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Revue critique de la littérature avec abord historique
Stephen BARBER et Robert C. LANE.
Efficacy research in psychodynamic therapy : a critical review of the literature.
Psychotherapy in private practice, 14(3), 1995:43-69
Traduction : Dr Jean-Michel THURIN ©
Avec lavancée de changements dans le financement du système de soin, il existe une demande croissante dexplication des services rendus par la psychothérapie. Sous différentes formes, il y a un recentrage sur des questions que se sont longtemps posées les cliniciens qui recommandent une forme de traitement :
"Quels patients, avec quelles caractéristiques, seront-ils les mieux traités par quelle thérapie avec des résultats cliniquement significatifs ?"
Jusqu'à quel point sommes nous capable de répondre à ces questions ? Ce texte tente de présenter une revue critique des recherches passées et actuelles pour tenter dy répondre.
Tendances générales dans la recherche sur les résultats
En dépit de ce quaffirment les écoles de psychothérapies non dynamiques, la théorie psychodynamique a fait lobjet dun investissement exceptionnel dans la mise en oeuvre de recherche clinique.
Comme dans toute recherche évoluant dans un champ clinique, la recherche initiale a commencé littéralement par des milliers détudes de cas uniques peu spécifiés (Mosher, 1991)
La méthodologie ne permet pas à ce stade un examen sérié des mécanismes de changement. Les résultats sont souvent mesurés en terme globaux, non spécifiques sur la simple mesure des impressions du thérapeute.
Dès 1930, le Berlin Psychanalytic Institute (Fenichel, 1930) réalisa une revue quantitative des résultats de psychanalyses menées dans cette clinique sur une période de 10 ans. Les résultats étaient groupés en différentes classes de niveaux damélioration, mais la signification complète de leur résultats nétait pas absolument claire. Dans une revue extensive de la littérature, Knight (1941) reprit les études de résultats disponibles à cette période. Il conclut quen utilisant les catégories de guéri et très amélioré, le pourcentage général damélioration avec la psychanalyse était de 55,9%, pour les cas qui étaient terminés. A partir dune analyse séparée, (cest à dire qui exluait les cas de psychose), les résultats apparaissaient encore plus importants. Si les arrêts prématurés étaient inclus, le niveau global de guérison baissait à 30%. En dautres termes, la question de lefficacité de la psychanalyse restait dans une large part en question.
La controverse sur lambiguité des données se renforça quand Eysenck, en 1952, publia une revue critique des travaux menés jusque là. Sa principale conclusion était quil ny avait pas de preuve solide que la psychothérapie, de quelque type quelle soit, psychodynamique ou autre, fasse quelque bien que ce soit. Bien que sa méthodologie ait été sévèrement critiquée (Bergin, 1971 ; Luborsky, 1954 ; Strupp, 1963), ses études déclenchèrent un grand effort de recherche avec lobjectif de démontrer les effets positifs de la psychothérapie. Un nombre important de revues de recherches (Lambert, Shapiro et Bergin, 1986 ; Luborsky, Crits-Christoph, Mintz et Auerbach, 1988) confirmèrent que la psychothérapie était bien efficace. Les résultats étaient tellement centrés sur cette question à ce moment que le débat sur lefficacité réelle générale de la psychothérapie psychodynamique ne fût plus une question (Lambert, 1991).
Avec lintroduction des techniques de méta-analyses, une évidence encore plus développée que la psychothérapie était bien efficace fut publiée (Andrews et Harvey, 1981 ; Dush, Hirt et Schroeder, 1983 ; Prioleau, Murdock et Brody, 1983 ; Shapiro et Shapiro, 1982 ; Smith et Glass, 1977 ; Smith, Glass et Miller, 1980 ; Steinbrueck, Maxwelle et Howard, 1983).
Dans une revue transversale concernant les études de résultat des thérapies durant la période 1953 - 1969, Bergin et Lambert (1971) notent que :
a - les études ne spécifiaient pas la nature précise du traitement ou les limites de son applicabilité, mais considéraient plutôt si la thérapie avait des résultats dans son ensemble ;
b - bien quil y ait eu une amélioration dans la précision et la méthodologie, elles arrivaient à la conclusion générale que la psychothérapie avait au moins des effets positifs modestes ;
c - il existait une légère tendance pour des études mieux construites pour produire des résultats un peu plus positifs ;
d - il était clair que quelque chose de puissant intervenait dans la thérapie ;
e - une relation entre le résultat et la durée du traitement nétait pas mise en évidence ;
f - des thérapeutes expérimentés faisaient mieux que des théapeutes inexpérimentés ;
g - il était observé que quelques patients allaient plus mal, tandis que certains patients névrotiques samélioraient spontanément.
Fiske et al. (1970) commencèrent à mettre en oeuvre les premiers guides de recherche pour faire des comparaisons de traitements dans le but dinfluencer la future recherche. Leurs suggestions inclurent la nécessité de critères multiples ; le contrôle de la façon dont chaque patient était adressé en thérapie ; la précision de ce qui était attendu à la fois de la part du thérapeute et du patient au début du traitement.
Luborsky, Singer et Luborsky (1975) lancèrent une nouvelle controverse quand il firent une revue comparative des résultats de recherche et conclurent que toutes les psychothérapies avaient des résultat relativement équivalents. Beutler (1991) nota que cette déclaration avait eu un effet profond sur la direction de la recherche évaluative. Cette constatation provoqua une inertie contre les efforts menés pour démontrer que les différentes psychothérapies pouvaient exercer des effets différents parmi les différents patients. Elle indiqua également que la conclusion toutes les psychothérapies mènent aux mêmes résultats était basée sur trois types de méthodes : a) une investigation naturaliste de psychothérapies non contrôlées portant sur des groupes de patients hétérogènes, b) des études contrôlées de thérapies bien définies, avec des protocoles de traitement bien définis, appliqués à des échantillons de diagnostic homogène et c) des méta-analyses dans lesquelles un ou plusieurs types détudes étaient inclus.
Valeurs dans la définition du résultat
Beaucoup des difficultés rencontrées dans la recherche évaluative au cours de lhistoire de la pratique analytique peuvent être rapportées à cettte injonction initiale de Freud lui-même :
Des amis de la psychanalyse nous ont conseillé de faire contre-poids à une série déchecs en établissant une énumération statistique de nos succès. Je nai pas soutenu cette proposition. Jai mis en avant le fait que les statistiques seraient sans valeur si les cas réunis nétaient pas semblables et que les cas qui avaient été traités nétaient pas équivalents à de nombreux égards. De plus, la période de temps qui pourrait faire lobjet dune revue serait trop courte pour que lon puisse juger de la permanence des guérisons, et pour de nombreux cas il serait impossible de donner un résultat. Il existe aussi des personnes qui gardent à la fois leur maladie et leur traitement secrets, et leur récupération doit de même à rester secrète. La raison la plus forte contre, cependant se tient dans la reconnaissance du fait quen matière de psychothérapie, lhumain est irrationnel. Aussi, il ny a pas de possibilité de linfluencer par des arguments raisonnables. (Freud, 1916/1955, pp 386-387).
