"Liberté et Fraternité: place de la Psychiatrie".

(Quatrième "Colloque Henri Ey" à Perpignan, avec la participation de l'Evolution psychiatrique )

VENDREDI 29 SEPTEMBRE 2000 à la Salle Arago,

Hotel de ville de Perpignan

Président d'honneur: Pr Alexandre MINKOWSKI (Paris)

Président: Dr J.GARRABE (Paris) Coordonateur: Dr Ch.ALEZRAH (Thuir).

Modérateurs: Dr Jean-Pierre COLIN (Thuir) et Robert M.PALEM (Perpignan)

 

1- La Sectorisation: un réseau de santé fraternel, précurseur et évolutif.par le Dr Charles Alezrah (Thuir)

Quelque 40 ans aprés sa création, Ie modéle francais en psychiatrie publique reste toujours d'actualité. Précurseur des réseaux avant l'heure, il a apporté des avancées considérables dans la prise en charge des malades mentaux. Les durées d'hospitalisation n' ont cessé de diminuer à mesure que se developpaient des structures &laQuo: relais &raquo: permettant un traitement à temps partiel ou ambulatoire de plus en plus efficace.

Mais les besoins evoluent du fait d'une société où les périodes de crises sociales ou économiques se manifestent, entre autre, par de nouveaux modes d' expression de la souffrance psychique. Progressivement, Ie champ de la psychiatrie s'est considerablement élargi à partir d'une multiplication de demandes nouvelles.

La sectorisation a pu générer ses paradoxes, ses contradictions, ses dérives, elle n'en demeure pas moins un dispositif précieux au service de la population, de toute la population; dispositif qui doit évoluer dans le sens d'une plus grande souplesse pour rester adapté aux exigences d'une psychiatrie du sujet, de l'être, pas du neurone.

Une psychiatrie humaniste comme la pensaient Henri Ey et Eugène Minkowski.

 

2- Santé mentale et grande exclusion par le Dr Michel Botbol (Sceaux)

L'exclusion est devenue un des problèmes majeurs de notre société dont elle interroge les dispositifs sociaux et sanitaires.

Ceci est tout particulièrement flagrant en ce qui conceme la santé mentale des grands exclus, qui implique des déterminants multiples, des discours hétérogènes et des réponses diffuses et intriquées.

Mises en échec par ce que l'on peut considérer comme un "symptôme communautaire", les institutions concernées sont souvent amenées à radicaliser leurs discours et à attribuer à l'autre un échec qui les remet en cause au cœur même de ce qui les légitime. Dans ce contexte, nous sommes confrontés au double risque de négliger la composante sociale et politique du problème ou de méconnaître ce qui relève du fonctionnement psychopathologique de ces sujets.

La solution est-elle dans la remise en cause des paradigmes qui ont permis l'ouverture et le développement des dispositifs psychiatriques au cours de ces dernières décennies ? Ou faudrait-il au contraire en renforcer la logique pour leur permettre de s'adapter aux nouvelles formes de la "demande" ?

Ce sont ces questions qui seront discutées par cette communication à partir des données issues des travaux d'un groupe de travail initié par l'Association Française de Psychiatrie et la Société Française de Santé Publique.

3- L'exclusion avant la fraternité par le Dr Annie Galaup-Belzeaux (Perpignan).

D'exclu où leur souffrance les confine, vers le difficile chemin de la fraternité, nous essayons d'accompagner les jeunes psychotiques. Nous témoignons de ce travail sur le site sectoriel du Moulin à vent où nous les acueillons, soit en CMP, au CATTP ou en hopital de jour, tenant compte du contexte social et législatif.

4- Une réponse spécifique en santé mentale infantile: le soin à domicile dans la communauté gitane de Perpignan. par le Dr Jean-Pierre Eppe et Pierre Roger (Perpignan)

En opposition avec la banalité de la plainte et de la demande dans le domaine des affections somatiques, la communauté gitane méconnaît la pathologie mentale chez l'enfant. Cette attitude rend la proposition et la conduite de la cure d'autant plus difficiles que sont récusées les réponses habituellement offertes par les Secteurs de Psychiatrie infanto-juvénile.

