Numéro à thèmes multiples

Editorial - Comité de rédaction
Résultat en psychiatrie de l'enquête Handicaps Incapacités Dépendance. F Chapireau, MFalk Bairant
Bases de données, recherche bibliographique et visibilité des publications en psychiatrie. C Polge
Le Comité de Psychiatrie de l'INSERM. J Garrabé
Stress et immunité. Compte rendu des Journées d'interface. Jean-Michel Thurin
Abonnement
Comité de Rédaction et remerciements




Editorial - Le Comité de Rédaction -

Très bonnes fêtes à tous !

Pour son dernier numéro de l’année 2002, Pour la Recherche offre à ses lecteurs deux articles très différents et très complets écrits par les spécialistes des deux questions traitées.

Le premier est un compte rendu très large des résultats en psychiatrie de l’enquête INSEE, « Handicap, Incapacités, dépendance » par François Chapireau (l’un des acteurs de cette enquête), guidé dans ses choix de données pertinentes pour le lecteur de Pour la Recherche par Muriel Falk Vairant. Cet article très clair permet de situer cette enquête de grande envergure dans le cadre d’une connaissance assez précise des soins dispensés à la population et notamment pour des troubles psychiques ou mentaux.

Le second présente de façon très détaillée les bases de données internationales, la recherche bibliographique et la visibilité des publications en psychiatrie. Cet article est écrit par Catherine Polge, qui a travaillé pendant des années à l’INSERM comme documentaliste, spécialisée en psychiatrie. Il guide non seulement la recherche de documentation sur les bases internet mais présente les critères essentiels pour réussir une publication, c’est-à-dire la rendre accessible à la lecture scientifique internationale. Les futurs auteurs bénéficieront de sa lecture et nous pensons voir bientôt des références françaises enfin accessibles et citées dans les meilleures bases de données.

Ce numéro présentera également des informations sur le comité d’interface INSERM/Psychiatrie et le rôle important qu’il a dans la possibilité d’avancer, même à petit pas, vers une ouverture à la recherche, accessible à un plus grand nombre (cf. proposition de réseaux de recherche : appel d’offre sur le site). Nous avions annoncé la manifestation de décembre qui s’est tenue au Carré des sciences à Paris. Vous en trouverez également un compte rendu dans ce numéro.

Vous trouverez également les résultats des PHRC 2002.

Des dates à retenir vous sont également indiquées, dans l’ordre chronologique : avril le colloque « Internet et Psychiatrie » ; juin « Les états généraux de la psychiatrie » ; novembre une conférence de consensus sur « Les victimes de maltraitances sexuelles ».

Par ailleurs, au cours des discussions ou des propositions faites dans le cadre de la recherche en psychiatrie, nous nous sommes aperçus qu’il n’était pas toujours évident de se retrouver au milieu des différentes missions de nos partenaires institutionnels que ce soit la Direction Générale de la Santé et ses différents services, l’INSERM, etc. Nous préparons donc le prochain numéro pour les définir et éclairer le cadre dans lequel peuvent s’inscrire des collaborations positives dans le domaine de la recherche.


Résultats en psychiatrie de l’enquête Handicaps Incapacités Dépendance


François Chapireau, Muriel Falk-Vairant

Les 3 et 4 octobre 2002 a eu lieu à Paris un colloque présentant la synthèse des résultats disponibles à partir de l’enquête dite Handicaps incapacités dépendance (HID), réalisée par l’INSEE. Le journal Le Monde en a rendu compte sur une pleine page dans son numéro daté du samedi 5 octobre. L’un des exposés de ce colloque portait sur les connaissances nouvelles à propos des personnes recevant des soins de santé mentale. La Fédération française de psychiatrie a été associée au groupe de projet. L’avancement des travaux a été régulièrement mis à disposition des professionnels sur Psydoc-France. Nous présentons maintenant les premiers résultats1.

QUI ? L’INSEE conduit régulièrement des enquêtes sur des grands thèmes d’intérêt national : l’enquête décennale sur la santé en France, l’enquête sur les conditions de vie, etc.. Jusqu’à ces dernières années, les informations à propos des conséquences sur la vie quotidienne des maladies et accidents étaient éparses et dépourvues de compatibilité entre elles, provenant le plus souvent des statistiques d’activité des nombreux dispositifs d’aide. A la demande du Ministère de la Santé, l’INSEE a été chargé de réaliser une enquête en tirant les leçons de celles du même type dans les grands pays étrangers (Grande-Bretagne, Canada, Australie, etc.). Pour préparer cette enquête, un groupe de projet a réuni tous les mois pendant cinq ans des chercheurs de l’INSERM, du CNRS, de l’Institut national des études démographiques (INED), et d’autres, parmi lesquels le Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale, et la Fédération française de psychiatrie. Ainsi a été conçue et réalisée l’enquête Handicaps incapacités dépendance (HID).

POURQUOI ? L’objectif de l’enquête est de fournir des informations concernant l’ensemble de la population vivant en France : c’est le seul moyen pour comparer les personnes qui reçoivent une aide avec celles pour lesquelles ce n’est pas le cas. L’enquête ne préjuge pas de la catégorie administrative dont peut relever la personne : cela permet d’examiner si un dispositif bénéficie effectivement à toutes les personnes à l’intention de qui il a été mis en place. De même, cela permet d’estimer à l’avance les conséquences d’une modifications des règles d’attribution des droits. Ainsi, la mise au point de l’Allocation personnalisée pour l’autonomie (succédant à la Prestation spécifique dépendance) pour les personnes âgées s’est appuyée sur les données de HID. Ces données fournissent une aide à la décision politique, mais ne s’y substituent pas. Plus la description des situations est précise, et moins les choix politiques y sont inscrits à priori. Toute la question est de savoir si la description est plus ou moins complète, et plus ou moins précise.

COMMENT ? Pour décrire l’ensemble de la population vivant en France, un tirage au sort a été effectué , selon les méthodes rigoureuses de l’INSEE. L’objet de l’enquête était les conséquences sur la vie quotidienne des maladies et accidents. Il n’était donc pas possible de limiter ce tirage au sort aux personnes vivant en « ménage » (ainsi appelées par opposition à celles qui vivent en collectivité) : il fallait aussi étudier les personnes se trouvant en établissements. C’est ainsi que les établissements de soins psychiatriques ont été inclus dans l’enquête (à côté de nombreux autres) puisque les maladies mentales sont souvent des maladies handicapantes (mais pas toujours, ni non plus d’une manière stable dans le temps). Les personnes tirées au sort ont été rencontrées et interrogées par des enquêteurs professionnels de l’INSEE, et ont toutes répondu au même questionnaire pendant environ 45 minutes. Celles qui ne pouvaient pas répondre seules pouvaient recevoir de l’aide. Pour celles qui n’étaient pas du tout aptes à répondre, une personne de l’établissement a donné les informations à leur sujet. Ainsi a été constitué un échantillon statistiquement représentatif. Par exemple, pour l’ensemble des CHS, c’est globalement une personne sur trente qui a été tirée au sort, formant un échantillon au 1/30°.

QUEL QUESTIONNAIRE ? La personne avait le droit de refuser de participer à l’enquête ; le médecin et le cas échéant le tuteur pouvaient formuler un refus selon leurs propres critères. Les données de l’enquête ont été analysées sous une forme totalement anonyme, selon les exigences de la CNIL. Conformément à l’objet de l’enquête, le questionnaire a porté en détail sur les difficultés de la vie ordinaire (appelées en jargon technique « les incapacités »). De nombreuses autres informations ont été recueillies : outre les données socio-démographiques habituelles, la personne a décrit sa scolarité, son parcours professionnel, ses relations sociales, ses conditions matérielles d’hébergement, et ses ressources. D’autre part, la personne a été invitée à dire ce qu’elle sait de son état de santé Malgré cette information, l’enquête ouvre une perspective à laquelle nous ne sommes pas habitués, l’abord de la maladie sous l’angle des difficultés dans la vie quotidienne. Cette nouveauté explique en partie la relative incompréhension ou la méfiance de certains psychiatres.

