    UNE ENQUETE SUR LES MAS ET LES FOYERS A DOUBLE TARIFICATION A ROUFFACH

    Le projet d'ouverture d'une MAS de 45 places et d'un FDT de 40 places au Centre Hospitalier de Rouffach répond du constat, au sein des services de psychiatrie adulte, de la présence d'un certain nombre de patients « en inadéquation ». Ces deux opérations de réorientation médico-sociale ont permis de distinguer les inadéquations, d'obtenir une prise en charge adaptée, de conserver une activité importante sur le site, de créer et de maintenir des postes. Les avantages ont conduit à vouloir savoir si des initiatives semblables avaient été prises ailleurs : d'où l'enquête. UN QUESTIONNAIRE a été envoyé à 93 établissements (ensemble des ex-CHS). 60 ont répondu dont 34 pour dire qu'ils n'étaient pas concernés. Pour les autres, 22 ont un projet de MAS - 6 un projet de FDT, 1 un projet de foyer occupationnel.
     
    Les résultats
    1. 67 ex-CHS sur 93 n'ont pas engagé de démarche médico-sociale (72%).
    2. Les 22 MAS : 16 fonctionnent, le nombre des places varie de 26 à 90. Le prix de journée varie de 717 à 1 100 F.
    3. Les 6 FDT : 2 fonctionnent et ont entre 30 et 40 places. Prix de journée : 800 F. Ratio : 0,9 agent/lit.
    Cette enquête a été conduite en septembre 1998 : à l'époque, moins d'un ex-CHS sur trois avait engagé une réflexion vers le champ médico-social, mais les choses évoluent, comme le montre l'enquête de la MNASM.

    Pierre WESNER

    Directeur du CHS de Rouffach


    PASSAGE D'UNE UNITÉ DE SOINS D'ARRIÉRÉS PROFONDS A UNE MAS

    La MAS de Saint-Jean-de-Bonnefonds est créée en 1986, à partir de la restructuration d'une unité hospitalière, « véritable ghetto asilaire » et devient juridiquement autonome en 1992.
    Le projet actuel est le résultat de dix années d'un lent enchaînement : il définit les objectifs qui doivent permettre à l'usager d'avoir une bonne qualité de vie. Construit avec l'adhésion de tous, il a été élaboré à l'aide de consultants extérieurs, et est passé par diverses phases méthodologiques : consultation des salariés, observation du fonctionnement effectif des groupes (éducateurs et soignants), étude des fonctions.
     
    1. Une prise en charge holistique : le projet est personnalisé et, pour ce faire, il s'appuie sur un recueil d'informations qui permet d'évaluer les troubles de l'usager. Le recueil s'appuie sur des informations préalables recueillies par le référent du résidant dans sa famille et dans l'institution. Le médecin apporte les observations cliniques pour mieux cerner les troubles du comportement ; l'éducateur intervient sur l'évaluation des capacités potentielles, l'infirmier fait état des symptômes observés ; le chef de service cadre infirmier, fait enfin la synthèse de ces informations et arrête avec les techniciens, les décisions. Ainsi sont recentrées sur l'usager les interventions des différents acteurs.
     
    2. Les activités donnent vie à l'institution et structurent le temps et l'espace. Elles sont nombreuses et fort diverses: psychomotricité à fin de développer la motricité globale, et l'attention ; communication, afin d'améliorer la production des messages, expression artistique, toujours en vue d'ouvrir des possibililtés de relation qui confortent le bien-être.
     
    3. Les réunions des professionnels en vue de résoudre les conflits, d'articuler les pratiques et d'exploiter les possibilités d'initiative - et afin de renforcer la cohérence de l'équipe. Ces réunions peuvent être « de relève », de groupe, de projet, générales, fonctionnelles ou de directions. Elles tendent toutes à assurer la dynamique de l'ensemble des initiatives de chacun des partenaires par une continuité fluide des relations.
     
