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Espace Cliniciens

Existe-t-il « des piliers de la sagesse thérapeutique » pour la thérapie psychanalytique ?

Horst Kächele

Kächele H. Are there "Pillars of Therapeutic Wisdom" for Psychoanalytic Therapy? Journal of European Psychoanalysis, n° 12-13, Hiver-Automne 2001

Traduction Brigitte Lapeyronnie©        

 

Mots clés : Recherche empirique- Efficacité réelle de la psychanalyse – Résultat de traitement – Alliance thérapeutique – Mesure en psychanalyse

Résumé : L’auteur, utilisant la méthode objective des sciences sociales, traite de la recherche depuis 1930 sur l’efficacité thérapeutique réelle de la psychanalyse à laquelle il ajoute les résultats de sa propre recherche menée en Allemagne entre les années 80 et 90. Il examine le niveau de la santé psychologique versus la sévérité psychiatrique, l’alliance thérapeutique, les configurations au cœur des relations, et le processus qui va de la perlaboration jusqu’à la maîtrise. Il affirme que ces concepts centraux sont de vrais éléments fondamentaux pour le travail clinique dans la diversité du travail psychanalytique.

Rien n’est plus difficile à déterminer que le futur. Cependant, nous sommes tous conscients que rien n’est plus prédictif que les accomplissements passés. En raison de cela, nous allons commencer par jeter un regard sur le passé. Le type de sagesse (1) que j’essaierai de souligner sera fondé non seulement sur les croyances cliniques mais sur les résultats de la recherche empirique.

La recherche sur les résultats thérapeutiques a eu un bon départ lorsque l’Institut de Berlin a commandé à Fenichel et à ses collègues de préparer une évaluation de l’efficacité thérapeutique réelle. En 1930, ils ont publié fièrement leur rapport.
Les critères d’évaluation étaient les plus exigeants, cependant, ils n’étaient pas appliqués par des évaluateurs indépendants, mais fournis par les analystes eux-mêmes, une mesure du succès dont nous ne nous satisfaisons pas aujourd’hui.

D’autres problèmes plus sérieux sont apparus lorsque Eysenck a publié son évaluation négative (2). Comme Bergin l’a fait remarquer (3), Eysenck incluait les sorties (aujourd’hui cela s’appelle analyse de l'« intention-de traiter», alors que Bergin a fait une estimation beaucoup plus favorable des résultats thérapeutiques, en n’incluant pas les sorties dans ses calculs et il est arrivé ainsi à une amélioration surprenante du score de 91% non égalé jusqu’à aujourd’hui.

Fenichel Eysenck
(1952)
Sorties incluses.
Amélioré=beaucoup amélioré
Bergin
(1971)
Sorties exclues
Amélioré=modérément amélioré ou mieux
Alternative A
Sorties incluses
Amélioré= modérément amélioré ou mieux
Alternative B
(Knight 1941)
Sorties exclues
Amélioré= beaucoup amélioré
% de succès 39% 91% 59% 59%

Le résumé de Bergin est le suivant :
Les quatre dispositions en tableau, divergentes mais également raisonnables, des données de Berlin établissent clairement mon idée qu’il n’existe pas de manière valable d’évaluer l’effet de la psychanalyse à partir de l’information disponible. Je ne peux voir aucune justification claire pour choisir une interprétation plutôt qu’une autre, même si j’ai des parti pris personnels dans certaines directions. L’ambiguïté de ces données ne peut être résolue (4).

Bergin rajoute d’autres observations à son évaluation soigneuse et assez sophistiquée, c’est-à-dire que les divergences dans l’estimation du résultat sont plus prononcées quand les traitements psychanalytiques sont concernés, et moins quand il s’agit de thérapies éclectiques. Même si Bergin admet ne pas être un avocat de la psychanalyse, il conclut que les résultats jusqu’à 1952 doivent être considérés encourageants bien que certainement pas spectaculaires. « Il est d’un intérêt particulier de voir cependant que plus le traitement est long et intensif plus les résultats sont meilleurs» (5).

