HUMOR : chronique quotidienne de Simon-Daniel KIPMAN


Archives


Juin 1999


Mercredi 30 juin 1999
Je viens de revenir du congrès du royal College of Psychiatrists, à Birmingham, où j'étais le seul français. Mais je préfère parler aujourd'hui d'une excellente nouvelle pour la santé mentale. Le premier ministre aurait l'intention de rendre les dossiers médicaux obligatoirement disponibles pour les patients.
C'est une grande avançée dans ce que je considère comme étant l'indispensable collaboration entre le patient et son médecin dans le choix des traitements et leur suivi . J'ai été dressé par un maitre à ne rien écrire sur un patient qu'il ne puisse lire, et me suis élévé contre le scandale de la rétention des dossiers par les hôpitaux . Je me suis élévé contre l'argument abusif qui consiste à invoquer pour cela le secret médical, qui, faut-il le rappeler, s'oppose à tous SAUF au patient lui même. Et je me suis astreint depuis toujours à ne jamais rien écrire à un confrère sans en référer d'abord au patient.
Reste, bien sûr, entière, la question de la confidentialité de ces informations. Le fait que le patient puisse enfin les connaitre, n'empêche surtout pas la vigilance contre la transparence des informations éléctroniques, les croisements de fichiers, etc. SDK


Lundi 28 juin 1999
Puisque j'en suis à Victor Hugo, je me cache volontiers derrière lui pour évoquer une conduite que j'espère respecter dans mes actes collectifs : " On me reproche de toute part de ne pas être importun, intrigant, de ne savoir pas plus solliciter un journaliste qu'un ministre, de pousser ce qu'on appelle " la fierté du talent" jusqu'à dédaigner la poursuite de la gloire, etc, etc, etc ." ( Victor Hugo le 14 juin 1854.) SDK


Dimanche 27 juin 1999
Je continue à me poser des questions sur l'intérêt de cette rubrique quotidienne, et sur ce que peuvent en tirer les quelques collegues qui la lisent.
Et même, comme Victor Hugo ecrivant ( le 24 novembre 1821) à Adèle :"Il faut chez moi un grand fonds de confiance pour ne pas croire, Adèle, que cette correspondance t'ennuie." SDK


Samedi 26 juin 1999
Peut être que les difficultés et les malheurs du monde ( il y a embarras du choix) sont un des plus puissant motif de s'ouvrir aux autres plutôt que de se renfermer sur son pré carré associatif, idéologique, régional ou national.
C'est,,je crois le sens de cette belle phrase d' Edward BOND : " je suis un citoyen d'Auschwitz et un citoyen d'Iroshima. Je suis un citoyen du monde qui est encore à construire." SDK


Jeudi 24 juin 1999
En préparant un petit travail sur une pathologie adolescente, je me rend compte une fois de plus d'un biais clinique qui nous met souvent dans une situation délicate : les réferences cliniques utilisées en général sont hospitalières, y compris dans bon nombre de recherches où la population témoin est faite de personnes hospitalisées (pour autre chose que l'objet de la recherche). Cette prééminence d'une clinique hospitalière introduit une dramatisation constante des évolutions possibles et alourdit les traitements proposés. Du coup une majorité de patients suivis en ville sont sur-traités, sur médicamentés.
Raison supplémentaire pour étufdier cette clinique ambulatoire, a propos de la quelle la FFP à créé un groupe de travail .SDK


Mercredi 23 juin 1999
Une matinée remplie de contacts avec diverses administrations à propos d'une histoire sans intéret me fait prendre conscience de ce stéréotype qui fait que lorsqu'un dysfonctionnement est manifeste, la réaction des personnes est toujours la même : ils commencent par émettre des doutes sur l'intégrité de celui par qui le scandale arrive. Ce n'est pas moi, c'est donc forcemment vous.
Prenons garde de ne pas avoir la même contre attitude avec les patients dont l'évolution ne répond pas à nos voeux ou à notre attente. Il n'est pas forcemment ( lui ou sa structure ) responsable de l'échec de nos prévisions. SDK