    4. Aujourd'hui : lors d'une enquête conduite au début de 1999 par la conférence d'assurance (SOFCAH) auprès du personnel de la MAS, la forte motivation des acteurs apparaît à travers des réflexions : « on fait beaucoup pour eux » - « les résidents sont respectés » - « c'est une bonne structure d'accueil, où les résidents sont bien », qui témoignent d'une satisfaction basée sur le sentiment du service rendu.
     
    Le directeur insiste pour sa part sur quelques points :
    1 - la participation juridique : elle donne la possibilité d'évoluer vers un lieu de vie.
    2 - le ratio de personnel 1 agent/1 résident est trop contraignant.
    3 - La nécessité de conserver (ou de créer) des lieux de soins en centre hospitalier.

    Daniel BRANDÉHO

    Directeur de la Maison d'Accueil
    Spécialisée de Saint-Jean-de-Bonnefonds


    LES LEÇONS D'UNE MAS APRES TROIS ANS

    La création d'une MAS au sein du Centre Hospitalier Le Vinatier répond à une double nécessité : prendre en charge les malades que les services de pédo-psychiatrie et de psychiatrie générale n'ont plus pour vocation de soigner et prendre en charge des adolescents et des adultes souffrant de psychoses infantiles, souffrent également d'être appréhendés comme malades déficitaires et d'être méconnus comme sujets d'une douleur psychique (la situation concerne 160 patients).
    Le projet a deux volets : création d'une MAS de 40 lits et d'une fédération pour patients déficitaires graves.
    La MAS est aujourd'hui un budget annexe comprenant 40 lits, 40,7 agents, avec un prix de journée de 1 000 F et un budget de 16 millions de francs. La construction plus l'équipement ont représenté un investissement de 18,5 millions de francs.
    Les 40,7 agents comprennent : personnel administratif : 0,7 dont 0,2 directeur ; personnel soignant : 36 avec 21 aides-soignants et 10 infirmiers ; personnel socio-éducatif, 4.
    Les leçons
     
    1) La MAS est une avancée pour les patients : elle permet la définition d'un projet de vie, et la mise en place de la commission d'établissement avec les familles permet de basculer dans la dynamique du médico-social. La MAS entend répondre à la fois à un problème de santé publique et à un problème clinique. Elle catalyse les principaux débats de la psychiatrie : le devenir comme adultes des psychoses infantiles, la distinction entre lieu de vie et lieu de soins, les limites des classifications ; les référentiels mal validés par défaut de méthodologie de recherche appropriée.
    La rupture que constitue la MAS impose la création de nouveaux modèles, dont ceux de mesure du travail thérapeutique ; de nouveaux fondements en travail éducatif ; de nouveaux liens entre thérapeutique, éducatif et institutionnel.
     
    2) Le redéploiement, pour les agents, s'est opéré dans la transparence avec l'appui d'une commission de sélection.
     
    3) La définition d'un projet médico-social pour Le Vinatier, reste une question sur le plan médical : il est difficile de concilier autonomie et définition d'un projet médico-social au sein d'une structure psychiatrique.
     
    4) La nécessité d'une ouverture sur l'extérieur se heurte encore aux difficultés rencontrées dans la réorientation des patients de la MAS.
     
    Les défis
     
    1. La création de la MAS comme reconnaissance de l'égalité des soins, qui devient ainsi complémentaire du projet éducatif.
     
    2. La définition du service public, au-delà de la tentation monopolistique qui conduit à l'uniformité autour d'une seule structure, d'un seul statut, d'un seul métier, c'est l'avantage donné à l'aspect multidisciplinaire et à l'ouverture vers l'extérieur.
     
    3. A côté du partenariat interne, le partenariat externe, avec d'autres hôpitaux et les structures médico-sociales et d'hébergement.