Trente ans ont passé depuis que la critique soigneuse est apparue, mais pourquoi avons-nous encore des problèmes quand nous devons débattre du résultat des thérapies psychanalytiques ? Le développement d’un domaine organisé de la recherche en psychothérapie a été encouragé par des psychanalystes ouverts à la recherche comme Robert Wallerstein, Otto Kernberg et Lester Luborsky, surtout par leur performance durable dans la recherche psychanalytique de l’étude de cas, le Menninger Psychotherapy Research Project, tout comme par des chercheurs formés en thérapie psychodynamique, comme H. Strupp, K. Howard et surtout D. Orlinsky, dont on se souvient aujourd’hui comme du père fondateur de la Society for Research in Psychotherapy. Cette société a produit une culture de la recherche là où la demande acharnée : « Montrez-moi vos données ! » prévalait sur la prépondérance des opinions des cliniciens. L’accent était mis sur les preuves et non sur les croyances.

Cet esprit de la recherche a établi de nouveaux standards pour l’évaluation de la psychanalyse et donc notre position d’aujourd’hui ne peut plus se fonder sur les affirmations soutenantes de Bergin. La psychanalyse ne peut pas échapper à la méthodologie des sciences sociales, qu’elle soit narrative-qualitative ou psychométrique-quantitative dans son approche. L’idée de la psychanalyse comme science spéciale et unique qui crée ses propres standards méthodologiques peut être une idée réconfortante pour certains d’entre-nous. Mais quand il s’agit d’évaluer le résultat, alors la société et ses assurances, les clients de nos traitements, les familles de nos patients et leurs conjoints ne peuvent plus se satisfaire de la vision d’un adepte de la psychanalyse comme étant une entreprise dans laquelle « le chemin est le but ». On pourrait maintenir que pour la philosophie thérapeutique du praticien, cette vision reste vitale ; cependant, les exigences de rendre des comptes publiquement nécessitent plus que cela. Si les thérapies psychanalytiques étaient vues comme un événement culturel recherché par les clients désirant payer pour un traitement spécial, aucun succès scientifique ne serait nécessaire, seulement des organismes pour organiser ces événements culturels. En fait, un nombre croissant de psychanalystes ne partagent pas cette vision. Ils croient que l’héritage de Freud a impliqué que l’on ne considère pas la psychanalyse comme un instrument pour découvrir comment l’esprit fonctionne, mais que l’on utilise la thérapie psychanalytique comme un instrument pour établir un changement bénéfique.

La portée grandissante de la psychanalyse a conduit à un développement remarquable. Non seulement nous avons une diversité de traitements d’inspiration psychanalytique, mais nous devons désormais accepter aussi que la notion même de psychanalyse comme forme autosuffisante de traitement ne peut pas résister plus longtemps à l’examen empirique. Par conséquent, Wallerstein pose la question de savoir quelle forme de psychanalyse on devrait employer dans des cas spécifiques, demandant si la psychanalyse nécessaire à une personne serait la ‘simple’ psychothérapie de quelqu’un d’autre ? Ces considérations l’ont conduit à mettre au pluriel le mot « psychanalyses » dans le sous-titre de son dernier livre (6). L’état de la recherche de résultat en psychanalyse nécessite la reconnaissance de cette sorte de diversité. La vision d’ensemble récemment publiée des études de résultat concernant les traitements d’inspiration psychanalytique, l’Open Door Review de l’IPA (7) a été établie avec l’objectif de faire avancer notre compréhension des problèmes et des occasions fournies par la philosophie derrière le traitement psychanalytique.

À cause de cela, le rapport mentionné a été très libéral, dans le fait qu’il inclut des études de traitements, guidés par la psychanalyse, très divers, alors qu’ils contribuent tous à l’évaluation de l’état de l’art en psychanalyse.

C’est le premier pilier de la sagesse que j’établis : il semble sage de ne pas séparer la psychanalyse officielle des autres thérapies d’inspiration psychanalytique, mais de favoriser le terme de psychothérapie psychanalytique pour recouvrir tous les traitements qui utilisent les notions fondamentales de la théorie du traitement psychanalytique.
Depuis de nombreuses années, la recherche concernant le traitement psychodynamique a accumulé une panoplie impressionnante de facteurs thérapeutiques qui se sont révélés influencer systématiquement le résultat du traitement. Il est probable que ces conclusions s’appliquent à toutes les formes de thérapie psychanalytique.