Dans ce contexte, le soin à domicile nous est apparu comme la seule modalité de soin acceptable dans la durée, il est particulièrement indiqué dans les phobies graves de l'enfant qui, non traitées, évoluent vers des formes de handicap sévère marqué par le déficit et la dépendance.

5- Les enfants des carences socio-familiales: trouble de la structuration et pathologie de la liberté par le Pr Michel de Boucaud (Bordeaux)

L'auteur se propose d'aborder les problèmes psychologiques et les troubles psychiques des enfants présentant des carences affectivo-familiales, dits aussi «cas sociaux», en considérant largement les questions des familles et des solidarités nécessaires.

 

6- Handicap et «maux croisés» par le Dr Jean-Claude Colombel (Cerbère)

On peut se réjouir de l'augmentation du nombre de handicapés qui survivent grâce à la Médecine, à la Chirurgie, à la Réanimation.

Tout handicap est d'abord une blessure narcissique. Dans un premier temps, le sujet se découvre étranger à lui-même, avant d'accomplir un lent travail de deuil. Mais sa réintégration dans ce qu'il considérait comme son territoire d'appartenance n'est jamais acquise. On pourrait dire que lorsqu'il se montre, il fait violence à l'autre de chacun de nous. Quel autre? Celui, ou plutôt celle qui nous a donné forme et dont nous cherchons toujours le creux.

Peut-être pouvons-nous dire qu'il blesse en nous quelque chose du moi idéal, de la même manière qu'il projette en pleine lumière ces images obscures que sont la souffrance et la mort. Dès lors, il est aussi difficile pour nous d'éprouver à son égard un sentiment de fraternité, que pour lui de retrouver ce que l'on appelle la liberté.

 

7- Le psychiatre en prison: avancée ou alibi ? par le Dr Jean-Pierre Pecastaing (Perpignan)

Après un petit historique de l'arrivée de la psychiatrie en prison et des conséquences positives de cette arrivée, on pourrait se questionner sur la possibilité d'une perversion du système.

Le psychiatre risque d'être réduit à un rôle de contention en milieu pénitentiaire, mais surtout et cela semble un risque plus grave sur le plan éthique: la psychiatrie pénitentiaire permettrait de soigner à un moindre coût toute une frange de la population. Nous sommes là dans le cadre de l'Ethique tellle que l'entendait notre Maître H.Ey et dans celui de la Fraternité attachée au Colloque.

 

8- Le Psychiatre d'Adolescents est-il un « Grand Frère» ? par le Dr Jean-Marie Bobillo (Privas)

L'établissement d'une relation thérapeutique avec un adolescent suppose que le psychiatre soit un bon modèle identificatoire, image différente de celle des parents mais suffisamment étayante pour ne pas se confondre avec celle de l'adolescent lui-même. Un parallèle peut être fait avec la proposition de créer des poste de «Grands frères» dans certains quartiers difficiles.

Le risque est que, dans un cas comme dans l'autre, la mission assignée soit simplement le retour à la norme sociale, familiale, scolaire ou le maintien de l'ordre, au détriment d'une véritable relation de soins ou d'étayage fraternel.

 

9- L'Exclusion: un déni de fraternité par le Dr Jean Maisondieu (Poissy) (conférence ouverte au public)

L'exclusion moderne ne peut plus être rattachée à une quelconque différence culturelle, ethnique ou raciale mise en avant pour essayer de la justifier. Elle ne concerne pas que les malades mentaux, les marginaux, les vieux les immigrés, etc ... Elle peut toucher n'importe qui, y compris le citoyen de souche, sain de corps et d'esprit et qui ne demande rien d'autre que de rester un inclus à part entière, c'est-à-dire un citoyen normal nanti d'une place dans la société. Bref un sujet à part entière.

