RAPPORT DU RESEAU I.N.S.E.R.M 49-20-06

B - AXES DE RECHERCHE

5 - LANGAGE ET COMMUNICATION

L'objectif de ce sous-groupe est d'étudier, de façon longitudinale et comparative, les troubles du langage retrouvés chez des enfants présentant un autisme ou une psychose précoce. Dans ce cadre, il s'agissait :

* d'abord, d'en rechercher la spécificité éventuelle par rapport à d'autres troubles du langage, à partir d'études transnosographiques partant de l'examen des troubles langagiers proprement dits ;

* d'étudier les articulations entre ces troubles et l'évolution dans les autres domaines du développement et notamment ceux qui relèvent de la communication et de la cognition ;

* de mettre en place des instruments permettant une étude plus précise du langage de la communication et de leurs troubles chez les enfants présentant un autisme ou une psychose précoce ;

* d'articuler ces données avec celles recueillies, en ce qui concerne l'émergence du langage chez les enfants autistes et psychotiques en situation thérapeutique ;

* d'évaluer les effets de l'interaction entre ces troubles et les dispositifs thérapeutiques proposés.

Au travers de ces approches très diverses, ce sous-groupe s'est attaché :

a) à dépasser les classifications globalisantes et stéréotypées au profit de repérages plus directement centrés sur les troubles du langage ;

b) à privilégier la perspective évolutive qui permet de prendre en compte l'hétérogénéité nosographique de l'autisme ;

c) à ne pas négliger la dimension intersubjective présente dans ces troubles (intentionnalité de communications, souffrance à la non perception des messages, etc...).

EQUIPES DU PROFESSEUR P. FERRARI (PARIS) EN COLLABORATION AVEC LE PROFESSEUR B. GOLSE, (PARIS), LE DOCTEUR Y. DU PASQUIER (PARIS), LE PROFESSEUR CL. BURSZTEJN (STRASBOURG), LE PROFESSEUR G. SCHMIT (REIMS), LE DOCTEUR M. BOTBOL (SENLIS), LE DOCTEUR B. LAUTH (PARIS)

Nous exposerons, dans un premier temps, un vaste projet multicentrique d'étude des troubles sévères et précoces du langage (qu'ils soient de nature autistique ou non). Faute de financement, ce projet n'a, pour l'instant, pu être mené à son terme. Dans un second temps, nous ferons état d'une étude préliminaire menée plus spécialement par le Docteur B. LAUTH et le Docteur D. TRUSCELLI, sur une petite population d'enfants dysphasiques.

"ETUDE PROSPECTIVE DES TROUBLES SEVERES ET PRECOCES DU DEVELOPPEMENT DU LANGAGE : EVALUATION (PROJET MULTICENTRIQUE)"

Il s'agit d'un projet multicentrique (3 équipes parisiennes et 3 équipes provinciales) visant à une approche transnosographique des troubles sévères du développement du langage dans la triple perspective :

* de déterminer les caractéristiques cognitives, psycho- pathologiques et psycholinguistiques de ces troubles ;
* de préciser l'existence d'éventuels profils évolutifs spécifiques ;
* de rechercher s'il existe des critères prédictifs de ces évolutions.

I - OBJECTIFS SPECIFIQUES

Les troubles sévères du langage chez l'enfant, quelle que soit leur étiopathogénie spécifique, donnent lieu à un handicap sur le plan de la communication et de l 'adaptation familiale, sociale et scolaire. Ce projet vise à préciser les différents paramètres déterminant le profil évolutif de ces divers troubles et notamment :

* le quotient de développement et le quotient intellectuel ;
* le fonctionnement cognitif,
* les profils psychopathologiques ;
* les données psycholinguistiques ;
* les facteurs pathologiques ;
* les diverses modalités de prise en charge ;
* certaines variables épidémiologiques (âge, sexe, milieu socio- culturel, etc...).

L'identification de ces marqueurs prédictifs de l'évolution devant permettre, au terme de l'étude, de préciser les enfants pour lesquels une prise en charge intensive et précoce (soit avant l'âge de 4 ans) s'avère indiquée et indispensable.

II - METHODOLOGIE

1) Population étudiée

Cette étude portera sur 60 enfants (soit environ 10 enfants par équipe participante).

a) Examen de pré-inclusion

* un examen clinique neuro-pédiatrique et génétique sera effectué pour chaque enfant dont l'inclusion dans le protocole de recherche est envisagée et ce bilan sera éventuellement complété par divers examens complémentaires (imagerie cérébrale, E.E.G. de veille voire de sommeil, caryotype standard ou spécifique...) selon les indications du neuropédiatre. Pour les enfants recrutés par les 3 équipes parisiennes, cet examen pédiatrique sera effectué par l'équipe du Prof A MUNNICH (Hôpital des Enfants-Malades) ;

* une mesure du quotient de développement ou du quotient intellectuel par la passation d'épreuves non verbales en sachant les limites de cette évaluation chez les enfants autistes qui, cas par cas, réclameront une concertation entre les différentes équipes ;

* certaines épreuves standardisées d'analyse du langage : - un test de production, soit le test de Phonologie- Dénomination de Chevrie-Muller, - un test de compréhension et de désignation d'images, soit le test de Lege-Dague (Adaptation Française du test de Peabody) ou le test de KhomsiI.

b) Critères d'inclusion

Enfants : * dans leur 4ème ou 5ème année de vie ; * ayant déjà bénéficié d'au moins 3 mois de scolarisation en maternelle ; * présentant un trouble sévère du développement du langage défini comme un retard d'au moins deux ans aux épreuves standardiséesévoquées ci-dessus.

c) Critères d'exclusion

* les enfants présentant des troubles directement attribuables à des anomalies neurologiques, à des anomalies anatomiques de l'appareil phonatoire ou à des altérations sensorielles. Exemple : aphasies acquises, syndrome de Landau-Kleffner, surdités ...