Quels sont les autres piliers, soutenus empiriquement, de la sagesse thérapeutique ?

I. Le niveau de santé psychologique versus la sévérité psychiatrique

Luborsky et coll. (8) ont résumé de nombreuses études utilisant cette dimension qui ont montré que la correspondance moyenne de la prédiction cotée par l’observateur de la santé-maladie psychologique au résultat réel était de 0.27. Cette conclusion est un rappel que la thérapie psychanalytique comme toute autre forme de psychothérapie s’occupe du fait que nos outils de traitement sont limités par la capacité du patient à les utiliser. Cependant, un certain nombre de conclusions mettent en avant que les traitements psychanalytiques intensifs bénéficient aux patients ayant des troubles plus sévères. Pour la survie du domaine de traitement plus long, ces résultats sont encourageants ; des études prospectives comparatives supplémentaires de cette question sont essentielles.

II. L’alliance thérapeutique

L’alliance thérapeutique est devenue le concept clinique le plus investigué, fondé sur la formulation initiale de Freud (9). Il est désormais évident que la construction de cette alliance a un impact à la fois direct et indirect sur le résultat et il est de plus en plus évident que cela est vrai non seulement pour le traitement à court terme mais aussi pour les thérapies analytiques à long terme (10).
La recherche très approfondie a désormais passé le niveau de la simple démonstration de sa pertinence pour le résultat. On s’accorde pour dire que l’alliance thérapeutique est une construction multi-dimensionnelle composée de quatre dimensions relativement indépendantes (11) :

a) La capacité du patient à travailler résolument en thérapie
b) Le lien affectif du patient au thérapeute
c) La compréhension empathique et l’implication du thérapeute
d) L’accord du patient et du thérapeute sur les buts et les tâches du traitement

III. Les configurations relationnelles centrales

Les mesures de la construction centrale de la psychanalyse, le transfert, se sont accrues rapidement ces dernières années. Après de nombreuses années de recherche simple basée sur la récupération de l’opinion, l’apparition des mesures liées au transfert à partir de séances enregistrées en audio a montré clairement qu’il y a des conclusions démontrables empiriquement.

Commençant avec la découverte du CCRT de Luborsky en 1977, une pléthore de mesures ont été développées (12). Le CCRT a été suivi par le diagnostic du plan par Weiss & Sampson (13), l’analyse du cadre de Dahl & Teller (14), le PERT de Gill & Hoffmann (15), la focalisation dynamique de Strupp & Binder (16) et d’autres encore. La mesure de la construction centrale du transfert est devenue viable et les thérapies psychodynamiques ont bougé pour devenir une science fondamentale (17). Un rapport récent de Henry et coll. compte 17 méthodes différentes qui, à des degrés variés, sont en cours d’être validées (18).

Notre propre étude récente, réalisée dans trois universités différentes, contribue à établir la validité de la méthode CCRT. Le lien entre « la dimension de valence » des réponses des autres (RO), des réponses du self (RS) et la sévérité du trouble psychique a été analysé dans des entretiens RAP de 266 patientes.
Les thérapeutes et les patientes ont évalué la sévérité des troubles de la même façon. La conclusion principale a été que plus les patientes étaient perturbées, plus elles ont décrit négativement leurs propres réactions et celles de leurs partenaires d’interaction, comme cela est montré dans les épisodes de relation (19).

Dans le contexte de cette recherche, des études détaillées de micro-analyse ont été mises en oeuvre. « L’Activité Référentielle » de Bucci (20) est devenue un outil très efficace pour étudier les mécanismes de base qui sont systématiquement liés aux processus transférentiels.

