La situation de la santé
mentale en France
L’organisation du dispositif psychiatrique
public et associatif participant au service public repose sur la sectorisation
psychiatrique. Elle regroupe l’essentiel du dispositif public, à
l’exception de quelques services de psychiatrie implantés en
Centre Hospitalier Universitaire (CHU).
La multiplication des
troubles pour lesquels sont désormais interpellées les
équipes de psychiatrie, et le nombre des personnes concernées,
une sur trois sur la vie entière, en regard d’une organisation
institutionnelle qui date des années 1970 et qui n’est plus
totalement adaptée aux besoins des patients imposent de refonder la
politique de santé mentale et d’en faire une priorité de
santé publique.
En effet, si la
prévalence des maladies mentales reste stable dans la population (1% de
schizophrénies, 15% de dépressions selon les dernières
données du CREDES[3]),
on observe cependant que le nombre des personnes qui consultent des psychiatres
est en constante augmentation, avec par exemple 6 fois plus de
dépressions déclarées en 30 ans, que le taux de suicides
n’a pas diminué jusqu’en 1998, que les troubles de la
personnalité les plus graves nécessitent d’être pris
en charge.
Le nombre de personnes
suivies a donc considérablement évolué, que ce soit dans
le dispositif public ou privé (17% d’augmentation chez les
libéraux depuis 1992 et 46% dans le secteur public[4]).
D’autre part, un quart des patients qui consultent en médecine
générale présentent des troubles mentaux[5].
Les affections psychiatriques étaient en 1998 au premier rang des causes
médicales à l’origine d’une attribution de pension
d’invalidité, avant l’arthrose et les tumeurs malignes[6].
Ces affections concernaient 13.591 personnes, soit 26,7% de l’effectif.
Parmi elles, près de 11% de l’effectif total souffraient
d’état dépressif ou de troubles névrotiques, et 6%
de psychoses.
Aussi, s’il reste
difficile de mesurer les besoins en santé mentale, et si cela doit
constituer un axe à développer, un certain nombre
d’éléments concordent pour affirmer la place tenue par les
problèmes de santé mentale dans notre pays.
Globalement, l’offre de soins psychiatriques est
prépondérante dans le secteur public et faisant fonction de
public[7] , mais inégalement répartie selon les départements.
La transition d’une offre de
soins, où l’hospitalisation complète était le mode
de prise en charge principal, vers davantage de soins ambulatoires (sans
hébergement) – c’est-à-dire d’un
modèle traditionnel vers un dispositif de soins de proximité,
fondement de la politique de sectorisation élaborée dans les
années 1960 – n’apparaît pas achevée dans tous
les départements
Plus de 80 % des
lits et places en psychiatrie dans les établissements de santé
publics
En psychiatrie, le secteur public occupe une place
prépondérante : il détient plus de 70 % des lits et places
dans 81 départements dont 23 disposent d’une offre exclusivement
publique.
En 1997, sur un total de 71 280 lits d’hospitalisation
complète, 80 % se trouvent dans les établissements de
santé publics : 50 % dans les centres hospitaliers publics
spécialisés en psychiatrie, 12 % dans les hôpitaux
psychiatriques privés (HPP) et 19 % dans les services de psychiatrie des
établissements de santé publics non spécialisés en
psychiatrie.
De la même manière, mais plus nettement encore que pour les
lits d’hospitalisation complète, les places
d’hospitalisation partielle sont concentrées dans le secteur
public. C’est le cas de 89 % des 27 050 places offertes en hôpitaux
de jour et de nuit. Les CHS en rassemblent 54 %, les HPP 9 %, et les services
de psychiatrie des hôpitaux généraux près de 26 %.
La répartition des capacités en lits et places est
inégale entre la psychiatrie générale et la psychiatrie
infanto-juvénile, qui s’adresse aux moins de seize ans. Alors que
67 % des places d’hospitalisation partielle et plus de 95 % des lits
d'hospitalisation complète sont réservés à la
psychiatrie générale, seules un tiers des places
d'hospitalisation partielle et 5 % des capacités d'hospitalisation
complète vont à la psychiatrie infanto-juvénile. Ces
faibles capacités sont d’autant plus marquées que les
enfants et adolescents suivis en psychiatrie infanto-juvénile
représentent plus de 26 % de l’ensemble des patients suivis par
les secteurs. La part du secteur privé est plus importante en hospitalisation
partielle pour la psychiatrie infanto-juvénile.
Ces différences résultent à la fois d’un
nombre de lits d’hospitalisation complète historiquement plus
faible en psychiatrie infanto-juvénile et du développement de
modalités privilégiant des prises en charge des enfants et des
adolescents dans les structures de proximité : en ambulatoire
(consultations, visites à domicile) ou à temps partiel (Centres
d’accueil thérapeutique à temps partiel).
En ce qui concerne
spécifiquement les établissements de santé, publics ou
privés, la psychiatrie représente 21% du total des lits, et
uniquement 5% des entrées totales, mais 80% des places
d’hospitalisation partielle et 73% des admissions en hospitalisation
partielle. Elle emploie une part
relativement plus importante de personnel non médical puisqu’elle
mobilise 33% des effectifs des infirmiers affectés aux soins de courte
durée. Les psychiatres représentent, quant à eux, 13% de
l’ensemble des médecins spécialistes à
l’hôpital et en ville.
