RAPPORT DU RESEAU I.N.S.E.R.M 49-20-06

B - AXES DE RECHERCHE

2 - HANDICAP

L'objectif de ce groupe a été de mettre au point une classification des handicaps dans les psychoses précoces.

- EQUIPE DU PROFESSEUR MISES, DES DOCTEURS EPELBAUM ET QUEMADA (Paris)

Cette recherche concerne l'élaboration de la Classification des Handicaps dans le domaine de la pathologie autistique et psychotique

A - RAPPEL DE LA POSITION GENERALE

La classification des handicaps en pathologie mentale de l'enfant et de l'adolescent a été rendue nécessaire par le fait que les systèmes utilisés jusqu'alors laissaient peu de place aux informations qui expriment les diverses entraves rencontrées dans la vie ordinaire par les patients du fait de leur pathologie mentale, entraves appelées communément "handicaps".

Cette classification s'inspire directement des travaux que Ph. WOOD avait réalisés dans le cadre de l'Organisation Mondiale de la Santé : il s'agit de décrire les handicaps dont la présence résulte d'un processus morbide, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer une théorie causale.

Trois plans d'expérience de santé sont décrits par WOOD :

* les déficiences sont des "expériences de santé" qui se situent sur le plan des organes ou/et des fonctions basales ;
* les incapacités sont des "expériences de santé" qui se situent sur le plan des gestes et des actes élémentaires de la vie quotidienne et qui sont définies par rapport à ce qui est usuellement attendu du sujet, compte-tenu de l'âge, du sexe et du contexte socio-culturel. Elles représentent donc les conséquences de la maladie au niveau de l 'individu ;
* les désavantages sociaux (handicaps) sont des "expériences de santé" qui se situent sur le plan des rôles sociaux et résultent donc de l'interaction entre l'individu porteur d'une maladie et son envi- ronnement.

Ces cadres s'appliquent facilement aux troubles graves et évolutifs que constituent l'autisme et les psychoses infantiles.

B - LES DYNAMIQUES

Selon la relation dynamique la plus connue, un trouble mental peut entraîner déficience, incapacité puis handicap et réciproquement. Le schéma de WOOD, cohérent, souple, simple et se situant hors de toute approche causale, permet de prendre en considération l'ensemble des expériences de santé d'un individu dans leur rapport entre elles et au processus morbide basal, sans isoler ni même privilégier une dimension par rapport aux autres : ceci correspond bien à notre compréhension des autismes et psychoses infantiles.

C - LA COTATION DES HANDICAPS DANS L'AUTISME ET LES PSYCHOSES INFANTILES

I - DEFICIENCES

Les déficiences renvoient, comme on vient de le souligner, à des faits pathologiques sous-jacents dont il faut préciser la nature et la gravité en s'appuyant sur la C.F.T.M.E.A. Cette classification apporte des précisions qui concernent non seulement le cadre nosographique principal, mais également les déficiences éventuellement associées. Ces composantes répondent bien au plan des déficiences décrites par WOOD.

Pour l'autisme et les psychoses :

* la catégorie principale offre plusieurs catégories (1.00 Autisme infantile précoce type Kanner ; 1.01 Autres formes de l'autisme infantile ; 1.02 Psychoses précoces déficitaires ; 1.03 Dysharmonies psychotiques, etc). Les 4 premières réunissent plus de 90 % des cas (MISES, QUEMADA, 1990) ;

* les catégories complémentaires permettent de prendre en compte des éléments précisément relatifs à la catégorie "déficience intel- lectuelle" : par exemple, déficience dysharmonique avec Q.I. entre 50 et 60 (5.06) ; ainsi que d'autres éléments, par exemple les retards importants et complexes du langage (6.02) ou les troubles du raisonnement (6.05).

Les données apportées ainsi, en complément du diagnostic de base, recouvrent bien le champ des déficiences au sens de WOOD. De plus, sur l'axe II de la C.F.T.M.E.A., d'autres indications sur les composantes associées, éventuellement étiologiques, d'ordre organique ou psychosocial, sont naturellement cotées.

Comme on le voit de cette manière, le plan des déficiences apparaît à l'interface entre la classification des troubles mentaux et celle des handicaps.

II - LES INCAPACITES

La classification des incapacités a été prise dans toute son originalité . Les items ont été choisis en fonction de leur fréquence et de leur signification chez l'enfant et l'adolescent. Ils sont présentés selon une numérotation à trois chiffres compatible avec la classification O.M.S

Elle est complétée par une échelle de sévérité, présentée séparément et formulée de manière à être facilement utilisable, en offrant à l'utilisateur le choix simple d'une cotation de trois à cinq niveaux (léger, moyen, majeur, grave ou total).

