Pour la Recherche n° 49

numéro à thèmes multiples

Editorial - Comité de rédaction
Le cadre des expertises collectives Inserm en cinq questions. JM Thurin
Proposition de la FFP au Livre vert
Suivi d'une cohorte d'enfants porteurs de troubles autistiques
Information : colloque organisé par l'Inserm et partenaires sur les troubles des conduites chez l'enfant
abonnement
Comité de Rédaction et remerciements

Editorial - Comité de rédaction

Les trois dernières expertises collectives Inserm en psychiatrie ont mis au premier plan de l’actualité une procédure déjà ancienne d’aide à la décision et posé la question de leur adéquation aux sciences cliniques.

Les discussions passionnées qui ont accompagné leur publication ont fait apparaître le décalage qu’il peut y avoir entre l’objectif de l’expertise, une « aide à la décision » reposant sur la présentation de « l’état du savoir scientifique et de ses incertitudes » et le sentiment d’un grand nombre de cliniciens que leur expérience et la culture de leur communauté scientifique ne sont pas prises en compte.

Pour une part, cette perception tient à la difficulté de cette communauté et de bien d’autres de saisir le positionnement particulier de ces expertises par rapport à d’autres formes d’aide à la décision et à une absence d’information sur le contexte dans lequel elles ont été créées, la nature de leur méthodologie et de leur procédures. Un article de ce numéro répond à ces questions.
Mais pour une autre part, et c’est sans doute l’aspect le plus important sur lequel il conviendrait d’avancer, c’est la question des données recueillies et prises en compte dans les recherches destinées à définir le savoir dans le champ de la psychiatrie mentale, de leur analyse et de leur organisation, qui a été posée. C’est-à-dire, finalement des modèles du fonctionnement de l’humain dans son contexte social et de la place qui est réservée à sa réalité psychique, à sa prise dans le langage et à ses motivations dans la conception des connaissances scientifiques.

Doit-on considérer pour autant que les cliniciens n’ont  rien à apprendre des  études qui sont analysées et présentées dans les expertises collectives ? Certainement pas. Au delà de leurs limites, qui devraient être clairement posées, en particulier qu’elles ne peuvent découvrir ou révéler que ce qui a été constitué, c’est-à-dire publié, elles apportent incontestablement un éclairage à des pans entiers qui échappent à l’expérience individuelle ou à celle de nos petites communautés.

Ce problème est crucial. Nous pensons qu’il ne pourra avancer qu’en réduisant le fossé qui existe entre chercheurs et cliniciens, fossé qui tient pour une part essentielle à l’absence de véritables partenariats dans l’élaboration et le suivi des projets, ce qui suppose évidemment que des recherches, directement associées à la clinique, soient développées et donc que des budgets leurs soient attribués.

Sortirons-nous un jour de cette  tendance permanente à situer la recherche dans une sorte d’idéal, alors qu’elle devrait être une préoccupation concrète permanente tant des cliniciens que des décideurs ?

 


Expertises collectives Inserm : 1. leur cadre en cinq questions

Jean-Michel Thurin

Nous partons de deux articles de référence [1, 2] qui apportent des  réponses précises aux principales questions que chacun se pose au sujet du cadre des expertises collectives. Dans un second article, nous aborderons plus directement les questions méthodologiques qu’elles posent en psychiatrie et en santé mentale.

1. Dans quel contexte les expertises collectives ont-elles été mises en place et comment se définissent-elles ?

Les expertises collectives ont été conçues dans les années 1990, dans le contexte de l’affaire du sang contaminé, les politiques faisant valoir que leur responsabilité ne pouvait être engagée qu’en « connaissance de cause ». Plus récemment, ce contexte a été à l’origine de la création de deux agences, l’Agence de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l’Agence française de sécurité sanitaire de produits de santé (AFSSAPS), ainsi que plus récemment de l’Agence santé-environnement.

La procédure a été expérimentée entre 1994 et 1996 en s’appuyant sur les expériences proches de ce type de démarche (conférences de consensus, centres Cochrane, Technology Assesment).

Elle est définie comme un processus pluridisciplinaire et autonome, devant permettre, à la demande d’acteurs ayant une décision à prendre, de faire le bilan des connaissances sur un sujet donné, dans un délai court et de manière crédible, en leur donnant accès à toutes les données disponibles « utiles », susceptibles d’éclairer leurs décisions. La réponse fournie par l’expertise collective de l’Inserm est donc clairement destinée à être intégrée à un processus de décision mais n’en constitue que l’étape initiale : l’analyse critique et la synthèse des données scientifiques et médicales.

2. Comment se situe l’expertise collective par rapport aux autres modalités d’aide à la décision ?

- La « consultance » d’experts individuels répond à un besoin de compétences spécifiques dans un domaine particulier.

- La conférence de consensus vise à définir une position consensuelle dans une controverse portant sur une procédure médicale, dans le but d’améliorer une pratique clinique. Son fonctionnement est fondé sur l’arbitrage d’un jury indépendant qui fait la synthèse des bases scientifiques présentées publiquement par des experts se rapportant à des questions prédéfinies.

- L’expertise des Agences nationales (AFSSA et AFSSAPS) a pour but d’effectuer une évaluation des risques sanitaires pour des produits spécifiques et d’émettre des avis avant toute décision publique. Ce type d’expertise (élaboration d’avis) se situe à une étape plus proche de la décision que l’expertise collective de l’Inserm.

- Les « conférences de citoyens », qui entrent dans la logique d’expertise du « deuxième cercle », pourraient être l’étape ultime, avant la prise de décision, pour éclairer le décideur sur la gestion des questions complexes. Les citoyens sont placés, suivant une pratique démocratique participative, au centre de processus d’évaluation à forts enjeux d’opinion, avec l’objectif de formuler des accords collectifs. Une seule conférence de ce type a eu lieu en France.