CHS CHG HPP |
Psychiatrie |
Répartition en % |
Psychiatrie |
|
Générale (adultes) |
Infanto-juvénile |
|||
35 727 13 284 8 378 |
50.1 18.6 11.8 |
34 479 12 624 8 191 |
1 248 660 187 |
|
Part du public sur l’ensemble en % |
|
80.5 |
|
|
PRIVE Cliniques + foyers de post-cure SP privés |
707 |
1.0 |
609 |
98 |
Part du privé sur
l’ensemble en % |
|
19.5 |
|
|
Total Public + Privé |
71 280 |
100.0 |
68 807 |
2 473 |
Champ : France
entière - Source : DREES, SAE 97
Entre 1990 et 1997,
dans le secteur public, l’évolution des pratiques de prise en
charge s’est traduite à la fois par une augmentation du nombre de
places d’hospitalisation partielle (+25 %) et par une forte baisse du
nombre de lits d’hospitalisation complète (-32 %). La hausse des
capacités d’hospitalisation partielle (+ 4.861) n’a
toutefois pas compensé la diminution des lits d'hospitalisation
complète (- 26.711), d’où un recul de la capacité
totale en lits et places de 21 % sur sept ans. Ceci s'accompagne d'un
très fort accroissement de l’activité des secteurs psychiatriques,
avec une augmentation de 46 % des patients suivis en psychiatrie
générale entre 1989 et 1997 et de 48 % des enfants et adolescents
suivis en psychiatrie infanto-juvénile entre 1991 et 1997.
Globalement, de
1990 à 1997, la part de la capacité totale en lits et places du
secteur public a donc légèrement diminué, passant de 86 %
à 83 % . En revanche, dans le secteur privé, la capacité
en lits comme en places a peu varié.
La moyenne nationale des capacités d’accueil pour 100 000
habitants en psychiatrie est de 165 lits et places cumulés. Cette capacité est extrêmement
variable d’un département à un autre, puisqu’elle
s’échelonne d’un minimum de 69 dans les Hauts-de-Seine et de
78 dans le Loiret à 481 dans la Haute-Saône et même 702 en
Lozère.
En psychiatrie générale, la moyenne nationale en hospitalisation
complète est de
155 lits pour 100 000 habitants de 20 ans et plus. Ce chiffre masque une forte variabilité
puisqu’on observe un écart de 1 à 10 entre les
extrêmes : 5 départements disposent de moins de 100 lits pour 100
000 habitants de 20 ans et plus alors qu’à l’autre
extrême, 11 départements ont une capacité supérieure
à 250 lits pour 100 000 adultes.
En psychiatrie infanto-juvénile, la
situation apparaît encore plus hétérogène puisque 17
départements n’offrent aucun lit d’hospitalisation
complète. Même si ces départements ont plus ou moins
développé des modalités de prise en charge alternatives,
cette absence totale de capacités peut poser problème pour
répondre aux besoins de certains patients. De plus, les écarts en
matière d’hospitalisation partielle sont de l'ordre de 1 à
20 (de 8 places pour 100 000 habitants de moins de 20 ans dans l’Ain
à 187 en Lozère).
La France
présente un des taux de psychiatres les plus élevés au
monde, de 23 pour 100 000 habitants (Après la Suisse et les Etats-Unis).
Il y a ainsi aujourd’hui en France plus de 12 000 psychiatres, ce qui est
4 fois plus qu’il y a 30 ans. Plus de la moitié (54 %) exercent dans le secteur libéral et
46 % sont salariés. Parmi les libéraux, 30 % exercent une
activité hospitalière contre 88 %
parmi les salariés. Là aussi de
forts écarts entre départements existent, selon une
échelle qui varie de 1 à 4 hors Paris[8]
. Paris apparaissant à cet égard comme un des extrêmes
puisque la densité y est de 80 psychiatres pour 100 000 habitants, soit
4 fois plus que la moyenne nationale !. Malgré cela, plus de 10% des postes du secteur public
ne sont pas pourvus en France.
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**Hospitaliers à
temps plein
[2] DREES “ L’offre de soins en psychiatrie : des “modèles” différents selon les départements ”, Études et Résultats n° 48, janvier 2000.
[3] CREDES “ Prévalence et prise en charge médicale de la dépression en 1996-1997 ” Bulletin d’information en économie de la santé, n°21, septembre 1999
[4] DREES, ibid cit
[5] Données OMS –
“ Mental Health in General Health Care : an international
study ” Wiley Ed. 1995
[6] Etude du département statistique de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie CNAM – Juin 2001
[7] centre hospitalier spécialisé en psychiatrie et services de psychiatrie des hôpitaux généraux) et Hôpitaux psychiatriques privés (HPP) qui sont des établissements de santé de lutte contre les maladies mentales privés participant au service public et habilités à accueillir des patients en hospitalisation sous contrainte.
[8] DREES “ L’offre de soins en psychiatrie : des “modèles” différents selon les départements ”, Études et Résultats n° 48, janvier 2000.
suite
Dernière mise à jour : lundi 9 juillet 2001 17:14:33 Dr Jean-Michel Thurin |