QUAND ? Pour des raisons techniques, l’enquête dans les établissements n’a pas eu lieu la même année que celle « en ménage ». Plus intéressant est le fait que les personnes interrogées ont été revues deux ans plus tard, avec le même questionnaire, afin d’évaluer leur évolution pendant cette période. Au total, il y a donc eu quatre phases : en 1998, le premier passage en établissements, auprès d’un échantillon statistiquement représentatif de 15 000 personnes environ ; en 1999, le premier passage en “ ménages ” (à partir d’un échantillon construit lors du recensement), lui aussi auprès d’un échantillon statistiquement représentatif de 15 000 personnes environ ; en 2000, le deuxième passage en établissements ; et en 2001, le deuxième passage en “ ménages ”. Lors du deuxième passage, si la personne avait changé de lieu de résidence, tout a été fait pour la retrouver et l’interroger (l’accord de l’intéressé avait été demandé lors du premier passage).

POUR OU CONTRE HID ? Parmi les établissements de soins psychiatriques tirés au sort, 17 % ont refusé de participer à l’enquête. Dans une lettre adressé à l’INSEE, un médecin chef écrivait : « Il n’apparaît pas possible, pour des raisons d’ordre conceptuel, à mes collègues médecins-chefs de service et à moi-même d’accepter une participation à cette enquête. En effet, les centres hospitaliers ne constituent pas des lieux de vie pour personnes handicapées, mais un lieu de soins actifs où les personnes qui souffrent d’une incapacité ou d’une déficience peuvent être soignées au même titre que les autres. La notion de “pensionnaire” n’a pas plus de réalité ni de sens, concernant les patients hospitalisés dans les services de psychiatrie, que la proposition adjective “personne vivant en institution » [...] Nous ne pouvons entériner la disqualification sous-jacente et de notre établissement et des soins et, par là même, valider un ensemble de représentations inadaptées. ” Il appartiendra aux psychiatres concernés, après étude des résultats de l’enquête, de dire s’ils maintiennent leur position, et pourquoi.

CONFIRMATION D’INFORMATIONS DÉJÀ CONNUES L’enquête HID a eu lieu six mois après la coupe transversale effectuée par l’INSERM2. La comparaison des effectifs, et des répartitions par âge et sexe dans les deux enquêtes montre des résultats très proches : les patients hospitalisés sont plus souvent des hommes entre 20 et 49 ans ; ils sont en majorité célibataires. La complémentarité du recrutement des patients des hôpitaux du service public et des cliniques, déjà montrée pour les diagnostics par la coupe transversale de l’INSERM est complétée pour le retentissement dans la vie quotidienne par l’enquête HID. Il n’est pas non plus surprenant de trouver selon l’enquête HID qu’en hospitalisation psychiatrique presque deux personnes sur trois sont en dehors du marché de l’emploi pour des raisons de santé, et que quatre sur dix touchent l’Allocation pour adultes handicapés. De même, nous connaissons l’isolement social des patients, ce que confirme le fait que seulement un peu plus du tiers des patients a des contacts en dehors de sa proche famille, de sorte que l’appui social repose particulièrement sur celle-ci lorsqu’elle est disponible, ce qui est le cas seulement trois fois sur quatre.

Les données disponibles à propos des personnes vivant chez elles, et consultant pour des troubles psychiques ou mentaux, vont dans le même sens (cf. tableau 1).

DES INFORMATIONS NOUVELLES : LA MORTALITÉ La surmortalité des malades mentaux hospitalisés a été montrée en France par l’INSERM pour toutes les causes de décès. L’enquête HID a comporté une recherche des décès auprès de l’état civil après deux ans, lors du second passage. Les résultats montrent des taux pour les patients en CHS qui sont le double de ceux pour les patients en cliniques ; ils montrent aussi le double pour les patients qui, au moment du premier passage étaient présents depuis plus d’un an par rapport à ceux qui étaient présents depuis moins de trois mois, et enfin, le triple pour ceux qui se trouvaient dans un autre établissement avant leur admission par rapport à ceux qui vivaient alors dans un domicile personnel ou chez leurs parents. Si on compare les personnes de 20 à 59 ans soignées en psychiatrie avec celles de même âge hébergées en établissements pour adultes handicapés, on trouve un taux de mortalité à deux ans qui est presque le triple pour les premiers par rapport aux seconds.

O VIVAIENT LES PERSONNES AVANT LEUR HOSPITALISATION ? Presque une personne sur deux vivait dans un domicile personnel avant son admission en établissement de soins psychiatriques. Une proportion notable (15 %) vivait chez ses parents, et une personne sur quatre était dans un autre établissement. Parmi les patients présents depuis plus d’un an lors de l’enquête, un sur quatre vivait avant son admission dans un établissement avec hébergement pour personnes handicapées (enfants ou adultes) et n’y est donc par retourné depuis. Ces patients contribuent pour une part notable aux longues hospitalisations, souvent de plusieurs années au moment de l’enquête. S’il y a dans les établissements avec hébergement pour adultes handicapés environ 6 000 personnes qui étaient précédemment hospitalisées en psychiatrie, il y a dans les établissements de soins psychiatriques 4 000 à 4 500 personnes hospitalisées depuis plus d’un an, et qui étaient précédemment en établissements avec hébergement pour personnes handicapées. (cf. tableau 2)

LA MOBILITÉ DES PERSONNES HOSPITALISÉES Une personne sur quatre hospitalisées en psychiatrie n’a pas le droit de sortir, alors que le taux est inférieur dans tous les autres établissements de l’enquête. Le nombre total de personnes concernées en établissement de soins psychiatrique est d’environ 11 000, soit à peine plus que dans les établissements avec hébergement pour personnes adultes handicapées, et beaucoup moins que dans les établissements pour personnes âgées. D’autre part, les personnes qui ont besoin d’aide pour sortir de l’enceinte de l’établissement reçoivent souvent cette aide dans les établissements avec hébergement pour personnes handicapées, à peu près pas dans les établissements pour personnes âgées, et peu dans les établissements de soins psychiatriques.

LES PERSONNES QUI CONSULTENT Lors de l’enquête en « ménages », l’enquêteur demande : « Avez vous consulté, au cours des trois derniers mois, pour des troubles psychiques ou mentaux ? ». Selon l’enquête H.I.D., c’est le cas de 1 560 000 personnes (2,7% de la population générale). L’enquêteur demande ensuite : « Si oui, bénéficiez vous d’un suivi régulier dans ce domaine ? ». L’effectif estimé de ceux qui répondent « oui » est de 1 210 000 personnes (2,1% de la population générale). Par ordre décroissant de fréquence, la répartition selon les professionnels consultés est la suivante (chaque personne a pu donner plusieurs réponses) : un médecin psychiatre, 799 000 personnes (dont 744 000 régulièrement) ; un médecin généraliste, 487 000 personnes (316 000 régulièrement) ; un psychologue ou un autre spécialiste non médecin, 291 000 personnes (234 000 régulièrement) ; un autre médecin, 214 000 personnes (71 000 régulièrement). La pyramide des âges est très déséquilibrée. Les hommes représentent quatre personnes sur dix parmi ceux qui ont consulté régulièrement. Les jeunes de moins de 20 ans représentent presque une personne sur cinq parmi les consultants réguliers. Les femmes de 40 à 59 ans représentent à elles seules le tiers de ce dernier groupe.

UNE TYPOLOGIE DES CONSULTANTS Une étude statistique conduite à la DREES permet de répartir en six groupes les personnes de 20 à 59 ans qui ont déclaré avoir consulté régulièrement au cours de trois derniers mois pour des troubles psychiques ou mentaux. Le premier groupe concerne quatre personnes sur dix parmi les consultants réguliers âgées de 20 à 59 ans. Ce groupe correspond aux personnes dont les capacités apparaissent très proches de celles de la population générale. Le groupe suivant concerne environ une personne sur cinq. C’est un groupe essentiellement féminin, de personnes célibataires, seules à domicile, majoritairement âgées de 40 à 49 ans, et qui présentent des difficultés réelles mais modérées dans les tâches quotidiennes. Le troisième groupe concerne moins d’une personne sur dix. Il est quasi exclusivement composé d’hommes âgés de 30 à 39 ans, célibataires, chômeurs, vivant chez leurs parents, plus souvent diplômés de l’enseignement supérieur que la moyenne, mais gravement gênés dans certaines activités dans la vie quotidienne. Le contraste entre le niveau de diplôme obtenu et les incapacités déclarées au moment de l’enquête suggère une grave rupture biographique liée à la maladie. Les trois autres groupes sont caractérisés par des personnes ayant de nombreuses incapacités. Ainsi les adultes du quatrième groupe (14 %) vivent en couple, et présentent une fréquence élevée des déficiences motrices et métaboliques. Près de la moitié de ces personnes ont entre 50 et 59 ans. Le cinquième groupe (moins de 3 % des personnes suivies régulièrement), rassemble les adultes qui ont un emploi protégé. Enfin, le dernier groupe, très proche du précédent, correspond à des personnes très peu autonomes, et sans activité professionnelle. Une majorité bénéficie de l’AAH. Elles sont, pour beaucoup, incapables d’effectuer les tâches quotidiennes complexes ou non.