3. Quels sont les champs couverts par l’expertise collective ?

Les expertises collectives s’inscrivent dans trois grandes catégories de préoccupations prospectives : prévention et prise en charge des problèmes de santé publique ; connaissance et évaluation du risque en santé ; aide à la définition de stratégies de recherche et de développement.

Le champ d’intervention de l’Inserm et la place tenue par la procédure de l’expertise collective se situent clairement au plan de l’expertise des connaissances scientifiques. Cette expertise passe par la capacité à reconnaître et à mobiliser les compétences nécessaires, quels que soient leur origine dans le monde et les supports dans lesquels elles s’expriment (revues et ouvrages scientifiques, littérature grise ....), et à structurer, en début de processus décisionnel, un ensemble d’informations pertinentes sur l’état des connaissances dans des domaines interpellant les professionnels de l’action.

4. Quelles sont les étapes et les procédures d’une expertise collective ?

Saisine. Elle peut être faite par les pouvoirs publics ou par tout autre décideur.  Elle peut également être réalisée à l’initiative de l’Inserm, si l’Institut considère nécessaire d’attirer l’attention sur un problème particulier. La question posée est strictement liée aux préoccupations du commanditaire.

Instruction. C’est une étape essentielle dans le processus de l’expertise pour bien appréhender la demande formulée par le partenaire. Cette étape nécessite plusieurs échanges entre le demandeur et l’Inserm afin de bien mettre en évidence la problématique. L’Inserm s’assure qu’il existe une littérature scientifique et médicale suffisante pour répondre à la question posée et, si cette littérature s’avère très abondante, définir les aspects qui seront envisagés dans le cadre de cette expertise.

Mise en oeuvre. Elle implique plusieurs étapes :

1. Traduction des questions élaborées durant la phase d’instruction en interrogations significatives du point de vue scientifique. Élaboration de la liste des mots-clés correspondants.

2. Constitution du fonds documentaire, par consultation des bases de données internationales. Des publications particulières (livres, thèses et rapports) alimentent également le fonds documentaire.

3. Constitution du groupe d’experts. Le premier critère de sélection est un critère d’activité scientifique dans l’un des domaines de l’expertise, appréciable au travers des publications. Le panel retenu doit couvrir l’éventail des compétences nécessaires pour traiter les différentes approches scientifiques des questions. Dans les disciplines les plus importantes, des experts ayant des pratiques complémentaires sont recherchés. De même, pour  permettre l’expression du caractère contradictoire du processus de l’expertise collective, il est important que différentes « écoles de pensée » soient représentées au sein du groupe.  Un autre critère important retenu pour le choix des experts est leur indépendance vis-à-vis du partenaire commanditaire de l’expertise, de tout groupe de pression médiatique ou de tout groupe industriel.

4. Planification du travail. Un chemin critique d’analyse est proposé aux experts en fonction de la bibliographie recueillie et des compétences réunies dans le groupe, afin de faire émerger les éléments de réponse aux questions posées. Chaque expert doit compléter, si nécessaire, la base documentaire dans son domaine. Sur certains aspects particuliers, des spécialistes non membres du groupe peuvent être invités à présenter leurs travaux personnels ou une synthèse dans leur domaine de compétence.

5. Analyse critique et synthèse de la littérature. L’ensemble de la littérature est réparti entre les experts du groupe en fonction de leurs domaines de compétences. Chacun a pour mission de faire la sélection argumentée des informations pertinentes dans le champ de la question qui lui est attribuée et de présenter cette analyse lors des réunions où pratiques et expériences sont également confrontées. Au cours de la réunion de synthèse, les lignes de force, les points d’accord et ceux sur lesquels il y a débat ou absence de données validées, sont dégagés ; le groupe propose ensuite des recommandations de santé publique et de recherche, le Centre d’expertise veillant à ce que ces recommandations soient faites dans le cadre défini du cahier des charges.

6. Présentation des résultats de l’expertise. Cette présentation se fait sous la forme d’un rapport rédigé collectivement par le groupe d’experts sous la responsabilité éditoriale du Centre d’expertise collective. Ce rapport est articulé en trois volets reproduisant le déroulement de l’expertise : l’analyse rassemble les différents chapitres disciplinaires (une quinzaine en moyenne) ; la synthèse met en valeur les points marquants de l’expertise susceptibles d’apporter des éléments de réponses aux questions posées par le demandeur tout en signalant les inconnues et incertitudes dans certains domaines ; les recommandations sont déclinées en propositions d’actions sur la base des données acquises et en projets de recherche pour l’acquisition de nouvelles connaissances. 

Sauf exigence de confidentialité du demandeur, les rapports sont rendus publics à travers deux modalités : la publication d’un ouvrage et une conférence de presse. Dans les deux cas, il s’agit clairement de rendre compte du travail d’expertise réalisé (méthodologie et résultats) et non d’énoncer des mesures qu’il revient au décideur de prendre.

5. Quelles sont les retombées attendues d’une expertise collective ?

Sur les politiques de santé. L’expertise collective a notamment contribué au développement d’actions et de programmes nationaux de prévention.

Sur les orientations de recherche. Les recommandations scientifiques énoncées dans les rapports d’expertise ont souvent servi de base à la définition de nouveaux contrats de recherche avec les divers partenaires de l’Inserm (laboratoires d’industrie pharmaceutique, DGS, MGEN...). Par ailleurs, l’Inserm prend en considération dans ses différents appels d’offre et ses actions coordonnées thématiques, les recommandations de recherche des expertises collectives des domaines concernés.

