HUMOR : chronique quotidienne de Simon-Daniel KIPMAN


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Juillet 1999


Samedi 31 juillet 1999
Les empêcheurs de penser en rond publient deux énormes pavés dans la série "dejà classiques" qui méritent quelque attention. Il s'agit d'une part du traité de psychopathologie de Minkowski qui a un interêt historique et de l'approche clinique en psychiatrie qui peut servir de matériel pour le groupe de travail sur la clinique ambulatoire. SDK


Vendredi 30 juillet 1999
Il y a une sorte de trêve, là ou je suis, entre ceux qui terminent leurs vacances de juillet et ceux qui vont les débuter en aôut. Un instant de suspens ou l'on se dit que tout va changer et que tout va continuer comme avant. SDK



Jeudi 29 juillet 1999
J'ai déja écrit plusieurs fois que la question la plus difficile à résoudre pour la psychanalyse était celle de l'articulartion de l'individuel et du collectif. Je perçois une analogie avec les difficultés que je rencontre dans la tâche qui m'a été confiée par la FFP à trouver des collègues qui acceptent d'articuler nos activités nationales avec celles des autres pays, sans qu'il soit question de promotion personnelle, ni de mission en terre impies. Je crois qu'il ne faut pas en, accuser un quelconque chauvinisme, mais y voir cette difficulté à, en frottant sa cervelle à celle d'autrui, remettre sans cesse ses actes et ses prises de positions en question. SDK


Jeudi 29 juillet 1999
"Pourquoi faut-il que nous ayons assez de mémoire pour retenir jusqu'aux moindres particularités de ce qui nous est arrivé, et que nous n'en ayons pas assez pour nous souvenir combien de fois nous les avons contées à une autre personne." La Rochefoucauld.
Il y a des jours ou je me dis que dans ces chroniques, je radote en ayant chaque jour l'impression d'être nouveau . SDK


Mercredi 28 juillet 1999
Dans la presse d'hier, un médecin est mis en examen pour avoir fourni trop largement des produits de substitution à des patients qui en faisaient commerce.
Cela me parait poser deux questions : le retentissement de ces mises en examen sur les autres patients du praticien : la confiance nécessaire est ainsi minée avant toute condamnation éventuelle, avant toute exclusion définitive ou provisoire de l'activité médicale (ce qui pose bien évidemment encore d'autres problèmes). La présomption d'innocence, obligatoire pour tout citoyen prend une dimension très particulière en terme de santé publique et de relation soignant soigné.
La seconde question a été mise en évidence lors de la conférence de consensus que j'ai présidée sur le sevrage des toxicomanies ; à savoir que les produits de substitution jouent tout leur role substitutif en créant une clientèle addictive à des produits à vente et a production controlées . Cela donne une clientèle captive aux laboratoires qui les produisent, mais ouvre le champs de nouvelles addictions contres lesquelles il conviendrait de lutter, et de nouveaux trafics aussi inacceptables que les précédents. SDK


Mardi 27 juillet 1999
Le beau temps me cherche noise, en tous cas veut m'empêcher de réfléchir calmement aux nombreux travaux que je dois faire, rédiger, préparer pendant cette période de vacances;
Au premier plan de ceux ci me voici embarqué dans une réflexion sur la mémoire, qui me parait d'autant plus difficile à mener qu'en ce domaine comme dans d'autres semble régner une pensée unique, sur la sanctification d'un devoir de mémoire au detriment de la recherche sur les mécanismes de mémorisation. SDK


Lundi 26 juillet 1999
Le roi du Maroc est mort, John John Kennedy est mort ( Woody Allen aurait ajouté : et moi m^meme, je ne me sens pas très bien !" ), du coup qui se préoccupe de santé publique. D'ailleurs, ce sont les vacances dont celle du pouvoir puisqu'on peut se passer pour un temps de ministre de la santé. SDK


Dimanche 25 juillet 1999

Il faut, certes, se battre en sachant cependant que les combats les plus apres, les plus acharnés, méritent ce que Léon Werth disait de la guerre :"Telle est la guerre, elle impose une première simplification ; elle pense pauvre, elle contraint à penser pauvre, par grosses catégories..." Foin de la subtilité et de la nuance : pour faire la guerre, il faut accepter d'être bètes. SDK


Samedi 24 juillet 1999
Je suis en train de lier un ouvrage américain sur le Managed care et la psychiatrie. Sait-on, par exemple, que des pathologies trop onéreuses ou mal maitrisées peuvent en être exclues pour des raisons économiques comme dans n'importe quelle assurance ? L'ont étées dans certaines organisation de managed care des maladies aussi sévères et mangeuses de soins que le SIDA et la maladie d'Alzheimer. Alors, il nous faut éviter cela autant que faire se peut. Et pour lutter convaincre nos collègues résignés, peu inquiets ou séduits par les sirènes du libéralisme. SDK