    Jean-Paul SEGADE

    Directeur du Centre Hospitalier
    Spécialisé LE VINATIER


    LA COMPOSANTE SOIGNANTE DANS LES STRUCTURES MÉDICO-SOCIALES

    Le médecin généraliste : Marc Taligault
     
    L'auteur, médecin généraliste, intervenait au CHS Sainte-Marie-du-Puy dès avant la création d'une MAS et avait déjà contribué à regrouper une partie des patients relevant d'une telle orientation.
    Il note, en préalable, l'effort de remise en cause de formation et d'imagination demandé au personnel soignant pour passer d'une logique à une autre.
     
    1. Quelle spécificité pour les soins somatiques des polyhandicapés d'une MAS ?
    Avec ces sujets, la difficulté réside dans l'incertitude diagnostique, fortement majorée par rapport aux situations habituelles. Pour y pallier, trois moyens : bien connaître le patient, constituer un panel de correspondants spécialisés, disposer d'un plateau technique (laboratoire, pharmacie, service, radio-échographie, cabinet dentaire, etc.)
    Le rôle du praticien institutionnel est avant tout d'instaurer un suivi régulier en dehors de tout épisode aigu : suivi médical, réévaluation des traitements, prescriptions diverses (kiné, etc.), examen clinique périodique de synthèse.
    C'est le travail de base que permet une connivence entre le résident et le médecin, très utile lors des épisodes aigus.
     
    2. Le rôle institutionnel, non-soignant, du médecin
    * La fonction est difficile à définir mais elle a pour visée la cohérence de l'institution grâce à l'adhésion du personnel à son fonctionnement, ce qui suppose que tout le monde (infirmier psy, aide-soignant, aide médico-psychologique, agent hôtelier, etc.) reçoive une information claire sur le fonctionnement, qui comporte : rythme des repas et des toilettes (non adapté aux horaires habituels), mise en route des prises en charge occupationnelles et participation à la vie sociale locale. Ceci passe par des réunions de synthèse.
    * Un autre rôle institutionnel du médecin de MAS est celui de la formation et de l'information médicale générale (évaluation de la douleur, diététique, etc.).
    * Enfin, ce médecin est un des interlocuteurs réguliers des familles, soucieuses très souvent du fonctionnement de la MAS au quotidien.
    Le psychiatre :
    Jean-Marc Ponsin
     
    L'auteur, psychiatre, intervient à la MAS de Lommelet, à Saint-André lez Lille. Il s'agit d'une MAS de 40 places ouverte depuis janvier 1998 (périphérie de Lille). 36 des résidents proviennent des secteurs hospitaliers et 4 de l'extérieur : 21 présentent des états déficitaires (polyhandicaps cérébraux et moteurs), 13 sont des états déficitaires, séquelles de psychoses, 6 ont des problèmes somatiques initiaux. L'âge moyen est de 41 ans avec un long passé institutionnel psychiatrique. 23 des résidents n'ont plus de famille, 32 sont sous psychotropes et 19 sont épileptiques. La MAS dispose sur place d'un cadre socio-éducatif (directeur), de 3 éducateurs spécialisés, de 4 infirmiers (de 7 h à 22 h), de 4 AMP, de 23 aides-soignants, d'un psychomotricien mi-temps, d'1 médecin généraliste vacataire, d'1 psychiatre vacataire.
     
    Réflexions
     
    1 - Une éthique doit présider à la rédaction des certificats destinés à la COTOREP.
    Il s'agit d'éviter l'admission de patients non stabilisés et porteurs de troubles du comportement.
    2 - Il faut envisager, en tout état de cause, une convention passerelle thérapeutique entre le secteur et la MAS.
    3 - Les soins sont un préalable à l'action médico-éducative, l'action médicale s'inscrivant dans un travail d'accompagnement à long terme dans trois directions : somatique, rééducation fonctionnelle, psychiatrie.
    4 - Les actions du psychiatre : action directe classique (chimiothérapie) ; travail d'équipe : écoute, informations, conseil, participation aux synthèses, etc. ; relation avec les familles.
    5 - Les problèmes : l'ancienneté des troubles et leur aspect très psychiatrisé ; la nécessaire remise à plat des problèmes somatiques ; l'insuffisance de la formation para-médicale des équipes qui explique leur désarroi devant l'absence de communication verbale des résidents.
    6 - Les avantages :
    - pour la société : désaliénation à prix de journée moindre ;
    - pour les familles : satisfaction de voir leurs proches dans un cadre de vie adaptée ;
    - pour les résidents : qualité de vie marquée par une rééducation et une restimulation ;
    - pour les équipes : exercice d'un dynamisme professionnel au sein d'une pluridisciplinarité ;
    - pour le psychiatre, une certaine crainte de la dépsychiatrisation de certaines pathologies au passage du sanitaire au médico-social. *