Sur la diffusion des connaissances. Les ouvrages d’expertise collective publiés aux Éditions Inserm (plus d’une cinquantaine depuis 1994) permettent d’informer la communauté scientifique et médicale, les professionnels de santé, les enseignants et les étudiants, ainsi que, dans une certaine mesure, le grand public.

Bibliographie

1. Etiemble J. L’expertise collective : la réponse de l’inserm au besoin d’aide à la décison. NSS 2001 ; 9(4) : 54-61.

2. Comité de rédaction. Deux ans d’Expertises collectives : où en est le dialogue entre l’Inserm et ses partenaires ? Dialogue, Recherche, clinique, Santé. 1995 ; 4 : 2-5.
Comment se procurer les expertises collectives ?

De nombreuses expertises sont publiées sous la forme d’ouvrages. Elles sont aussi téléchargables à l’adresse suivante :
http://www.inserm.fr/fr/questionsdesante/mediatheque/expertises/

Parmi elles :

- Troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent (2005)

- Psychothérapies. Trois approches évaluées (2004)

- Troubles mentaux. Dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent (2002)

- Suicide. Autopsie psychologique, outil de recherche en prévention (2005) et également les expertises sur le Tabac et le Tabagisme (2003, 2004) l’Acool (2003), le Subutex (1998) et l’Ecstasy (1997).

Chacune de ces expertises est également accessible à partir des sites http://www.psydoc-france.fr/ et www.techniques-psychotherapiques.org/

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Une réunion exceptionnelle du Comité d’Interface Inserm / psychiatrie a eu lieu le 19 mai 2006

Introduite par C. Bréchot et engagée par un large tour de table, cette réunion a permis de recueillir les principales propositions pour adapter la procédure de l’expertise collective aux particularités de la santé mentale et déterminer les actions à mener en aval de l’expertise, de façon à faire avancer le débat sur le trouble des conduites de manière constructive.

Concernant la procédure de l’expertise collective, il est proposé :

- de faire relire l’expertise par différents acteurs du champ concerné par l’expertise et de joindre au texte de l’expertise les différents points de vue exprimés ;

- d’associer des spécialistes des sciences humaines et sociales, notamment des sociologues, aux différentes étapes de la procédure ;

- d’édicter des recommandations particulièrement prudentes, non prescriptives, lorsque les données scientifiques analysées par l’expertise sont fragmentaires et lacunaires, comme c’est très souvent le cas en psychiatrie et en santé mentale.

Concernant les actions à mener en aval de l’expertise, il est proposé :

- de mettre à disposition sur le site psydoc-france l’ensemble de la littérature scientifique utilisée pour la rédaction de l’expertise. Cette base de connaissances sera enrichie par des publications complémentaires.

- de mettre en place des recherches cliniques impliquant des équipes Inserm et des équipes cliniques pour répondre à des questions scientifiques précises, notamment celles identifiées par l’expertise collective.

- d’organiser une journée scientifique consacrée aux « Méthodes d’évaluation de l’efficacité des psychothérapies ». Le principe de cette journée avait été arrêté par le comité d’interface Inserm-Psychiatrie en décembre 2005, suite à la publication de l’expertise collective sur l’efficacité des psychothérapies. Un comité de pilotage a été constitué.

- de mettre en place un comité de pilotage pour organiser la conférence sur le Trouble des conduites. Cette conférence se tiendra fin octobre – début novembre 2006. Elle réunira l’ensemble des acteurs concernés. Elle aura pour objectif de faire un état des lieux des pratiques françaises en matière de diagnostic, de traitement et de prévention du Trouble des conduites, et d’engager un débat autour d’un nombre limité de questions (4 à 5), identifiées à partir d’un questionnement clinique (annonce p8). Les actes de cette conférence seront publiés.

En conclusion de cette réunion, Christian Bréchot a souligné le caractère évolutif, non figé, des propositions d’une expertise collective et l’importance du débat qui doit avoir lieu, en aval, avec tous les acteurs concernés pour répondre, de manière aussi complète et nuancée que possible, aux questions posées par la santé mentale. n 

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Proposition de la Fédération Française de Psychiatrie au "Livre Vert"*

La Fédération Française de Psychiatrie (FFP) qui rassemble toutes les sociétés scientifiques de la discipline est à ce titre particulièrement concernée par la consultation publique lancée par la commission européenne à propos de la santé mentale. Elle a décidé de se saisir elle-même à défaut d’être interrogée par les pouvoirs publics.
La FFP a donc participé à la soirée publique organisée par la Maison de l’Europe et suscité au sein de son Conseil d’Administration un débat relayé dans ses associations membres.
La Fédération, au terme de cette consultation interne, soumet ses réflexions et ses propositions en reprenant l’intitulé des questions posées dans le Livre Vert.

1. Quelle est l’importance de la santé mentale de la population pour les objectifs stratégiques de l’Union européenne, tels qu’ils sont énoncés au chapitre 1 ?

La FFP préconise une prudence dans la recherche des indicateurs de santé mentale en proposant de les définir en terme positifs et en demandant qu’ils soient au service d’une organisation facilitant la santé mentale grâce à un accès aux prestations compensatoires, (financières et matérielles, conditions de vie) (éducative, culturelle, sanitaire), grâce à des mesures supplémentaires pour les populations qui en ont le plus besoin et qui ont plus de difficultés pour y accéder.

La prévention, lorsqu’elle s’écarte de sa vision positive pour la recherche d’indicateurs doit s’interroger sur les effets négatifs et délétères d’une action qui viserait avant tout l’éradication des manifestations sans prendre en considération les conditions d’émergence.