Cette attitude se retrouve aujourdhui chez de nombreux cliniciens qui perçoivent souvent la recherche de résultat comme sans valeur et sortant du travail au jour le jour avec leurs patients. Souvent, les instruments utilisés pour mesurer les constructions théoriques et les résultats cliniques sont perçus comme vides de toute signification.
Un des problèmes les plus difficiles auquel est confronté le chercheur clinicien est le fait que les résultats de la psychothérapie sont de façon inhérente chargés de valeur et sont liés à la culture, la philosophie de lhomme et de plus en plus à la politique publique de santé (Bergin et Strupp, 1972 ; Strupp et Bergin, 1969). Knight (1941) avait proposé trois catégories simples dévaluation de la thérapie : a) la résolution des symptômes ; b) une véritable amélioration du fonctionnement mental et, c) une amélioration de la relation à la réalité. Depuis cette période, il y a eu une myriade dautres cadres de travail qui ont été débattus, cependant beaucoup dentre eux suggèrent de mesurer les aspects de base de létat émotionnel du patient, son fonctionnement social et lorganisation de sa personnalité.
Processus versus résultat
Avant 1975, il semblait quil y avait un grand écart entre la recherche sur les processus et celle sur sur les résultats. En 1990, Marmar note que durant la dernière décade il y a eu un intérêt convergent des études à propos de la relation entre processus et résultat. Lancienne perspective qui était que le processus se limitait au temps thérapeutique et que le résultat était limité au comportement après le traitement a été largement abandonnée.
Plus récemment, des designs de mesures répétées ont été utilisées dans lesquelles les variables dépendantes clés étaient mesurées fréquemment durant le traitement. Cette approche permet un examen de leffet dinterventions variées en fonction de différentes durées de traitement (Howard et al., 1986).
Recherche théoriques versus recherche empirique
Luborsky, Barker et Crits-Chritoph (1990) ont observé que durant les deux dernières décades, la recherche à base théorique sur la psychothérapie psychodynamique avait commencé à se développer. Ce développement a inclus le test des principales propositions théoriques concernant la technique et lexpression thérapeutique. En voici quelques exemples :
- Lalliance thérapeutique. Afin dopérationanaliser le concept dalliance thérapeutique, trois types différents de mesures ont été développés (Luborsky, 1996) : a) le décompte des signes, b) des échelles de mesure globale et c) des autoquestionnaires. Ces mesures se sont révélées avoir une puissance de prédiction significative dans un certain nombre détudes. Dans une revue de huit études examinant cette relation, Luborsky et al. (1988) ont rapporté quelles avaient toutes une capacité de prédiction des résultats avec une corrélation moyenne de 0.5. Orlinsky et Howard (1986) ont rapporté des résultats similaires dans leur revue de la littérature. Hartley et Strupp (1993) ont également trouvé que des scores plus élevés à lalliance thérapeutique étaient associés à des meilleurs résultats. Gomes-Schwartz (1978) a établi que la capacité du patient à participer à une relation thérapeutique pouvait être considérée comme une conséquence de lempathie et de lhabileté du thérapeute, mais une autre recherche a montré que cette capacité est une caractéristique que le patient apporte avec lui dans sa thérapie (Hartley et Strupp, 1993)
- Le transfert. Bien quil soit difficile à quantifier, une tentative significative a été faite pour opérationaliser ce concept. Utilisant le concept de Thème conflictuel relationnel central (CCRT : Core Conflictual Relationship Theme), Luborsky (1976) a utilisé les récits spontanés des patients à propos de leurs interactions avec les autres personnes, incluant le thérapeute, exprimés pendant la psychothérapie. Le CCRT tente de mesurer les conflits relationnels et les patterns sur la base de trois composants : les souhaits envers les autres, les réponses des autres et les réponses du moi. Outre le CCRT, il existe plusieurs autres méthodes : a) lutilisation dun échantillon soit de récits à propos des relations ou dexemples dinteractions observées, b) la formulation de relations à propos des patterns les plus fréquemment utilisées et c) la formulation de patterns basées, au moins partiellement, sur le jugement clinique (Luborsky, 1990).
- Interprétations. Des études à propos de la relation entre interprétations et résultats ont obtenu des résultas mitigés. Certaines études ont suggéré que la fréquence de lusage des interprétations était associée à de meilleurs résultats (Malan, 1976), Marziali, 1984). Cependant, dautres études n'ont pas confirmé pas cette conclusion (Piper et al., 1986). Davanloo (1980) a proposé quun facteur intermédiaire pourrait être que linterprétation peut conduire à une réaction affective ou à une réaction défensive. Dautres études suggèrent que la qualité des relations dobjet des patients peuvent intervenir dans lefficience de linterprétation (Azim et al., 1988).
- Pertinence des interprétations. Dans les études qui essayent dévaluer cette variable, des panels de juges ont été réunis pour évaluer la pertinence de linterprétation. La pertinence est souvent mesurée comme la réponse efficace du thérapeute aux principales communications du patient (Auerbach et Luborsky, 1968). En utilisant dautres approches centrées sur le patient, des mesures dempathie ont été développées. Dans une revue des recherches sur lempathie, Luborsky et al. (1988) ont rapporté que sur 13 études examinant la relation entre empathie et résultat, huit étaient significatives.
- Auto-compréhension. Un principe bien établi de la théorie psychodynamique considère quaider le patient à une meilleure compréhension de ce qui était inconscient améliorera le résultat. Ce domaine est encore largement ignoré des chercheurs, bien quil y ait eu un peu de travail sur le patient qui fait lexpérience. Il sagit à la fois de la capacité dexpérience et de la capacité dêtre conscient de lexpérience (Klein, Mathieu-Coughlan et Kiesler, 1986). Les résultats détudes examinant cette variable sont encore mélangés (Luborsky et al., 1988).
Approche pragmatique versus approche heuristique à propos de lefficacité de la recherche
Shoham-Salomon et Hannah (1991) ont discuté deux approches générales en examinant linteraction entre le patient et le thérapeute.
La première approche pragmatique cherche à développer des recommandations qui permettent de dire quels types de patients peuvent bénéficier le mieux des différentes thérapies pour obtenir la meilleure efficacité du traitement. Cette approche recherche la plus grande validité prédictive générale.
La recherche heuristique sintéresse plutôt à lidentification des caractéristiques des patients qui prédisent des effets particuliers. Elle fait de grand efforts pour développer la validité de la construction de la recherche.
La recherche pragmatique est dabord concernée par lefficacité générale dun traitement, tandis que la recherche heuristique est davantage concernée par lidentification des caractéristiques du patient qui prédisent des effets spécifiques.