* les enfants dont le quotient intellectuel est inférieur à 50 aux tests non verbaux ;

* les enfants atteints de mutisme.

d) Composition des groupes d'enfants au niveau de chaque centre

Il s'agit d'un recrutement "tout venant" mais on veillera cependant, par une concertation inter-équipes, à maintenir un certain niveau d'hétérogénéité nosographique (soit un minimum de 10 enfants dans chacun des grands groupes cliniques : autistes, dysphasiques...).
2) Protocoles d'évaluation

Ils seront effectués une fois par an pendant 4 ans.

a) Evaluation psycho-linguistique

Les conditions de passation de cette évaluation seront standardisées, dans une pièce calme de préférence, en l'absence des parents et éventuellement en présence d'un soignant connaissant bien l'enfant (présence alors signalée au niveau du recueil des données). Le bilan linguistique reposera sur l'utilisation de plusieurs outils d'évaluation standardisés permettant non seulement une évaluation objective des troubles du langage (dans leurs différents aspects) mais aussi l'évaluation de leur degré de gravité (utilisation de batteries standardisées et étalonnées). Les instruments utilisés permettront ainsi d'explorer les versants réceptif et expressif du langage à ses différents niveaux : gnosopraxique, phonologique, lexical et syntaxique.

La batterie de tests de C. Chevrie-Muller, A.M. Simon et P. Decante Cet instrument étalonné permet d'évaluer la gravité de l'atteinte en référence aux performances attendues dans la classe d'âge à laquelle appartient l'enfant.

* Passation du test La batterie est divisée en 5 parties :

- Articulation : 1 subtest
- Phonologie : 3 subtests
- Expression : 3 subtests
- Compréhension : 7 subtests
- Rétention : 3 subtests

* Résultats Cet instrument permet d'établir un profil fiable des performances et donc de classer l'enfant examiné en fonction des déficits spécifiques mis en évidence ainsi que des aptitudes préservées.

Cette batterie de tests sera complétée par la mesure de la longueur moyenne des productions verbales à partir d'enregistrements audiophoniques (corpus de 20 minutes).

b) Evaluation intellectuelle et cognitive

Cette évaluation se fera selon 3 axes préférentiels :

* l'étude du traitement de l'information de type séquentiel et analytique particulièrement impliqué dans la production et la compréhension du langage (test de Kaufman-ABC) ;

* l'étude de la mémoire à court terme, elle aussi en jeu dans le développement du langage (S.E.GATHERCOLE & A.D. BADDELEY, 1990 ; A.D.BADDELEY, 1992 ; A. GRAS-VICENDON & coll., 1994) ;

* l'étude de la logique des classes, dans la mesure où l'activité de classification chez l'enfant constitue une des opérations fondamentales de l'activité intellectuelle permettant de mettre de l'ordre dans le monde qui l'entoure. Rappelons que la logique des classes se définit dans la psychologie classique par l'ensemble des attributs communs aux objets rangés dans la classe, les autres attributs étant négligés comme non pertinents, et que les classes naturelles décrites par les psychologues cognitivistes (BIDEAUD & HOUDE, 1989) se définissent sur les bases suivantes : - "co-occurences" perceptives, - communauté d'usage, - rapprochements spatiaux habituels, - séquences événementielles familières.

Les instruments utilisés

* Les instruments utilisés pour mesurer les capacités cognitives doivent être spécifiquement adaptés à ces enfants, âgés de 4 à 6 ans, dont les capacités langagières sont très perturbées. Il s'agit de mesurer, à l'aide de tests appropriés, les opérations fondamentales de l'activité intel- lectuelle qui permettent d'ordonner les événements aléatoires et le monde environnant chez ces enfants qui sont privés de l'aide du langage ;

* Méthodes de mesure :

- Etude des activités de classification, inclusion, sériation :

* Epreuves étalonnées en âge mental : l'épreuve "Analyse catégorielle" et l'épreuve "Classification" empruntées à la batterie EDEI de PERRON-BORELLI ;

* Epreuves plus cliniques : l'épreuve "Classification" de la batterie UDN 80 de C. MELJAC ; l'épreuve "d'inclusion des classes" et l'épreuve de "sériation" de la même batterie ;

- Etudes du traitement de l'information à travers les deux processus mentaux, séquentiels et simultanés :

* épreuves non verbales du Kaufman-ABC.