Mardi 22 juin 1999
Ce qui fait la grandeur et l'intérêt de la psychiatrie, c'est, bien sûr, son évolutivité et ses multiples aspects. C'est cette complexité qui n'est pas chaos, pas plus que superpositions, qui justifie son unité.
Et c'est ce qui oblige à une formation des psychiatres qui soit polyvalente, et les confronte à des expériences variées. Pour devenir un bon psychiatre, il faut commencer par butiner .... et lire, ce qui me permet de citer une fois de plus mon cher Saramago "un homme doit lire un peu de tout selon ses possibilités, car on ne lui en demandera pas davantage, étant donné la brièveté de la vie et la prolixité du monde." SDK


Lundi 21 juin 1999
Premier jour de l'été et jour de la fête de la musique. Celle-ci a vingt ans et prend peu a peu de l'envergure en devenant internationale. C'est aussi le chemin que prend la Semaine d'Information sur la santé Mentale, qui disposera, elle aussi, bientot, de son site spécifique sur Psydoc France. A suivre, donc SDK


Dimanche 20 avril 1999
La masse des décisions et la richesse des discussions hier au cours des conseils de l'AFP et du SPF est telle que je ne peux même pas les résumer ici. Mais je suis persuadé que nous pourrons bientôt en consulter les comptes rendus dans ce site, celui qui va ouvrir du SPF, et dans celui, à venir bientôt aussi, de La Lettre de Psychiatrie Française. SDK


Samedi 19 juin 1999
Journée bien pleine : réunion des conseils de l'Association et du Syndicat. On constate que la précarité des situations professionnelles et la remarquable évolution des pensées ( à laquelle la réunion de la profession n'est pas étrangère) multiplient les taches et les champs d'action des associations et des syndicats. Plus on avance, en effet, plus les questions sont nombreuses et complexes, plus les façons d'y répondre sont variées, et plus, malgré l'expansion des moyens matériels de calcul et de diffusion, des hommes sont impliqués. SDK


Vendredi 18 juin 1999
Dans l'invitation à la synthèse des états généraux de la santé, un thème m'étonne : comment construire la démocratie sanitaire ?
Même si les répartitions statistiques montrent qu'il n'y a ni égalité devant la maladie ni devant l'accès aux soins, qu'il y a des maladies de pauvres et des maladies de riches, et qu'il ne s'agirait pas de ne se préoccuper que des plus démunis ( dans une optique libérale, avec quelques résurgences de bonnes oeuvres ), ni de ne se préoccuper que d'une santé "moyenne", la démocratie devant la douleur existe. Et chacun y fait face indépendamment de sa situation sociale. SDK


Jeudi 17 juin 1999
Une réunion, une de plus, tentait hier soir de réunir les divers syndicats de psychiatres. Une fois de plus, certains ont voulu s'en tenir à distance sous le prétexte un peu ringard qu'on ne peut mélanger les torchons et les serviettes, les psychiatres publics et privés. Je ne m'arreterai pas au coté désuet des ces arguments qui oublient les associatifs, qui ne tient pas compte de tous ceux qui ont un exercice mixte, qui font fi de l'expérience ancienne du SPF ( qui, sur ce mélange est devenu le plus important syndicat de psychiatres ) et de la FFP.
Mais je constate que ces syndicats sont désormais singulièrement minoritaires face à tous ceux qui souhaitent un travail en commun. SDK


Mercredi 16 juin 1999
Une journée d'hommage à Charles Brisset se prépare pour le 2 octobre ( voir l'annonce dans la rubrique de Psydoc France ). C'est l'occasion de constater, une fois de plus, qu'il y a des questions symptômes dont la psychiatrie française ne se sort pas, et que, peut être, elle entretient. Il ya des questions qui avancent en fonction des progrès de la connaissance, des évolutions sociales, et des changements de pratique qui les accompagnent. Enfin des questions qui reviennent, comme celle de secteur ou de la clinique.
Et surtout, que l'oeuvre de Brisset reste anticipatrice, et que nous n'avons pas encore fini de réaliser ce qu'il prévoyait et a laissé en chantier .SDK


Mardi 15 juin 1999
Je reçois, comme tous les collègues, le texte court de la conférence de consensus sur le sevrage des alcooliques, et je me réjouis que le sevrage, peut être depuis la précédente conférence de consensus, ne soit plus un mot tabou.
Que l'on tente de guérir ces patients, ou que l'on se contente de les soulager, l'objectif reste toujours de les aider à sortir d'une dépendance dommageable. SDK