Cette distinction devient de plus en plus importante avec larrivée de réformes dans le financement de la psychothérapie. Fréquemment, largument avancé est que la psychothérapie est analogue à une procédure médicale (Strupp, 1982). Si le traitement dun problème psychologique est remboursé comme un traitement médical, cela soulève alors des questions sur la nature du traitement. Quels sont les coûts et les bénéfices (ou les risques) ? Le traitement est-il efficace ? Dans quelles conditions la psychothérapie est-elle indiquée ? En termes réels, la définition de lefficacité par le tiers payeur aura un impact important sur la recherche évaluative. Dans ce sens, lapproche pragmatique démontrant lefficience générale de la psychothérapie psychodynamique est désirable et nécessaire. Pour mesurer lefficience, exactement comme dans le cas de médicaments ou de procédures médicales, on demandera aux essais cliniques de mesurer : a) la qualité et le dosage de la substance ; b) la nature du trouble pour laquelle la psychothérapie est indiquée ; c) les caractéristiques des changements provoqués par la psychothérapie (y compris les changements collatéraux) et d) quelles sont les autres variables pertinentes qui pourraient influencer le traitement ? La sélection du traitement, une fois posée la responsabilité du thérapeute individuel, va devenir de plus en plus une question de santé publique et un débat. Comme Beutler (1991) le note, lanalogie médicale implique que le diagnostic du patient est un indicateur différentiel de traitement, tandis que la sélection de la psychothérapie peut être beaucoup plus complexe ...
Schlesinger et Mumford (1984) ont bien montré que la recherche évaluative sur la psychothérapie est intimement liée à la façon de la santé publique de la concevoir, surtout depuis que les dépenses publiques sont en point de mire. Ils remarquent quen dépit de frontières fonctionnelles artificielles entre santé physique et psychologique, toutes les maladies physiques ont des composantes émotionnelles et psychologiques. Souvent, les problèmes émotionnels sont exprimés à travers des plaintes physiques et des services appropriés de santé mentale devraient avoir un impact favorable sur ces plaintes. Bien que les résultats varient en fonction de la méthodologie, il existe plus de 60 études ayant examiné la morbidité psychologique dans les questions médicales (Mumford et Schlesinger, 1978). De plus, il y a un faisceau de preuves montrant que la psychothérapie a des effets très positifs sur la santé générale (Schlesinger, Mumford et Glass, 1980). Les résultats indiquent que la psychothérapie affecte de façon significative les indicateurs physiologiques et de santé, et quelle peut être tout à fait efficace dans la réduction du besoin de services médicaux plus coûteux.
Approches par corrélations, expérimentales et interactionnelles
Influencées par les paradigmes prévalents, les tentatives de prédire les résultats thérapeutiques ont suivi à la fois des approches par corrélation et expérimentales. Les approches par corrélations tentent de prédire les résultats en fonction des caractéristiques des patients, sans prise en considération de la thérapie. Les approches expérimentales tentent de comparer lefficience moyenne de deux ou plusieurs thérapies sans considérer les différences individuelles (Luborsky, Singer et Luborsky, 1975). Bien quil y ait eu un grand effort de relier les variables démographiques, il apparait que des variables sociodémographiques telles que lâge, le sexe, la race, la classe sociale, léducation, lintelligence et le statut matrimonial nont pas deffet significatif sur le résultat (Lambert et Asay, 1984).
Les approches par corrélations ont dominé létude des résultats thérapeutiques. Les variables précédant le traitement les plus souvent corrélées avec le résultat ont inclu les variables démographiques, la motivation, les attentes, lintelligence, les résultats aux tests mentaux (pour revue, voir Garfield, 1986). Les approches expérimentales comparent lefficience moyenne de différentes thérapies. Cependant, des résultats moyens similaires peuvent être atteints par des mécanismes radicalement différents et peuvent bénéficier à des individus avec des caractéristiques différentes (Stiles et al., 1986).
Dans une des séries récentes darticles éclairant la recherche, on a cherché à comprendre comment le mélange des attributs du patient et du type de psychothérapie affecte le résultat thérapeutique. Snow (1991) discute lapplication de méthodes dinteraction de laptitude au traitement (ATI) à une prise en compte systématique de différences individuelles dans lévaluation du traitement. La méthodologie de ce type de recherche tente de trouver des effets dinteraction significatifs plutôt que les effets les plus communs. Shoham-Salomon et Hannah (1991) ont fait apparaître que ce genre détudes est conçu pour déterminer si des patients ayant une certaine caractéristique bénéficieront mieux dun certain type de thérapie, tandis que dautres présentant telle autre qualité bénéficieront mieux dun autre type de thérapie. Une première tentative dans cette perspective fut présentée par Beutler (1979). Il tenta didentifier les caractéristiques universelles des patients qui appelent une orientation particulière de traitement. Il reprit 52 études et recommanda la prise en compte de trois dimensions pour établir une approche thérapeutique : complexité des symptômes, style de défense, et capacité potentielle de réaction. Beutler (1991) suggéra dans un autre article que le manque de modèles théoriques transversaux indiquant linteraction entre diagnostics de patients et psychothérapie était problématique. Il soutient que les chercheurs se sont préoccupés de comparer les psychothérapies par titre générique, de même que par diagnostics de patients, plutôt que dévaluer lefficacité des traitements qui leur sont appliqués. Dans une revue des études ATI par Dance et Neufeld (1988), les auteurs soulignent que la plupart de ces études examinent les interactions dune ou plusieurs aptitudes avec une ou plusieurs thérapies, en utilisant une mesure commune de résultat. Cependant, les interactions attribut-résultat sont aussi possibles. Lexamen de ces interactions peut conduire à des propositions plus heuristiques pour tenter de connaitre les processus thérapeutiques de changement. Cette tentative est obérée par des limitations statistiques. Quand les études essayent dévaluer les effets de linteraction patient-therapeute entre des variables liées, la puissance statistique du test de signification souffre de la taille de petits échantillons et dune perte des degrés de liberté de lanalyse des principaux effets.
A partir des études précédentes, il apparaît que les tentatives de mesurer les résultats thérapeutiques en examinant soit les caractéristiques du patient soit celles du thérapeute de façon isolée conduit à des résultats faibles. Afin dobtenir une connaissance plus complète à la fois de la prédiction des résultats et des mécanismes de la thérapie, les interactions doivent être plus clairement comprises. Actuellement, il existe une littérature à propos des interactions entre le traitement et les catégories diagnostiques (Beutler, 1991) ; cependant, il existe une possibilité que la même thérapeutique puisse conduire à des résultats différents à terme.