Liste des incapacités

1) Incapacités concernant le comportement
2) Incapacités concernant les supports de la communication
3) Incapacités concernant les soins corporels
4) Incapacités concernant les déplacements
5) Incapacités concernant l'exécution de certaines tâches
6) Incapacités concernant la motilité
7) Incapacités révélées par certaines situations
8) Incapacités concernant des aptitudes professionnelles
9) Autres restrictions d'activité.

La même incapacité peut recouvrir des faits cliniques différents: par exemple, l'incapacité cotée 2 (incapacités concernant les supports de la communication), peut être liée au refus d'accepter une variation même minime du cadre chez certains autistes alors que, dans les psychoses déficitaires, elle peut surtout se relier à une grave atteinte des fonctions cognitives.

III - LES DESAVANTAGES

La classification présente sept catégories intégrant une appréciation du degré de sévérité.

A noter que le désavantage, dans la mesure où il fait nécessairement intervenir le contexte, peut être plus ou moins compensé par les aides proposées : on cote alors seulement les désavantages persistants en dépit des suppléances.

Liste des désavantages

1) Désavantage d'orientation
2) Désavantage de dépendance
3) Désavantage de mobilité
4) Désavantage dans les activités éducatives et pédagogiques
5) Désavantage d'intégration socio-familiale
6) Désavantage économique familial
7) Autres désavantages.

Par exemple, le désavantage coté 5 (intégration socio-familiale) fait apparaître des éléments qui différencient radicalement un enfant d'un autre, au sein de la même catégorie diagnostique. Certains n'auront qu'un désavantage moyen de ce type : ils restent capables de participer aux échanges dans un cercle familier tout en ayant des difficultés pour établir de nouveaux liens ; d'autres sont en difficulté dès que les relations se situent en dehors du cadre de la famille proche ; d'autres enfin, dans des formes extrêmes, seront incapables de quelque intégration sociale que ce soit, même en milieu spécialisé.

D - LE RETENTISSEMENT SUR LA QUALITE DE LA VIE FAMILIALE

En pathologie mentale de l'enfant et de l'adolescent, principalement lorsqu'il s'agit d'autisme et de psychoses, on a souligné, depuis longtemps, l'importance des interactions entre le sujet et son environnement familial ou thérapeutique. Par contre, une attention insuffisante a été portée jusqu'alors à l'évaluation des conséquences des handicaps sur la qualité de la vie familiale.

Pour ce motif, la classification des handicaps a été complétée par l'adjonction de deux chapitres consacrés, l'un à la situation sociodémographique de la famille , l'autre au retentissement sur la qualité de vie familiale.

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La mise au point de la Classification des Handicaps et son application actuellement en cours auprès d'enfants autistes et psychotiques ont permis le dégagement de deux ordres de faits :

* la nécessité d'études cliniques élargies,
* la nécessité d'essais systématisés de faisabilité et d'adéquation.

Dans leur étude sur le devenir des psychoses infantiles, R. MISES et R. PERRON (1993) ont bien montré l'intérêt d'une distinction dans l'évolution des enfants, entre le suivi de l'évolution psychique et psychopathologique (par exemple, la sortie du cadre de l'autisme), la réduction des troubles et des symptômes enregistrés et, d'autre part, l'appréciation de l'évaluation des incapacités et désavantages sur le plan des handicaps. Il est facile d'objectiver, sur ces bases, des données simples concernant : l'autonomie dans l'habillage, l'éducation sphinctérienne, les repas, etc... et, d'un autre côté, les comportements plus complexes liés à des conduites sociales (utilisation des transports, capacités à circuler seul ou à effectuer des achats, etc). Ces derniers éléments tiennent une place importante pour l'orientation à la sortie, selon que le sujet dispose ou non des moyens permettant une activité professionnelle en milieu protégé ou que ses incapacités persistantes et les désavantages qui en découlent exigent le recours à des institutions offrant un encadrement social.

Dans la mise au point des nouvelles échelles, on a étudié de façon précise l'adaptation des critères ainsi retenus aux enfants et adolescents autistes et psychotiques, de sorte que la Classification des Handicaps en Pathologie Mentale de l'Enfant et de l'Adolescent sera désormais utilisée dans toutes les évaluations au moment du bilan initial, puis dans les études longitudinales (cf. Dossier "Autisme" élaboré par Ch. AUSSILLOUX).

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Cette étude a fait l'objet d'une publication dans Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, , 1993, numero 1-2.