- Etudes du lien entre le conceptuel et le langage : le langage des vecteurs logiques et topologiques, et les premières approches de l'utilisation opérationnelle du nombre ; mesure de la compréhension du langage sans production de langage :

* test des concepts de base de BOEHM (test pré-scolaire pour enfants de 3 à 6 ans),

* épreuve des "cartes de jetons" de l'U.D.N. 80 (épreuve de constat),

* premiers items de subtest des "Poupées", U.D.N. 80 (épreuve d'utilisation opérationnelle ;

- Investigation sur le plan moteur : implications de la motricité et du corps dans les activités d'imitation et de mémoire

* test d'imitation de gestes )

* test de formes évanescences ) BERGES

* éléments du test de schéma corporel de C. MELJAC (dessin et puzzle),

* test de latéralité manuelle.

c) Evaluation psychopathologique

* Entretien psychiatrique semi-structuré avec les parents (données anamnestiques, modes de communication intra-familiale, psychopathologie éventuelle des parents...) ;

* situation d'observation standardisée avec l'enfant permettant d'analyser ses modalités de fonctionnement relationnel et psychique. Cette situation sera élaborée et codifiée pendant la première phase de l'étude. Une attention particulière sera accordée :
- aux différents niveaux de communication verbale et pré- verbale,
- au type de contact établi par l'enfant sur un plan quantitatif et qualitatif (notation et d'une éventuelle tonalité autistique ou psychologique de ce contact),
- à l'intention communicative de l'enfant,
- au vécu "contre-transférentiel" de l'examinateur. L'ensemble de ces données permettra de situer l'enfant dans l'un des groupes diagnostiques de la CIM-10 (10ème édition de la Clas- sification Internationale des Maladies Mentales) et de la C.F.T.M.E.A. (Classification Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de l'Adolescent), de double codage paraissant nécessaire en raison des discussions encore persistantes quant à la nosographie des troubles psychiques infanto-juvéniles ;

* La passation enfin du PL-ADOS (Pre-Linguistic Autism Diagnostic Observation Schedule) mis au point par P. DI LAVORE & C. LORD (Chicago) et M. RUTTER (Londres) en 1993. Cette échelle évalue 3 domaines distincts en fonction des critères du DSM-IV :

- les interactions sociales,
- la communication verbale et infra-verbale,
- les comportements anormaux (stéréotypies et autres). Sa passation est relativement courte (< 45 minutes) et la formation des examinateurs à l'utilisation de cette échelle pourra être envisagée au sein de chacune des 6 équipes concernées dans le cadre des crédits de financement de ce projet. La passation aboutit à une cotation quantitative qui renseigne sur la sévérité des troubles de la communication. Ce test peut être utilisé chez les enfants à partir de 12 mois jusqu'à 5 ou 6 ans (voire plus en cas d'absence de langage verbal).
3) Données manquantes

Comme dans toute étude prospective et longitudinale, une attention particulière sera accordée à la continuité du recueil des données et à la restriction au minimum des données manquantes. Compte-tenu du temps de déroulement de l'étude et du déplacement possible des familles, on veillera par exemple à disposer des coordonnées téléphoniques privées et professionnelles des parents. Le traitement statistique des éventuelles données manquantes sera abordé spécifiquement avec l'aide d'un collaborateur épidémiologiste (I. GASQUET, psychiatre vacataire I.N.S.E.R.M., Unité 169 de Recherches en Epidémiologie)).
4) Faisabilité et déroulement de l'étude

La première année de ce programme a été essentiellement consacrée au recrutement et à l'inclusion des enfants ainsi qu'à la formation des équipes à l'utilisation de certains des instruments d'évaluation (Kaufman-ABC, UDN 80 et PL-ADOS par exemple). Etant donné l'aspect très complet des évaluations annuelles envisagées, il est possible que l'évaluation psycho-linguistique constitue le pivot central du projet (évaluation complète chaque année) et que dans le registre cognitif et psychopathologique, certains items seulement soient réévalués chaque année, ceci afin de ne pas alourdir inconsidérablement la charge, pour les enfants et leurs familles surtout, de ces bilans qui s'étaleront nécessairement sur plusieurs journées. Etude préliminaire sur des enfants dysphasiques (Dr B. LAUTH, Paris).

- EQUIPE DU DOCTEUR B. LAUTH, DU PROFESSEUR P. FERRARI ET DU DOCTEUR D. TRUSCELLI (Paris)

"ETUDE COMPARATIVE DE DEUX POPULATIONS D'ENFANTS PRESENTANT DES TROUBLES SEVERES DU DEVELOPPEMENT DU LANGAGE"

I - OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

Il s'agissait d'évaluer les compétences linguistiques, les capacités communicatives extra-langagières, certains aspects des processus cognitifs ainsi que la structure de personnalité de deux groupes d'enfants : * le premier groupe a compris des enfants atteints de dysphasies développementales sans troubles associés ; * le second groupe a compris des enfants atteints d'une pathologie langagière sévère associée à des troubles neurologiques centraux considérés comme d'intensité modérée, insuffisants pour expliquer directement le trouble du langage.

L'étude s'est efforcée :

* d'apprécier d'abord les compétences et les déficits dans chacun des domaines étudiés et pour chaque groupe d'enfants ;
* de mettre en correspondance les différentes variables étudiées, à la fois pour chaque enfant mais aussi pour chaque groupe d'enfants ;
* de tenter d'élucider la nature et la signification des liens qui seraient observés.

Il s'agissait donc, même si les champs d'investigation diffèrent, d'étudier des processus chez des enfants appartenant à des populations définies.

II - POPULATION ETUDIEE

30 enfants au total, âgés de 6 ans 5 à 13 ans.