Vendredi 23 juillet 1999
Si l'internet devient un outil relationnel supplémentaire dans la panoplie des psychiatres, il y a peut être lieu d'y réfléchir dans le cadre du goupe de travail sur la clinique ambulatoire ?
L'ambulation dont il s'agit étant celle du malade, du psychiatre ou a-t-elle à voir avec la circulation des idées ? SDK


Jeudi 22 juillet 1999
Il n'y a aucune complaisance morbide à garder envers cette période néfaste de la dernière guerre. Et il vaut mieux songer aux vacances, à la détente et à la réflexion.
A ce propos, il y a eu, il y a quelques mois, d'interessantes discussions au sein de l'AFP sur les psychothérapies ou les suivis continués ou partiellement assurés par téléphone. Par ailleurs nous avons tous, je pense, des patients qui nous écrivent pendant les vacances.
Depuis peu deux patients restent en contact avec moi depuis leur lieu de travail à l'étranger par internet.J'aimerais avoir l'opinion de collègues sur ce sujet : cela change-t-il quelque chose par rapport à la lettre ou à l'appel téléphonique ? SDK


Mercredi 21 juillet 1999
Dans le même livre, un chapitre revient sur les effets du régime nazi sur la psychanlalyse. Si on a décrit maintes et maintes fois le sort réservé aux analystes, et en particulier aux analystes juifs ; si on connait ceux qui ont émigré ici ou là et ont contribué à la diffusion de la psychanalyse dans le monde occidental, on reste toujours discret sur ceux qui ont résisté activement, qui ont vu venir et tenté de faire quelque chose contre l'horreur. Ceux là ont peut être fait autant sinon plus pour qu'un jour le traitement de la maladie et de la souffrance psychiques se perpetuent : M. Langer, Muriel Gardiner ( sur laquelle j'ai autrefois ecrit un texte pour, déja, faire la même remarque), P. Friedmann, R. Eckstein, Karl Landauer et biens sûr ou surtout John F. Rittmeister.
En France aussi, des psychanalystes ont quitté leur fauteiul pour entrer en résistance contre ceux qui voulaient la mort de l'humain. Il faut relire les mémoires de M. Sapir ou songer à S. Nacht. SDK


Mardi 20 juillet 1999
Le nazisme est sans doute d'autant plus insupportable qu'il est l'odieuse caricature de la société deshumanisante dans laquelle nous vivons, et dont les "valeurs" s'imposent à nous.Je pense à cela en lisant l'ouvrage de Thierry Feral, H . Brunswic et A. Henry sur Médecine et nazisme ( l'Harmattan ed.). J'en cite deux extraits : "dans le climat d'industrialisation forcenée, d'euphorie expansionniste....de xénophobie et de racisme......la médecine classique ne tarde pas à être considérée comme dépassée".
Et cet atroce exercice scolaire proposé pour l'enseignement des mathématiques en 1936, qui ne peut pas ne pas nous évoquer les exercices comptables auxquels se livrent nos gestionnaires de haut niveau :"Un malade mental coûte chaque jour 4 marks. Un infirme 3,50 marks. Interprétez ces chiffres considérant qu'il y a en Allemagne environ 300 000 malades mentaux hospitalisés." SDK


Lundi 19 juillet 1999
Le drame des malades mentaux vient de ce que la souffrance psychique, et bien évidemment celle qui ne s'accompagne pas de troubles visibles du comportement, celle des névroses en particulier, est une souffrance intime et honteuse. Comme ils en parlent peu, et difficilement....on en parle peu, et difficilement. C'est un des paramètres du peu d'importance qu'on leur accorde dans les politiques de santé publique. Et c'est sans doute à nous psychiatres de s'allier aux familles pour être les porte paroles des malades.SDK


Dimanche 18 juillet1999
Les malheurs de la famille royale des Etats Unis seraient-ils plus terribles que ceux qui frappent les éthiopiens, méritent-ils plus de lignes, plus d'écrans, plus de commentaires ? Le malheur est le malheur, mais le malheur médiatisé laisse un goût de cendre . Que reste-t-il de celui des kosovars, pourtant tout proche et tout récent ? SDK


Samedi 17 juillet 1999
Encore un Kennedy qui tombe, et c'est bien triste pour cette famille décimée par l'ambition, les troubles du comportement, les excès, etc.
Je suis frappé de ce qu'on soit plus discret sur le drame vécu par cette famille qui vient de perdre ses deux filles d'un coup et de la stupeur de celle qui devait se marier ce jour là. SDK