    D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC À L'AUTRE : NAISSANCE D'UNE MAISON D'ACCUEIL SPÉCIALISÉ

    Le cadre du projet du CHS de Mayenne approuvé en février 1999 comprend trois axes dont la poursuite de la différenciation des prises en charge médico- sociales qui a connu trois étapes : la création d'un CAT en 1991, la création d'un budget de long séjour pour trois appartements de 17 lits pour personnes âgées démentes, en 1992, et, en 1998, la création d'une MAS de 30 lits en vue d'étendre les missions de l'EPSMS créé pour le CAT en 1991.
    Du soin à la prise en charge socio-éducative comprenant une part de soins.
    Pour Patrick Chesnais, le souci majeur est de développer la personnalité des résidents et de considérer chacun d'entre eux comme un être à part entière dans son lieu de vie, avec ses besoins quotidiens.
    C'est dans cette perspective qu'il est nécessaire de mettre en place des instruments de travail pour mieux suivre les actions menées - dont une grille d'évaluation adaptée à la population MAS.
     
    A - Du côté du résident
    Il s'agit de préciser les dimensions de la personnalité : son autonomie, son caractère, ses pouvoirs de communication, ses
    relations familiales. Dans le cadre de l'autonomie, il s'agit d'observer des variables : quel est son rapport à son corps et quelle est la gestion de ses fonctions vitales (sommeil, contrôle sphinctérien, motricité, pulsions, sexualité ... ) ? Dans sa sphère d'activité, quelle est son hygiène corporelle, comment s'habille-t-il ? Comment mange-t-il ? Quel est son caractère, son ouverture aux autres, son humeur ? Etc. etc.
     
    B - Du côté des intervenants
    Il s'agit ici d'évaluer les prestations et leur qualité. La grille porte sur quatre points principaux : la qualité de l'analyse clinique, la qualité de l'intervention (de l' action concrète de l'intervenant), la qualité du co-partenariat (de l'aide que l'intervenant trouve auprès de ses partenaires), des
    appréciations globales (l'intervenant s'estime-t-il créatif, s'estime-t-il efficace ?). Pour donner un exemple plus précis, s'agissant de la qualité de l'analyse clinique, l'intervenant connaît-il le contexte familial ? A-t-il procédé à une observation fine des conduites du résident dans les activités quotidiennes ? A-t-il mis en lumière la problématique centrale du résident ? A-t-il conçu, en fonction de ces données et observations, un projet d'intervention ?
     