Leffet différentiel de la psychothérapie et de la psychanalyse avec des patients anaclitiques et introjectifs
Dans une ligne de recherche innovante, Blatt (1992) réexamina les résultats du projet de recherche Menninger sur la psychothérapie pour distinguer les résultats thérapeutiques chez les patients en psychanalyse de ceux qui étaient en psychothérapie. Il trouva que les patients dont la pathologie était dabord centrée sur des problèmes de relation interpersonnelle utilisaient des défenses dévitement (anaclitiques), tandis que les patients dont la pathologie était centrée par des questions de définition de soi, dautonomie et de valeur du moi utilisaient des défenses dopposition (introjectives). Ces deux groupes different dans leur qualité de réponse à la psychothérapie et à la psychanalyse. En examinant la qualité des relations dobjet, il fut capable de démontrer que les patients anaclitiques réussissaient mieux en psychothérapie, tandis que les patients introjectifs réussissaient mieux en psychanalyse. Bien que les deux groupes de patients bénéficient de la psychothérapie, il apparut que leurs changements différaient dun point de vue tant qualitatif que quantitatif.
Dans une autre étude menée par la Fondation Austin Riggs, Blatt et Ford (1994) étudièrent un échantillon de 90 patients sévèrement atteints qui avaient été en traitement à long terme et avaient bénéficié de tests psychologiques incluant le Rorschach, le test daperception thématique, une forme du test dintelligence Wechsler, et les images de figures humaines. Les résultats thérapeutiques comprenaient une réduction de la fréquence et/ou de la sévérité des symptomes cliniques, de meilleures relations interpersonnelles, une intelligence accrue, une réduction des troubles de la pensée, et une réduction des fantasmes concernant des relations personnelles irréalistes.
Il faudrait noter que létude de Blatt et Ford a intégré un certain nombre daméliorations dans la méthodologie. Elles incluent lexamen de la relation entre les caractéristiques du patient et le style de la thérapie, une approche pragmatique qui tente de montrer que les caractéristiques du patient sont prédictives du succès de thérapies différencielles, de multiples mesures de résultats, des mesures statistiques rigoureuses, et de lutilisation du sujet comme son propre contrôle. Il semble également que létude des changements au cours de la thérapie consitue une démarche heuristique féconde. La méthodologie de létude est suffisamment sophistiquées pour répondre à de multiples questons avec une égale rigueur.
Principaux projets concernant les résultats de traitements psychodynamiques
° Projet de recherche Menninger sur la psychothérapie
Létude Menninger a peut-être été létude la plus ambitieuse defficacité (et la première prospective) de la psychothérapie psychodynamique et de la psychanalyse jamais tentée. Cette étude sest étendue sur 18 années de travail, avec quelques uns des cliniciens les plus connus dans le domaine. Elle a examiné les effets à long terme de la thérapie de 42 patients border-line, présentant des psychoses latentes ou des troubles graves du caractère ( Kernberg, 1973 ; Wallerstein, 1986). Le travail de cette étude sest concentré sur quatre domaines principaux : 1) les caractéristiques des patients, 2) les thérapeutes, 3) les modalités de traitement, 4) la situation actuelle du patient. Les données ont été réunies sous la forme de tests psychologiques étendus et dimpressions cliniques avant le début du traitement, rapidement après leur terminaison et de nouveau en période de suivi deux ou trois ans après.
Linformation issue des enregistrements des thérapeutes était résumée dans un format standard saccordant avec les principes psychodynamiques. Malheureusement, létude était sujette à un certain nombre de biais. La forme des recueils de données a varié à différentes périodes de mesure. Il y avait aussi une possibilité dune contamination, en ce que les chercheurs nétaient pas aveugles par rapport aux enregistrements cliniques quands ils faisaient leurs mesures. Ils connaissaient ce quétaient les diagnostics et les impressions des cliniciens par rapport aux patients. De plus, les évaluateurs étaient familiers avec la thérapie et prenaient en compte les variations du style thérapeutique quand ils évaluaient les résultats. Seul un groupe de juges qui avaient intensément investi le projet, faisait lévaluation. Une autre faiblesse majeure de létude était labsence de groupes de comparaison qui rendait les résultats plus difficiles à interpréter de façon significative. Bien que Kernberg et ses collègues aient été capables de se critiquer eux mêmes pour ces faiblesses, ces biais sérieux dans la recherche ont été particulièrement dommageables par rapport à un effort aussi monumental. Deux conclusions émergèrent de létude qui conduisirent à une recherche ultérieure ; dabord, que les patients avec une force du moi haute montraient de plus grands changements que ceux avec une force du moi faible et ensuite, que des thérapeutes hautement qualifiés avaient plus de succès que des thérapeutes moins expérimentés.
° Université de Columbia
Ce projet à grande échelle a étudié plus de 250 individus en traitement de 1945 à 1961, puis de 1962 à 1971 (Bachrach, Weber et Solomon, 1985). Ces études ont indiqué quun résultat positif était obtenu et quelles étaient capables de montrer une corrélation entre durée du traitement et bénéfice.
° Institut psychanalytique de Boston
Cette étude, qui a couvert une période de 1959 à 1966, était similaire à celle du projet Menninger en ce que les sujets passaient des tests psychologiques avant de commencer leur psychanalyse et étaient testés un an après la fin de la psychanalyse avec des suivis à des intervalles de 5 et 10 ans (Kantrowitz, Katz, Paolitto, 1989 ; Sashin, Eldred et Van-Amerongen, 1975). Les résultats ont montré des effets positifs du traitement et indiqué que la plupart des patients développaient des capacités dauto-analyse. Cependant, ni les évaluations des analystes au moment de la fin du traitement, ni celles des patients eux-mêmes, ni les évaluations basées sur des tests psychologiques un an après la fin, n'étaient capables de prédire quels patients seraient susceptibles de saméliorer ou non sur le plan psychologique. Les auteurs nétaient pas capables de dresser des généralisations de cas à propos des facteurs associés à un changement psychologique.
° Projet de lInstitut psychanalytique de New York
Cette large étude sest étendue de 1967 à 1969 et a trouvé de nouveau que la longueur du traitement était corrélée au résultat et, en général, que les patients montraient une amélioration (Erle et Goldberg, 1984).
° Centre de recherche psychothérapique dAlberta
Ce projet, associé avec un important service de psychiatrie ambulatoire à lUniversité de lhôpital dAlberta, a réuni toute une série dinvestigations dessais cliniques centrés sur lefficacité de différents types de psychothérapie dorientation psychodynamique. Bien que les patients aient été pour la plupart des patients ambulatoires, ils incluaient également une population en hospitalisation partielle. Les études ont examiné les relations prédictrices de résultat, incluant les interactions entre les caractéristiques des patients et les variables du traitement. Dans la construction de ces études, il y eut une tentative consciente de se poser des questions dordre clinique et de produire des outils utiles pour les cliniciens dans leur pratique. Cela fut particulièrement vrai pour ce qui concerne la sélection des patients et les relations entre les caractéristiques du patient et le processus thérapeutique (Piper et al., 1986 ; Piper, de Carufel et Sczkrumelak, 1985).