QUESTIONS DE MÉTHODOLOGIE Au moment d’interpréter les données, il est important de se souvenir que HID est une coupe transversale3. Elle se différencie de l’étude de file active, mieux connue en psychiatrie, dont la caractéristique est de porter sur l’ensemble des patients ayant eu dans l’année un contact avec le dispositif de soins. Plus le séjour est durable, plus grande est la probabilité d’être inclus dans l’échantillon. Réciproquement, cette méthode entraîne une représentation moins importante des personnes présentes pendant une durée courte.

Dans HID, les catégories d’établissements de soins psychiatriques sont celles du fichier FINESS4, à partir duquel a eu lieu le tirage au sort. L’expérience a montré certaines limites de ce fichier. Parmi les 250 établissements enquêtés, 12 étaient classés par FINESS comme lieu d’exercice de soins psychiatriques mais leur direction a déclaré que ce n’était pas le cas (soit 2 400 personnes après pondération), et 2 ne l’étaient pas mais ont cependant déclaré pratiquer de tels soins (soit 750 personnes). Selon que la définition des données tient ou non compte de ces déclarations, les effectifs et les taux observés peuvent varier un peu (l’écart des effectifs entre la définition de FINESS et celle des établissements est de - 3.4 %). Les résultats présentés ici tiennent compte des déclarations des établissements lors de l’enquête. D’autre part, le fichier FINESS ne distingue pas les soins organisés selon la sectorisation psychiatrique des autres modalités d’hospitalisation (intersectorielle ou non sectorisée). Une erreur de programmation informatique, décelée trop tard, a conduit à l’omission des services de psychiatrie des hôpitaux généraux. Le champ de l’enquête est incomplet. Le nombre de personnes en établissements de soins psychiatriques selon HID est inférieur de 9 000 à ce qu’il devrait être. La principale conséquence de cette omission est évidemment qu’il n’est pas possible de décrire les patients hospitalisés dans ces services, ni de les comparer aux autres. Les résultats concernant les CHS, les HPP, et le groupe réunissant les cliniques et les foyers de post cure ne sont pas remis en cause. Seuls les résultats globaux doivent être nuancés. Cette omission peut avoir pour effet d’accentuer la proportion globale de patients hospitalisés durablement. En effet, la durée moyenne de séjour est notablement plus faible dans les services de psychiatrie des hôpitaux généraux que dans les CHS et les HPP5, ce qui suggère un moins grand nombre de séjours longs. Dans la mesure où les personnes hospitalisées durablement présentent davantage de difficultés, les résultats globaux de HID peuvent présenter des taux trop élevés sur ces points. Toutefois, l’analogie des profils de population dans HID et dans la coupe transversale INSERM-CCOMS de mars 1998 suggère que l’omission des services de psychiatrie des hôpitaux généraux dans HID ne conduit pas à une distorsion majeure des résultats (sous réserve des remarques ci-dessus) si on les extrapole à l’ensemble de l’hospitalisation psychiatrique.

Quelle est la pertinence du groupe réunissant les maisons de santé (cliniques) et les foyers de post-cure ? En raison du faible nombre de places (1 200), les foyers de post cure ne pouvaient pas constituer un groupe distinct dans l’étude. Ils ont été regroupés avec les cliniques (12 000 lits). Ainsi, les personnes enquêtées dans ce groupe se trouvent dans leur grande majorité en clinique. A chaque fois que les résultats concernant ce groupe sont notablement différents de ceux qui concernent les patients en CHS et en HPP (c’est le plus souvent), il est légitime d’attribuer l’écart aux cliniques.

En population générale, deux questions compliquent l’interprétation des données. La première concerne le nombre de personnes qui ont déclaré avoir consulté au cours de trois derniers mois pour des troubles psychiques ou mentaux (régulièrement ou non, quel que soit le professionnel consulté) : l’enquête trouve un effectif de 1 560 000. Or ce résultat est faible, si on le compare au nombre de personnes qui ont consulté auprès du seul service public sectorisé : plus de 1 000 000 ont été suivies en un an. Certes, la comparaison ne porte pas sur la même durée, mais ce dernier résultat ne comprend pas les patients ayant consulté un généraliste, un psychiatre libéral, ou une psychologue à son cabinet. Il y a dans HID une importante sous-déclaration du recours au soins ambulatoires pour les troubles psychiques ou mentaux. Si 744 000 personnes déclarent être suivies régulièrement pour ces troubles par un psychiatre, seulement 316 000 font la même déclaration à propos d’un généraliste. Le deuxième effectif est certainement davantage sous estimé que le premier. En effet, selon le CREDES6, en 1997, il y a eu près de 20 000 000 de consultations pour des troubles mentaux auprès de psychiatres, et près de 35 000 000 auprès de généralistes pour les mêmes troubles.

La deuxième question qui se pose pour interpréter les données en population générale tient à la méthode du tirage au sort des personnes enquêtées. Un tirage uniforme en population générale aurait conduit à interroger un très grand nombre de personnes ne présentant aucune difficulté. Les résultats auraient été difficiles à interpréter, car le nombre de personnes déclarant des problèmes aurait été faible. Pour éviter cela, l’échantillon a été constitué à partir d’un plan de sondage inégal, destiné à représenter davantage les personnes en difficulté. Les résultats ont ensuite été pondérés d’un coefficient égal à l’inverse de la probabilité d’être interrogé. C’est ainsi que les personnes chez qui la probabilité de trouver des difficultés est la plus faible sont interrogées beaucoup moins fréquemment. Cette nécessité technique a pour conséquence une imprécision de la mesure à chaque fois que le groupe étudié comporte de nombreuses personnes issues de cette dernière catégorie. C’est le cas pour les personnes qui ont consulté pour des troubles psychiques ou mentaux : une forte proportion d’entre elles souffrent peu ou pas de difficultés dans la vie de tous les jours. De plus, certaines ont été considérées comme peu susceptibles d’en souffrir, d’après les données préliminaires, et en ont tout de même déclaré lors de l’interview détaillé. L’intervalle de confiance des résultats (calculé par l’INSEE) est large : le nombre de personnes ayant consulté régulièrement pour des troubles psychiques ou mentaux, au cours des trois derniers mois, est de 1 210 000, avec un intervalle de confiance à 95 % situé entre 950 000 et 1 500 000. L’imprécision de la mesure entraîne une difficulté pour étudier les corrélations. Les tests statistiques doivent intégrer des données qui n’entreraient pas dans les calculs si la probabilité de tirage au sort était la même pour toutes les personnes de l’enquête. L’INSEE prépare des programmes informatiques permettant d’aborder cette difficulté : ils sont attendus avec beaucoup d’intérêt.

CONCLUSION Cette enquête est peu connue dans le milieu psychiatrique malgré la mise à disposition des informations sur le site de Psydoc-France. C’est qu’elle répond à une logique particulière, ouverte à diverses approches. Malgré son nom, l’enquête Handicap Incapacité Dépendance, ne s’inscrit à priori dans aucun cadre administratif. Elle vise à mieux connaître l’ensemble de la population. Elle apporte une importante quantité d’informations dont beaucoup sont nouvelles à propos des personnes recevant des soins pour des troubles psychiques ou mentaux. Peu d’enquêtes ont une telle envergure en France ou à l’étranger. D’autres études peuvent, à l’avenir, compléter et approfondir les premiers résultats.

notes

1. Les résultats détaillés concernant les personnes hospitalisées viennent d’être publiés dans le fascicule 206 de la publication Etudes et Résultats de la DREES, disponible sur le site du ministère http://www.sante.gouv.fr/htm/publication/index.htm et sur le site de la FFP, Psydoc-France. L’exposé dont nous rendons compte ici résume, outre l’étude citée, un rapport de recherche établi par D. Ruffin et F. Casadebaig (INSERM) et une étude conduite par M. Anguis et C. de Peretti (DRESS).