 La santé mentale combine les politiques sanitaires et sociales afin de développer la prévention qui tient compte des différentes composantes oeuvrant à son maintien et empêchant l’apparition de l’envers de la santé mentale, c’est-à-dire les pathologies mentales. La politique de santé mentale inclut  dans ses dispositions la prévention (primaire, secondaire et tertiaire) des pathologies mentales. Les trois niveaux sont à considérer pour l’individu, la famille, le groupe social.

La prévention primaire inclut l’appréciation des besoins de soin, la prévention précoce des affections, le développement des réponses à ces besoins et les conditions d’accès aux soins sans se limiter à une politique sociale générale.

Les préventions secondaire et tertiaire recouvrent les objectifs de la psychiatrie française de nature communautaire. La santé mentale peut laisser place à l’approche des troubles mentaux et à leurs conséquences (handicaps, incapacités, désavantages sociaux) qui doivent eux aussi être pris en compte.

La FFP est attachée à la notion de continuité entre les différentes étapes de la santé mentale et à l’articulation entre les acteurs et les dispositifs respectifs.

La FFP questionne l’absence d’articulation entre la santé mentale, telle qu’elle est énoncée dans le Livre Vert, et la psychiatrie. La FFP est particulièrement attachée à la continuité qui doit exister entre santé mentale et psychiatrie, elle demande que cette notion figure dans le texte.

La prévention primaire de la santé mentale serait plus du côté de la construction sociale, prévention des inégalités sociales intégrant les besoins de soin et leur accessibilité. Les préventions secondaire et tertiaire concernent l’organisation des soins, leur accessibilité et leur dispensation (maillage des structures ambulatoires ou d’hospitalisation de proximité) avec la prise en compte de la dimension sociale. L’une et l’autre doivent considérer l’aspect populationnel et l’aspect individuel. La continuité entre les différentes étapes, sans être systématique, est un élément fort à prendre en compte.

La prévention ne peut réduire la part donnée au soin qui est à préserver et améliorer au niveau européen.

2. L’élaboration d’une stratégie communautaire globale sur la santé mentale apporterait-elle une plus-value aux actions actuelles et celles envisagées ? Les priorités définies au chapitre 5 sont-elles pertinentes ?

La prévention est à promouvoir en préservant, développant, un dispositif de soin de qualité et accessible.
La FFP souhaite que le vocable  « mauvaise santé mentale » ne soit pas maintenu. Elle préfère maintenir le concept de santé mentale, de pathologie mentale et de manifestations psychopathologiques.
La FFP est favorable à un programme de soutien de la recherche clinique en psychiatrie par l’Europe.
La FFP alerte la commission européenne sur le risque d’abandon de moyens suffisants dédiés à la psychiatrie au profit de la prévention sous forme de programmes ciblés choisis sous la pression de priorisations liées à l’actualité ou politiques sans qu’il y ait superposition évidente avec les besoins des populations concernées.
La prévention est donc à promouvoir en maintenant en parallèle un dispositif de soin de qualité et accessible.
La confrontation et l’harmonisation de certaines mesures sont une voie possible dès lors que la spécificité de la démarche reste possible au sein de chaque pays.
La FFP ne soutient pas le concept de mauvaise santé mentale qui est source de confusion et de discrimination possible.

La recherche clinique est à choisir comme axe essentiel.

3.   Les initiatives proposées aux chapitres 6 et 7 permettent-elles de favoriser la coordination entre Etats membres, de tenir compte de la santé mentale dans les politiques liées ou non à la santé, et dans les actions engagées par les parties prenantes, et d’instaurer des liens plus adéquats entre recherche et action dans le domaine de la santé mentale ?

Il nous apparaît que le Livre vert ne prend pas suffisamment en compte l’ampleur de la tâche à l’égard des programmes de santé mentale qui devraient inclure la volonté politique des états membres à réduire les inégalités, à privilégier l’amélioration du niveau de vie et de la santé des citoyens.

La notion de liens n’est jamais abordée dans le Livre Vert et la FFP le regrette car c’est un déterminant essentiel et parfois constitutif de l’émergence de certains troubles. La FFP demande que soit abordé le traitement du lien social. Une politique sociale doit prendre en compte cette possibilité de nouer des liens durables. C’est une politique de quartier, de présence bienveillante, d’accompagnement, de lieux de partage.

La FFP alerte la commission européenne sur la transformation de symptômes en troubles sous la pression fréquente de lobbies qu’ils soient financiers ou de groupes de personnes constituant peu à peu des entités qu’ils veulent voir reconnaître.

La FFP rappelle que seule la clinique autour d’une rencontre duelle permet d’effectuer un diagnostic de pathologie. Les méthodes autres sont à même de dépister globalement des tendances mais pas des besoins spécifiques.
La FFP souhaite que la violence comme manifestation comportementale  ne soit pas utilisée comme indicateur.
La FFP pense que le choix des techniques de soins ne doit pas être précisé dans ce document.

La FFP souhaite que dans les préconisations, les personnes atteintes de troubles graves et durables ne soient pas oubliées. La réinsertion et la désinstitutionalisation sont des thèmes forts mis en avant avec la liberté et la dignité. Autant de positions éthiques auxquelles la FFP adhère profondément. La FFP demande une grande vigilance pour que la désinstitutionalisation ne s’associe pas à une disparition des réponses sanitaires et sociales adaptées à ce groupe, que celui-ci ne disparaisse pas de la spécification de l’offre de soins et qu’il ne tombe pas dans des univers asilaires qui ne seraient plus sanitaire mais médico-sociaux ou familiaux ou pire que ce groupe vive un abandon dans la rue avec chute dans une précarité très dangereuse (tant sur le plan psychique que physique). La FFP demande que la solidarité, facteur de liens structurants, reste un objectif important dans les préconisations.
La FFP préconise de soutenir une politique de prévention et de soin, les deux ne pouvant être déconnectés.