1) Premier groupe : 20 enfants atteints de dysphasie de développement à forme expressive ou réceptive, les critères étaient ceux de l'O.M.S. (ICD 10) : F 80.1 ou F 80.2. Furent exclus de ce groupe les enfants présentant :

* des troubles auditifs périphériques,
* des troubles épileptiques,
* des déficits neurologiques centraux,
* des troubles sévères de la relation (autisme et troubles envahissants du développement),
* une déficience mentale (Q.I. non verbal < 70).

2) Deuxième groupe : 10 enfants dysphasiques avec troubles neurologiques associés mais considérés comme mineurs, incapables d'expliquer à eux seuls le trouble du langage. Les critères d'inclusion quant aux troubles du langage étaient ceux de l'ICD-10 : furent inclus dans ce groupe les enfants répondant à ces critères mais présentant de surcroît :

* une comitialité présente ou passée, mais stabilisée (4 cas)
* une apraxie visuelle (1 cas),
* une neuropathie congénitale (1 cas),
* une hémiplégie congénitale avec syndrome pseudobulbaire (1 cas),
* une surdité centrale partielle (2 cas),
* des manifestations minimes d'insuffisance motrice cérébrale (2 cas).

La moyenne d'âge des enfants du premier groupe était de 9 ans 8, celle des enfants du second groupe de 10 ans. Les enfants furent choisis dans la population d'enfants hospitalisés ou consultants.

III - METHODOLOGIE

Dans le domaine psycholinguistique, les compétences et les déficits furent analysés et comparés, à la fois pour chaque enfant mais aussi pour chaque groupe d'enfants ; la nature et la répartition des troubles furent étudiées au niveau phonétique, phonologique, syntaxique, sémantique et pragmatique, tant dans le versant expression que le versant compréhension. L'existence et l'intensité de troubles praxiques bucco-phonatoires fut aussi notée. Chaque niveau de trouble fut relevé selon la cotation suivante : 0 = absent, + = présent, ++ = important.

Instruments d'évaluation utilisés :

* Batteries d'Evaluation Linguistique de Chevrié-Muller,
* Test de Khomsi,
* TVAP-C.

Dans le domaine cognitif, outre la détermination du Q.I. non verbal (WISC), deux instruments ont été utilisés :

* l'épreuve de "Classification d'objets" empruntée aux EDEI (Echelles Différentielles d'Efficience Intellectuelle" de Perron-Borelli et Perron,
* l'épreuve "Analyse catégorielle" empruntée à la même batterie. Ces deux épreuves peuvent être considérée comme évaluant une fonction centrale dans le développement de l'intelligence non verbale. Elles permettent une évaluation globale en terme de "niveau d'âge" des capacités opératoires de l'enfant.

Dans le domaine psychopathologique, la personnalité de l'enfant et les troubles psychopathologiques éventuels ont été étudiés dans deux

cadres :

* plusieurs entretiens psychiatriques semi-structurés avec l'enfant visant à dégager la symptomatologie présentée, les modalités relationnelles, les modalités de fonctionnement psychique ;

* plusieurs entretiens systématisés avec les parents visant à préciser de façon rigoureuse l'histoire clinique et familiale de l'enfant et à repérer chronologiquement l'apparition et l'organisation des troubles. Le recueil du matériel clinique symptomatique a été effectué de façon systématique et standardisée grâce à l'instrument suivant : "Interview pour le diagnostic de l'autisme" (version recherche) de Rutter et Lord (Edition révisée, 3ème édition, septembre 1991). Pour compléter le recueil du matériel clinique concernant à la fois l'examen actuel et le développement passé de l'enfant, ont été appréciés l'ensemble des facteurs pouvant éventuellement avoir joué un rôle d'un point de vue étiologique dans la constitution des troubles : facteurs organiques ou facteurs d'environnement, les uns ou les autres pouvant avoir été présents antérieurement à la constatation d'un trouble du développement du langage ou bien apparus postérieurement . Les éventuels troubles des interactions parents-enfant ont été également appréciés, de même que le moment où ceux-ci ont pu apparaître au cours du développement de l'enfant.

On trouvera, page suivante, un exemplaire du dossier établi pour chaque enfant.

IV - RESULTATS

Les résultats de la recherche, de même que la mise au point de ses objectifs et de sa méthodologie ont fait l'objet de plusieurs séances de travail au cours de réunions du Réseau (notamment celles du sous-groupe "Langage") et de communications lors de plusieurs journées scientifiques ou colloques internationaux.

1) Caractérisation des troubles du langage observés

Concernant l'ensemble de la population d'étude, nos résultats ont confirmé l'existence d'anomalies du comportement linguistique déjà relevées par d'autres auteurs :

* troubles de l'évocation lexicale,
* troubles de l'encodage syntaxique,
* troubles de la compréhension verbale,
* hypospontanéité,
* troubles de l'informativité,
* dissociation automatico-volontaire.

Concernant la comparaison entre nos deux groupes d'enfants, les résultats ont indiqué les éléments suivants : davantage de troubles de la compréhension et de troubles sévères de la compréhension chez les enfants ne présentant pas de troubles neurologiques ; davantage de troubles sémantiques et pragmatiques et de troubles importants dans ce domaine, dans la même population ; pas de différence en apparence du point de vue des troubles phonologiques ; notons cependant la fréquence et l'importance des troubles praxiques bucco-phonatoires au sein des deux populations, ce qui nous amène à penser que d'autres regroupements pourraient être effectués, ainsi que divers appariements.

