LES ABUS DE PSYCHOTROPES

 

M.J.TAKTAK, S.BEN ZINEB, S.DOUKI

 

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Introduction
définitions
clinique
ampleur
Tunisie
produits
physiopathologie
traitement
annexes

 

 

INTRODUCTION : le risque addictif des psychotropes.

La découverte des médicaments psychotropes entre 1950 et 1960 a constitué " líune des plus grandes révolutions du siècle ". En effet, leur apport au traitement et à la compréhension des troubles mentaux est inestimable ; il suffit de rappeler quíils ont permis de vider les hôpitaux psychiatriques et díélaborer les hypothèses étiopathogéniques les mieux argumentées de la maladie mentale (théorie dopaminergique de la schizophrénie, théorie monoaminergique de la dépression etc.).

Toutefois, ce sont aussi les médicaments qui se prêtent le mieux aux abus, du fait précisément de leur action privilégiée sur le psychisme. Les psychotropes se définissent, selon Delay, par leur tropisme psychologique, cíest-à-dire leur capacité de modifier líactivité mentale, sans préjuger du type de cette modification ".

Et de fait, ces dernières années ont vu une hausse jugée préoccupante de leur consommation. Et des voix de plus en plus nombreuses síélèvent, tant dans les milieux scientifiques que dans les médias ou le grand public, pour dénoncer líextension abusive de la prescription de psychotropes et líusage immodéré qui semble en être fait. Certains vont même jusquíà poser la question de leur interdiction.

Deux remarques síimposent díemblée :

De fait, les benzodiazépines se sont hissées, depuis leur commercialisation aux tous premiers rangs des médicaments les plus consommés dans le monde ; líabus de benzodiazépines peut être considéré comme un véritable problème de santé Publique étant donné sa prévalence sans cesse croissante et ses multiples complications médicales, sociales et médico-légales (intoxications volontaires, accidents du travail et de la circulation, pharmacodépendance, criminogénèse etc.)

Notre propos ne concernera pas la question du recours abusif et illicite aux psychotropes à des fins toxicomaniaques, car il déborde largement le cadre des médicaments, fussent-ils, du cerveau et pose le problème général de líappétence toxicophilique. Nous nous intéresserons, surtout, en tant que professionnels de santé, à la question des risques liés à líabus de psychotropes et, en particulier, au potentiel toxicomanogène ou addictif de ces produits qui sont des médicaments et des mesures à prendre pour en limiter la portée.

DEFINITIONS : médicament ou drogue ?

La drogue est définie comme toute substance naturelle ou synthétique, pure ou composée, dont líadministration induira un " débrayage psychoaffectif " permettant momentanément au sujet de ne plus prendre en compte la totalité ou la fraction jugée subjectivement agressive des contingences morales et/ou concrètes de líenvironnement social, culturel et matériel.

La plupart des drogues sont avant tout des médicaments qui soulagent les malades (par ex. la morphine est toujours le médicament le plus efficace contre les fortes douleurs de cancéreux). Les mêmes substances prescrites à bon escient et à doses prudentes représentent díutiles voire díindispensables médicaments. Utilisées de manière abusive, hors des règles de líart, elles vont devenir des drogues qui produisent des intoxications et une véritable maladie : la dépendance.

Pharmacodépendance : Etat psychique et quelquefois physique résultant de líinteraction entre un organisme vivant et une substance, se caractérisant par des modifications du comportement qui comprennent toujours une compulsion à prendre le produit de façon continue ou périodique afin de retrouver ses effets psychiques et quelquefois díéviter le malaise de la privation. Cet état peut síaccompagner ou non de tolérance.

Tolérance : Etat díadaptation de líorganisme à une substance traduisant líobligation pour le système nerveux de maintenir son homéostasie, et se manifestant par la nécessité díaugmenter les doses pour obtenir les mêmes effets.

CLINIQUE : les risques addictifs et toxiques des psychotropes

1. Les troubles liés à une substance

Le DSM-IV réserve un chapitre aux " Troubles liés à une substance " qui inclut les troubles liés à la prise díune substance donnant lieu à abus, aux effets secondaires díune médication ou à líexposition à un toxique. Ces troubles sont de deux ordres : troubles liés à líutilisation díune substance (abus, dépendance) et les troubles induits par une substance (intoxication, sevrage).