Lundi 14 juin1999
Tout au long de nos débats syndicaux, tout au long de nos échanges scientifiques et intellectuels, il nous faut rester attentifs à la dimension européenne. C'est ce qu'ont bien compris un certain nombre de personnes qui font de la santé mentale, de la psychothérapie ou de la distribution de soins un fromage.
Pour ma part, je crois avoir beaucoup travaillé à des échanges mondiaux antre psychiatres ; mais je me dis que le congrès de Paris 2000 devrait être l'occasion de donner une place particilière à l'Europe psychiatrique tout entière. SDK


Dimanche 13 juin 1999
Jour d'élections européennes. On peut constater que les psychiatres ne sont pas les seuls à avoir du mal à percevoir ce que peut ou pourrait être l'Europe.Elle n'est pas, elle n'est plus un ring ou s'empoignent des entités rivales et concurrentes ( comme l'étaient les diverses associations, ou les diverses factions psychiatriques avant la Fédération) mais une possibilité d'étayage commun des actions, innovations et perfectionnements de la vie collective.SDK


FONT COLOR="#0000FF">Samedi 12 juin 1999
La journée organisée par les croix MARINES d'Ile de France était pleine d'enseignement. Même si tous les chiffres prouvent abondamment que les besoins et demandes en matière de psychiatrie augmentent régulièrement, alors que la démographie des soignants, que ce soit par le biais du numérus clausus, des restructurations ou des postes vaquants baisse, le ton n'était pas à la plainte mais à ou plutôt aux façons de réagir à ce constat. Et, à ce titre, on a pu constater que, si les décideurs nationaux sont engagés dans une politique de normalisation et de restriction, les élus locaux, comme les hommes de terrain, sont décidés à soutenir des expériences et des innovations, et à trouver les moyens pour cela.Une fois de plus, c'est l'action locale, de terrain qui doit l'emporter.SDK


Vendredi 11 juin 1999
Je vais passer une partie de la journée dans une réunion au ministère : au moment ou j'écris je ne sais évidemment pas ce qui va s'y dire, mais il y a fort à parier que nous exprimerons notre malaise et que nos interlocuteurs nous parleront du leur, dans un dialogue de sourds ou chacun se plaint . Pourtant, ces réunions permettent d'avancer en nous faisant nous écouter entre nous, en nous permettant d'unifier nos plaintes et nos récriminations. SDK


Jeudi 10 juin 1999
Il faut écouter et surtout entendre les patients ( mais aussi, dans le travail syndical les collègues, et dans le travail scientifiques les autres points de vue).
On peut alors se fier aux indications de SARAMAGO (in l"année de la mort de Ricardo Reis"). Une fois prononçées, les phrases sont comme des portes laissées ouvertes, la plupart du temps, on entre, mais parfois on reste dehors, attendant qu'une autre porte s'ouvre, qu'une autre phrase soir dite".SDK


Mercredi 9 juin 1999
A propos de l'éthique et des valeurs qui sont régulièrement agitées ( statistiquement davantage par des conservateurs, cela va de soi, que par des progressistes) cette nuance de Robert MUSIL : Définissons sous le nom de morale quelque but commun, mais en lui autorisant un plus grand nombre de chemins buissoniers " car, si l'objectif répond à une certaine logique, les chemins pour y parvenir, les styles d'approches sont multiples. SDK


Mardi 8 juin 1999
Samedi dernier, je participais à une réunion sur la famille organisée par un hebdomadaire. Sans parler du contenu et des questions posées par le public, toutes passionnantes, j'ai été frappé de ce que le public était beaucoup plus réceptif à une réflexion de fond sur les mécanismes intrapsychiques que les "experts" fascinés par les évolutions sociales, culturelles ou de mode. SDK


Lundi 7 juin 1999
Les systèmes finissent toujours, si on les laisse faire, si on ne les contrôle pas, par s'effondrer dans le ridicule et l'absurde. Pour moi qui suis un ardent défenseur du droit de grêve, qui suis plutôt réticent à tout systeme de service minimum qui risque d'émousser l'arme que représente la grêve (arme ultime surtout pour les médecins) j'ai une impression surréaliste devant l'interruption de travail qui va cet après midi bloquer une ville entière pour les funérailles d'un travailleur mort dramatiquement de maladie : si on pousse le raisonnement, pourquoi la poste ne s'arrêterait-elle pas parce qu'un facteur a des verrues plantaires....ou pourquoi ne fermerait-on pas les cabinets parce que un collègue a des angoisses.
Le syndicalisme, comme le journalisme d'ailleurs ou la politique, devrait se méfier de là ou mène le souci de surfer sur des émotions immédiates.SDK