Dans leur première étude, les chercheurs examinèrent ladéquation entre les qualités du patient et le résultat dans les psychothérapies brèves (Piper et al, 1991). Leurs résultats indiquèrent que la psychothérapie individuelle brève était la plus efficace en terme de coût quand le temps à la fois du thérapeute et du patient étaient considérés. Ils trouvèrent également que la qualité des relations dobjet était associée à la fois au processus et aux scores de résultat (Azim et al., 1990).
La seconde étude tenta de contrôler lefficience et ladéquation du patient pour la psychothérapie de groupe brève (Mc Callum et Piper, 1994). Les résultats indiquèrent que l' lesprit psychologique peut avoir une certaine utilité comme indicateur pronostique.
La troisième étude, récemment conduite, fut une évaluation contrôlée dun programme de traitement de jour. Lefficacité dun programme de jour dans le traitement de troubles mentaux sérieux et chroniques fut étudiée avec lobjectif didentifier les caractéristiques des patients qui peuvent être réliées à un résultat favorable. Les résultats de cette étude sont encore en attente.
La quatrième étude examina les conditions préalables et les réponses à des interprétations psychodynamiques (Piper et al, 1986). Les chercheurs examinèrent les éléments qui étaient associés avec des interprétations couronnées de succès ou sans succès dans les psychothérapies brèves individuelles.
° Université de Pennsylvanie : les Penn projets de recherche sur la psychothérapie
Ce projet de recherche commença en 1967 avec un fond du NIMH pour étudier les facteurs influençant les résultats des psychothérapies psychodynamiques (Luborsky ey al., 1988). En plus de la population initiale de 73 patients, des données issues dautres projets furent également associées. Les buts généraux du projet étaient : 1) trouver les facteurs qui influencent le résultat de la psychothérapie ; 2) développer des mesures opérationnelles concernant les facteurs opérants dans la psychothérapie dynamique ; 3) étudier lefficience de différents traitements pour différents troubles ; 4) examinier les relations entre changements de lhumeur, compétence du système immunitaire et maladie, et 5) développer des manuels spécifiques pour le traitement de différents troubles psychologiques.
Au sein de ces projets, il y avait un certain nombre de mesures majeures conçues pour définir et quantifier un certain nombre de concepts centraux de la théorie psychodynamique. Ils incluaient lalliance thérapeutique, le pattern relationnel central , la pertinence de linterprétation, lauto-compréhension et les changements dans les modes majeurs de relation. En plus du développement de mesures opérationnelles, ces études ont fourni la base dun travail de comparaison de la psychothérapie psychodynamique avec dautres formes de thérapie.
° Les études de psychothérapie Vanderbildt
Strupp (1993), dans un synopsis dune série détudes conduites à luniversité de Vanderbilt, décrit une longue histoire de la recherche évaluative qui na cessé de se sophistiquer. Bien quinitialement fondé sur une étude empirique des techniques thérapeutiques, ce travail a pu progressivement se centrer sur les attitudes du thérapeute envers son patient et comment cette attitude affectait son jugement clinique. En particulier, le concept de complémentarité négative a ainsi pu être étudié. Ce groupe détudes nommé Vanderbildt 1 sest centré sur le rôle de facteurs spécifiques (la technique) et non spécifiques (interpersonnels) dans la thérapie, alors que létude de suivi Vanderbildt 2 examinait les effets de la formation à la psychothérapie brève sur le processus et le résultat. Dans cette étude (Strupp et Hadley, 1979), deux groupes de thérapeutes et un groupe de contrôle furent mis en perspective. Un groupe était constitué de cliniciens expérimentés formés à la psychothérapie psychodynamique, tandis que le second groupe était formé de professeurs sélectionnés pour leur chaleur et leur empathie. Bien que les deux groupes aient fait mieux que le groupe de contrôle, on ne retrouva pas de différence significative entre les deux modes thérapeutiques, ce qui suggérait que la formation psychodynamique ne contribuait pas au résultat. Il fut admis que létude était biaisée et les conclusions reçues avec circonspection. La durée de la thérapie peut avoir été inadéquate et le groupe non formé peut avoir été plus expérimenté que les apparences pouvaient le laisser penser. Il fut noté cependant quune bone alliance thérapeutique pouvait être corrélée à un résultat positif. Les patients qui engageaient une thérapie avec ressentiment et négativité, dans les deux groupes, avaient de faibles résultats. Les résultats semblaient aussi suggérer que la formation spécialisée pourrait conduire à un meilleur résultat.
Comme étude de suivi, le projet Vanderbildt 2 examina le rôle de la formation spécialisée dans lamélioration du résultat du traitement. En particulier, lutilisation dune approche guidée par manuel fut examinée. La technique de standardisation de la thérapie est devenue plus populaire dans la recherche thérapeutique conventinnelle, et est souvent requise pour lobtention de fonds. Les résultats de létude illustrent davantage les difficultés à conduire les cliniciens à suivre un manuel que ce qui concerne lefficacité de lapproche avec manuel.
° Projet collaboratif de recherche sur la dépression du NIMH
Dans cette étude comparative, menée sur une large échelle (Elkin et al., 1989), 250 patients furent répartis de façon randomisée entre une psychothérapie interpersonnelle, un traitement comportemental, ou un traitement médicamenteux (imipramine) associé à un suivi clinique. Les résultats indiquèrent une légère supériorité du traitement médicamenteux, jusquà ce que la sévérité de la dépression à ladmission soit considérée. Il apparut ensuite que la thérapie interpersonnelle, associée avec le traitement médicamenteux était plus efficace.
De façon générale, cette étude illustre les problèmes que posent des études comparatives simples. Comme cest signalé plus haut, lorsque les patients sont groupés seulement à partir de caractéristiques diagnostiques, les caractéristiques cliniques qui affectent le résultat tendent à être masquées sous linfluence de lamélioration moyenne.
Impact historique dautres projets
Outre ces projets à large échelle explorant lefficacité des psychothérapies psychodynamiques, il existe un certain nombre dautres projets qui ont eu un impact historique ou significatif dans le champ de la recherche évaluative. On trouve une excellente description de lévolution de la recherche évaluative dans louvrage de Freedheim (1992). Dans ce livre, Strupp et Howard (1992) décrivent de nombreuses études importantes dimportance historique dont on trouvera ci-dessous le résumé.
° Centre de conseil de lUniversité de Chicago
Dans ce centre, Carl Rogers (1951) a conduit une recherche sur son approche centrée sur le patient. Utilisant un groupe principal détudiants, il a enregistré et transcrit les séances de psychothérapie, utilisé le Q-sort et les techniques danalyse factorielle comme moyen détablir lefficacité de la psychothérapie.
° Université John Hopkins (Clinique Phipps)
Dans une série détudes, Jerome Frank (1992) et ses collègues ont étudié la réponsivité des patients à des traits communs de la psychothérapie. De plus, ils ont conduit des évaluations de suivi sur une période de 20 ans sur beaucoup des patients. Ce groupe a centré son approche sur les facteurs de santé dans la psychothérapie plutôt que sur une théorie ou une technique sépcifique.