Les substances pouvant donner lieu à abus et/ou dépendance sont au nombre de dix dont deux classes de médicaments psychotropes : alcool, amphétamine et sympathomimétiques díaction similaire, cannabis, cocaïne, hallucinogènes, solvants volatils, nicotine, opiacés, phenylcyclidine, sédatifs, hypnotiques et anxiolytiques.

Les substances sédatives, hypnotiques ou anxiolytiques comprennent les carbamates, les benzodiazépines, les barbituriques et autres hypnotiques (métaqualone). Les médicaments avec une apparition rapide de líactivité et une durée díaction courte ou intermédiaire seraient particulièrement susceptibles de donner lieu à abus.

2. Critères diagnostiques (cf. transparents)

1. Abus

2. Dépendance

3. Intoxication

4. Sevrage

 

3. Les troubles liés aux sédatifs, hypnotiques et anxiolytiques (DSM-IV)

Nous insisterons essentiellement sur les anxiolytiques et hypnotiques, en particulier les benzodiazépines. Díune part, parce que ces produits sont líobjet de la plus forte surconsommation. Et díautre part, les amphétamines et les barbituriques díaction rapide comme díautres hypnotiques, tels la méthaqualone, ont été bannis de la pharmacopée en raison précisément de leur puissant potentiel toxicomanogène.

3.1 - Anxiolytiques Benzodiazépiniques :

Les effets thérapeutiques :

Les benzodiazépines ont rapidement supplanté toutes les entures classes díanxiolytiques, hypnotiques et sédatifs, du fait díune efficacité et díune tolérance remarquables à des posologies mineures. Rappelons quíils sont dotés de propriétés anxiolytique, sédative, hypnotique, myorelaxante et anticonvulsivante.

Leurs principales indications sont essentiellement les troubles anxieux (attaque de panique, Anxiété généralisée, Trouble de líadaptation avec humeur anxieuse, Etat de stress post-traumatique, Anxiété secondaire à des affections organiques), et le Sevrage alcoolique ; mais ils sont souvent associés au traitement des états dépressifs avec composante anxieuse, des Troubles phobiques, du Trouble obsessionnel-compulsif, ou de certains états psychotiques.

En dehors du champ de la psychiatrie, leurs indications sont très nombreuses : anesthésiologie, troubles psychosomatiques, etc.

Les risques :

1. Le risque médico-légal :

Ce níest pas le plus fréquent mais cíest celui qui a le plus défrayé la chronique et conduit au retrait de certains produits.

Il est surtout lié à líaction amnésiante des benzodiazépines :

Les effets des benzodiazépines sur la mémoire mobilisent les scientifiques depuis quelques années (plus de 100 publications scientifiques entre 1986 et 1991).

Líaction amnésiante est mise à profit dans les prémédications qui précèdent une intervention chirurgicale ou une exploration agressive (endoscopie etc.), mais a pu également être exploitée à des fins criminelles, surtout en association avec líalcool.

Le risque potentiel díamnésie antérograde lacunaire, avec passages à líactes médico-légaux graves a été estimé suffisamment important pour avoir amené les autorités sanitaires à retirer du marché, en 1994, líHalcion ® 250 mg, qui avait "été incriminé dans une affaire de meurtre " (événement du reste complètement oblitéré de la mémoire du meurtrier).

En dehors de ces issues dramatiques, le risque est suffisamment grand pour recommander aux patients sous benzodiazépines de ne pas prendre leur médication avant díaccomplir une tâche nécessitant une capacité mnésique intacte.

Líincidence médico-légale de líabus de benzodiazépines (comme de líalcool ou des barbituriques) peut également être liée à un effet díexcitation paradoxale avec accès díhostilité, de rage, voire même de comportements violents et destructeurs.