2. Boisguérin B., Casadebaig F., Quémada N. (1999) Enquête nationale sur la population prise en charge par les secteurs de psychiatrie générale, les cliniques privées et les établissements de réadaptation et de post-cure. INSERM-CCOMS, Ministère de l’emploi et de la solidarité, Direction générale de la santé. 70 p.

3. Extrait d’un article sous presse (Revue Française des Affaires Sociales).

4. Fichier National des Etablissements Sanitaires et Sociaux.

5. En 1998, services de psychiatrie des hôpitaux généraux : 23.71 j. ; centres hospitaliers spécialisés : 36.70 j. (Statistique annuelle des établissements de santé 1998. DREES, Edith Thomson, Document de travail n°25, septembre 2001)

6. CREDES. Données EPPM 1997, IMS Health.

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Bases de données, recherche bibliographique et visibilité des publications en psychiatrie


Catherine Polge

I - Les bases bibliographiques : caractéristiques générales

Diffusion

Les bases de données internationales sont produites dans une optique de large diffusion par des sociétés savantes, agences publiques ou instituts scientifiques, stockées sur de gros systèmes de gestion de bases de données (SGBD) et distribuées soit directement par leur producteur soit par une société de service ou « serveur ». Ces bases donnent accès à des informations validées, fiables, stables. On peut se reporter au site web de l’URFIST (Unité Régionale de Formation et de promotion pour l’Information Scientifique et Technique) de Lyon qui présente un tableau des différents serveurs et des bases proposées par chacun (http://urfist.univ-lyon1.fr/bd-serv.html).

Type de base

Plusieurs bases (généralistes ou spécialisées) répertorient la littérature psychiatrique internationale ; parmi les plus connues : Psycinfo et sa version cédérom Psyclit (psychiatrie et psychologie), Pascal (qui couvre tous les grands domaines de la connaissance, Europe 45%, langue française 9%), Medline (biomédicale), Embase (biomédicale et pharmacologique), Social Citation Index (sciences humaines et sociales), Science Citation Index (biomédicale, sciences), Biosis Previews (tous domaines de la biologie), Sociological Abstracts (sciences sociales). Plusieurs sont une version électronique d’index bibliographiques sur papier (Index Medicus pour Medline, Psychological Abstracts pour Psycinfo, ...). Outre les questions d’accessibilité et de coût, le choix d’une base dépend du thème et de son angle d’approche, de l’objectif poursuivi (question ponctuelle ciblée, revue de question, etc), de la couverture recherchée (pays, langue, dates). Un certain nombre de systèmes permettent de sauvegarder une requête et de la relancer régulièrement pour mettre à jour un profil bibliographique.

Support

Ces bases sont accessibles à distance en ligne via le réseau commuté ou internet (modem ou câble) ou en accès local par cédérom. Pour l’utilisateur, la question du choix du système d’accès dépend à la fois des moyens et des objectifs poursuivis par l’utilisateur. Chaque diffuseur de bases de données utilise un logiciel d’interrogation spécifique qui contraint l’utilisateur à formuler sa requête en suivant certaines règles. Les cédérom et certains accès internet permettent des modalités d’interrogation simplifiées mais de précision limitée. Pour un enjeu scientifique important, l’utilisateur a intérêt à suivre les règles de formulation des requêtes afin d’obtenir des résultats fiables. La plupart des bibliothèques universitaires proposent des initiations rapides et ciblées sur l’utilisation des cédérom et d’internet. Certains serveurs de bases de données ont des logiciels d’interrogation suffisamment complexes pour permettre toutes les subtilités de recherche et organisent des stages de formation.

La plupart des bases sont diffusées sur abonnement à un serveur de bases de données, ou un diffuseur de cédérom en local. Internet a favorisé l’apparition de prestataires de services multiples intégrant plusieurs types de fonctions (accès au texte intégral, sites web, etc.). Certains systèmes sont gratuits pour l’utilisateur final, dans deux cas : abonnement pris en charge par une entreprise pour ses employés ou diffusion subventionnée à la source par une agence gouvernementale. Les différents accès libres à Medline sur internet relèvent de ce dernier cas de figure. La gratuité n’est donc qu’apparente : produire de l’information, l’organiser et la diffuser sont des opérations dont le coût doit être assumé à un ou plusieurs niveaux du cycle production-diffusion-utilisation.

Depuis quelques années, la liberté d’accès à l’information scientifique favorisée par internet est revendiquée par de nombreux utilisateurs eux-mêmes producteurs d’informations (publiées). Quelques projets de libre accès ont vu le jour et le paysage actuel s’organise autour de deux grandes directions : un dépôt électronique des textes par les auteurs eux-mêmes nommé en général « archives ouvertes » (ex : Open Archives Initiative) et une modification de l’offre de certains éditeurs avec gratuité partielle et nouveaux services dits « à valeur ajoutée » (recherches thématiques etc). Cette nouvelle donne suscite un grand nombre de débats sur la validation de l’information scientifique, les droits d’auteur, le rôle des éditeurs et celui des bases de données, sur la survie de certains journaux.

II - Bases bibliographiques internationales et visibilité des publications françaises en psychiatrie

Journaux

Chaque base de données sélectionne un certain nombre de journaux pour analyser et stocker tout ou partie de leurs articles, de façon à couvrir un certain champ thématique. Pascal (multidisciplinaire) analyse 6000 journaux, Medline 4500, Embase 4000, Psycinfo 1900, Biosis 5000, L’institute of Scientific Information (multidisciplinaire) 8500. Cette sélection vise à préserver la cohérence de la base et, dans certains cas, elle souligne, aux yeux de la communauté internationale, l’importance d’un journal dans une thématique donnée. Les articles publiés dans des journaux absents des bases internationales échappent aux recherches automatisées (cédérom, recherche en ligne). Ces périodiques peuvent cependant élargir leur audience en proposant sommaires et résumés sur internet. Un journal peut également soumettre sa candidature à une base de données, à charge pour lui de répondre aux critères exigés (sensiblement différents selon les bases).

Indexation

Les bases bibliographiques indexent les articles, c’est-à-dire les traduisent à l’aide de mots-clés. Ces derniers sont en général issus de vocabulaires conçus exclusivement pour l’indexation et différent par là des classifications à visée diagnostique. Les thesaurus sont des vocabulaires élaborés de manière à contrôler les synonymies et à établir des relations hiérarchiques entre les termes : le Medical Subject Headings (MeSH) de Medline, EmTree d’Embase, Psychological Index Terms de Psycinfo. Ils reflètent souvent la philosophie de l’organisme producteur de la base bibliographique. L’utilisateur devra trouver dans ces listes de termes les mots décrivant le mieux son sujet ; en cas de thématique nouvelle, il pourra ajouter des mots libres (à rechercher dans les titres ou résumés). L’indexation de certaines bases est très réduite ou repose en partie sur les mots-clés choisis par les auteurs. Dans ce cas, la recherche sera plus lourde puisque l’utilisateur devra utiliser à la fois ses propres termes et leurs synonymes ou des équivalents plus « consensuels », y compris en plusieurs langues. C’est ainsi qu’une indexation rigoureuse devrait permettre de traduire différentes expressions de culture scientifique - celle du lecteur, des auteurs répertoriés, de la base bibliographique, et des journaux - qui se superposent ou se percutent dans une adéquation ou une divergence de vocabulaire.

Recherche bibliographique

Les résultats d’une recherche bibliographique peuvent aller du silence inquiétant à un excès de réponses encombrant. La connaissance de la base de données et de son logiciel d’interrogation ainsi qu’un jeu sur les champs sémantiques aident à naviguer entre ces deux écueils. Pour « balayer » un thème large tel que la « thérapeutique des psychoses », le croisement des notions de traitement et de psychose en limitant aux revues de littérature permet un tour rapide de la question. L’énumération des différents traitements croisée avec celle des différentes psychoses permet d’approcher plus de l’exhaustivité. Sur un sujet pointu « thérapie cognitive des psychoses induites par un abus de substance toxique », un petit nombre ou une absence de références pourra inciter à élargir à « thérapie cognitive des psychoses » ou à déplacer les concepts vers « thérapie cognitive des psychoses présentant un tableau clinique d’abus de substance ».