Les futurs parents, les enfants et les adolescents sont à entourer. La souffrance psychique est assez caractéristique chez les adolescents et les jeunes adultes, la distinction entre le normal et le pathologique est particulièrement complexe. C’est pourquoi la prévention passe par le développement de la pédopsychiatrie.

La FFP préconise la mise en place d’un dispositif d’accès aux soins disponibles et gratuits, de programmes de dépistage et d’accompagnement vers les soins, notamment pour les adolescents et les jeunes adultes ainsi que des articulations organiques entre dispositifs d’insertion gouvernementaux ou non gouvernementaux et dispositifs de soins psychiatriques.

La FFP souhaite que les réponses sanitaires psychiatriques soient soutenues, réfléchies et adaptées à ce groupe (détenus), que les moyens soient mis afin de lutter contre une discrimination dans l’accès au soin.

La FFP demande que soit inclus au chapitre 6 un paragraphe supplémentaire à la suite du 6-2 qui serait intitulé :
« Amélioration de l’accès aux soins psychiatriques en facilitant l’articulation entre santé mentale et soins psychiatriques ».
La FFP demande que soit notée la nécessité de moyens suffisants pour les dispositifs de soins.

La formation : qu’il s’agisse du personnel médical ou non médical, l’amélioration de la santé mentale dans ses volets de prévention et de soins est tributaire du niveau de formation des personnes en charge de ces domaines. Ceci légitime un effort budgétaire particulier de la communauté et des échanges d’information et de circulation de personnes à même de mettre en commun leur expérience. La formation des psychiatres doit être de qualité et porter sur le domaine qu’ils devront assumer, de la prévention à l’insertion, en passant par la formation à l’élaboration d’un diagnostic, la formation à la psychopathologie qui intègre la formation à la psychothérapie (suivant la maquette de formation réalisée par la FFP), et la capacité d’organiser des soins communautaires, enfin la formation à la recherche.

La FFP rappelle que l’approche épidémiologique est une méthode pour appréhender les besoins en santé mentale et la prévalence de la pathologie mentale, l’appréciation des professionnels concernés est également fondamentale car elle se base sur l’évaluation clinique et ne doit pas être oubliée dans l’analyse. La prévention en santé mentale demande une politique de réduction des inégalités et d’amélioration du niveau de vie mais aussi un traitement du lien social. Une prévention de qualité est une prévention qui respecte la continuité des soins, qui facilite leur accès par une destigmatisation du fait psychiatrique, qui organise l’articulation entre les différents temps de l’aide et du soin, simplifie leur complémentarité sans préconiser une exclusion de l’un par rapport à l’autre.

La FFP demande une amélioration de l’accès aux soins psychiatriques par facilitation de l’articulation entre santé mentale et soins psychiatriques, des moyens suffisants doivent être mis à disposition.

La FFP soutient une politique visant à développer la psychiatrie et une réponse spécifique pour les jeunes enfants et adolescents et pour les personnes âgées. Elle est particulièrement préoccupée par la pauvreté de la prévention et des soins offerts aux détenus (dont les conditions d’incarcération).

La formation des professionnels à la santé mentale demande des moyens avec un volet spécifique permettant l’atténuation des craintes envers les malades mentaux qui conduisent parfois même à leur rejet.
Paris, le 15 mai 2006

* Livre vert. (2005). Amémiorer la santé mentale de la population. Vers une stratégie sur la santé mentale pour l’Union européenne. Bruxelles

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Suivi d'une cohorte d'enfants porteurs de troubles autistiques et apparentés en Ile de France de 2002 à 2007

Document de synthèse à un an d'enquête*

L’accueil institutionnel des enfants présentant des troubles autistiques ou apparentés se heurte, notamment en Ile-de-France, à des difficultés bien connues des familles et des professionnels et authentifiées par plusieurs études épidémiologiques antérieures.
L’objectif de la présente étude, est d’améliorer la connaissance des besoins de la population considérée et d’en utiliser les résultats dans la perspective d’une planification régionale. Cette étude dont il est rendu compte ici succinctement a déjà donné lieu à la publication de deux rapports en 2004 et 2005.
La méthode adoptée consiste à suivre sur une période de cinq ans, les parcours, entre les différents lieux de soins et/ou d’éducation, d’une cohorte d’enfants présentant des troubles de type autistique ou apparenté et d’identifier dans la mesure du possible les éventuelles caractéristiques différentielles de ceux des enfants qui font, ou ne font pas, l’objet d’une décision de sortie d’institution ou de changement de modalités de prise en charge.
Les réponses que la collectivité peut apporter à la situation de ces enfants constituent un réel enjeu de santé publique. D’où l’importance que chacun des professionnels et administrateurs concernés permette, par sa participation à l’étude, que soient mieux connues les failles et les limites de nos équipements et les réaménagements à mettre en œuvre.

La mise en place de l’étude

Après la mise en place administrative et financière de l’étude par l’ARHIF et la DRASSIF, la signature d’une convention de partenariat et de recherche avec l’INSERM et l’association ACANTHE et la désignation d’un chargé d’étude, il a été procédé à une phase de sensibilisation des interlocuteurs concernés, tant dans le champ sanitaire que médico-social ainsi qu’auprès des partenaires associatifs et administratifs.
La méthodologie d’enquête a été soumise à l’avis de la CNIL. Le matériel en était constitué par une « fiche d’inclusion » qui devait être remplie par un professionnel connaissant l’enfant, après s’être assuré que la famille ne s’opposait pas à une telle démarche. Dans quelques cas, c’était la famille elle-même qui procédait à cette inclusion quand il n’y avait pas d’institution référente.