    Serge ADAM *

    Directeur - Etablissement Départemental de la Santé Mentale de la Mayenne

    Patrick CHESNAIS *

    Cadre socio-éducatif


    LA REPRÉSENTATION DES USAGERS EN SANTÉ MENTALE

    L'Ordonnance du 24 avril 1996 a permis que les usagers soient désormais représentés dans les Conseils d'Administration des hôpitaux. Cette mesure est venue renforcer un partenariat qui se tisse depuis plusieurs années entre les malades, les soignants et les familles.
    L'usager en psychiatrie, c'est en premier lieu la personne qui est atteinte de troubles psychiques et qui est soignée. Aujourd'hui, ces soins ne sont plus exclusivement administrés à l'hôpital, qui est de moins en moins un lieu de vie, mais plutôt un centre de soins intensifs pour les périodes de crise. La vie du malade se déroule de plus en plus en dehors de l'hôpital et son entourage prend alors toute son importance. Il s'agit le plus souvent de sa famille, qui peut valablement témoigner de la vie quotidienne du malade, parler de lui. Elle assure un accompagnement qui complète et souvent assure le succès du suivi sanitaire en ambulatoire.
    La qualité d'administrateur a permis d'ouvrir les portes de l'hôpital et de faire communiquer les deux mondes, celui des familles et celui des soignants. La possibilité d'une visite des services, et mieux encore celle des structures alternatives mises en place en dehors de l'hôpital, est une ouverture extrêmement positive sur des activités en plein renouvellement. Les familles peuvent mieux comprendre les difficultés et les pratiques des médecins, en accédant à une connaissance plus humaine des équipes et de leurs problèmes. A leur tour, elles peuvent leur faire connaître leurs interrogations ou leur souffrance. A ce titre, une association de familles comme la nôtre paraît mieux placée qu'une traditionnelle association de consommateurs pour faire état des spécificités de la vie avec une personne souffrant de troubles psychiques. Une meilleure compréhension de ces deux mondes pourrait passer par la participation à des modules de formation, grâce auxquels les familles accéderaient à une meilleure connaissance de l'univers médical, tandis que les soignants seraient amenés à découvrir la réalité du vécu avec un malade psychique ainsi que les attentes des familles.
    Notre rôle est donc bien de parler du malade et non au nom du malade, ce qui signifie que nous considérons que les associations de patients ou d'ex-patients ont une action qui est complémentaire à la nôtre, dans le souci constant de placer le malade au centre du dispositif de santé mentale, tout en l'encourageant à l'autonomie. La défense des intérêts matériels et moraux des malades comme de leurs familles, a toujours été notre préoccupation, à une époque où l'on n'imaginait même pas une possible représentation des usagers. L'UNAFAM s'est toujours efforcée de faire entendre le point de vue du malade, de permettre que se mettent en place les éléments d'une vie quotidienne décente et organisée. L'UNAFAM a notamment contribué à ce que les personnes souffrant de troubles psychiques soient reconnues comme des personnes subissant un handicap à caractère social, leur faisant ainsi bénéficier des dispositions de la Loi de 1975. Elle veille également au respect du droit des patients hospitalisés, que ce soit par la communication du livret d'accueil et de la charte du patient hospitalisé ou encore par la participation aux commissions départementales des hospitalisations psychiatriques, aux conseils d'établissements ou aux commissions de conciliation.
    Les familles se mobilisent pour les malades et veulent aujourd'hui que la santé mentale soit une cause de santé publique qui fasse l'objet d'une véritable politique, qui prenne en compte des aspects médicaux et sociaux.
    La notion de santé mentale est plus large que celle de psychiatrie et elle suppose un dispositif qui aille de la prévention à l'insertion, en passant par le soin et le nécessaire accompagnement social. La place des malades est bien dans la cité et il faut les y accompagner, faire en sorte que toute sortie d'hôpital s'inscrive dans un projet de vie réaliste et réalisable, soutenant la lutte du malade contre sa maladie et évitant les réhospitalisations répétées.