Evaluation scientifique

La recherche bibliographique est couramment mise au service de l’évaluation scientifique. La signalisation d’articles dans les bases bibliographiques internationales est un indice simple de diffusion et de visibilité des travaux scientifiques, sans qu’il s’agisse à proprement parler d’évaluation. Les Current Contents et Medline sont couramment utilisés de cette manière. Medline, facile d’accès, est d’un usage tellement répandu qu’elle en arrive à jouer un rôle de loupe pour la production scientifique en biologie et en médecine (« c’est dans Medline »). Les techniques de bibliométrie (analyse quantitative des relations entre les divers éléments composant un ensemble de publications) et de scientométrie (analyse quantitative de l’activité de recherche scientifique et technique) permettent une évaluation des recherches et de leurs auteurs, des institutions, des domaines scientifiques, des productions nationales, etc., à des fins de prospective et de financement. L’Institute of Scientific Information - ISI - élabore un certain nombre de bases bibliographiques qui indexent les articles et leurs références citées, permettant une évaluation de la science grâce à des indicateurs de production scientifique. Les plus utilisés sont :

- Le facteur d’impact « impact factor » d’un journal est le rapport entre le nombre de citations sur une année des articles publiés par ce journal les deux années précédentes et le nombre d’articles publiés par ce même journal ces deux années-là. Voici pourquoi la publication des facteurs d’impact est toujours « en retard » de 2 ans. Cet indicateur de notoriété des journaux scientifiques, mis au point par Eugène Garfield (Nature, 16 Déc. 1976, pp 609-615) à partir des bases bibliographiques de l’ISI, est publié chaque année dans « Journal Citation Reports » (JCR). Les journaux traitant de psychiatrie sont répartis entre les deux séries du JCR : « Science edition » (majoritairement) et la « Social sciences edition ».

- Les calculs de citations des articles à partir des bases de citation de l’ISI : Science Citation Index, Social Science Citation Index, Arts and Humanities Citation Index (http://www.isinet.com/isi/). Le système « Web of science » en procure l’accès sur abonnement via internet. (http://www.isinet.com/presentrep/facts/WebofScience.pdf ).

u Les résultats scientométriques basés sur ces indicateurs servent à des procédures d’évaluation (ministérielles ou institutionnelles) ; ainsi, L’Observatoire des Sciences et des Techniques (OST) utilise Science Citation Index pour la mise au point de ses indicateurs bibliométriques (http://www.obs-ost.fr/groupelpsir.pdf). L’ISI publie sur internet les calculs d’impact des productions scientifiques des différents pays du monde, par disciplines (http://in-cites.com/research/2002/index.html).

Ces techniques criticables et critiquées (y compris par certaines revues), font autorité. Leur utilisation exige d’être accompagnée par une correction des biais liés aux délais de citation selon les disciplines, au poids relatif de ces dernières sur la scène internationale, au champ plus ou moins large couvert par les journaux, aux différentes appréciations de la qualité, etc. L’ISI, comme l’OST, mettent en garde contre une utilisation abusive ou réductrice des indicateurs bibliométriques (cf « Using the impact factor », essay, site web ISI). Mais ce sont des outils simples d’utilisation, rapides et expressifs à la disposition des évaluateurs, exerçant ainsi au niveau international une pression sur les auteurs et les éditeurs, qui cherchent à équilibrer qualité des travaux scientifiques et exigences de publication. L’analyse critique de N. Pinhas et C. Kordon apporte plus d’informations sur ce sujet (« Inserm Actualités, Août 1997(54) sur http://www.inserm.fr/).

Rôle des auteurs et des éditeurs

Certaines règles simples de rédaction qui tiennent compte des techniques de recherche bibliographique, permettent aux auteurs de faciliter la diffusion de leurs publications via les systèmes automatisés (bases bibliographiques, internet).

u Le titre exprimera plus clairement la thématique principale de l’article en excluant les périphrases et en comportant quelques mots-clés à portée consensuelle ou internationale.
- Le résumé d’auteur, en exposant les objectifs, la méthode et les résultats, ajoutera quelques mots-clés absents du titre ainsi que des termes spécifiques ou propres aux auteurs, afin de permettre des recherches fines. - Les mots-clés donnés par les auteurs : dans un journal français, la traduction des mots en anglais favorise la diffusion dans les bases non indexées. Les mots-clés peuvent dépasser la simple description des travaux pour aider le lecteur à retrouver un sujet pointu dans des environnements sémantiques voisins ou élargis. Ainsi, dans un article sur la « thérapie cognitive des psychoses induites par un abus de substance toxique», les mots-clés « thérapie cognitive » et « psychose toxique » suffiraient à décrire l’article ; on peut cependant ajouter « abus de substance » et « psychose ».

- L’adresse des auteurs, qui facilite les prises de contact et la fiabilité des mesures de visibilité des travaux, devra être complète et exacte (avec libellé clair de l’institution), nom du pays et adresse électronique. Tous les auteurs (du premier au dernier) devraient pouvoir mentionner leur adresse.

- Le schéma classique de construction d’un article à vocation internationale normalise l’ordre de succession des points forts, permettant à des lecteurs d’horizons linguistiques et culturels différents de repérer l’essentiel. Se référer au pastiche de Georges Pérec « Experimental demonstration of the tomatotopic organization in the soprano (Cantatrix Sopranica L.) » http://www.ensmp.fr/~scherer/perec/

Les éditeurs ont également un rôle à jouer dans la visibilité des publications :
- En définissant et en affichant clairement les objectifs et champs couverts par chaque journal.

- En généralisant la pratique des comités de lecture « critiques », rendant plus visible la différence entre journaux scientifiques à vocation de publications novatrices et bulletins internes de sociétés savantes. Les uns et les autres concourant différemment et en complémentarité à l’avancée des connaissances.

- En diffusant largement sommaires et résumés sur internet, de préférence avec traduction au minimum en anglais.

- En proposant aux auteurs des schémas de rédaction des articles (texte et résumé) permettant aux lecteurs de trouver très rapidement : hypothèse, méthodes, résultats et prospective - quel que soit le type de texte.

- En indexant les articles des auteurs à l’aide de mots-clés labellisés par un thesaurus existant, avec version en anglais ; ou bien en proposant aux auteurs une marche à suivre (liste de termes, thesaurus etc).

- En choisissant des normes internationales de rédaction des listes de références avec renvois dans le texte, ce qui facilite et accélère l’écriture des articles en permettant l’utilisation de logiciels spécialisés. Il existe plusieurs normes, dont certaines font autorité auprès d’un grand nombre d’éditeurs. La plus connue, dite de Vancouver, est éditée par l’International Committee of Medical Journal Editors (http://www.icmje.org/index.html, traduction française sur le site de l’ISPED (Institut de Santé Publique Epidémiologie et Développement)) qui diffuse la liste des journaux qui l’adoptent (http://www.icmje.org/jrnlist.html). Certaines sociétés scientifiques (American Psychological Association) éditent des normes reconnues par un grand nombre de journaux (http://www.wooster.edu/psychology/apa-crib.html). Des exigences de normalisation s’appliquent également aux textes électroniques (internet, cédérom) ; par ex. http://webster.commnet.edu/apa/apa_index.htm.

- Par l’instauration de règles internationales, les éditeurs permettent aux journaux scientifiques d’être candidats à l’indexation dans les bases bibliographiques, favorisant ainsi la diffusion des travaux scientifiques. Quant aux journaux qui ont une cible restreinte au territoire national, ils se ménagent une ouverture importante (par exemple en vue de permettre ultérieurement des recherches comparées pointues) en suivant des règles internationales.

III - Introduction à la recherche bibliographique sur Medline par Pubmed (internet)

La confrontation aux techniques de recherches bibliographiques et à leurs limites permet d’apprécier la complémentarité des différents facteurs de visibilité des publications : rôle des auteurs et des éditeurs, des producteurs de bases, des indexeurs, des systèmes informatiques et d’internet. La base Medline, par sa couverture de tous les domaines médicaux et sa gratuité sur internet a acquis une puissance de diffusion importante et le système « Entrez PubMed» est l’un des plus utilisés. Il rassemble sur un même site des bases de biologie moléculaire et Medline sur PubMed (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi). Un mode d’emploi détaillé est accessible en ligne (bouton « Help ») . Un cours d’initiation est diffusé par l’URFIST de Paris sur son site web (http://www.ccr.jussieu.fr/urfist/biolo/bioguide2/medline/new_pubmed5.htm). En nous appuyant sur des exemples en psychiatrie, nous présentons ici quelques principes utiles pour le choix des mots-clés, la formulation de la recherche, les limitations possibles, la consultation et l’import des références.