IV. L’interprétation de la configuration relationnelle centrale

De nombreuses études sur l’interprétation du transfert, une fois qu’on a pensé qu’elles représentaient le top du travail psychanalytique, ont révisé la surestimation unanime de cette activité. Surtout dans les traitements de basse fréquence et/ou à court terme, des conclusions très différentielles ont amélioré notre compréhension du problème (21) :

= le plus n’est pas le mieux et peut même être dommageable
= les interprétations de transfert ne réparent pas nécessairement les pauvres alliances et peuvent porter atteinte à l’alliance existante
= les interprétations de transfert ne provoquent pas de réponse affective plus grande ni nécessairement une augmentation de la profondeur de l’expérience, quand on les compare aux interprétations en dehors du transfert
= les interprétations provoquent plus probablement des réponses défensives que d’autres types d’interventions
= le niveau moyen de la justesse du thérapeute peut être plus bas que supposé
= le concept de Strachey de l’interprétation mutative n’a pas été démontré encore empiriquement
= la compétence du thérapeute peut créer une différence dans le résultat
= la qualité des relations d’objet influence la réponse à la fois de la fréquence et de la justesse de l’interprétation.

Une autre conclusion de cette recherche est que peu de recherche a été faite si l’on regarde la grande fréquence des thérapies psychanalytiques à long terme. Étant donné le manque de données publiques dans ce domaine, nous sommes encore loin de savoir empiriquement le rôle du transfert dans l’analyse. La communauté scientifique attend donc avec grand intérêt les conclusions de Kernberg et coll. qui s’appuient sur leurs études systématiques en cours sur la Psychothérapie Centrée sur le transfert (22). Pour la population de patient sévèrement perturbé, le rôle du transfert et de l’interprétation du transfert sera au centre des efforts de recherche. « Cependant, à la différence de la psychanalyse (où une focalisation systématique sur le transfert est une stratégie majeure du traitement), dans la psychothérapie psychodynamique des patients borderline, l’analyse est modifiée par l’attention aux buts initiaux du traitement et à la réalité externe actuelle » (23).

V. De la perlaboration à la maîtrise

Le dernier « pilier de sagesse » à comprendre est sans doute « la perlaboration» afin d’accomplir les derniers effets. Avec un langage traditionnel, Thomä & Kächele ont décrit cette phase du travail analytique :

« La phase de «perlaboration» commence après que le patient soit arrivé à un insight dans les liens et les processus indiquant la dynamique des conflits antérieurement inconscients. Le but est d’utiliser l’insight cognitif et affectif pour changer le comportement. Même si certains patients arrivent à des changements comportementaux de ce type sans aide de l’analyste, c’est quelque chose à laquelle on ne s’attend généralement pas. (24)

L’objectif de ce processus appelé « maîtrise » est défini comme l’acquisition d’une maîtrise de soi émotionnelle et une compréhension de soi intellectuelle dans le contexte des relations interpersonnelles. Le psychologue Australien Grenyer a développé une échelle de mesure de la maîtrise qui a été appliquée dans l’étude de Luborsky, qui démontre une progression systématique vers des niveaux plus élevés de maîtrise des conflits interpersonnels (25).

Il y a d’autres moyens d’exprimer ce qui a besoin d’être changé et ce qui a besoin d’être mieux géré par le patient au niveau individuel. En langage moderne, Fonagy (26) suggère trois dimensions de processus de base qui seraient au cœur du changement. Les voici :

(1) Les changements de représentations intersubjectives

(2) Les changements des processus mentaux

(3) Les changements des représentations mentales

Selon Fonagy, pour la majorité des patients névrosés, le dernier de ces trois processus peut être suffisant :

« Du point de vue du processus, les changements de représentations vont dans le sens d’une représentation plus complète et plus élaborée des états mentaux, des objets internes et du soi. La capacité réflexive améliorée permet aux patients d’intégrer des parties clivées du soi et crée des représentations d’objet avec des pensées complexes, des émotions mélangées et des désirs différenciés. L’amélioration symptomatique devrait être associée à de tels changements.