Dimanche 6 juin 1999
Allez ! Encore un mot de Victor Hugo, prononcé lors d'un enterrement, le 27 septembre 1847 " Il est mort COMME UN SAGE QUI CROIT PARCE QU'IL PENSE" (c'est moi qui souligne)
Voilà qui oppose bien la croyance qui ferme la pensée, la croyance "intégriste" dirait-on maintenant (on pourrait le dire aussi de la croyance intégriste dans le libéralisme absolu) et la conviction, l'auto-conviction qui trouve ses racines et sa force dans la réflexion préalable.
J'avais écrit tout un essai sur ce thème.... mais le sujet dérange sans doute les croyants et les convertis des théories et des modèles érigés en dogmes. Il est resté dans mes tiroirs. SDK


Samedi 5 juin 1999
Il est bien difficile de gloser sur l'importance des liens familaux quand on prend la peine de consulter le dictionnaire, et que l'on s'aperçoit que la définition même de la famille est soumise à des variations culturelles et morales.
Et pourtant, ces liens existent et sont fondamentaux pour le développement psychiques. Il faut donc les considérer comme des fonctions plutot que comme des objets historiquement fixés. Une fois de plus on constate la différence entre une approche fonctionnelle et une approche fixiste, anatomique, géographique ou temporelles, la différence entre le lien et la causalité linéaire. SDK


Vendredi 4 juin 1999
Victor Hugo, encore ( dans un discors de 1846) "il y a deux sortes de commerces : le bon et le mauvais commerce". Et, sans aucun doute, la sorte de commerce qui plane, règne ou cherche à coloniser la médecine et les soins appartient à la seconde catégorie.
Reste qu'il est probable que, que l'on soit commercant, industriel ou artisan, il doit être possible de gagner sa vie sans spolier personne.
Vivre sur le dos des autres ; les malades ou les travailleurs de la santé, c'est une forme de colonisation de ce qui était jusque là, peu ou prou, un service public. SDK


Jeudi 3 juin 1999
Je citerai aujourd'hui Victor Hugo qui, dans un discours de juin 1849 déclarait " Messieurs, il est certain qu'à l'heure ou nous sommes, la misère pèse sur le peuple." Il ne s'agit sans doute pas tant (encore) de la misère matérielle, encore que la multiplication des situations d'exclusion, dont on ne parle en général, qu'en hiver, nous en fasse déjà sentir le goût ; il s'agit davantage de la misère qui "torture le peuple par la faim et l'abrutit par l'ignorance". Celle engendrée par la "pensée unique", par les mensonges et omissions des hommes politiques et des média (la langue de bois), la pauvreté de la réflexion. Cette réflexion qui est pourtant un des ciment du lien social dont on constate chaque jour la dissolution.SDK


Mercredi 2 juin 1999
Grève des transports parisiens pour attirer l'attention du public sur l'insécurité croissante sur les lignes de métro.
A cela, bien sûr, on va opposer des chiffres et des chiffres : la délinquence est en baisse, les éffectifs de police en hausse.
Mais nous savons bien qu'il ne s'agit pas que de cela. Il s'agit d'un sentiment collectif, d'une gêne, d'un malaise qui se manifeste là ou il peut mais qui devrait être pris en compte (aussi) comme malaise intrapsychique. SDK


Mardi 1 juin 1999
Deux scoop vont servir de base à mon propos d'aujourd'hui. L'un date d'hier soir : une décision de rapprochement et de coordination entre tous les syndicats de psychiatres a (enfin) été prise. L'autre date de ce matin : le thème de la Semaine d'information sur la santé mentale (qui aura lieu, en 2000, du 12 au 19 mars ) a été (enfin) fixé. Il s'agit de "souffrance et quête d'identité : crise collective ou pathologie ndividuelle ?"
Je n'en dirai pas davantage car vous aurez l'occasion d'entendre parler de ces deux informations.
Mais j'y vois un point commun fondamental : celui de la définition de l'identité professionnelle du psychiatre, qui traverse toutes les pratiques, et passe obligatoirement par une définition, et une attitude vis a vis de la santé mentale. SDK



Dernière mise à jour : samedi 17 juillet 1999 11:54:05

Dr Jean-Michel Thurin