Une enquête réalisée par B. Manfredi à la prison de Fresnes (sur des détenus ayant commis des crimes de sang ou des viols mais ne relevant pas de líinfraction à la législation sur les stupéfiants) a montré que :

- Les sujets ayant commis des viols ont abusé díalcool dans 90% des cas dans les deux mois précédant líacte. Le pourcentage est de 85% pour les crimes de sang.

- Quant aux anxiolytiques et aux somnifères, ils sont consommés par 4% des sujets responsables díun viol, et par 20% des sujets qui ont commis un crime de sang.

Mais attention ! les statistiques criminologiques et les " cas " dont font étalage les médias ne doivent en aucun cas laisser croire quíil existerait une corrélation simpliste, linéaire entre usage de psychotropes et des passages à líacte délictueux .

2. Les risques liés à líeffet sédatif

Les benzodiazépines altèrent la coordination motrice, la latence de réaction ainsi que la vigilance. Ces effets sont dose-dépendants et connaissent un phénomène de tolérance, en quelques jours.

Ils peuvent être responsables díaccidents de la circulation ou du travail ; le risque díaccident de la route est multiplié par 5 chez les conducteurs prenant des benzodiazépines. Aussi, la conduite automobile ou le travail sur machine doivent-il impérativement être déconseillés.

3. Les risques addictifs

La tolérance aux effets sédatifs síinstalle la première, dès les premiers jours du traitement. La tolérance aux effets anxiolytiques est très discutée.

La dépendance aux anxiolytiques et notamment aux benzodiazépines est en fait peu fréquente, mais son incidence níest pas rare vu la fréquence de prescription de ces produits. Le risque de dépendance est très inférieur à celui de líalcool ou díautres drogues. Il est estimé à 1 pour 10 000 dans la population générale, mais peut atteindre 10-15% chez des patients recevant des benzodiazépines de façon continue depuis plus de six mois. Il est encore plus grand chez les alcooliques et les toxicomanes (du fait de dépendances croisées), et avec les carbamates.

Le syndrome de sevrage :

Il síobserve dans les 1 à 5 jours suivant líarrêt, surtout brutal, de la prise médicamenteuse et les manifestations cliniques sont celles du sevrage alcoolique, avec quelques variations minimes. On distingue :

- un stade mineur avec instabilité motrice, anxiété, troubles du sommeil, agitation, tremblement, tachycardie, fébricule et HTA.

- un stade majeur où aux symptômes du stade 1, síajoutent des troubles perceptifs à type díhyperosmie, hyperacousie, goût métallique, troubles visuels, hypersensibilité, voire des hallucinations sensorielles visuelles ou auditives.

- à un stade ultérieur, on peut observer une dépersonnalisation (sensation díétrangeté de la réalité environnante), des crises comitiales, voire une confusion mentale.

Mais toutes les manifestations pathologiques qui accompagnent ou suivent líarrêt des benzodiazépines, tout particulièrement de celles à demi-vie brève, ne sont pas à mettre sur le compte díun sevrage et díune dépendance. On peut observer :

Elle est liée au fait que les benzodiazépines ne possèdent quíune efficacité suspensive, tout comme nombre díautres médicaments.

On est trop souvent tenté de parler à tort de dépendance lorsque les malades ne peuvent absolument pas se passer de tel ou tel médicament. Cíest par exemple le cas des grands rhumatisants assujettis aux dérivés de la cortisone. Líarrêt du traitement peut entraîner la réapparition des douleurs insupportables, celles-ci sont dues à la maladie et non à la cessation de la médication. Il y a là une différence essentielle quíil convient de garder ici à líesprit.

 

5- Les facteurs prédisposant à líassujettissement aux benzodiazépines :

 

Facteurs possibles de la " surconsommation " de benzodiazépines (díaprès Boulanger)

Liés aux benzodiazépines

Efficacité thérapeutique reconnue

Induction díune dépendance

Existence de rebond lors de líarrêt

Dépendance croisée avec líalcool

Multiplicité des produits commercialisés

Liés aux indications

Flou de la classification des troubles anxieux

Multiplication de líassociation à díautres psychotropes dans les pathologies psychiatriques et somatiques où il existe une " composante anxieuse " (cíest-à-dire toutes).