2) Evaluation cognitive

* dans notre première population, (20 enfants dysphasiques sans troubles neurologiques), le Q.I. non verbal "moyen" relevé est de 86, contre 77 pour notre deuxième population (10 enfants avec troubles neurologiques) ;
* aux EDEI, le quotient de développement "moyen" obtenu dans la population n° 1 à l'épreuve de "classification d'objets" est de 94 contre 66 dans la population n° 2 ; le quotient de développement moyen à l'épreuve "analyse catégorielle" est de 81 pour la population n° 1, contre 78 pour la population n° 2. La recherche a montré clairement que les enfants dysphasiques nous interrogent au niveau des frontières avec la déficience mentale : nos travaux ont confirmé ceux de BERNARDI qui avait mis l'accent sur un fonctionnement dysharmonique des opérations cognitives et ce, dès le stade des "opérations concrètes" (PIAGET), avec persistance d'une pensée non décontextualisée : ces enfants éprouvent une difficulté particulière à opérer des découpages dans leur environnement, pour isoler certains objets du contexte où ils les ont rencontrés, et opérer d'autres regroupements. Leur pensée fonctionnerait par contiguïté et non par continuité, elle demeure infiltrée par leur affectivité et leur problématique personnelle.

3) Evaluation dans le domaine psychiatrique et psychopathologique

Si les aspects sémiologiques apparaissent extrèmement divers et peu spécifiques, cette étude montre néanmoins l'importance et le profil des troubles psychopathologiques présentés par ces enfants et, pour certains d'entre eux, la part des choses est difficile à faire avec un trouble envahissant du développement. Tous ces enfants présentent en effet des anomalies dans leur développement avant l'âge de 3 ou 4 ans et certains d'entre eux présentent des anomalies graves. L'examen psychopathologique montre aussi que l'on ne peut assigner à ces troubles qu'une valeur purement réactionnelle. Les symptômes de l'enfant méritent d'être saisis en reliant le handicap, l'organisation psychique interne et la configuration socio-familiale. L'analyse des facteurs organiques et des facteurs d'environnement éventuellement étiologiques montre que, dans bien des cas, ces facteurs s'associent et ne permettent pas de poser une hypothèse claire et unidirectionnelle quant au déterminisme du trouble du langage. Des troubles des interactions parents-enfant sont souvent notés, fréquemment sous la forme d'un lien symbiotique mère-enfant excluant toute possibilité d'utilisation du langage pour communiquer et empêchant celui-ci de jouer son rôle de médiateur privilégié et de support du développement cognitif. Dans certains cas, ces interactions consistent en une véritable anticipation par la mère des productions verbales de l'enfant, cette anticipation donnant à celle-ci le sentiment de comprendre "magiquement" son enfant. Les enfants dysphasiques nous interrogent aussi particulièrement au niveau de l'histoire de leurs troubles qui, d'un côté s'aggravent parfois considérablement au cours de leur développement ou bien, à l'opposé, semblent constituer l'aboutissement d'un trouble précoce et sévère présent dès la première enfance. Certains enfants de notre étude ont en effet présenté, avant l'âge de 4 ans, des anomalies de comportement ou des symptômes réputés associés à l'autisme, tels que :

* un retrait,
* des comportements, des intérêts et des activités au caractère restreint, répétitif ou stéréotypé,
* des anomalies qualitatives dans le domaine de la com- munication (verbale et non verbale), avec notamment une expression très réduite des sentiments et des affects,
* des anomalies qualitatives dans la réciprocité des interactions sociales, avec par exemple l'absence d'empathie.

L'utilisation de l'A.D.I., instrument standardisé de recueil systématique du matériel clinique, principalement centré sur les symptômes-clef de l'autisme tels qu'ils sont spécifiés dans l'ICD-10 et le DSM 3-R, permet ainsi de repérer certains enfants comme ayant présenté un profil autistique de développement avant l'âge de 4 ans , avec anomalies sévères et relativement spécifiques dans leurs comportements et leur premier développement.

V - CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Au total, dans certains cas, notre étude a pu formuler des hypothèses sur la façon dont un handicap, portant sur le développement du langage, peut retentir sur l'organisation psychique de l'enfant et emprisonner dans un dysfonctionnement l'évolution des interactions parents-enfant. Néanmoins, beaucoup de questions se posent encore concernant le rôle et le poids respectifs des facteurs organiques et des facteurs d'environnement dans la constitution de ce type de troubles. Beaucoup d'interrogations sont aussi soulevées concernant les frontières et les liens avec les pathologies psychotiques et autistiques : quelles sont la nature et la signification de ceux-ci ? Un traitement statistique des résultats reste encore à réaliser, notamment dans la perspective d'une meilleure homogénéisation des populations définies : des corrélations significatives seront recherchées, de même que de nouveaux critères d'appariement. L'équipe souhaite aussi étendre la population d'étude, afin d'augmenter le nombre de cas et d'articuler ce travail préliminaire à une recherche comparative pluridisciplinaire entre enfants dysphasiques et enfants psychotiques : ce type d'étude devrait en effet apporter un éclairage intéressant sur les différents aspects envisagés, de même que sur la nature et la signification des troubles du langage observés dans l'autisme et les psychoses précoces.