° Université de Michigan
En 1948, Edward Bordin (1979) a développé un groupe pour explorer les processus de la psychothérapie tels que la profondeur de linterprétation, lempathie et lassociation libre en relation avec les caractéristiques du patient et du thérapeute. il fut lun des premiers à étudier lalliance thérapeutique.
° Collège détat de Pennsylvanie
Dans les années 50, William Snyder (1961) développa un groupe de recherche détudiants qui examina les relations statistiques entre le patient, le thérapeute et les variables de résultat; Il fut lun des premiers à étudier, en profondeur, la relation patient thérapeute.
° Administration des Vétérans
Parmi les premiers chercheurs à étudier les gains thérapeutiques résultant de laccroissement du nombre des séances, Maurice Lorr et ses collègues (Lorr et al., 1962) trouvèrent que la durée du traitement avait plus dinfluence que le strict nombre des séances. Ces études, dans les années 50 et le début des années 60 recommandèrent un examen plus poussé de la fréquence des séances comme moyen de réduire le coût des patients.
° Temple Université
Autour des années 50, un groupe conduit par Bruce Loan, Arnold Lazarus et Joseph Wolpe (Sloane et al., 1975) compara directement les processus et les résultats de la psychothérapie comportementale et de la psychothérapie traditionnelle. Leur travail fut significatif car il fut lun des premiers essais cliniques contrôlés avec des patients réels. Leurs résultats, qui furent largement diffusés, montraient une petite différence enter les deux thérapies, bien que les deux soient supérieures à celles dun groupe témoin.
° Université de Chicago / Université du Nord Ouest
Le projet Séance de psychothérapie, initié en 1964 par David Orlinsky et Kenneth Howard (Orlinsky et Howard, 1975) fut lune des premières études à utiliser la technologie informatique pour lanalyse de larges échantillons de données qui étaient focalisées entièrement sur les rapports subjectifs des patients et des thérapeutes. Avec les développement dinstruments plus rafinés, leur groupe évolua vers la recherche de résultat et de délivrance de services.
Le futur de la recherche en psychothérapie psychodynamique
Dans un article récent, Luborsky et ses collaborateurs (1994) ont signalé quil y avait différents facteurs dont on avait montré maintenant linfluence sur le résultat de la psychothérapie. Ils incluent la santé-maladie psychologique que le patient apporte en psychothérapie et lalliance thérapeutique. De plus, ils notent que plusieurs améliorations dans la recherche se sont ajoutées à ce champ. Y sont incluses le développement de manuels de traitement, le développement de mesures opérationnelles de transfert, un nouvel accent sur le niveau de succès des thérapeutes avec leurs patients, et des améliorations dans les systèmes de diagnostic.
En dépit du large accord issu de la recherche que la psychothérapie a un effet bénéfique, et que la psychothérapie psychodynamique en est la forme la plus commune (Luborsky et al., 1994), il subsiste encore une controverse à propos des études de comparaison qui ne montrent pas de différence entre les thérapies. De nouvelles méthodes qui prennent en compte les différences des patients, la durée de la thérapie (dose), et les mécanismes de changement sajoutent rapidement à notre connaissance.
Luborsky et al. (1994) continuent de faire des spéculations sur le futur de la recherche en psychothérapie psychodynamique. Leurs sépculations comprennent les éléments suivants:
- Davantage de thérapies taillées pour des types spécifiques de patients. Comme cela a été démontré par Blatt et Ford (1994), la psychothérapie psychodynamique peut avoir des bénéfices spéciaux et particuliers pour certains groupes de patients. Cela reflète une tendance générale à lutilisation de thérapies spécifiques taillées pour certains groupes diagnostics, tels que les troubles paniques, les phobies, les troubles du comportement alimentaire, etc.
- Renforcement de lutilisation des psychothérapies brèves. Il pointent quil y a une véritable course entre les thérapies pour démontrer leur efficacité dans des protocoles à court terme. Dans ces études comparatives, lutilisation de manuels (bien que problématique dans leur application) aide à spécifier exactement quel est le traitement qui est délivré et peut être nécessaire pour que ces études aient une signification.
- Davantage de comparaisons entre la psychothérapie à long terme et à court terme. Il apparait quil existe un manque détudes substancielles comparant les études à court et à long terme. La recherche qui a été conduite semble comparer la psychothérapie brève avec seulement des psychothérapies légèrement plus longues. Bien sur, par nature, les études de psychothérapies à long terme sont difficiles à réaliser à cause du temps nécessaire et de la dificulté à organiser des assignations randomisées.
- Davantage détudes de thérapies combinées (psychothérapie et pharmacothérapie). Comme la démontré lEtude Collaborative sur la Dépression (Elkin et al. 1989), il peut y avoir une certaine base pour combiner la pharmacothérapie avec la psychothérapie. Cela fut également démontré par Frank et al. (1992) dans la post-cure de patients déprimés. A cause des différences théoriques dans les deux thérapies, il peut y avoir une certaine différence dans la détermination des thérapies qui sont les mieux adaptées.
- Davantage de connaissance à propos des facteurs qui influencent les résultats. Comme cela a été discuté antérieurement, la question de la recherche évaluative pragmatique est dintérêt substantiel pour la politique publique. Il existe un intérêt à démontrer que la psychothérapie psychodynamique peut aboutir à des réductions de coûts à cause dune réduction de lutilisation médicale. Avec cette perspective, il peut y avoir moins de discussion de marques et davantage de discussion à propos des facteurs qui sont communs à travers les psychothérapies. Cela peut conduire à une meilleure intégration entre la théorie et la technique.
- Davantage de ponts avec les sciences les plus établies. Un travail récent dans le domaine des sciences biologiques et médicales, commencé par Kandel (1983) suggère que des changements physiologiques et biologiques importants peuvent exister dans la psychothérapie. Une part importante de ce nouveau travail implique lusage dinstruments de mesures sophistiqués pour mesurer directement les changements physiologiques au cours de la psychothérapie.
- Une plus grande attention à lapplication de la recherche dans la pratique. Pendant un certain temps, les cliniciens ont eu tendance à réduire leurs efforts de recherche parce quils pensaient quelle nétait pas applicable au cadre clinique. Bien que cette vision soit encore très vivante aujourdhui, il existe un espoir que des principes généraux empiriques puissent aider les cliniciens à formuler leurs théories à propos de patients individuels.
Conclusions
Depuis le développement de la théorie et de la pratique psychanalytique, les clinciens ont été concernés par une évaluation objective de la psychothérapie psychodynamique. Avec larrivée dune attention accrue tant professionnelle que publique sur cette question, comme résultat de changements dans le financement des services de santé mentale, les praticiens ont un intérêt encore plus grand pour ce type de recherche.