Mais d’un point de vue technique, nous avons suggéré qu’il est important pour l’analyste d’être conscient que les changements recherchés ne sont pas les changements dans la conscience du patient d’événements passés, mais plutôt les changements des mémoires procédurales et implicites. Ainsi, la récupération d’une expérience passée peut être utile, mais la compréhension des manières actuelles d’être avec l’autre est la clé du changement. Pour cela, la représentation et de soi et de l’autre peut avoir besoin d’être modifiée et cela ne peut être fait efficacement que dans l’ici et maintenant. »

Pour des patients plus perturbés, surtout les individus ayant un trouble de la personnalité, les deux autres processus sont essentiels. Pour ouvrir à des changements de représentations, l’analyste doit être capable de permettre des externalisations afin que la thérapie puisse être tolérée par le patient. Deuxièmement, l’analyste doit aider le patient à engager son esprit dans des formes d’activités mentales qui ont été ressenties dangereuses dans le passé. Le développement ou la récupération d’une fonction réflexive est remarquable comme processus central hypothétique.

Comme nous avons eu à nous occuper de ce que la plupart des chercheurs dans le traitement analytique considère être les éléments de base de toute thérapie psychanalytique, laissez-moi conclure par quelques affirmations sur l’état de la recherche de résultat en ce qui concerne les traitements d’orientation psychanalytique.

Certains observateurs impartiaux réalisent qu’il y a considérablement plus d’études sur les traitements psychanalytiques à long terme que la plupart d’entre-nous n’en sommes conscients. C’est particulièrement vrai s’il arrive que l’observateur soit une personne parlant l’anglais à l’origine avec aucune maîtrise d’une langue étrangère (ce qui est souvent le cas). En fait, une quantité importante de ces études a été réalisée dans des centres de recherche de l’université Européenne. En général, ils partagent une préférence pour la méthodologie sur l’efficacité réelle. Très peu d’études de thérapies psychanalytiques à long terme cherchent à remplir un étalon or de la recherche d’efficacité expérimentale. « Quand la réalité ne convient pas au projet », les chercheurs peuvent raconter des histoires tristes sur la façon dont des conceptions expérimentales planifiées ont échoué mais qu’une analyse de donnée intelligente est capable de rapporter des conclusions pertinentes (27). Nous ne devrions pas rejeter les études randomisées par principe ; parfois, elles peuvent être réalisées avec succès comme cela est démontré par l’étude de Munich en cours qui compare une thérapie psychodynamique à une séance par semaine à une thérapie psychodynamique à trois séances par semaine pour des patients souffrant de dépression majeure (28).

La plupart des études ont des limites importantes qui peuvent conduire les critiques de la discipline à ne pas tenir compte de leurs conclusions.

Par exemple, est-ce que l’analyste est dans une position pour juger le résultat d’un traitement ? Ce n’est pas seulement une question de parti pris de l’intéressé, mais est-ce que le contexte de la libre association n’est pas aussi totalement incompatible avec le rassemblement systématique de données concernant l’adaptation et les choses de ce genre ? À présent nous sentons que la réponse est simple : la vision de l’analyste dans l’évaluation du résultat est une vision parmi d’autres, elle doit être comparée à la vision du patient et aux visions de sa famille ou de ses amis, et elle doit être comparée à l’évaluation indépendante avec des instruments bien conçus.

Les problèmes les plus usuels que nous rencontrons dans de nombreuses études sont encore :

Le manque de diagnostics standardisés,

La spécification inadéquate de procédures de traitement,

Le manque de contrôle pour la sélection des biais de sélection,

L’absence d’intention de réaliser des contrôles et l’échec du suivi des sorties de traitement,

L’utilisation de thérapeutes inexpérimentés,

Le manque d’homogénéité des groupes de patients considérés,

Les méthodes hétérogènes d’intervention avec le manque qui s’y apporte de méthode d’intervention généralement acceptée et qui suit un manuel,

Le manque de puissance statistique,

Le manque d’affectation aléatoire pour les groupes de traitement,

Le manque d’évaluation indépendante du résultat,

Le manque de standardisation des mesures de résultat

La validité douteuse de certaines mesures de résultats,

Les groupes de comparaisons pauvrement assortis,

L’absence de contrôle pour la loi d'initiation et de régression à la moyenne

L’échec de prendre des mesures adéquates de base et liées à cette dépendance aux données rassemblées rétrospectivement,

Le détail inadéquat sur l’analyse statistique et les statistiques inappropriées rapportées,

Le contrôle inadéquat des traitements intercurrents

Et ainsi de suite.