Vendredi 16 juillet 1999
La multiplication des actions internationales conduit à repenser un problème éternel, dont le poids alourdit considérablement le dynamisme des institutions. Sans que, à aucun moment il ne s'agisse de repli, refus ou xénophobie, on se trouve tiraillé entre le désir de travailler des questions difficiles sur la base consensuelle a priori des gens qui se connaissent et s'apprécient (donc qui fabrique des groupes fermés, capables sans doute d'approfondir mais peu d'innover), et le souci de s'ouvrir à des données et à des approches inconnues, donc, de confronter ses idées et opinions à d'autres ( groupe ouvert au risque de dissensus, d'incohérence, de difficultés de penser, mais aussi de découverte) . Ce " conflit" est, en oûtre, parfois difficile à aborder sereinement . SDK


Jeudi 15 juillet 1999
"Faites de moi un homme d'initiation
Faites de moi un homme de recueillement
Mais faites de moi un homme d'ensemencement." ( Aimé Césaire)
Car s'il est agréable d'avoir le sentiment d'avoir quelquefois innové, s'il est indispensable de s'arrêter pour y penser, la grande question reste de savoir ce que d'autres feront de ces créations et de ces réflexions. SDK


Mardi 13 juillet 1999
Les journaux font écho à un rapport qui montre que Internet n'est pas la toile régulière et démocratisante que louent ses admirateurs : en fait, Internet souligne et, dans certains domaines pourrait accroitre les inégalités entre pays riches et pauvres, entre riches et pauvres, entre ceux qui y ont accès ( moyen et culture) et ceux qui en sont a l'écart. L'idée d'une taxe sur les communications rendrait le procédé plus cher pour ceux qui en ont les moyens, mais aussi pour ceux qui ont du mal a y accéder.
Va-t-on voir refleurir, pour internet, comme dans d'autres domaines, la nécéssité d'une discrimination positive ? SDK


Lundi 12 juillet 1999
Avant dernière semaine avant les vacances. Autant commencer à en profiter tout de suite, et anticiper le plaisir qu'on y prendra.
Incontestablement, ce plaisir d'anticipation, de planification, de projet fait intégralement partie des satisfactions que peut découvrir tout militant dans son action. Et ce d'autant plus, que, dans la militance, tous les projets ne se réalisent pas. SDK


Dimanche 11 juillet 1999
Puisque, hier, j'ai choisi un " bilan", ce samedi choisissons un projet : celui peut être peu réaliste voire mégalomaniaque, de "faire entendre la voix de la psychiatrie" lors de la journée du 17 octobre, programmée par l'ensemble des professions de santé.
Outre que les problèmes de la psychiatrie ont comme toujours une certaine spécificité (c'est, en tous cas, ce que les psychiatres aiment croire ), ils sont dans certains domaines plus lourds que dans d'autres spécialités, et surtout exemplaires de ce qui arrive et risque d'arriver à toute la médecine, à tous les médecins . SDK


Samedi 10 juillet 1999
On sent les vacances comme on sent le picotin. C'est l'occasion des bilans avant départ et des lancements avant rentrée.
Parmi les bilans, il y a celui de ces notes : j'en ai reçu des reproches, certains les trouvent trop inégales et erratiques. Bien entendu, c'était le jeu et le pari de ces rencontres ( ? ) quotidiennes. Mais j'espérais un peu qu'une ligne directrice s'en dégagerait spontanément et peu à peu. De ce point de vue, c'est sans doute raté. Et si j'impulse délibérément une ligne générale, devrait-elle être organisationnelle et syndicale, politique et associative, ou sur des thèmes choisis à l'avance ? Les associations libres restent encore, pour nous, une meilleure approche que les questionnaires et échelles pré établies.SDK


Vendredi 9 juillet 1999
Quelques soient les efforts que nous faisons, par exemple pour la cause de la psychiatrie et de l'union ; quelques soient les claivoyances et les qualités que nous nous prétons dans ces efforts "nous ne pouvons etre tenus au-dela de nos forces et de nos moyens" ( Michel de Montaigne )
Ce n'est pas une manière de se résigner aux echecs et difficultés rencontrées (et dieu sait qu'il y en a), ce n'est pas une manière de démissionner, mais une raison de ne pas se sentir blessé par l'opposition de nature. SDK


Jeudi 8 juillet 1999
On est toujours surpris de voir combien les réactions de prestance, narcissiques, pèsent lourd dans la vie des institutions et des groupes. Et l'une des premières difficultés du travail soignant est de se former à traquer chez soi, avant même de le faire chez les autres, la trace des défaillances narcissiques.
C'est sans doute pour cela qu'il conviendrait de privilegier les méthodes de formation et de sensibilisation individualisées au moment ou on réflechira (si ceux qui nous gouvernent le font un jour ) à la formation des médecins et des psychiatres, puisqu'elle devrait être remaniée. SDK