Liés aux patients

Demande de soulagement

Facteurs socioculturels

Chronicité des troubles anxieux

Liés au médecin

Rapidité díaction et facilité de mise en úuvre du traitement

Carence de formation (psychologie médicale, pharmacologie clinique)

Schématiquement, plus la dose est élevée, plus le risque augmente. En fait, il semblerait que la constance de la posologie soit plus importante que son niveau réel : les patients qui prennent des benzodiazépines à des posologies variables et intermittentes ont moins de chances de devenir dépendants que ceux qui prennent des doses équivalentes mais de façon régulière.

Plus la durée du traitement est longue, et plus il y a de chances quíune dépendance apparaisse. Mais avec le temps, cette relation semble perdre de son importance. Ainsi, un patient qui prend une benzodiazépine de façon régulière depuis un an a-t-il les mêmes chances de devenir dépendant quíun autre, qui en prend de puis 10 ans. Il níest pas encore bien clair síil existe une " durée de sécurité " au-delà de laquelle le risque de dépendance devient réellement significatif. Toutefois, si une telle durée existe vraiment, elle ne doit pas excéder quelques semaines.

Il níexiste quíun très petit nombre díétudes contrôlées qui ont comparé le risque de dépendance entre différentes benzodiazépines. Mais les auteurs síaccordent à considérer que le risque de syndrome de sevrage et de dépendance est plus important avec les molécules à demi-vie courte (lorazépam) quíavec les benzodiazépines à demi-vie longue ou intermédiaire (diazépam).

 

3.2 - Anxiolytiques non Benzodiazépiniques :

Les carbamates sont responsables díune dépendance physique et psychique beaucoup plus nette que les benzodiazépines. Le syndrome de sevrage est également beaucoup plus grave, de même que le surdosage, qui peut engendrer des troubles respiratoires et un collapsus cardio-vasculaire parfois mortel.

La buspirone : líabsence díeffet euphorisant, ainsi quíune latence díaction de quelques jours expliqueraient la moindre fréquence des abus médicamenteux.

3.3 -Hypnotiques :

 

La prescription díun hypnotique est un acte médical difficile, qui obéit à des règles précises. La sous-estimation de sa complexité, et sa dévalorisation au rang de réflexe thérapeutique (" Je dors mal " ou " Donnez-moi quelquechose pour dormir ") permet de comprendre pourquoi cette prescription est souvent abusive, inadéquate, inefficace, et enfin parfois dangereuse.

Les produits 

De líalcool au Zolpidem et au zopiclone, le nombre des préparations à visée hypnotiques est effarant ! (largement plus de 50 spécialités dans le Vidal en 1983).

Deux grandes familles :

brève (Triazolam, Loprazolam, Témazépam) et

intermédiaire (Lormétazépam, Flunitrazépam, Nitrazépam, Estazolam)

Les nouveaux dérivés : Zolpidem et Zopiclone

Les barbituriques : ne sont plus prescrits dans cette indication à part líOptanox ®

Les antihistaminiques phénothiaziniques (Théralène ® etc.)

Les associations : Mépronizine ®, Noctran ®

Mélatonine ?

Les effets secondaires des hypnotiques :

Outre les manifestations indésirables liées à la structure de la molécule (cf. benzodiazépines)les hypnotiques possèdent également des effets secondaires propres à leur action spécifique sur le sommeil :

Altération de líarchitecture du sommeil

Effets résiduels sur la vigilance diurne

Effets résiduels sur le réveil

Effets paradoxaux (cauchemars, hallucinations hypnagogiques)

Réveils nocturnes anxieux

Aggravation des apnées du sommeil

Et insomnie de pharmacodépendance

Indications des hypnotiques :

Les nouveaux dérivés et les benzodiazépines sont réservés aux insomnies transitoires (jet lag..)

Les autres sont precrits dans les insomnies chroniques (états psychotiques, syndromes démentiels)

3.4 ñ Le Trihexyphénidyle (Artane ®) :

- Recherché pour ses propriétés psychostimulantes et euphorisantes.