Fig. 1 - Page principale de recherche http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi

1 - Quels mots utiliser pour la recherche bibliographique sur Medline ? L’utilisation du thesaurus MeSH de Medline est indispensable pour obtenir des résultats fiables. Mais il faut y ajouter une recherche en mots du titre ou du résumé pour les articles entrés récemment (quelques mois) dans Medline : il s’agit de références en cours d’indexation (in process) ou bien entrées directement par un éditeur (as supplied by publisher). La recherche en mots du titre ou du résumé sert également à définir des thématiques récentes, rares, floues, etc. Cette recherche limite également les effets des erreurs d’indexation.

On peut utiliser le thesaurus MeSH en ligne :
Ouvrir le « MeSH Browser » en cliquant sur ce mot dans la marge de gauche. Saisir le terme recherché dans la zone de recherche et cliquer sur « Go ». Si ce terme existe dans le thesaurus, il sera affiché dans son environnement sémantique. Dans le thesaurus MeSH, le signe + à la suite d’un terme signale une hiérarchie sous ce terme (une « explosion »). Si le terme n’existe pas, s’affiche soit le synonyme et son arborescence, soit une liste de termes voisins (sélectionner l’un d’eux et cliquer sur « browse this term »). Mais le MeSH browser n’est pas parfait ; ainsi la recherche du mot « anxiety » donne l’arborescence du terme MeSH « Anxiety » mais ne signale pas l’existence d’ « Anxiety-disorders ».

Soit un exemple de question : « Cortisol salivaire ou plasmatique dans les pathologies dépressives, anxieuses et de stress ». Le MeSH traduit « Cortisol » par « Hydrocortisone ». « Saliva » et « Plasma » sont des termes du thesaurus. Pour prendre connaissance des sections du thesaurus traitant la psychologie et la psychiatrie, saisir « psychiatry and psychology category » : les 4 grandes sections concernées s’affichent. On trouve ainsi, de clic en clic... que la pathologie anxieuse se traduit par « Anxiety disorders » et n’est pas classée dans la même section que « Anxiety » (sous le terme « émotions », section Psychologie). Stress est traduit par « Stress Disorders, Post-Traumatic » (déjà sous la hiérarchie de « Anxiety disorders », section Mental disorders) ou par « Stress, psychological » (sous « Behavioral symptoms », section Behavior). De même le MeSH a retenu d’un côté « Depression » (sous Behavioral symptoms) et de l’autre « Depressive disorder » (sous Mood Disorders).

Pour connaître l’indexation d’un thème précis dans Medline : chercher un terme significatif dans le champ titre, puis afficher les mots-clés des articles pertinents. On peut ensuite construire une stratégie de recherche avec ces mots. Cette démarche permet en même temps de constater un certain nombre de disparités d’indexation.

Pour illustrer l’importance de la précision dans la formulation de la recherche, signalons que parmi les articles publiés en 2002 répertoriés dans Medline, on trouve : 1314 articles indexés avec « Depressive-disorders », 853 avec « Depression » et seulement 35 avec les deux termes associés. 1265 autres articles non indexés et comportant « depressive » ou « antidepressant » dans le titre ou le résumé.

2 - Comment formuler une question ?

PubMed propose plusieurs modalités de recherche qui ne sont pas très clairement signalées dans la page d’accueil.

Le mode guidé à partir de la page « MeSH Browser » permet de faire des recherches simples avec les mots du thesaurus. Une fois le terme trouvé (cf (section) précédent), cliquer sur « Add » et ensuite sur « PubMed Search » pour l’affichage des références. Ce mode guidé est limité à la recherche sur mots-clés.

On peut passer à la page de recherche principale en cliquant sur « Pubmed » (à gauche, bandeau supérieur) pour un mode plus avancé. La formulation de recherche sera écrite en suivant quelques règles simples :

’ Toujours respecter l’orthographe et la ponctuation des termes du thesaurus. ’ Ecrire les opérateurs booléens AND, OR, NOT en majuscules.

’ Le champ (zone de la référence) dans laquelle un mot est cherché se traduit par un code entre [ ] accolé (sans espace) au mot : [mh] pour mot du thesaurus, [au] pour auteur, [ti] pour titre, [ab] pour résumé, [tiab] pour titre+résumé, [so] pour titre de périodique, [ad] pour l’adresse du premier auteur, etc (se référer au mode d’emploi). Un mot écrit sans code de champ sera recherché dans tous les champs.

Pour des questions complexes et longues, on peut passer en mode « history » (bouton sur le bandeau supérieur) qui permet de visualiser la totalité des étapes de recherche avec leur nombre de références et de les croiser entre elles à l’aide des opérateurs booléens. Le signe permettant de désigner une étape est # suivi du n° d’étape.

Il est possible de stocker une stratégie de recherche pour la relancer quelques temps plus tard : bouton « cubby » (marge gauche de la page d’accueil). Dans tous les cas, le bouton « Details » (à droite du bandeau supérieur) permet de corriger les erreurs d’écriture (dans les cas de résultats aberrants par exemple).

3- Comment limiter la recherche ?

En mode guidé : dans la page « MeSH Browser », cliquer sur « detailed display » permet 3 critères de limitations : Par l’adjonction de qualificatifs (ou « subheadings ») au nombre de 32, sortes de « descripteurs adjoints » qui permettent de donner à un mot-clé un contexte ou un aspect particulier (therapy, epidemiology, psychology, pharmacology, etc.).

Par la pondération des mots-clés (« Major Topic ») pour ne retenir que les articles fortement centrés sur un sujet.

Par le choix d’un mot-clé à l’exclusion des termes situés en-dessous dans la hiérarchie sémantique (par exemple anxiety disorders en général, sans les détails de pathologies).

Dans la page « PubMed » : le bouton « limits » offre encore 10 critères supplémentaires (limitation par dates, langues, âge, type de publication, etc.). En mode avancé, utilisation des codes : [dp] pour date de publication, [année début:année fin] pour une période de publication, [edat] pour la date d’entrée dans Medline, [la] pour la langue, [sh] pour les qualificatifs subheadings, [majr] pour un mot pondéré, [pt] pour le type de publication, etc (cf mode d’emploi PubMed).

4/ Comment consulter les références et les importer ?

Par défaut, PubMed affiche les références par séries de 20, en format court (« summary ») et sommairement triées par date. Il est possible, en jouant sur les boutons qui affichent « 20 », « summary » et « sort », de modifier ces critères. Ensuite cliquer sur « display ».
Pour chaque référence affichée, « related articles » propose les références thématiquement proches. L’affichage « abstract » permet de lire le résumé et de repérer les articles disponibles en texte intégral sur des systèmes intégrés ou dans des revues online. L’affichage « citation » y ajoute les mots-clés.
Pour afficher des références obtenues à une étape antérieure : plutôt que de passer aux pages web précédentes, il est plus simple de se mettre en mode « history » et d’ouvrir l’étape souhaitée. Le bouton "send to" avec "clipboard" dans le menu déroulant permet de stocker des références récupérées par des recherches successives ; elles pourront ensuite être affichées (« Clipboard »), triées ensemble et exportées en un seul fichier. Pour exporter une liste de références sur un logiciel bibliographique, afficher au format « medline » puis en texte à l’aide du bouton « text » et enfin sauvegarder avec la fonction « fichier » du navigateur (Explorer ou Netscape) « enregistrer sous » (type fichier texte).

En conclusion

« Entrez-PubMed » ajoute à la bibliographie Medline un certain nombre de services supplémentaires : recherche des journaux indexés, recherches de citations à partir d’éléments isolés, etc. PubMed est relié au site de la National Library of Medicine, à une base pour les usagers, à des mises à jour de recherches cliniques et enfin à PubMed Central, système d’archivage ouvert utilisé par quelques éditeurs et qui offre aux utilisateurs un accès au texte intégral. Cet environnement enrichit la base bibliographique et en accentue la capacité de diffusion.