Mercredi 7 juillet 1999
Bien entendu,une tonne d'informations et de choses à faire m'attendent,et s'ajoutent à tout ce que j'ai déja en retard. Alors, j'invoque, comme une habitude ou un rituel, tout ce que je vais pouvoir faire pendant les vacances, alors que je sais bien, d'avance que je n'en ferai pas le quart. Il n'y a pourtant que la foi qui sauve. SDK


Mardi 6 juillet 1999
Toujours Aix ou je ne pourrai pas rester plus longtemps. J'ai l'impression qu'il y a deux grandes lignes que pour des raisons variées on oppose ou on confond :
- une ligne de recherche surtout de recherche de confirmation de ce que tout le monde sait intuitivement de puis longtemps, et qui impose des réductions obligatoires, liées à la méthodologies et aux instruments de recherche. Ces réductions, risquent, si on les confond avec l'autre tendance, à transformer la clinique en une suite d'items de plus en plus creux ;
- et une ligne que je vais appeler thérapeutique, qui va dans le sens de la confrontation de deux ou plusieurs personnes, et enrichit et diversifie la clinique, jusqu'à la rendre floue autour d'histoires de cas.
Les américains sont très fort dans la première ligne ; les français à l'aise dans la seconde.
Difficile de faire passer qu'elles sont l'une et l'autre des points de vue sur les mêmes choses, qu'adopter un point de vue exclut d'en adopter un autre ; mais que ces approches différentes peuvent non pas se compléter ou s'entredévorer, mais se RELATIVISER, et donc servir en permanence de contrôle et de validation de l'une à l'autre.....dans les deux sens. SDK


Lundi 5 juillet
Toulours a Aix, ou les choses sérieuses commencent. Je suis frappé par la participation internationale, le poids des américains, le souci thérapeutique des français, et le nombre de jeunes collègues qui participent à ces travaux. Tout cela, dans l'ambiance dépresssive sur l'avenir de la professsion est très encourageant. SDK


Dimanche 4 juillet 1999
Premier jour du congrès de l'ISAP, International Society of Adolescent psychiatry, à Aix, dans une chaleur de bête. Chaleur qui explique peut être en partie la chaleur amicale de l'ambiance générale. En transmettant aux congressistes les encouragements de la FFP, j'ai insisté sur l'unité de la psychiatrie, la nécessité de recherches en particulier cliniques, le souci de prévention et de distribution des soins. Par ailleurs réactions très favorables au congrès de Paris 2000


Samedi 3 juillet 1999 Le malaise croissant et la plainte de plus en plus forte devant l'évolution des institutions garantes ou gestionnaires des soins ne sont pas liés à un quelconque mouvement dépressif. La situation se dégrade, et ce que nous voyons ailleurs nous incite à penser que les choses peuvent encore empirer.
Mais tout cela est heureusement compensé par la richesse des encontres interhumaines. En particulier quand on voit la vitalité et l'inventivité dont certains sont capables (et pourquoi pas nous) pour, dans les pires situations, continuer à faire de la bonne médecine, pour continuer à avancer et à réfléchir. SDK


Vendredi 2 juillet 1999
Puisqu'on en est aux lois et textes, comment ne pas frémir devant la subversion des actes médicaux induite par la judiciarisation de la santé (comme du reste de la vie sociale ), judiciarisation qui se traduit toujours en termes financiers (indemnités, amendes, impossibilité de travailler). Les ennuis faits à notre consoeur pour des certificats rédigés dans des conflits conjugaux pousseraient à confondre la responsabilité du médecin avec une "logique asurrancielle". De même que l'avis de la cour d'appel sur la responsabilité (financière ?) des médecins dans l'apparition d'infections nosocomiales introduit pour ceux-ci une obligation de résultats que l'on n'exige pas dans d'autres secteurs de la consommation ( puisque, dans le même mouvement on confond un malade et un consommatuer de soins.) SDK


Jeudi 1 juillet 1999
Je me réjouissais des annonces du premier ministre, mais faut-il aussitôt ajouter que l'annonce concommitante d'une reforme de la formation des médecins et des spécialistes, que nous souhaitions tous depuis longtemps, parait, à travers les extraits qu'en fournit la presse, oublier la dimension psychique de ce métier, tout en créant une formation de médecins communicants, comme si cela ne faisait pas partie du travail de tous les médecins. SDK


Dernière mise à jour : vendredi 10 septembre 1999 17:29:41

Dr Jean-Michel Thurin