- Rappel des principales indications du Trihexyphénidyle (Artane ®) :

 

Epidémiologie : líampleur du problème

A - En France :

1- Enquête Nationale réalisée en 1993 auprès de 12.391 adolescents de 11-20 ans scolarisés dans le secondaire.

2- Chez líadulte :

Líusage de médicaments psychotropes, comparé aux consommations díalcool et de tabac, est moins fréquent. Cíest une consommation essentiellement féminine qui concernait en 1992, 14% des femmes et 9% des hommes de plus de 18 ans. La plupart en consomment depuis plus de 5 ans. Les tranquillisants et les hypnotiques constituent la grande majorité (63%) des médicaments psychotropes achetés. Ils sont à 85% prescrits par des médecins généralistes.

Líusage des médicaments psychotropes augmente avec líâge : à 80 ans et plus, 35% des femmes et 30% des hommes en consomment régulièrement depuis plus de six mois.

3- Enquête auprès des pharmacies :

Environ 3 pharmaciens sur 5 interrogés ont reçu au moins un toxicomane dans la semaine écoulée : 85% des pharmacies en zone urbaine ou périurbaine, 33% des pharmacies en zone rurale.

La plus forte demande concerne des médicaments en vente libre, mais la demande concernant les médicaments délivrés avec carnet à souches est également importante.

Médicaments détournés le plus fréquemment de leur usage : néocodion ® et temgésic ®.

4- Enquête sur les habitudes de prescription des médecins :

Les 2/3 des médecins prescrivent des médicaments à effet sédatif, hypnotique ou anxiolytique.

La prescription de neuroleptiques ou díantidépresseurs concerne un médecin sur cinq. Les médecins qui ont suivi une formation en prescrivent deux fois plus que les autres.

Médicaments cités par au moins 3% (?) des médecins :

Tranxène 50 ®, posologies variant de 1 à 8 comprimés/j

Di-Antalvic ®,

Temgésic ®, posologies variant de 1 à 40 comprimés/j (moy. 6cp/j)

Rohypnol ®, posologies variant de 2 à 4 comprimés/j

Lexomil ®, posologies variant de 1 à 6 comprimés/j

Viscéralgine ® posologies variant de 3 à 10 comprimés/j

B - Aux USA :

La prévalence sur la vie de líAbus ou de la Dépendance aux sédatifs/hypnotiques/anxiolytiques (critères DSM-III) est estimée à 1.1% de la population générale.

Une enquête menée en 1991 a montré quíenviron 4% de la population avait utilisé des sédatifs à des fins non médicales au moins une fois au cours de la vie, dont 1% environ au cours de líannée écoulée, et 0.4% au cours du mois écoulé. Pour les agents anxiolytiques, environ 6% de la population les a utilisés au moins une fois à des fins non médicales, dont près de 2% au cours de la dernière année et 0.5% au cours du dernier mois.

Aux USA, 90% des patients hospitalisés dans un service de médecine ou de chirurgie reçoivent une prescription de médications sédatives, hypnotiques ou anxiolytiques pendant leur séjour à líhôpital.

Plus de 15% des adultes utilisent chaque année ces médicaments (en général sur prescription).

C - En Tunisie :

Líévolution des chiffres de vente de médicaments montre quíentre les années 1984 et 1987 , la consommation de psychotropes a augmenté de 84% ; elle montre aussi que cette augmentation concerne essentiellement les benzodiazépines qui constituent plus de la moitié des psychotropes délivrés et dont la consommation a doublé en líespace de ces quatre années, passant de 198.087 boîtes/an à 403.493 boîtes/an .)

 

D - La population à risque :

 

IV - Produits en cause :

Classification psychopharmacologique " classique " des psychotropes de Delay et Denicker (1957) :

Psycholeptiques ou dépresseurs du SNC :

Analgésiques opiacés

Anxiolytiques : benzodiazépines et carbamates

Hypnotiques non barbituriques, et barbituriques

Neuroleptiques

Autres (antihistaminiquesÖ)

Psychoanaleptiques ou stimulants du SNC :

Stimulants de líhumeur : antidépresseurs

Stimulants de la vigilance : cocaïne,amphétamines, caféine, nicotine

Psychodysleptiques ou perturbateurs du SNC :

Dérivés du cannabis

Hallucinogènes

Cyclohylamines (PCP)

Solvants volatiles dans les colles, les essences, les dissolvants, líéther

Alcool éthylique

Dérivés anticholinergiques (antiparkinsoniens)

Classification des principales " drogues " (substances psychoactives ayant un potentiel de pharmacodépendance ou díabus) contrôlées (stupéfiants ou psychotropes) et non contrôlées.