IV - Annexe : Quelques bases gratuites accessibles sur internet

Banque de données automatisée sur les médicaments BIAM, (réservé aux professions médicales) http://www.biam2.org//

Bibliothèque Sigmund Freud (Institut Psychanalytique de Paris) http://195.154.129.80:8001/SearchDoc.htm?Level=2

BioMedNet http://www.bmn.com/

Sommeil (INSERM) http://sommeil.univ-lyon1.fr/

Canadian Center on Substance Abuse http://www.ccsa.ca/searche.htm

ERIC Educational Resources Information Center http://www.eric.ed.gov/about/about.htm

Free GRIPS (DIMDI) http://www.dimdi.de/engl/fr-search.htm

Internet Medline Services, OMNI http://omni.ac.uk/medline/


Le Comité de Psychiatrie de l’INSERM


Jean Garrabé*

L’INSERM est en grande partie à l’origine de la constitution de la Fédération Française de Psychiatrie. Son Directeur Général d’alors, Philippe Lazar souhaitait en effet, dans notre discipline, n’avoir qu’un seul interlocuteur pour discuter des questions concernant la recherche clinique plutôt que des représentants de plusieurs sociétés entre lesquelles il lui fallait choisir de manière plus ou moins arbitraire celui de l’association la plus directement concernée, selon l’objet de la recherche. L’exemple qui nous était donné était celui de la cardiologie pour laquelle il suffisait au Directeur Général de l’INSERM de consulter le Bureau de la Société Française de Cardiologie, la seule en ce domaine, pour avoir un avis sur l’intérêt d’un projet de recherche dans le domaine de la pathologie cardio-vasculaire.

Ce souhait était d’ailleurs partagé par les responsables d’autres organismes ou institutions, tels l’ANDEM ou la DGS, désireux eux-aussi de pouvoir recueillir rapidement l’avis de professionnels sur des questions d’ordre scientifique. La réponse donnée à ce souhait par les sociétés françaises de psychiatrie fut la constitution d’une Fédération. Elle permit de mettre très rapidement en place les instances de dialogue nécessaires au développement de la recherche clinique.

La première est, bien entendu pour l’INSERM, le Comité d’Interface de Psychiatrie. Notre discipline n’était représentée jusque là que dans des Comités d’Interface relevant d’autres spécialités. Ce comité réunit régulièrement des représentants de l’INSERM (chercheurs statutaires) et de la FFP. Il faut souligner qu’y siège aussi un représentant de l’UNAFAM. Le comité est informé de la politique générale de l’INSERM et il est consulté sur l’application de cette politique et des priorités proposées à la psychiatrie.

Le Comité d’Interface de psychiatrie a organisé de 1994 à 1999 six réunions portant sur de nombreux thèmes :

- La recherche en psychiatrie. Expériences, méthodes et perspectives (1994) ;

- La recherche en actions (1995) ;

- L’étude de cas : son intérêt et sa formalisation dans une démarche clinique de recherche (1996) ; u Publications françaises et documentation en psychiatrie et en santé mentale ; organisation de la recherche : deux exemples d’instituts européens (Maudsley à Londres et Max Planck à Munich) ; imagerie médicale et recherche en psychiatrie (1997) ;

- Presse scientifique en psychiatrie. Services d’acquisition documentaire et internet ; recherches cliniques en psychiatrie (1998) ;

- Apports méthodologiques à la recherche en psychiatrie ; Structuration de la recherche en psychiatrie (1999).

Depuis 1999, le C.I. de psychiatrie participe à l’organisation de réunions pluri-disciplinaires avec d’autres comités d’Interface. Le premier exemple en a été le colloque d’animation à la recherche « Stress et immunité » avec les comités « Neurosciences » et « pathologies infectieuses ». Le travail interdisciplinaire initié au cours du premier colloque vient d’être approfondi et élargi dans un second colloque qui s’est tenu en décembre sur « stress et immunité. De la physiologie (intégrée) à la pathologie. Nouvelles voies de recherche » (compte rendu à la fin de ce numéro).

Une réunion organisée avec le Comité d’Interface de génétique est prévue pour 2003 sur le modèle de celle qui a eu lieu en janvier 2001 à l’Institut Pasteur « Du bon usage des diagnostics génétiques » où les questions touchant à la psychiatrie n’avaient pas été abordées en raison de leur complexité.

Enfin pour conclure avec la constitution de réseaux de recherche clinique, voie qui a toujours été défendue par le C.I. et qu’encourage de nouveau l’INSERM actuellement, d’autres comités que celui de Psychiatrie peuvent être consultés (par exemple, pour la santé mentale, ceux concernés par la santé publique). La multidisciplinarité est aussi encouragée dans la constitution de ces réseaux.

*Ancien Président de la FFP et membre du CI de Psychiatrie

Sur psydoc-france information sur le C. I. Inserm-Psychiatrie : http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/recherche/default.html


STRESS ET IMMUNITÉ.
De la physiologie (intégrée) à la pathologie. Nouvelles voies de recherche Compte-rendu des Journées d’interface


Jean-Michel THURIN

Comme nous l’avions annoncé dans le dernier numéro de Pour la Recherche, les lundi 2 et mardi 3 Décembre 2002, s'est tenue à l'Amphithéâtre Poincaré du Carré des Sciences une réunion consacrée à l'impact du stress chez l'homme à différents niveaux de son fonctionnement. Organisée par les Comités d’Interface entre l'Inserm et dix spécialités médicales (Anesthésie et Réanimation, Cardiologie, Dermatologie, Endocrinologie-Diabète, Gastroentérologie-Hépatologie, Médecine interne, Neurosciences, Orthopédie-Rhumatologie, Pathologies Infectieuses et Psychiatrie), son premier objectif était de "réunir chercheurs et cliniciens de disciplines différentes afin de préparer ensemble des projets de recherche".

Structurées par quatre approches : systèmes physiologiques, pathologies, axes transversaux et recherches (déjà réalisées ou en projet), ces journées ont abouti à un premier résultat qui paraissait quasiment inaccessible auparavant : permettre à chaque participant de repartir avec une représentation globale de l'ensemble des acteurs qui participent au processus du stress, qu'il s'agisse de son initiation, de son déroulement ou de ses effets. Plus généralement, chacune des différentes communications a contribué à l'émergence d'un nouveau paradigme des interactions entre un individu et son environnement, en dévoilant nombre de mécanismes qui les sous-tendent lorsque l'événement initiateur se produit. L'éclairage porté sur la cardiologie, l'appareil digestif, la dermatologie, la psychiatrie et plus spécifiquement sur certains des organes où s'expriment les manifestations cliniques des effets du stress, a apporté au programme de ce colloque un équilibre et un dynamisme qui se sont exprimés dans des échanges nombreux et fructueux. Dans ce contexte à la fois pluridisciplinaire et interdisciplinaire, la psychiatrie s'est révélée une fois de plus un des maillons clés pour comprendre et agir, qu'il s'agisse de traiter ou de prévenir.

Cette réunion, en continuité avec celle qui s'était tenue en 1999, a fait apparaître l'évolution considérable en trois ans des connaissances sur ce sujet. Partant d'observations cliniques incontestables mais difficiles à comprendre au niveau des mécanismes impliqués, l'accent s'était essentiellement porté au cours de la réunion précédente sur l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et ses relations avec le système immunitaire. Cette fois, ce sont les quatre grands systèmes : nerveux central, autonome (sympathique et parasympathique), neuroendocrinien et immunitaire qui ont été décrits dans leurs implications et leurs interactions réciproques avec le stress et ses différentes manifestations. A cet aspect « central », il faut ajouter la présentation de très intéressants travaux faisant apparaître que ces relations se retrouvent au niveau local dans certains « organes » comme la peau, le coeur et l'intestin. Dès lors, il n'est plus possible de raisonner selon le schéma classique d'un centre unique d'information et de décision situé dans le cerveau, mais plutôt d'un ensemble « d'organes » de gestion locale du stress, utilisant les mêmes médiateurs et cascades de réactions, et en relation réciproque avec le cerveau. Celui-ci a un rôle de régulation, mais il est également en charge d'activités spécifiques de deux ordres. Les premières, concernent la gestion propre du stress émotionnel et son utilisation, notamment pour les activités de mémorisation. Les secondes se situent au niveau de l'organisation comportementale associée aux troubles somatiques dont il est informé (par exemple, sous la forme d'une fièvre et d'une anorexie devant une infection, de fatigue si une anomalie cardiaque s'exprime). Tout cela conduit à la perspective d'une biologie intégrée impliquant l'information et la coopération entre différents acteurs pour produire la réponse la plus adéquate possible à un événement réalisé ou prévu.