Jusqu’à présent, il n’y a pas de méthodes valables disponibles qui pourraient indiquer de manière définitive l’existence d’une processus psychanalytique bien que la recherche sur le processus ait fait des progrès importants dans l’analyse de ce qui constitue les caractéristiques essentielles des processus analytiques en contraste à d’autres processus thérapeutiques (29).

Malgré leurs nombreuses limites, leur nombre d’études disponibles est encourageant, particulièrement la série des études en cours. Le rapport Open Door n'a pas été, faute de moyens, un rapport exhaustif. En fait, ce rapport a été étiqueté « ouvert » afin de souligner l’intention d’inclure des études ultérieures dans le futur au fur et à mesure que l’éditorial du rapport en a connaissance. Nombre de ses conclusions devrait par conséquent être particulièrement habilité à la lumière de la validité interne douteuse des observations rapportées.

1. Résultats de la psychanalyse

1.1. Les estimations du pourcentage des bénéfices des patients varient grandement selon les études, même pour des conditions de mesures similaires, probablement en fonction de facteurs méthodologiques.

1.2. Les traitements analytiques complétés sont associés invariablement à de plus grands bénéfices.

1.3. Plus le traitement est long, meilleur est le résultat.

1.4. La psychanalyse peut amener le fonctionnement d’un groupe clinique au niveau de celui de la population normale.

1.5. Le traitement psychanalytique intensif est généralement plus efficace que la psychothérapie psychanalytique.

1.6. La supériorité de la psychanalyse sur la psychothérapie devient parfois seulement apparente plusieurs années après que le traitement se soit terminé.

1.7. La supériorité de la psychanalyse sur la psychothérapie n’est parfois pas maintenue dans les suivis à long terme.

1.8. La psychanalyse peut conduire à une réduction des dépenses pour les services de santé et c'est le cas pour de nombreuses années après la fin de la thérapie.

2. Les variables Patient

2.1. Les troubles les plus sévères bénéficient de psychanalyse plutôt que de psychothérapie

2.2. La thérapie psychanalytique à des doses sub-cliniques peut avoir des résultats négatifs.

2.3. Les troubles comportementaux répondent moins bien à la psychanalyse que les troubles émotionnels.

2.4. Les enfants plus jeunes bénéficient plus de la psychanalyse que d’autres psychothérapies.

2.5. Les problèmes anaclitiques sont mieux traités par la psychothérapie, les problèmes d’introjection par la psychanalyse.

3. Les variables processus-résultats

3.1. Le traitement psychanalytique réussi de trouble sévère de la personnalité peut nécessiter un mélange de techniques de soutien et d’expression.

3.2. L’alliance thérapeutique au début du traitement prédit le résultat.

3.3. La thérapie de soutien peut être meilleure pour les patients psychotiques en ce qui concerne la capacité améliorée de l’adaptation.

3.4. L’angoisse, la culpabilité et l’idéalisation dans le transfert peuvent être associés à un traitement réussi alors que la honte, l’humiliation et l’angoisse existentielle peuvent être associées à des échecs de traitement.

3.5. Les thérapeutes qui réussissent compensent l’affect du patient.

3.6. Les changements systématiques dans les rêves illustrent des changements structuraux


4. Les variables thérapeute

4.1. Les analystes les plus expérimentés ne sont pas forcément les plus efficaces.

4.2. Les attitudes classiques psychanalytiques ne sont peut-être pas inutiles dans la psychothérapie psychanalytique.

4.3. L’assortiment entre l’analyste et le patient est un facteur de prédiction clé du résultat.

5. Les considérations méthodologiques

5.1. L’estimation du psychanalyste du trouble du patient s'accroit au cours du traitement.

5.2. Les psychanalystes tendent à surestimer le résultat mais pas nécessairement.

5.3. La définition des résultats en termes de buts de traitement individualisés accentue l’efficacité réelle de la psychanalyse.