Ici, les substances contrôlées en raison du risque de pharmacodépendance ou díabus préjudiciables pour la santé en tant que psychotrope (tableaux III et IV de la convention de líONU de 1971 dite des psychotropes)

1- Excitants (troubles du comportement ;tolérance importante et díapparition parfois très rapide ; à líarrêt troubles de líhumeur et sensation díabattement voire effondrement)

Pémoline

Amfépramone, Aminorex, Fencamfamine, Fenproporex, léfétamine, mazindol, mésocarbe, pipradol

Cathine

  1. Calmants (désinhibition, ivresse, troubles du comportement et amnésie avec de nombreux produits :excitation en cas de sevrage)

Barbituriques (amobarbital, pentobarbital, phénobarbitalÖ)

Benzodiazépines et analogues (alprazolam, diazépam, clonazépam, clorazépate, lorazépam, midazolam, oxazépamÖ)

Divers : ethchlorvynol, gluthétimide, méprobamate, méthyprylone

 

V - physiopathologie

(effets des sédatifs et en particulier des benzodiazépines)

Le facteur principal déterminant le développement díune pharmacodépendance est le renforcement neuro-physiologique. On a pu identifier un circuit " de récompense " spécifique au niveau mésolimbique, mais il pourrait y en avoir díautres. ce circuit coprend des neurones dopaminergiques qui prennent leur origine dans líaire tegmentale ventrale (ATV) et se projettent sur le Nucleus Accumbens, líamygdale, le Septum, et le Cortex Préfontral.

Le Noyau Accumbens intervient dans líactivation motrice ; le cortex préfrontal est impliqué dans la focalisation de líattention.

Toutes ces cibles sont interconnectées, et innervent líhypothlamus, líinformant de la présence díune récompense.

Chaque structure cérébrale participerait ainsi, pour sa part, aux aspects moteurs, cognitifs et affectifs de la réponse (Jean-Pol Tassin).

Ces neurones dopaminergiques sont probablement continuellement inhibés par líATV, peut-être par le biais du GABA. Cíest la libération de la dopamine à partir de ces neurones, vers les récepteurs dopaminergiques du Noyau Accumbens qui est à líorigine du renforcement positif.

Dans les années 70, on a découvert des récepteurs aux benzodiazépines, étroitement liés aux récepteurs GABAA, au sein díun complexe macromoléculaire qui comprend des sites de liaison pour le GABA, les benzodiazépines, les barbituriques et díautres substances.

Ce complexe est rattaché à un canal ionique perméable au chlore. Líouverture de ce canal est sous la dépendance du GABA, et provoque une hypersensibilisation membranaire, et donc une inhibition neuronale ( díoù les effets sédatif, anxiolytique, et anticonvulsivant des agonistes de ces récepteurs). Les benzodiazépines augmentent la fréquence díouverture du canal chlore, tandis que les barbituriques augmenteraient le temps de leur ouverture.

Concernant le syndrome de sevrage, trois hypothèses biologiques ont été avancées :

  1. Récepteur GABAa :

  1. Rôle de ligands endogènes :
  2. Il se pourrait que lors díune administration prolongée de benzodiazépines, il se produise une synthèse de ligands endogènes à activité agoniste inverse. Mais cette hypothèse níest pas retenue par la plupart des auteurs.

  3. Rôle des autres neuromédiateurs :

Le système sérotoninergique : les benzodiazépines induiraient une augmentation du turn-over de la sérotonine, et certaines manifestations du sevrage pourraient être en rapport avec la levée de líinhibition sur ce système.