- EQUIPE DU PROFESSEUR C. BURSZTEJN (Strasbourg)

"MEMOIRE A COURT TERME ET TROUBLES DE L'ACQUISITION DU LANGAGE CHEZ LENFANT"

I - HYPOTHESE

* Il existe une corrélation entre la mémoire à court terme (MCT), étudiée d'après le modèle de "mémoire de travail" d'A. BRADDELEY, et différents aspects du développement du langage.
* La MCT a une valeur prédictive sur le développement ultérieur du langage.

II - OBJECTIFS

* Comparaison des capacités de MCT, auditive et visuelle, d'enfants normaux et d'enfants avec troubles de l'acquisition du langage.
* Recherche de corrélation entre les différents types de MCT et le niveau de développement du langage.

- Etude 1

Population : 52 enfants normaux de 3 à 5 ans fréquentant l'école maternelle, avec un niveau normal de développement du langage.

Méthode : Mesure

* de l'empan

* de la mémoire visuelle avec support verbal

* de la mémoire visuelle sans support verbal.

Résultats : Corrélation entre les tests pour l'âge des enfants. La composante phonologique de la mémoire de travail se développe progressivement en fonction des étapes du développement. La composante visuelle est moins influencée par les niveaux de développement.

Etude 2

Population : 60 enfants présentant des troubles de l 'acquisition du langage, de 4 à 10 ans, présentant un Q.I. > 70.

Méthode : Evaluation du niveau de compréhension et d'expression du langage Mesure du Q.I. Mesure

* de l'empan

* de la mémoire visuelle avec support verbal

* de la mémoire visuelle sans support verbal.

Résultats : Etude en cours.

- EQUIPE DU DOCTEUR HAAG , DES DOCTEURS M.C. CLEMENT, A. CUKIERMAN , A. JARDIN, A. DUPRAT, A. MAUFRAS du CHATELIER et de MESDAMES C. DRUON, J. TRICAUD ET S. URWAND (Paris)

EN PARTANT DU MOI CORPOREL, NAISSANCE DU LANGAGE CHEZ L'ENFANT AUTISTE ET PSYCHOTIQUE

I - OBJECTIFS

Dans le réseau précédent, il avait été procédé à l'étude de séquences d'observations directes au sein des phénomènes de transfert dans les cures analytiques des enfants autistes et psychotiques. Ces séquences étaient focalisées sur les premières étapes de la construction de l'image du corps, de la construction de l'espace qui lui est corrélé et des premières manipulations d'objets. Les résultats de cette première recherche ont été concrétisés dans une Grille des étapes évolutives de l'autisme infantile traité , ayant donné lieu à publication (G. HAAG et coll, 1995f) et utilisée actuellement dans une recherche clinico-biologique en collaboration avec S. TORDJMAN (CRE n° 93-10-09). Pour l'étude des émergences de langage, l'hypothèse de départ issue d'une longue expérience clinique de plusieurs membres du groupe, était que ces émergences semblaient en corrélation avec cette évolution de la reconstruction de l'image du corps au cours des traitements. Avaient été notés :

* l'importance du sentiment de la "perte de la bouche" dans l'image du corps en relation avec le mutisme ;
* l'intérêt des enfants autistes, juste avant la démutisation, pour le bruit d'engloutissement de l'eau dans les tuyaux, appelé ("la grosse voix du fond des tuyaux") ; les enfants sont joyeux de l'entendre, semblent faire une assimilation avec leurs capacités vocaliques, se mettent à vocaliser et les premiers mots apparaissent... Ils semblent alors expérimenter une reperméation d'un conduit pour la vocalisation, et le ressenti d'un intérieur avec un fond de retour ;
* des formes de vocalisation assimilées aux plis et aux articulations de l'image du corps à des fonctions internes ;
* la reprise de moments de vocalisation chez des enfants démutisés mais restant avec une voix haute et monocorde ; ces reprises de vocalisations dans la relation thérapeutique contribuaient à remettre la voix en place ;
* des clivages variés dans le langage, au niveau phonétique (articulation vocalique et consonnantique, par exemple ; G. HAAG, 1984) et/ou grammatical (langage restant obstinément agrammatique, par exemple) dont le parallèle avec différents clivages dans l'image du corps reste à préciser ; parallèle à faire également avec les clivages primitifs dans le registre de l'expérience sensorielle (TUSTIN, 1977-1081-1989) : dur-doux en particulier ;
* certaines relations faites par les enfants entre les articulations de leur pensée préverbale et leurs premières articulations grammaticales.

Dans tous ces phénomènes, comme dans la recherche précédente, il nous semblait que l'émotionnel, l'identificatoire et le cognitif restaient intimement liés. Un nouvel approfondissement apparaissait au sujet de l'importance de lallations, non seulement comme phénomènes d'exercice fonctionnel, mais comme expérience transformatrice et cognitive d'éléments représentant les liens émotionnels et identificatoire, comme cela est évoqué déjà par beaucoup d'analystes et récemment, plus profondément étudié par D. MELTZER (1986) dans sa formulation du "théâtre de la bouche". Dans cette nouvelle recherche, l'équipe tenait, en accord avec les recommandations générales du nouveau projet du Réseau, à souligner l'élément évolutif dans les processus thérapeutiques, ainsi que l'élément comparatif : appui sur les repères de développement normal des premières étapes du langage (observation directe de 3 mois à 3 ans), comparaison entre autisme et autres psychoses.