5.4. Des mesures simples de la satisfaction de l’usager mettent en lumière l’ambivalence des patients par rapport à l’analyse.

5.5. Des mesures montrent que la psychanalyse produit des changements de symptômes psychiatriques plus importants que des changements de relation ou de personnalité.

5.6. L’estimation du psychanalyste de l’alliance thérapeutique est plus pertinente pour le résultat.

5.7. La technique psychanalytique varie considérablement entre analystes, même entre ceux qui ont été formés dans la même institution

6. Quelques questions auxquelles une réponse sera bientôt donnée

6.1. Quelle efficacité réelle a la psychanalyse dans le traitement de la dépression majeure et de l’angoisse comparée à des traitements moins intensifs ?

6.2. Est-ce que la psychanalyse est plus efficace que la TCC pour des enfants sévèrement anxieux sur un plan du développement ?

6.3. Quelles sont les différences qualitatives entre la nature du changement et la psychanalyse et la psychothérapie ?

6.4. Est-ce que la psychanalyse permet un bénéfice du coût ?

6.5. Quelle efficacité a la psychanalyse modifiée pour le trouble borderline de la personnalité ?

6.6. Quelle est la valeur du contrat dans la psychothérapie psychanalytique des patients borderline ?

6.7. Quelle est l'importance de la mentalisation dans le processus de traitement psychanalytique ?


En résumant ces résultats comme cela dans ces tableaux, nous adoptons une attitude prudemment optimiste envers les preuves présentées. Comme cela, nous ne serons pas en train de ne pas tenir compte de la fragilité des preuves, mais nous souhaitons au contraire mettre en lumière ce qui peut être montré par ces études et ce que les preuves actuelles indiquent.

Nombre de ces études en cours sont méthodologiquement « un état de l’art » et c’est bien sûr encourageant pour convaincre les sceptiques dans ce domaine. En général, les conclusions soulignent l’efficacité du travail psychanalytique et cela devrait nous encourager à entreprendre de nouvelles explorations même plus rigoureuses des résultats du traitement.

À la lumière des preuves disponibles, le futur des thérapies psychanalytiques ne paraît pas si mauvais. Néanmoins, les thérapies psychanalytiques méritent d’être étudiées d’une manière beaucoup plus approfondie que par le passé.

Notes :

1) The term is borrowed from the book by T.H. Lawrence The seven pillars of wisdom.

2) Hans Jürgen Eysenck, "The effects of psychotherapy: an evaluation", J. Consulting Psychology, 1952,16, pp. 319-324.

3) Allan E. Bergin, "The evaluation of therapeutic outcomes" in Allan E. Bergin, Sol L. Garfield (eds), Handbook of Psychotherapy and Behavior Change (New York: Wiley, 1971), pp. 217-270.

4) Bergin, cit., p. 225.

5) Ibid., p. 227.

6) Robert Wallerstein, The Talking Cures. The Psychoanalyses and the Psychotherapies (New Haven, CT: Yale University Press, 1995), p. XV.

7) Peter Fonagy, Horst Kächele, Rainer Krause, Enrico Jones, David Lopez, eds., An open door review of the outcome of psychoanalysis. Research Committee of the International Psychoanalytic Association (London: http://www.ipa.org.uk, 1999). traduction en français

8) Lester Luborsky, Louis Diguer, Ellen Luborsky, Arthur T. McLellan, George Woody, Louis Alexander, "Psychological health as predictor of the outcomes of psychotherapy", J con clin psychol, 61, 1993, pp. 542-548.

9) Sigmund Freud (1912), Zur Dynamik der Übertragung, GW, VIII, pp. 363-374.

10) See Louise Gaston, William E. Piper, Edwin G. Debbane, Jean-Paul Bienvenu , John Garant, "Alliance and technique interaction in predicting outcome of short and long term dynamic psychotherapy", Psychotherapy Research, in press.

Timothy Eaton, Nick Abeles, Marvin J. Gutfreund, "Therapeutic alliance and outcome: Impact of treatment length and pretreatment symptomatology", Psychotherapy, 1988, 25, pp. 536-542.