Le système adrénergique : certaines manifestation du sevrage sont imputables à une hyperactivité noradrénergique périphérique (" tempête noradrénergique "). Cependant, le peu díefficacité de la clonidine et des b-bloquants dans le traitement du sevrage aux benzodiazépines semble écarter une intervention majeure du système adrénergique au cours de ce phénomène.

MESURES THERAPEUTIQUES

1. Préventives : règles de prescription

- En pratique courante ñ sans toutefois se risquer à généraliser ñ seront considérées comme " hautement suspectes " les ordonnances :

 

Règles de prescription des anxiolytiques

  1. Plus faible posologie efficace, hormis les situations díurgence.
  2. Si nécessaire augmentation progressive des posologies
  3. Tenir compte des risques liés à la somnolence diurne : travail, conduiteÖ
  4. Attention à la potentialisation par : alcool, autres psychotropes
  5. Durée de prescription < 1 semaine dans le traitement díunu anxiété aigüe
  6. <12 semaines dans le traitement díune anxiété généralisée

  7. Ne pas renouveler systématiquement la prescription : ré-évaluer
  8. Arrêt toujours progressif. Informer du risque de réapparition transitoire des symptômes initiaux.
  9. Eviter les anxiolytiques chez les patients âgés ou susceptibles de développer une dépendance.

Règles de prescription des hypnotiques

Nécessité díun bilan étiologique appronfondi préalable (conférence de consensus de 1984)

  1. évaluer les habitudes du sommeil, líhygiène de vie
  2. ne pas omettre les approches psychothérapiques et comportementales du trouble du sommeil
  3. en première intention : nouveaux dérivés ou benzodiazépines
  4. commencer par la plus faible doses efficace
  5. respecter les durées maximales règlementaires de precription (cf infra)
  6. ne pas renouveler systématiquement, sans réévaluation préalable de la symptomatologie, et appréciation du rapport bénéfice thérapeutique/risque de dépendance
  7. Eviter la prescription chez le sujet âgé, ou à risque de dépendance secondaire.

- Références médicales opposables en France, concernant la prescription des anxiolytiques et des hypnotiques :

1 ñ il níy a pas lieu díassocier deux benzodiazépines pour un traitement anxiolytique

2 ñ il níy a pas lieu díassocier deux hypnotiques

3 ñ il níy a pas lieu de prescrire des anxiolytiques et/ou des hypnotiques sans tenir compte des durées de prescription maximales règlementaires (incluant la période de sevrage, et avec réévaluation régulière) :

12 semaines pour les tranquillisants

4 semaines pour les hypnotiques (2 semaines pour le Triazolam)

4 ñ il níy a pas lieu díinitier une prescription díanxiolytique ou díhypnotique, sans respecter les posologies officielles recommandées et sans débuter par la posologie la plus faible.

5 ñ il níy a pas lieu de reconduire systématiquement et sans réévaluation, une prescription díanxiolytique ou díhypnotique.

 

2. Thérapeutiques

La date díapparition du sevrage dépend de la demi-vie du produit, commençant dans les 12-16 heures suivant la dernière dose des produits à demi-vie courte et probablement 2-5 jours pour les autres (diazepam).

Dégression lente des doses de benzodiazépines, passage à une benzodiazépine à longue demi-vie, prescription de carbamazépine etc. Résultats médiocres : 38% seulement des patients désintoxiqués après une dépendance ancienne aux benzodiazépines évoluaient favorablement au bout de 6 mois.

Certains patients peuvent nécessiter un traitement continu.

CONCLUSION : le rôle du pharmacien dans la prévention et líinformation des risques liés à líabus de psychotropes.

Il faut se féliciter de líextension díutilisation des psychotropes quand elle correspond à un meilleur dépistage et traitement des troubles mentaux, surtout dépressifs et anxieux, dont la prévalence atteint 30% de la population générale et dont le coût, en líabsence de traitement est considérable tant au plan individuel, familial que social.

Toutefois, la prescription des anxiolytiques, comme de tous les médicaments, doit obéir à des règles formelles car les risques liés à un abus de de consommation ne sont pas négligeables.