    Henri LACHAUSSÉE Président de l'UNAFAM


    TECHNOLOGIE et SANTÉ

    Mieux articuler le sanitaire et le médico-social en psychiatrie
    N°38- septembre 1999
    Le constat est alarmant : 20 à 40% des personnes hospitalisées en psychiatrie, le seraient sans nécessité et devraient relever de structures d'hébergement et d'accompagnement conjuguant projet de vie et projet de soins.
    Les ordonnances d'avril 1996 et les premières orientations de la réforme de la loi de 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales en préparation, mettent en évidence le cloisonnement des champs sanitaire et médico-social et la nécessité d'adapter les réponses aux besoins des personnes hospitalisées au long cours en milieu psychiatrique.
    Comment parvenir à la création de telles structures extra-hospitalières pour des personnes qui ne relèvent plus d'un service d'hospitalisation complète ? Comment passer d'une situation de « chronicisation » à une trajectoire dynamique d'insertion individualisée ? Comment faire évoluer les établissements de santé dans les restructurations possibles vers le médico-social ?
    Ce nouveau numéro de Technologie & Santé, de plus de 150 pages, détaille les différentes structures sanitaires et médico-sociales existantes, en lien avec la psychiatrie, et analyse les enjeux de ce secteur : quelles sont les inadéquations et leurs conséquences en termes d'organisation dans la filière de soins ? Quelles sont les résistances respectives des secteurs sanitaire et médico-social ? Comment conjuguer pérennité de l'Hôpital psychiatrique et besoins de santé et de prise en charge de la population ? etc.
    Une large place est consacrée à la restitution des expériences et des difficultés à résoudre, en particulier pour ce qui concerne le mode de gestion, la qualification des personnels et son éventuel redéploiement ainsi que le problème de tarification. A travers des expériences concrètes et des enquêtes menées au niveau national (et présentées dans cet ouvrage), on observe que plus de la moitié des établissements publics de santé mentale se sont engagés (ou vont le faire) dans la voie du médico-social (en particulier MAS, FDT). *
    Technologie & Santé N° 38, Mieux articuler le sanitaire et le médico-social en psychiatrie, 152 pages, 450 F.
    CNEH : Véronique Douville, 9 rue Antoine Chantin, 75014 Paris.


    LE CONCEPT « SOINS DE READAPTATION » A-T-IL UN SENS ?

    La définition retenue par la conférence de consensus de 1993, qui avait pour objet les psychoses schizophréniques est claire : la réadaptation peut être définie comme l'ensemble de soins spécifiques s'adressant à des malades pour lesquels, après une période de soins curatifs adéquats, une insertion ou réinsertion sociale et professionnelle suffisante apparaît comme problématique mais pour lesquels on peut espérer une évolution positive à moyen terme, afin qu'ils participent de façon libre, spontanée et responsable, à toutes les formes de la vie sociale. Dans la circulaire de décembre 1997, les objectifs poursuivis par les soins de réadaptation « dans le but d'assurer une meilleure réinsertion » sont les suivants : limitation des handicaps - restauration somatique et psychologique - éducation du patient et de son entourage - poursuite et suivi des soins et du traitement - préparation de la sortie et de la réinsertion
     
    Réadapter pour qui ?
    En 1965, Saad NADJI, le premier, définit le champ de la réadaptation comme devant répondre aux incapacités. Mais quelles incapacités ? Les travaux initiés par l'OMS (avec P. Wood) en 1975 à Rennes, définissent quatre plans d'expérience de santé :
    - plan des processus morbides : diagnostic - plan des atteintes de fonctions et d'organes : déficience, lésionnel
    - plan qui touche les comportements et les activités : incapacités, fonctionnel
    - plan qui touche les rôles sociaux et l'environnement : désavantages, situationnel.
     
    Avec quels objectifs ?
    Ces soins doivent permettre « le réinvestissement par le patient de sa réalité interne et externe ».
    Il faut pouvoir proposer à ce patient de nouvelles modalités de soins pour qu'il puisse réduire les conséquences de sa maladie, améliorer sa qualité de vie, parfois faire son deuil d'ambitions et de réussites sociales ou professionnelles, tout en retrouvant une certaine estime de lui-même ! Mais les soins ne sont qu'une étape intermédiaire, préparant un processus de réinsertion : il s'agit donc, pour ces soins, d'assouplir des défenses pour favoriser les capacités relationnelles dans un plus grand plaisir de fonctionnement.
     