Arlene F. Frank, John G. Gunderson, "The role of the therapeutic alliance in the treatment of schizophrenia", Archives of Gen
Psychiatry
, 1990, 47, pp. 228-236.

11) See Louise Gaston, "The concept of the alliance and its role in psychotherapy", Psychotherapy, 1990, 27, pp. 143-153.

Lester Luborsky, "Helping alliance in psychotherapy: the groundwork for a study of their relationship to its outcome" in James L. Claghorn (ed.), Successful Psychotherapy (New York: Brunner, Mazel), pp. 92-116; "A pattern-setting therapeutic alliance study revisited", Psychotherapy Research, 2000,10, pp.17-29.

12) Lester Luborsky, Paul Crits-Christoph, John Mellon, "The advent of objective measures of the transference concept", J Consult Clin Psychol, 1986, 54, pp. 39-47.

13) Jim Weiss, Harold Sampson, Group at MZPR, The Psychoanalytic Process: Theory, Clinical Observation, and Empirical Research (New York: Guilford Press, 1986).

14) Hartvig Dahl, "Frames of mind" in Hartvig Dahl, Horst Kächele, Hans Thomä, eds., Psychoanalytic Process Research Strategies (Berlin: Springer, 1988), pp. 51-66.

15) Merton M. Gill, Irwin Z. Hoffman, "A method for studying the analysis of aspects of the patient's experience in psychoanalysis and psychotherapy", J Am Psychoanal Assoc, 1982, 30, pp. 137-167

16) Hans H Strupp, Jeff Binder, Psychotherapy in a New Key. A Guide to Time-Limited Dynamic Psychotherapy (New York: Basic Books, 1984).

17) Hartvig Dahl, "Introduction" in Dahl, Kächele, Thomä, eds., cit., pp. VII-XVI.

18) William Henry, Hans H. Strupp, Timothy E. Schacht, Louise Gaston, "Psychodynamic approaches" in Bergin, Garfield, eds., Handbook of Psychotherapy and Behavior Change, cit.

19) Cornelia Albani, Dieter Benninghofen, Gerd Blaser, et al., "On the connection between affective evaluation of recollected relationship experiences and the severity of psychic impairment", Psychotherapy Research, 1999, 9(4), pp. 452-467.

20) Wilma Bucci, "Converging evidence for emotional structures: Theory and method" in Dahl, Kächele, Thomä, eds., op.cit.; W. Bucci, "Pattern of discourse in good and troubled hours", J Am Psychoanal Ass, 1997, 45, pp. 155-188.

21) Henry, Strupp, Schacht, Gaston, op.cit.

22) John F. Clarkin, Frank E. Yeomans, Otto Kernberg, Psychotherapy for Borderline Patients (New York: Wiley, 1999).

23) Cf. Otto Kernberg, John F. Clarkin, "Developing a disorder-specific manual: the treatment of borderline character disorder" in N. Miller, L. Luborksy, J.E. Barber, J.P. Docherty, eds., Psychodynamic Treatment Research. A handbook (New York: Basic Books, 1993), pp. 227-244.

24) Thomä & Kächele, cit., p.317.

25) Brin F.S. Grenyer & Lester Luborsky, "Dynamic change in psychotherapy. Mastery of
interpersonal conflicts", J Con Clin Psychol, 1996, 64, pp. 411 -416.

26) Peter Fonagy, "The process of change and the change of processes: what can change in a
" good analysis`", http://www.psychematters.com/papers.htm, 1999.

27) Rolf Sandell, Jan Blomberg, Alan Lazar, "When reality doesn't fit the blueprint: doing research on psychoanalysis and long-term psychotherapy in a public health service program", Psychotherapy Research, 1997, 7, pp. 333-344.

28) Dorothea Huber, Günther Klug, Michael Rad, "Münchener Psychotherapie Studie" in M. Leuzinger-Bohleber, U Stuhr, eds., Psychoanalysen im Rückblick (Giessen: Psychosozial-Verlag, 1997), pp. 454-469.

29) See Fonagy, Kächele, Krause, Jones, Lopez, eds., op.cit., pp. 237-264.