En aval du médecin prescripteur, le pharmacien a un rôle majeur à jouer dans la guidance de tels traitements et dans la séquence prévention - information. Selon une enquête réalisée en 1996, un pharmacien sur deux souhaite participer à un réseau de prise en charge de la toxicomanie, sous réserve pour trois quarts díentre eux de recevoir une formation ou une information complémentaire. Nous espérons y avoir quelque peu contribué.

 

 

 

 

 

ï Critères de dépendance à une substance

Mode d'utilisation inadapté d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance, cliniquement significative, caractérisé par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque d'une période continue de 12 mois:

(1) tolérance, définie par l'un des symptômes suivants:

(a) besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l'effet désiré

(b) effet notablement diminué en cas d'utilisation continue d'une même quantité de la substance

(2) sevrage caractérisé par l'une ou l'autre des manifestations suivantes:

(a) syndrome de sevrage caractéristique de la substance (voir les critères A et B des critères de Sevrage à une substance spécifique)

(b) la même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage

(3) la substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu

(4) il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l'utilisation de la substance

(5) beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance (p. ex., consultation de nombreux médecins ou déplacement sur de longues distances), à utiliser le produit (p. ex., fumer sans discontinuer), ou à récupérer de ses effets

(6) des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l'utilisation de la

substance

(7) Iíutilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d'avoir été causé ou exacerbé par la substance (par exemple, poursuite de la prise de cocaïne bien que la personne admette une dépression liée à la Cocaïne, ou poursuite de la prise de boissons alcoolisées bien que le sujet reconnaisse l'aggravation d'un ulcère du fait de la consommation d'alcool)

Spécifier si:

Avec dépendance physique: présence d'une tolérance ou d'un sevrage (c.-à-d. des items 1 ou 2) Sans dépendance physique: absence de tolérance ou de sevrage (c.à-d. tant de l'item 4 que de l'item 2)

Codification de l'évolution de la Dépendance au cinquième caractère :

O Rémission précoce complète

O Rémission précoce partielle

O Rémission prolongée complète

O Rémission prolongée partielle

2 Traitement par agoniste

1 En environnement protégé

4 Légère / Moyenne / Grave

ï Critères de l'abus d'une substance

A. Mode d'utilisation inadéquat d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative, caractérisé par la présence d'au moins une des manifestations suivantes au cours d'une période de 12 mois:

(1) utilisation répétée d'une substance conduisant à l'incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l'école, ou à la maison (par exemple, absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l'utilisation de la substance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l'école, négligence des enfants ou des tâches ménagères)

(2) utilisation répétée d'une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (par exemple, lors de la conduite d'une voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu'on est sous l'influence d'une substance)

(3) problèmes judiciaires répétés liés à l'utilisation d'une substance (p. ex., arrestations pour comportement anormal en rapport avec l'utilisation de la substance)

(4) utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance (par exemple disputes avec le conjoint à propos des conséquences de l'intoxication, bagarres)

B. Les Symptômes n'ont jamais atteint, pour cette classe de substance, les critères de la Dépendance à une substance.

 

ï Critères de l'intoxication à une substance

A. Développement d'un syndrome réversible, spécifique d'une substance, dû à l'ingestion récente de (ou à l'exposition à) cette substance.

N.B.: Des substances différentes peuvent produire des syndromes similaires ou identiques.

B. Changements comportementaux ou psychologiques, inadaptés, cliniquement significatifs, dus aux effets de la substance sur le système nerveux central (par exemple: agressivité, labilité de l'humeur, altérations cognitives, altération du jugement, altération du fonctionnement social ou professionnel) qui se développent pendant ou peu après l'utilisation de la substance.

C. Les symptômes ne sont pas dus à une affection médicale générale, et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental.

ï Critères du sevrage à une substance

A. Développement d'un syndrome spécifique d'une substance dû à l'arrêt (ou à la réduction) de l'utilisation prolongée et massive de cette substance.

B. Le syndrome spécifique de la substance cause une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d'autres domaines importants.

C. Les symptômes ne sont pas dus à une affection médicale générale, et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental.

 

 

 

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