LA CHAIR ET LES MOTS

Adolfo FERNANDEZ-ZOILA

Les mots du langage ordinaire servent à signifier les informations en tant que mots-savoirs. Ces mêmes mots produisent aussi des forces et engendrent des effets de figuration concrète en tant que mots-valeurs. Les mots apparaissent comme des ensembles bi-faces qui correspondent à la structure mixte de la réalité humaine : sensible et intelligible.Tout se passe comme si les faces sensible et intelligible pouvaient s'interpénétrer et se superposer (plutôt que de s'opposer) pour aboutir à ce langage entier qui est le propre de la poésie, des mélodies, des musiques portées par la voix.

L'exemple de Joë Bousquet nous confronte à la double problématique d'une ré-incarnation réussie en soi et d'une réincarnation qui à travers les textes s'incorpore dans l'oeuvre achevée.

Ce sont les Stimmungen, ou tonalités affectives, qui en pleine chair, ou dans la plénitude des mots, émettent des signaux d'appel favorisant les surgissements inattendus ou les ruptures menaçantes. Le lecteur pourra confronter des observations cliniques et des textes narratifs dont les commentaires mettent en évidence les chutes de l'incarnation et les cassures des rythmes de soi, entraînant l'apparition de manifestations psychopathologiques.

Les expériences vives du corps propre exigent une analyse à la fois phénoménologique et psychanalytique. Les aléas des diverses incarnations repérées entre le sentir et les mots, puis dans les effets du sentir lui-même, ramènent au premier plan la nécessité d'oeuvrer pour un plus-être afin que l'homme, en tant qu'être-au-monde, jouisse au mieux de la plénitude de lui-même.

Adolfo FERNANI)EZ-ZOILA, médecin des hôpitaux psychiatriques, docteur ès Sciences humaines (psychologie), psychothérapeute. Actuellement, il étudie les relations d'incarnation entre phénoménologie du langage, psychanalyse, et les formes du sensible du corps et de l'art. Auteur de plusieurs ouvrages, il travaille à une phénoménologie du langage psychopathologique en relation avec les formes du désir et du sentir.