La démarche d’inclusion dans l’enquête était volontaire et déclarative. Elle devait répondre à des conditions d’âge (être né en 1989, 1990 ou 1991), de domicile (famille résidant en Ile-de-France) et de diagnostic (correspondre à la catégorie 1 de la CFTMEA, ou à la catégorie F84 de la CIM10). Il était bien précisé qu’il ne s’agissait pas d’une recherche étio-pathogénique sur l’autisme mais d’une étude épidémiologique sur les conditions de prise en charge soignante et/ou éducative des enfants d’une certaine tranche d’âge et présentant des troubles repérés comme incapacitants (d’origine autistique ou apparentée).
L’enquête a suscité diverses interrogations ou réticences. Tout d’abord la lassitude de certains devant la réitération des études dont les conclusions ne sont pas suivies d’effet. Le caractère nominatif des informations, nécessaire pour une étude de parcours, paraissait comporter un risque de fichage pour des enfants qui, par ailleurs, étaient déjà pratiquement tous connus des CDES.
La question du diagnostic s’est posée à deux niveaux. D’une part fallait-il considérer que le diagnostic de « dysharmonie psychotique » (particularisme français) faisait ou non partie du champ des TED ; ce fut, là encore, l’occasion de rappeler que l’objectif de l’enquête était de rendre compte des besoins d’accueil institutionnels d’enfants porteurs de troubles incapacitants, et non de se livrer à un travail de diagnostic différentiel sur les limites de l’autisme. D’autre part et surtout, le fait de faire figurer le mot autisme dans l’intitulé de la recherche a fait se révéler parfois quelques difficultés de communication entre professionnels et parents, montrant que le climat d’alliance thérapeutique et de confiance réciproque ne va pas toujours de soi.
À l’inverse, une autre partie des professionnels et les différentes associations de parents représentées en Ile-de-France ont bien accueilli cette enquête.

État des lieux et constitution de la cohorte

Compte tenu des questions évoquées plus haut, la constitution de la cohorte s’est déroulée sur 16 mois, de juin 2002 à septembre 2003.

La participation a été très inégale d’un département à l’autre, reflet des différences de  mobilisation pour cette enquête et de l’existence ou non de réseaux fonctionnels en matière d’autisme.

Les inclusions ont été le fait essentiellement de trois grands types de structure : 145 enfants ont été inclus par des hôpitaux de jour, 148 par des centres de soins ambulatoires (108 par des CMP, 40 par des CMPP) et 144 par des instituts médico-éducatifs (111 en externat et 33 en internat). À noter que 16 enfants, généralement sans prise en charge, ont été inclus à la suite d’une démarche directe des familles. Il y a eu, lors de l’inclusion, 20 refus de famille de voir leur enfant figurer dans l’enquête.
La cohorte, ainsi constituée, compte 495 enfants. Rapporté à la population de la même tranche d’âge recensée en Ile-de-France, qui est de 437 000, ce chiffre correspond à une prévalence de 11,3 pour 10 000. Compte tenu des différences importantes observées d’un département à l’autre, on ne peut considérer ce chiffre global comme représentatif de la prévalence des troubles envahissants du développement dans la population de la région. On peut considérer toutefois qu’il est représentatif des besoins d’accueil et de prise en charge de cette même population. La taille de la cohorte permet une exploitation statistique des données recueillies.
La cohorte ainsi constituée présente un équilibre des trois tranches d’âge concernées, et un sex-ratio classique de 3 garçons pour une fille.

Description clinique de la cohorte

Le diagnostic clinique a fait l’objet d’une déclaration en clair. Nous recensons ainsi 205 diagnostics d’autisme typique ou atypique, soit 42% des enfants inclus. La deuxième catégorie citée est celle des dysharmonies psychotiques, 103 soit 21%. Viennent ensuite les psychoses déficitaires, 62 enfants, soit 13%, les psychoses infantiles « sans autre indication » 50 soit 10%, et les TED 26 soit 5%. On dénombre aussi 8 syndromes d’Asperger, 4 psychoses dysthymiques, 6 schizophrénies infantiles et 2 syndromes de Rett.
L’enquête confirme l’usage préférentiel de la CFTMEA, citée 314 fois, par rapport à la CIM10 (110 fois) et le DSMIV (30 fois). Surtout, les fiches d’inclusion font apparaître un mésusage flagrant des outils de diagnostic standardisé qui ne sont cités que 30 fois (et encore avec quelquefois une confusion avec un instrument de bilan comme le PEP).

Autour du diagnostic, quelques particularités peuvent être signalées. Une pathologie organique associée est retrouvée dans 29% des cas, mais seulement 13% d’épilepsie, ce qui est inférieur aux données connues. À l’inverse, sur 167 examens génétiques effectués, 30 cas d’anomalies ont été diagnostiqués, soit 6% de la cohorte, le double de la fréquence habituellement admise. Enfin, la proportion de membres de la fratrie atteint d’un trouble similaire ou proche est de 13%, chiffre très supérieur aux données internationales (mais il s’agit d’une donnée purement déclarative).
La répartition des modes de prise en charge est peu différente de celle des lieux d’inclusion. On retrouve à égalité 28% d’enfants en hôpital de jour et autant en IME externat ; 23% sont suivis en ambulatoire (CMP, CMPP). 6% sont en IME internat et 1% en hospitalisation à temps complet. On doit relever que 16 enfants sont décrits comme sans prise en charge soignante ou éducative, 16 ne font l’objet que d’une consultation mensuelle et ils sont 10 pour qui la consultation est de moins d’une fois par mois.
En ce qui concerne l’accès à la scolarité (distinct des « méthodes éducatives » qui mettent en œuvre des techniques spécifiques au soin de l’autisme), on peut retrouver 23% d’enfants non scolarisés, 27% fréquentent un établissement scolaire ordinaire, 31% sont scolarisés dans le cadre d’un établissement médico-pédagogique et 16% dans le cadre d’une hospitalisation de jour ou à temps complet. Bien entendu, ceci ne fait que situer le cadre d’une éventuelle scolarisation et nullement sa fréquence ou son intensité.