Si donc, il n'y a pas encore si longtemps, la lutte contre l'exclusion semblait pouvoir recouper plus ou moins le combat pour le droit à la différence, aujourd'hui le problème ne se pose plus du tout de la même façon. Il ne s'agit plus d'accepter ou de faire accepter la différence de l'exclu. Elle est purement hypothétique, il est nécessaire d'apprendre et de faire apprendre à ne pas refuser la ressemblance avec lui qui, elle est inaliénable. Ce n'est pas la différence qui fait l'exclu, c'est l'exclusion qui fait la différence.

 

Centenaire de la naissance de Henri Ey

Palem R.M. : Repères Eyiens sur la psychiatrie dans ses rapports évidents avec la fraternité (la fraternité dans les mots et dans les faits). p. 157 à 168

Résumé : Nous évoquerons la grande figure fraternelle de H.Ey à travers des faits d'histoire, parfois dramatiques comme le calvaire des malades mentaux internés pendant la guerre 39-45, le meurtre du Dr Y.Bertherat par un de ses malades en 1967, les Etats généraux de la renaissance psychiatrique et le mouvement de désaliénation après la Libération (1945-47), enfin sa conception chaleureuse et interventionniste de la psychothérapie.

 

Belzeaux P. : "Ey, tu es" ; la Liberté et la Fraternité au corps (Ey et Lacan). p. 169 à 184

Résumé : Lecture de la lettre adressée par H. Ey à J. Lacan en septembre 1964, après que ce dernier lui eût demandé de faire partie de l'Ecole Française de Psychanalyse (EFP) qu'il venait juste de fonder. Cette lettre, dont l'importance historique pour les rapports de la psychiatrie et de la psychanalyse n'est plus à démontrer, met en valeur la vivante "attitude" de Ey, faisant corps avec la Liberté, faisant corps avec la Fraternité, et faisant des thèmes de sa recherche théorique et de sa pensée, la philosophie de toute sa vie. En effet, nous avons lu cette lettre au travers du texte métapsychologique hautement argumenté de son ouvrage « La conscience » écrit à la même époque (1963). Ey, dans sa lettre, trouve avec des mots simples, la même inspiration, le même souffle, pour énoncer à J. Lacan sa conception opposée du Moi : celle d'un « être en devenir », vers la Liberté d'« être quelqu'un », seul garant de la Fraternité.

 

Blanc Cl.J. : La fraternité du vrai savoir. p. 185 à 196

Résumé : passées les années noires d'occultation de son œuvre, Henri Ey, dont on trouvera dans ce texte l'évocation vivante dans sa fraternité du savoir, retrouve la place éminente qui est la sienne comme "penseur fondamental" confronté à la croissance exponentielle des connaissances. Son modèle DOM , contient les maillons connecteurs architectoniques permettant l'articulation des paradigmes issus du cognitivisme, de la psychanalyse, de la philosophie analytique et de la phénoménologie. Son œuvre le situe comme précurseur des recherches contemporaines des théoriciens de "l'Embodied mind" (Varela et all.) et des rapport du cognitivisme et de la phénoménologie (J.Petitot). L'organon UMCP qu'il développe forme la matrice de l'interdisciplinarité en psychiatrie.

 

Prats Ph. : La fraternité. p. 197 à 204

Résumé : La notion de fraternité pose une succession de questions d'autant plus redoutables qu'elles sont autant de problèmes . L'usage du terme est relativement récent : c'est le christianisme qui l'impose comme définition d'un certain type de relations. Ne serait-ce, alors, qu'une affaire religieuse qui n'intéresserait que les croyants ? Si ce n'était que cela la Fraternité n'intéresserait ni la philosophie ni la psychiatrie. Historiquement on pourrait ajouter, pour être complet, qu'il y avait une notion qui préparait celle de fraternité et lui donnait ses assises. En fait cette notion couvre le vaste champ dont l'enjeu est la possibilité pour chaque individu de pouvoir dire que l'humanité n'est pas une notion vide.

 

Sala R. : Henri Ey, l'historien. p. 205à 208

Résumé : En quelques lignes, lors de son discours d'investiture de Docteur Honoris Causa de l'Université de Barcelone, Henri Ey se faisant historien, décrit sa patrie catalane, ce bord de méditerranée, terre de conjugaison de races et de civilisations au cours des siècles dans une fraternité qui est aussi altérité.