    Quelles stratégies de réadaptation en psychiatrie ?
    Le projet est d'utiliser les objets de la réalité externe comme médiateurs dans les soins relationnels pour amener si possible à un changement de fonctionnement de la réalité interne.
    Les soins de réadaptation se développent dans un cadre contractuel, ce qui veut dire que les soins engagés jusque-là permettent au patient d'accéder à une conscience relative de ses troubles. D'autre part, cela veut dire qu'il se repère dans un cadre diagnostique et pronostique et qu'il est à même d'être acteur dans ses soins. Mais certaines études montrent que les gains ainsi obtenus sont perdus 14 mois après l'arrêt du programme. Aussi faut-il tenir compte de quelques principes où l'articulation et la coordination, la continuité et la stabilité, la famille, jouent des rôles majeurs. Le travail relationnel est souvent décisif, fixé sur la vie quotidienne, il nécessite une analyse permanente en vue d'en faire un riche matériel psychothérapeutique.
     
    Des soins médiatisés
    Il s'agit de construire un espace de rencontre autour de l'objet médiateur dans lequel le soignant est centré sur la relation, sur la personne. Comme le dit J. Hochmann : « Le soin psychiatrique est une activité : ce qu'on fait compte plus que ce qu'on dit, le soin psychiatrique est une activité symbolique : ce qu'on ne fait pas compte plus que ce qu'on fait, le soin psychiatrique est un acte parlé. C'est seulement de l'alliance entre l'acte et la parole que des effets de sens peuvent surgir ».
     
    Et les associations ?
    Une association peut être un outil thérapeutique, un cadre thérapeutique où les malades groupés autour des infirmiers et des médecins organisent eux-mêmes leurs activités collectives dans le but d'une réadaptation sociale.
     
    Les résultats d'une enquête
    Une enquête conduite en 1998 par la FASM-CM et le CCOMS répond à deux questions :
    - les structures à vocation de réadaptation et leurs modalités de fonctionnement ?
    - les caractéristiques des sujets suivis pendant 6 mois ?
    Elle a été conduite dans trois régions : Nord-Pas-de-Calais, Bretagne, PACA et un groupe de référence était constitué par 23 structures sur toute la France. L'ensemble du travail a porté sur 1061 patients.
     
    Les structures
    Elles sont diverses. Elles fonctionnent en réseau avec les lieux de soins psychiatriques, les associations, les partenaires sociaux. On y trouve : hôpitaux de jour, ateliers thérapeutiques, centres d'accueils thérapeutique à temps partiel, clubs, foyers de post-cure, appartements associatifs, restaurants associatifs, centres de réadaptation géronto- psychiatrique.
     
    La population
    Elle est majoritairement masculine et plutôt jeune : 63% ont moins de 34 ans et 70% perçoivent soit l'AAH, soit une PI qui montre bien l'importance des incapacités assez fixées de ces patients (42 % ont une mesure de protection). Près de 60% sont en soins de réadaptation depuis moins de deux ans, mais 16% se traitent depuis plus de 5 ans. Pour les 3/4 des patients, les premiers soins psychiatriques ont été une hospitalisation (65% de troubles délirants ou schizophréniques). Les incapacités concernant le comportement sont notées pour 58 % des patients alors que 25 % présentent des incapacités de communication. Un désavantage moyen ou fort est noté : pour les occupations chez 57 % des patients, pour l'intégration sociale chez 80%, pour l'indépendance économique chez 60%.
     
    Pour conclure
    Les soins de réadaptation ont leur spécificité, ils se développent à l'articulation du sanitaire et du social et favorisent les dynamiques d'insertion et l'accès à une citoyenneté qui, seule, peut permettre à la personne d'agir sur son environnement. La nécessité de différencier les soins de réadaptation doit se faire, en se préservant des limites trop rigides qui pourraient stériliser toute innovation et créativité dans ce champ qui nécessite d'établir des réseaux débordant forcément les territoires de chacun.

    Clément BONNET
    Président de la Fédération d'Aide à la Santé Mentale Croix-Marine




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