II - METHODOLOGIE

L'équipe a utilisé la méthodologie habituelle propre au travail clinique, c'est-à-dire :

* l'accumulation de matériaux similaires en nombre suffisant afin de prouver leur réapparition dans le cadre de la psychothérapie psychanalytique dont la rigueur peut être comparée avec sa spécificité, à celle d'une situation expérimentale ;
* la sélection des matériaux à observer a conduit à construire un tableau pouvant contenir les séquences pertinentes extraites du continuum de l'observation au sein de l'expérience clinique.

L'ambition de l'équipe était de trouver un certain nombre de séquences pertinentes pouvant rendre compte :

* de l'état des expressions émotionnelles dans la relation ;
* des repères de l'étape identificatoire de l'image du corps (Grille de repérage déjà étudiée dans le travail du Réseau précédent),
* des repères du développement cognitif, en particulier de l'état de l'exploration de l'espace et des objets, ainsi que la forme de la temporalité acquise et bien sûr les différents états des émissions vocales et des constructions de langage ainsi que du graphisme et d'un éventuel langage écrit.

Il a été utilisé le même lexique que pour la grille évolutive, avec quelques précisions supplémentaires pour le langage oral, le graphisme et le langage écrit.

III - RESULTATS

* Composition d'un tableau pour le recueil des données ;
* étude de 4 cas dans leur évolution entre 92 et 95, afin de commencer à éprouver ce tableau ;
* confirmation, certes sur un nombre encore restreint de cas et sur un temps insuffisant, des hypothèses émises ;
* ce groupe souhaite poursuivre ce travail apportant beaucoup d'enrichissement dans ce repérage des émergences et confirmant l'intérêt d'une étroite collaboration entre les efforts thérapeutiques et les efforts éducatifs.

- EQUIPE DU DOCTEUR BOTBOL (Senlis)

"MODALITES DE PRISE EN CHARGE INSTITUTIONNELLE AU C.P.R. DE SENLIS EN FONCTION DU NIVEAU DE LANGAGE DES ENFANTS ACCUEILLIS"

Ce projet a pour objectif une approche transnosographique des modalités de traitement institutionnel avec pour objectifs :

* de déterminer la place que prend le niveau de langage atteint par les enfants dans la détermination de ces modalités ; * de comparer l'influence de ce facteur à celle de la catégorie nosographique

classique ;

* de contribuer ainsi à une meilleure connaissance des processus déterminant les contre-attitudes institutionnelles à l'égard des enfants traités.

I - HYPOTHESE

Cette recherche se fonde sur l'hypothèse que, pour une part prévalente, c'est indépendamment du diagnostic psychiatrique, le "niveau de langage" acquis par les enfants traités dans l'institution qui opère de façon implicite dans la détermination des modalités de leur prise en charge.

II - OBJECTIFS SPECIFIQUES

* Comparer les spécificités de la cure institutionnelle retrouvées en fonction du niveau de langage à celles qui sont retrouvées en fonction du diagnostic (autiste versus non autiste) ;
* faire apparaître au travers de cette comparaison ce qui, dans les modalités de prise en charge des enfants autistes est déterminé par d'autres facteurs que le niveau de langage atteint.

III - POPULATION

20 enfants tirés au sort parmi tous les enfants présents au C.P.R. pendant une semaine de référence.

IV - METHODOLOGIE

c) Comparaison groupe à groupe des résultats obtenus et cela en fonction de deux (au moins) ordres de facteurs :

* niveau de langage

( M.L.U. seul) ( M.L.U. + évaluation du niveau symbolique et communicationnel)

* catégorie diagnostic

( Autisme) (C.F.T.M.E.A.) ( Autres formes d'autisme) ( Dysharmonies psychotiques) (Psychoses à expression déficitaire)

ou Autisme versus Non autisme selon les différentes classifications

d) Comparaison de ces résultats entre eux.

V - ETAT D'AVANCEMENT DES TRAVAUX

* Recueil des données en cours d'achèvement.
* Traitement à venir.

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- EQUIPE DU PROFESSEUR Ph. DARDENNE (Rennes I) et J.M. VIDAL (C.N.R.S.-U.RA 1031,) DU PROFESSEUR BADICHE (Rennes I) et du PROFESSEUR QUENTIL (Rennes II)

* MISE AU POINT D'UN OUTIL DE COMPREHENSION DES EXPRESSIONS AUTISTIQUES : L'ANALYSE TEXTUELLE DES CAS CLINIQUES"

I - OBJECTIFS ET METHODE

Les notes cliniques concernant les échanges prolongés sur de longues durées, entre le clinicien (en position d'observateur participant) et ses patients autistes (en place de sujets observés), représentent un corpus de données d'une grande richesse. Elles ont apparemment servi de point de départ à l'élaboration des cas princeps par L. KANNER ; elles représentent toujours la base empirique des essais sémiologiques quant aux sens éventuels des expressions des sujets autistes. Pour affiner cette démarche et mieux exploiter les données ainsi recueillies, les notes sont transcrites sur traitement de texte et soumises à divers modes de lectures informatiques, à l'aide d'un logiciel "Anatext". Ce dernier permet d'établir :

* les lexiques des mots et les répertoires de gestes notés pour les divers interlocuteurs ;
* les émergences ou les premières occurrences des items considérés ;
* leurs fréquences et leurs répartitions lors du suivi des rencontres ;
* leurs contextes et leurs cooccurrences lors des mêmes séquences d'expression ;
* leurs évolutions au cours des rencontres successives.