Il était demandé dans la fiche d’inclusion de coter, suivant une échelle de gravité, un certain nombre d’incapacités figurant dans la Classification Internationale des Handicaps. Les items retenus concernaient les domaines du comportement, de la communication et de la vie quotidienne. Rappelons que selon l’OMS, l’incapacité est définie comme « la réduction partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité dans des limites considérées comme normales pour un être humain ». Il ne s’agit donc pas d’un diagnostic, mais d’un état susceptible d’évolution. La notion de handicap résulte de la sommation des incapacités, en nombre ou en gravité. Bien que la CIH ne soit pas d’usage habituel dans les pratiques cliniques françaises, les items étaient généralement bien remplis, avec peu de données manquantes.
Nous trouvons un lien significatif entre le diagnostic et le nombre d’incapacités graves : les enfants autistes ou déficitaires cumulent 6 incapacités graves ou plus respectivement chez 53% et 61% d’entre eux, mais seulement 18% dans les cas de psychose dysharmonique.
De même, nous retrouvons 68% d’incapacités graves chez les enfants non scolarisés, pour 39% chez ceux en établissement spécialisé et 17% pour ceux ayant accès à un milieu scolaire ordinaire.
S’agissant des modalités de prise en charge, parmi les enfants suivis en ambulatoire, nous en retrouvons 23% cumulant plus de 6 incapacités graves et 51% ayant moins de 2 incapacités graves. En hôpital de jour, ce sont 40% avec plus de 6 incapacités graves et 47% en IME externat. Quand il y a hébergement (IME internat ou hospitalisation à temps complet), ce sont 59% avec plus de 6 incapacités graves. On constate aussi qu’un certain nombre d’enfants sont sans prise en charge ; parmi eux, 13% ont moins de 2 incapacités, 19% en ont entre 2 et 5 et 68% en cumulent 6 et plus.

Situation de la cohorte après un an d’étude

Le suivi de la cohorte était assuré grâce à une « fiche de situation annuelle » bâtie suivant la même architecture que la fiche d’inclusion et permettant de faire mention des modifications cliniques ou de modalités de prise en charge. Cette fiche était envoyée systématiquement à toute personne ou institution ayant procédé à une inclusion, à la date anniversaire de celle-ci. Quand une modification de la situation de l’enfant était signalée, nous adressions une « fiche de mouvement sortie » afin de pouvoir assurer le suivi de la cohorte
Sur l’ensemble des sujets de la cohorte, nous avons pu recueillir 384 fiches de situation annuelles exploitables, décompte arrêté au 15 janvier 2005, soit 78% de la cohorte initiale. Cette déperdition est dommageable pour le suivi de la cohorte.
Si l’on considère d’une manière globale la typologie de la cohorte au temps T1 (après un an d’étude) avec celle du temps T0 (inclusion) il apparaît un certain nombre de tendances évolutives, sans bouleversement majeur.
Le sex-ratio reste le même et on note une discrète augmentation de la tranche d’âge supérieure. Certains diagnostics ont changé mais leur répartition statistique reste la même. La proportion des enfants suivis dans le médico-social passe de 21 à 29%, alors que la population d’hôpital de jour diminue de 28 à 22% et que pour ceux suivis en ambulatoire, elle passe de 24 à 21%.
Il n’existe pas de lien significatif entre l’âge de la première prise en charge et la nature de celle-ci au temps T1. On ne retrouve pas non plus de lien entre la formulation diagnostique et les variables démographiques.
S’agissant des incapacités, on note une légère tendance à l’amélioration pour l’une ou l’autre d’entre elles, mais sans lien significatif avec les autres caractéristiques enregistrées.

Comparaison enquêtés / non enquêtés

Parmi les 495 enfants inclus dans la cohorte, la comparaison après un an entre le groupe des enfants enquêtés (384) et celui des enfants pour lesquels il n’y a pas eu de réponse (111) fait apparaître, sur les données d’inclusion, certaines tendances à prendre en compte. Tout d’abord, il y a une plus grande proportion de réponses dans les départements ayant effectué le plus d’inclusions. Par ailleurs, le suivi de l’enquête obtient plus de réponses dans le secteur  médico-social que dans le secteur sanitaire.
Au niveau démographique, la sur-représentation des garçons diminue.
Au niveau clinique, la répartition des diagnostics reste la même. Le diagnostic ne semble donc pas à ce moment de l’enquête, le facteur influant sur la non réponse. Par contre, on note chez les enfants enquêtés, une plus grande proportion d’enfants présentant un nombre plus élevé d’incapacités cotées graves.

Évolution, après un an, des enfants enquêtés

Pour l’ensemble de la cohorte des 384 enfants enquêtés après un an, nous pouvons comparer leur nouvelle situation à ce qu’elle était lors de l’inclusion.
On note une stabilité globale du pourcentage des différentes classes diagnostiques mais avec des glissements internes ; ainsi 80% des diagnostics d’autisme se maintiennent mais seulement 55% des psychoses déficitaires se maintiennent en l’état et 23% sont dorénavant diagnostiquées autistes.
En ce qui concerne la déficience mentale cliniquement évaluée, on peut relever une légère tendance à l’amélioration.
Pour les lieux de soins, la proportion d’enfants reste stable en IME, externat ou internat mais diminue légèrement dans les hôpitaux de jour. On note que 30 enfants sont sans aucune prise en charge soignante (dont 7 l’étaient déjà à l’inclusion).
Sur 95 enfants qui étaient sans scolarité, 68 le sont encore, les autres ayant fait l’objet d’une possibilité d’intégration dont 10 ont intégré une école ordinaire.
L’évolution de la cotation des incapacités s’est le plus souvent faite dans le sens d’une réduction du niveau d’incapacité que dans le sens inverse.