Lévolution de la recherche sur lefficacité
Depuis le moment où lInstitut psychanalytique de Berlin commença les premières études sur la psychothérapie psychodynamique, la recherche évaluative a traversé plusieurs stades dévolution.
1. Au départ, il y eut des milliers détudes peu élaborées issues de cas uniques . Le consensus fut alors que, bien quelles apparaissent comme quelque chose de grand intérêt pour la thérapie, la méthodologie qui était alors disponible ne permettait pas un examen précis des mécanismes de changement. Les résultats étaient souvent mesurés en termes globaux, non spécifiques, basés sur les simples mesures des impressions du thérapeute.
2. Au cours de la phase suivante, il y eut des tentatives de réaliser une revue quantitative générale des analyses de résultat. De nouveau, ces études manquaient de spécificité et rapportaient des résultats dune façon qui les invalidait et laissait la question de lefficacité de la psychothérapie psychodynamique sans réponse.
3. Comme la psychothérapie navait pas clairement prouvé son efficience, elle était vulnérable à une critique sévère. Comme résultat, il y eut un certain nombre détudes qui la comparèrent simplement à une absence de thérapie. En dautres termes, cétait mieux que rien. Bien que les chercheurs aient été capables de prouver que la thérapie était plus efficace que labsence de thérapie, ces études ne spécifiaient pas les limites dapplicabilité des techniques ou même la nature exacte du traitement.
4. Finalement, il y eut des tentatives dexaminer le processus de la psychothérapie en détail. Plutôt que de faire une investigation des concepts de base et des techniques, un certain nombre détudes furent conduites entre des marques de psychothérapie. Plutôt que dexaminer les effets de techniques spécifiques, ces études cherchèrent surtout à démontrer la supériorité dune école par rapport à une autre, en partant du principe dune population homogène. Cette approche comparative sest finalement faite au détriment de la psychothérapie, à partir du moment où il est apparu quaucune psychothérapie nétait supérieure à une autre, une idée qui fut largement acceptée.
Plus récemment, la recherche sur lefficacité est devenue beaucoup plus sophistiquée, pas seulement en terme de méthodologie, mais aussi de clarté du projet. Le résultat en est une meilleure reconnaissance de linteraction complexe entre le processus de la psychothérapie et son résultat. Au lieu de comparaisons générales entre des types déterminés de psychothérapie, il existe une tendance à examiner de façon plus spécifique les composants de la psychothérapie et les caractéristiques des patients qui permettent de prédire un bon résultat. Il existe une meilleure reconnaissance de la valeur à la fois de lapproche heuristique et de lapproche pragmatique à propos des questions de recherche. Finalement, il existe une prise de conscience croissante que, si la validité prédictive est importante - notamment au sujet de la sélection du traitement, il existe aussi un réel besoin de valider les modèles de base qui décrivent le processus de changement en psychothérapie.
Comme cela a été précédemment discuté, il y a eu un vaste éventail de projets conçus pour tester des théories concernant lefficacité de la psychothérapie psychodynamique. Bien quen arrière plan beaucoup de ces études aient présenté des biais ou des limitations, elles ont reflété létat de lart disponible à ce moment. Les études plus récentes, telles que le projet Menninger et le projet de lInstitut psychanalytique de Boston, ont mis fortement en relation des mesures de fonctionnement avant et après la psychothérapie, à partir à la fois de tests psychologiques et du jugement clinique.
Alors que les projets se développaient sur le plan de leur sophistication, des outils additionnels sont devenus disponibles, tels que des échelles dévaluation clinique, des techniques statistiques améliorées et des manuels décrivant les protocoles de thérapie. Certains de ces projets, tels les études psychothérapiques Vanderbilt, ont évolué vers une plus grande sophistication au cours des années alors que des techniques de recherche plus sophistiquées se développaient.
Avec la réforme actuelle du système de financement de la santé, il y a une certaine pression, à la fois des psychologues et des non-psychologues, pour considérer la psychothérapie comme un type de traitement médical. Cependant, il existe encore un débat substantiel pour savoir si lanalogie est appropriée. Si elle est appropriée, alors la thérapie doit être évaluée de la même façon quun médicament ou quune procédure médicale. Cela incluerait lévaluation de la dose, des effets collatéraux et du bénéfice attendu. Cela implique également que le diagnostic basé sur les symptômes soit le premier indicateur différentiel de traitement. Dautres défendent cependant lidée suivant laquelle la psychothérapie nest pas une simple applicaton de technique pratiquée dune façon prescrite pour arriver à une fin particulière. Il sagit plutôt dune relation complexe entre deux personnes qui implique toute une variété de valeurs culturelles et personnelles. En outre, les résultats obtenus se situent souvent ailleurs que là où ils étaient attendus.
Sur cette base, les propositions de Knight en 1941 sont toujours actuelles.
Présentons chacun de ses critères
- la résolution des symptômes. La recherche pragmatique est dabord concernée par le résultat de la thérapie et les facteurs qui interviennent sur ce résultat. Bien quil soit connu que la symptomatologie saccroit souvent durant le cours de la psychothérapie psychodynamique, lun de ses principaux buts est léventuelle réduction ou lélimination des symptômes présents. Du fait que dautres thérapies se concentrent uniquement sur la réduction des symptômes, les psychodynamiciens ont tendance à réduire limportance de cet aspect. Néanmoins, la psychothérapie psychodynamique est un outil puissant pour réduire la souffrance symptomatique.
- de véritables progrès dans le fonctionnement interne. A côté de la simple réduction des symptômes, pouvons-nous réaliser des changements significatifs et stables de la capacité du patient de se débrouiller avec les problèmes de la vie ? Sans accroissement de la capacité de fonctionner, la psychothérapie est seulement une solution temporaire à un problème complexe.
- amélioration de la relation à la réalité. En plus de capacités de fonctionnement améliorées, un des buts de la thérapie est daider le patient à saccepter soi-même et à accepter les autres tels quils sont, au lieu de vivre dans un monde de fantasme et de relations passées. Pour les patients les atteints, cela peut être un des objectifs les plus difficiles et les plus importants à atteindre.
Lefficacité des techniques thérapeutiques
La recherche moderne sur lefficacité dans la psychothérapie psychodynamique est plus concernée que toute autre par une appréhension d rigoureuse des constructions théoriques sous-tendant les techniques thérapeutiques. Ce travail inclut le développement dinstruments et de définitions opérationnelles telles que lalliance thérapeutique, le transfert et les interprétations. Bien quil y ait eu un grand investissement de travail théorique sur ce qui sous-tendait ces constructions, il y a eu une difficulté considérable à les définir en des termes quantitatifs qui aient une signification.
Usage accru des approches interactives
Contrairement aux premières études par corrélations et, à des études expérimentales ultérieures, les approches interactionnelles procurent un outil utile pour examiner leffet du mélange de certaines caractéristiques du patient avec différentes approches thérapeutiques. Bien que cette nouvelle approche donne une connaissance plus complète à la fois de la prédiction des résultats et des mécanismes sous-jacents à la thérapie, le manque de cadre théorique est évident. De façon croissante, il est devenu évident que les patients avec des caractéristiques différentes peuvent bénéficier de thérapies utilisant des voies complètement différentes, mais également valables.