La fiabilité des indices qualitatifs et quantitatifs ainsi collectés est assurément dépendante de la précision de la prise de notes initiales. Néanmoins, cette démarche peut être aussi bien appliquée à l'analyse de comptes-rendus établis après chaque rencontre, qu'à celle d'enregistrements audios ou vidéos. Elle permet de dépasser l'inventaire des déficits, stéréotypies et écholalies des sujets, pour préciser leurs expressions et leurs modalités d'investissements des objets, personnes ou lieux de leur entourage. Elle permet également de mieux repérer le mode d'implication du clinicien dans ses échanges avec le patient.

II - RESULTATS

Au Colloque International I.N.S.E.R.M. Autisme , avril 1995 a été présenté un cas clinique ainsi établi sur la base des 43 entretiens de 30 minutes, avec un sujet autiste pour lequel les échanges verbaux ont été enregistrés au magnétophone et les échanges gestuels ont été notés selon la méthode "papier-crayon".

* "ETUDE SUR L'ENRICHISSEMENT DES EXPRESSIONS DE SUJETS AUTISTES LORS DE RENCONTRES TRIADIQUES"

I - HYPOTHESES ET OBJECTIFS

En plus de leurs symptômes les plus marqués, recensés dans les classifications nationales et internationales (C.F.T.M.E.A., D.S.M.-IV, I.M.C. 10), les sujets autistes rencontrés montrent de très grandes difficultés à négocier les relations triadiques -celles lors desquelles ils peuvent percevoir une interaction entre un proche et une autre personne ou un objet tiers. De leur côté, les parents de sujets autistes ont fréquemment confirmé que leur enfant tolérait très mal de les voir parler entre eux ou avec un proche -de les voir lire le journal ou s'intéresser à quelque objet. Une telle intolérance ne peut manquer de retentir sur les registres relationnels et cognitifs des sujets autistes, dans la mesure où la plupart des relations humaines, comme le maniement du langage et l'élaboration d'une théorie de l'esprit, mettent en jeu quelque personne ou objet tiers.

II - METHODOLOGIE

Pour tenter de pallier à ces mêmes difficultés, une nouvelle modalité de rencontre avec les sujets autistes a été élaborée. Elle consiste à établir une première relation entre le patient et un clinicien, lors d'une série plus ou moins prolongée de rencontres dyadiques, puis à alterner celles-ci avec des rencontres à trois, mobilisant un deuxième clinicien. L'initiative du patient, pour refuser ou accepter l'intrusion de ce tiers est activement et fréquemment sollicitée et ses choix sont respectés. Cette modalité de rencontres a été amorcée avec 5 patients (2 adultes, 1 adolescent de 14 ans et 2 enfants de 8 et 4 ans). Les effets de ces modes de rencontres ont été évalués sur la base des comptes-rendus cliniques détaillés, transcrits sur traitement de texte et dépouillés par analyse textuelle informatisée.

III - RESULTATS

Après une période temporaire d'indifférence, d'agitation accrue ou de refus explicites des patients, les rencontres triadiques ont suscité un enrichissement sensible de leurs expressions. Ces premiers résultats incitent à étendre cette modalité de rencontres à d'autres sujets autistes.

- EQUIPE DE J. NADEL (C.N.R.S.)

"TRAVAUX SUR L'IMITATION CHEZ L'ENFANT AUTISTE"

Cette équipe a tout d'abord pu montrer le rôle de l'imitation gestuelle dans le développement de la communication primaire chez l'enfant autiste comme chez l'enfant normal. Notre paradigme de l'objet en plusieurs exemplaires a pu être utilisé sur 7 groupes composés d'un enfant souffrant d'autisme et un enfant non autiste du même âge chronologique et fréquentant le même établissement. Nos résultats ont montré une corrélation forte et positive entre production spontanée d'imitations gestuelles et comportements positifs de communication dirigés vers le partenaire (NADEL & PEZE, 1993).

Plus récemment, il a été constaté que, comme les bébés normaux, les enfants autistes sont sensibles au changement d'expression du partenaire. Sur la base d'une prise de contact par l'imitation, il apparaît, en utilisant le paradigme "still face" que la communication préalable par l'imitation permet au jeune autiste confronté à l'adulte devenu inexpressif de manifester d'inhabituelles capacités d'émissions : 8 sur 9 enfants autistes étudiés provoquent un contact physique positif avec l'adulte (touchent ses mains ou son visage, caressent sa joue en souriant ou chantonnant), accompagné pour certains même de regard oeil à oeil (NADEL, HUDELOT et LECUYER, à paraître).

Enfin, reprenant ce dispositif en double exemplaire, l'équipe analyse actuellement les liens entre attention conjointe dans la référenciation liée à un objet unique, et l'imitation synchrone, supposant la coréférenciation (NADEL, sous presse).

L'aspect verbal de limitation chez l'autiste a également été abordé, dans une recherche destinée à montrer la sélectivité des écholalies : 3 situations ont été comparées au cours desquelles l'enfant autiste est en activité libre, en présence de l'adulte familier qui lit ; puis, toujours en activité libre, l'adulte lisant, l'enfant entend des stimuli auditifs, humain ou non humains ; enfin, l'enfant est en interaction avec l'adulte : on montre que c'est dans cette seule situation que l'enfant émet des écholalies, preuve de leur caractère sélectif et fonctionnel dans la communication (DOAZAN, FERRARI & NADEL, 1993).