Les sorties à l’issue de la première année

Dans l’année qui a suivi l’inclusion, nous avons recueilli 158 fiches de sortie correspondant à des fins ou changements de modalités de prise en charge. Nous comptabilisons 60 sorties d’hôpital de jour et 44 fins de suivi ambulatoire pour 25 sorties d’IME externat et 12 d’internat. Pour 67 enfants, le motif annoncé est dit ‘réorientation’ ou ‘nouvelle orientation’, pour 45 c’est la limite d’âge et pour 27, il s’agit d’une décision parentale.
L’orientation souhaitée concerne le médico-social pour 88 enfants, et elle est l’hôpital de jour pour 29 enfants ; il y a 5 recherches d’hospitalisation à temps complet, et 2 d’hôpital de nuit.
L’orientation souhaitée est réalisable dans 72% des cas, essentiellement dans le médico-social, IME externat majoritairement. L’orientation est dite non réalisable pour 39 enfants, et cela est rapporté 27 fois au manque de place.
Il faut mentionner qu’en l’absence de toute solution institutionnelle, c’est le retour en famille qui est l’unique issue pour 38 enfants.

Le retour en famille, absence ou précarité de prise en charge

Nous abordons ici l’enjeu fondamental de cette étude, la situation des enfants sans prise en charge.
Ces enfants sont actuellement au nombre de 74 (19,3% de la cohorte T1) si l’on tient compte :
- des 38 sorties sans solution citées plus haut,
- des 17 enfants déclarés sans prise en charge à T1 et dont 7 d’entre eux étaient dans cette situation lors de l’inclusion,
- des 19 enfants qui se présentent à T1 comme à la fois sans aucune scolarité et avec une prise en charge ambulatoire inférieure ou au mieux égale à une fois par semaine.
Si nous comparons ces 74 enfants avec les 310 autres constitutifs de la cohorte T1, il apparaît qu’il n’existe aucune différence spécifique en termes de sexe, d’âge ou de diagnostic ; il n’y a pas non plus de relation avec les conditions socio-démographiques de la famille.
Par contre, il existe des différences hautement significatives dans le champ des incapacités et des compétences instrumentales. Il se confirme ainsi que ce sont les enfants les plus lourdement handicapés qui sont dans la situation de plus grande précarité au regard des prises en charge soignantes et ou éducatives.

En conclusion

À cette étape de notre étude, nous pouvons constater qu’aucun élément anamnestique, nosologique, démographique ou psychopathologique ne semble tenir un rôle décisionnel dans l’admission ou le maintien d’un enfant dans telle ou telle institution. Mais on doit mettre en valeur l’importance des diverses incapacités, spécialement celles proches du noyau autistique ayant trait aux outils de communication et aux troubles des interactions sociales. Significativement, les niveaux d’incapacité les plus élevés vont de pair avec les formes les plus centrales de l’autisme avec l’absence de scolarité et avec la précarité de la prise en charge.

L’exploitation des données recueillies dans cette étude nous fait mettre l’accent sur le nombre et la gravité des diverses incapacités comme éléments déterminants des besoins institutionnels de soin et d’éducation de ces enfants. La planification des moyens à mettre en œuvre doit prendre en compte cette dimension clinique du handicap. Cela met en évidence la nécessaire collaboration des professionnels acteurs de terrain avec les décideurs administratifs afin que les propositions de créations de places soient en adéquation avec les besoins ainsi recensés.

* Présenté par JP. Thévenot, A. Philippe et F. Casadebaig

 

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Colloque organisé par l'INSERM en partenariat avec

Comité d'interface Inserm/Psychiatrie, Fédération Française de Psychiatrie, Société Française de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent,
Association des Psychiatres d'Intersecteur, Comité d'interface Inserm/Pédiatrie, Comité d'interface Inserm/ Médecine Générale,
Institut de Thérapeutique Educative et Pédagogique, Aide Sociale à l'Enfance, Protection maternelle et infantile,
Psychologues, Justice, Société Française de Santé Publique...

Trouble des conduites chez l'enfant

24 octobre 2006 (date prévue)
Salle Laroque - Ministère de la Santé et des Solidarités

Le colloque comportera trois sessions et une table ronde*. Chaque session comprendra une intervention principale sur un thème choisi en raison de sa pertinence à l'articulation de la clinique et de la recherche. Cette intervention devra notamment faire ressortir les implications, en termes de recherche, des différents points abordés. Elle sera suivie par des interventions courtes permettant aux différents acteurs de terrain de présenter des points de vue et des éclairages spécifiques, complémentaires ou différents sur le thème. Un débat aura ensuite lieu avec le public. En permettant les interactions entre les différents acteurs, la table ronde illustrera les modalités d'une approche ouverte, pluridisciplinaire, du Trouble des conduites.

* 1. Epistémologie de la notion de Trouble des conduites - 2. Etat des lieux des pratiques thérapeutiques
3. Etat des lieux des pratiques de repérage et de prévention - Table ronde : À l'articulation des disciplines

Le programme définitif sera affiché sur Psydoc-france



Dernière mise à jour : 24 aôut 2006 16:18:38

Monique Thurin




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