Cette physiologie dynamique est déjà passionnante. Mais elle conduit naturellement à une question centrale : celle du passage du « normal en situation particulière » au pathologique. En effet, nous sommes dans le cadre général d'une régulation qui se met en place pour assurer un rôle d'adaptation et qui peut conduire, pratiquement dans la continuité, au développement de réactions pathologiques éphémères ou durables. Dans quelles conditions ? Deux grandes modalités d'interrogation sont en train de se rejoindre : celles qui concernent « l'événement » et celles qui concernent les caractéristiques propres de « la personne » et de son environnement. La problématique, en elle-même, n'est pas nouvelle. En revanche, la possibilité de décrire très précisément les mécanismes, qu'ils soient cognitifs, psychosomatiques ou somatopsychiques, leurs systèmes d'information, leurs interactions et leurs répercussions comportementales et locales l'est bien davantage.

Quelques éléments de ce colloque concernant des points particuliers peuvent être soulignés :

Le terme de stress réalise aujourd'hui la synthèse de nombreux apports et la polysémie du terme peut conduire à une certaine confusion. Il devient dès lors nécessaire de distinguer au sein du processus conceptualisé sous ce terme trois éléments : l'événement déclenchant (stresseur), l'organisme impliqué (de la cellule à la personne dans son environnement relationnel) et l'effet. Il n'est par ailleurs plus possible de considérer le stresseur isolément. C'est son interaction avec « l'organisme » qui le subit (et quelque fois le suscite) qui est à prendre en compte dès que l'on veut parler de « cause » et prédire des effets.

L'importance donnée à la nature qualitative de l'événement ainsi qu'aux facteurs individuels innés et acquis, en termes de caractéristiques et d'histoire personnelles, est en constante progression. La réactivité et la vulnérabilité deviennent ainsi des variables dynamiques, susceptibles toutefois de se fixer à des moments critiques. Ainsi, les répercussions du stress chez l’adulte auront, en fonction de son âge et de ses expériences passées, une intensité et une durée variables. En revanche, chez le jeune encore immature, le stress peut modeler de façon définitive (chez l'animal du moins) ses caractéristiques psycho-biologiques.

Un même événement déclenchant produira des effets très différents selon l'état de l'organisme : « sain », pathologique, en phase allostatique, voire de rupture allostatique. Le concept d'allostasie recouvre l'existence d'un état d'équilibre (précaire) post événement qui n'est pas nécessairement celui du retour à l'état initial (homéostasie).

Le temps a une très grande importance dans la description du stress. On a quelquefois réduit le stress à une réaction de nature globale, dissociée de l'histoire qui le précède et peut lui succéder. En fait, il s'agit d'un processus qui peut être durable (voire chronique), même s'il est composé d'événements relativement isolés ou répétés. Dans le cas d'un événement unique, on ne trouvera pas les mêmes valeurs des paramètres biologiques à court, moyen ou long terme. Ces valeurs peuvent même s'inverser (comme dans le cas de l'immunité où une phase d'hyperimmunité précède une phase de réduction de la capacité immunitaire). Un des points maintes fois signalé est que nos connaissances concernent actuellement essentiellement les stress aigus, alors que celles concernant les stress chroniques, plus proches de nos préoccupations cliniques, demeurent très fragmentaires.

Le concept de « switch » (aiguillage, bascule) est particulièrement fécond pour saisir à quel point une modulation peut modifier complètement la trajectoire d’une activité. Il s'applique aux variations des types de réactions immunitaires (Th1 vs Th2), mais également au fonctionnement des systèmes de mémoire et de lecture de la réalité (déclarative (pensée) ou procédurale (actions et réactions)) suivant le niveau d'émotion. Cette possibilité pour les systèmes de passer d'un fonctionnement à un autre remet non seulement en question l'idée d'un mode unique de réponse du système biologique et de la cognition, mais donne toute son importance aux facteurs (en particulier thérapeutiques) qui vont l'orienter dans un sens ou dans un autre. Cela éclaire par ailleurs la nature apparemment contradictoire de résultats d'études qui ne prenaient pas en compte cette variabilité possible de fonctionnement, d'un moment à un autre ou suivant le contexte. Le rôle du stress dans le déclenclement de troubles mentaux et les perturbations plus ou moins durables des fonctions mentales a été précisé et souligné.

Il n'existe pas d'étanchéité entre l'action d'un stress physique et celle d'un stress psychosocial. Bien au contraire, leurs effets peuvent être cumulatifs, comme l'a démontré l'expérience suivante chez l'animal. Des souris sont sensibilisées par application cutanée d'une dose optimale d'un haptène (DNFB) sur la peau du ventre et 5 jours plus tard le même haptène est appliqué sur l'oreille. Les animaux développent alors un eczéma de contact qui est objectivé par une augmentation de l'épaisseur de l'oreille (maximale à 24/48 heures et se résolvant en 5 à 7 jours). Si au lieu d'utiliser une dose optimale de DNFB, on utilise une dose sub-optimale, il n'y a pas d'eczéma. C'est dans ces conditions de « tolérance au DNFB » que l'effet d'un stress psychologique est le plus démonstratif. En effet, l'exposition de l'animal tolérant à un stress psychologique au moment de l'immunisation à dose sub-optimale de DNFB rétablit la réponse d'eczéma de contact, dont l'intensité devient alors comparable à celle développée par des animaux sensibilisés à doses optimales et non-tolérants

Toutes ces études ont le mérite d’établir sur des faits concrets la continuité psychosomatique de la biologie et sa double relation avec l’histoire personnelle et l’environnement actuel, qu’il intervienne directement au niveau du psychisme ou d’une partie du corps. Néanmoins, de nombreuses questions demeurent. Parmi elles, celle du passage de la physiologie à la pathologie chez l’homme ; elle ouvre à la définition de stratégies thérapeutiques précisément élaborées.

On comprend très bien que des étudiants voient leur immunité modifée à l’approche d’un examen et même suivant son importance, jusqu’à déclencher un rhume. On y ajoutera des données qualitatives concernant le tempérament et la préparation qui expliqueront pourquoi les épeuves ne sont pas systématiquement accompagnées d’une épidémie. Les choses deviennent beaucoup plus compliquées quand on aborde par exemple l’impact d’un stress aigu sur un stress chronique.On entre ici dans une logique de système instable qui concerne directement la psychopathologie. Comment étudier cette dimension ?

Le cas clinique est irremplaçable, mais il a ses limites. Au niveau épidémiologique, les études doivent répondre à deux critères : réunir de grands effectifs et être prospectives. Peuvent-elles atteindre la dimension qualitative qui fait qu'un même événement a un impact majeur chez une personne et mineur chez une autre ? La première perspective est celle d'entretiens individuels menés par des observateurs, mais sa mise en oeuvre s'avère à la fois compliquée, lourde et coûteuse. Face à ces difficultés méthodologiques et pratiques, l’épidémiologie du travail a privilégié l’approche par questionnaire, qui permet d’évaluer les facteurs psychosociaux au travail tels qu’ils sont perçus par les salariés eux-mêmes. Deux exemples d'autoquestionnaires utilisés avec de bons résultats ont été présentés (ceux de Karasek et de Siegrist, centrés respectivement sur l’autonomie et le surinvestissement). Les facteurs de stress sont ensuite croisés avec divers indicateurs de santé. Ils ouvrent à des études d’intervention et d'évaluation d’actions de prévention. Cette expérience pourrait être transférée dans d'autres contextes de stress.

La dernière partie de ces journées était consacrée à la présentation de projets de recherche. Plusieurs travaux explorant des axes divers (facteurs de risque et impact du stress sur différentes pathologies chroniques (en particulier psychiatriques), le développement du bébé, les troubles cognitifs et l'échec scolaire, la douleur, la maladie de Meynert), dont certains très avancés, ont ainsi été exposés. Ils pourraient s'inscrire dans un réseau dont l'appel d'offre officiel a été annoncé. JMT


Dernière mise à jour : mercredi 11 juin 2003 16:18:38

Monique Thurin


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