Modèles modernes de recherche
Les efforts actuels dans la recherche sur lefficacité de la thérapie psychodynamique sont dirigés vers plusieurs buts différents. En plus de la nécessité pragmatique de démontrer lefficacité dans un cadre clinique, il y a également un besoin de valider les constructions théoriques qui sous-tendent la théorie et les techniques utilisées. Tout en sinscrivant dans une rigueur scientifique, les chercheurs se trouvent devant un enjeu, celui de produire une recherche qui soit pertinente et utilisée dans la pratique clinique quotidienne. La recherche ne peut plus aborder séparément lévaluation des résultats et lévaluation des processus. Si une certaine technique thérapeutique montre quelle est efficiente, les mécanismes de changement doivent être considérés et associés à une approche théorique. Des approches purement corrélationnelles ou expérimentales ne sont plus suffisantes pour décrire de façon rigoureuse ce qui se passe dans une thérapie. Il est indispensable de considérer également les interactions qui se produisent entre certaines caractéristiques des patients et des aspects particuliers du traitement. Les questions de recherche qui sont particulièrement convaincantes sont :
1. Quelles sont les caractéristiques particulières du patient qui peuvent prédire le succès ou léchec selon différentes modalités thérapeutiques ? Ces caractéristiques nont pas à être purement diagnostiques, mais doivent également inclure dautres facteurs.
2. Quels sont les mécanismes de changement qui ont lieu dans une thérapie ? Sans une ferme compréhension de la façon dont le changement seffectue, soutenue à la fois par la théorie et lévidence empirique, la thérapie peut être considérée comme idiosyncrasique et non fiable.
3. Quelle psychothérapie est-elle efficiente en terme de coût et avec quels patients ? Comme Knight la suggéré, une simple réduction de symptômes nest pas suffisante. Des améliorations stables et réelles dans le fonctionnement et la relation du patient à la réalité sont nécessaires.
4. Quels sont les effets à long terme de la thérapie en termes de productivité accrue, de réduction des hospitalisations, et dune utilisation plus appropriée des services de soins médicaux coûteux ?
5. Dans quelles conditions pathologiques, la psychothérapie psychodynamique et la psychanalyse montrent-elles des résultats supérieurs quand elles sont comparées à dautres psychothérapies ?
6. Quand la thérapie psychodynamique est-elle indiquée parmi dautres types de traitement, tels que la pharmacothérapie, et comment ces résultats peuvent-ils être optimisés ?
7. Comment les constructions théoriques peuvent-elles être définies et quantifiées dans une voie qui soit pertinente pour le clinicien ? Dans ce sens, il existe une relation symbiotique entre le clinicien et le chercheur, avec le fait que chacun a besoin de lautre. Le clinicien ne peut continuer à produire un service dont lefficacité ne peut être évaluée. Sans réelle pertinence clinique, la recherche reste stérile et inutilisée.
La ligne de recherche prescrite par Blatt et Ford (1994) procure un modèle valable defficacité des recherches psychodynamiques dans les prochaines années. Dans cette étude réalisée au sein de la Fondation Austin Riggs, ils ont intégré beaucoup des innovations et des améliorations discutées précédemment. Elles incluent :
A - La combinaison de lapproche heuristique et de lapproche pragmatique. Dans leur étude récente, ils ont commencé avec une théorie qui fait lhypothèse que des réponses différentes au traitement puissent reposer sur des lignes différentes de développement. Bien que non perceptibles au niveau du diagnostic [catégorique], il est conçu que ces caractéristiques pourraient interagir différemment avec la thérapie et quelles pourraient constituer une différence qualitative dans les gains obtenus par la thérapie.
B -Utilisant des mesures variées, ils ont fait un effort conscient dexaminer les mécanisme de changement en thérapie et de lier ces changements aux résultats. Par lutilisation de procédures statistiques sophistiquées, leur niveau de certitude sest très fortement accru.
C - Les instruments quils ont utilisés ont été largement acceptés et utilisés par les cliniciens, ce qui a renforcé la potentialité que leurs résultats puissent être appréciés et compris par eux.
D - Ils ont évalué la stabilité des changements et les effets quavait la thérapie, tant sur le fonctionnement général que sur la réduction des symptômes.
En conclusion, après un certain nombre dannées dévolution, il semble que la recherche sur lefficacité psychodynamique soit en train de devenir plus rigoureuse, plus significative et plus spécifique quelle ne la jamais été auparavant. Bien que nous soyons encore à une longue distance de la précision mathématique évidente dans les sciences biologiques et physiques, il existe un corps de recherche croissant qui aborde la question de base posée au début de cet article, à savoir, Quels patients, avec quelles caractéristiques, sont-ils le mieux traités par quelle thérapie avec des résultats cliniquement significatifs ?. Avec les études qui posent ces questions à un certain nombre de niveaux différents et qui se confrontent à la complexité de la thérapie, la recherche évaluative porte davantage de promesses que cela na jamais été le cas auparavant pour comprendre pourquoi la thérapie marche.
Cet excellent article pose les vraies questions : psychothérapie et psychanalyse sont-elles des traitements médicaux ? Doivent-elles émarger dans le cadre des dépenses de soins ? Comment se fait le " choix thérapeutique " ?
A l'heure du trou de la sécu ,et de la restriction de formation des psychiatres, la question est de taille. Elle ouvre sur la classique remarque de "l'analyse laïque " que Freud avait en son temps déjà soulevée. Il s'agit véritablement d'un problème politique qui mérite de repenser toute la notion du soin.
Ne devrait-on pas en effet dissocier le "traitement prescriptif " (to Cure) sanitaire de "l'accompagnement psychosocial " (to Care) du bien être, auquel il devrait (systématiquement) être associé et ce, même pour les affections dites " somatiques "?
Ne faut-il pas alors deux sources de financement, la seconde nécessitant davantage une participation financière du patient, l'impliquant de façon particulière comme moteur de l'avancée du traitement .
A l'inverse ne faut-il pas que toute formation médicale aux " soins " comporte également celle " du soin " et donc inclut une formation à la " psychothérapie du médecin de famille ".
Les questions ouvertes sont vertigineuses. Elle méritent un débat entre nous certes, mais surtout un débat public car il s'agit de rien de moins que d'un problème de santé publique du citoyen, avec ses conséquences économiques.
Enfin, pour les amateurs de corrélations psychosomatiques de l'effet des psychothérapies, au delà de leur visualisation (scanner, RMN) on devrait davantage se pencher sur les changements immunitaires que procureraient psychothérapie,et psychanalyse.
A Coen
Dernière mise à jour : mardi 11 février 2003 17:19:25
Dr Jean-Michel Thurin