HUMOR : chronique quotidienne de Simon-Daniel KIPMAN


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Janvier 1999

Vendredi 29 janvier 1999
Je n'étais pas sûr de pouvoir envoyer une note quotidienne depuis les journée annuelles de l'AFP consacrées cette année a Traumatismes et Societes. Mais tout finit par s'arranger.
Compte tenu des premières interventions, je sais dejà que je répondrai au questionnaire d'évaluation que ces journées vont changer ma manière de faire, malgré mon âge et mon expérience.
En effet, il s'avère que le concept de traumatisme qui traverse toute la théorisation psychanalytique, et toute la clinique psychiatrique est un des seuls susceptible de permettre d'avancer dans ce qui reste une question essentielle et non résolue : l'articulation de l'individuel et du collectif.
D'ores et dejà, d'autres sujets ont été evoqués : somatisation, dépression, malaise social. A demain donc. Nous aurons peut être la réponse a nos questions, et, en tous cas, de quoi réfléchir et donc avancer. SDK


Jeudi 28 janvier 1999
Je lis dans la presse que Monsieur Kouchner a répondu a une dame un peu agresseive, lors d'une réunion en province : "Ne me parlez pas comme cela. Je suis votre ami." Voila une petite phrase que l'on peut étudier sous divers angles : celui du "double bind" par exemple, ou qu'on pourrait lui retourner "Ne nous traitez pas comme cela, nous ne vous sommes pas hostiles".
Mais plus platement, ce sont exactement les mêmes mots qu'il a employés lors de la journée du 10 octobre pour faire taire un collègue inquiet des difficultés de recrutement de psychiatres publics. Si c'est un truc d'orateur, il n'est pas terrible et ne peut servir souvent. Mais s'il est sincère, cela veut dire qu'il n'entend pas l'inquiétude et l'angoisse qui sous tendent les propos agressifs de ses interlocuteurs.
J'ai souvent dit que les tâches des psychiatres allaient croissant, mais j'en propose ici une autre encore. Je suggère au premier ministre d'instaurer des groupes Balint pour ses ministres. SDK


Mercredi 27 janvier 1999
Bien des collègues, bien des médecins confondent l'autorité qui est liée à leur poste, leurs connaissances ou la place inconsciente où ils sont mis avec l'exercice rigide du ou d'un pseudo-pouvoir.
La courtoisie est pourtant pour nous une exigence clinique permanente, car elle est le socle sur lequel se crée et s'organise la relation thérapeutique, la coopération professionnelle, l'équipe, le réseau, le groupe.
Cette courtoisie marque d'emblée le respect que l'on a pour l'autre, ses attentes, ses besoins ses exigences et nous rappelle que sans l'autre ( malade, collègue, collaborateur ) nous ne sommes rien.
De plus, sans ce respect, nous pouvons être assuré de notre inefficacité. Dans un tout autre domaine que le notre ( encore que les restructurations hospitalieres), je lisais récemment que plus de la moitié des fusions d'entreprises échouaient, la plupart pour avoir oublié ce principe élémentaire. SDK.


Mardi 26 janvier 1999
Les conditions de travail se dégradent dans notre pays (certains appellent cela la flexibilité) ; insécurité et pression rendent ceux qui travaillent aigris et déprimés. Pourtant, on ne saurait dire que ces conditions sociales, extérieures, augmentent le nombre de névroses ou de psychoses (sauf, bien entendu, les névroses actuelles qui, comme on sait, durent longtemps).
Mais c'est aussi le retournement cette oppression quotidienne qui fait réapparaitre, dans le travail, des dynamiques de solidarité, de liens collectifs.
Et c'est de cela que je parlerai en mai a Porticcio, en évoquant le rôle du mulieu de travail dans le dépistage, la prévention, l'orientation, le soutien et la réadaptation des troubles mentaux.


Lundi 25 janvier 1999
Cette semaine va être fertile en événements dont je ne mesure pas bien encore l'impact. Je songe, bien sûr, aux journées de vendredi et samedi sur TRAUMATISME et SOCIETE, je songe aussi aux autres projets qui sont entrain de se mettre en place, tant sur la plan associatif que syndical. En tous cas, il n'est guère possible de s'arrêter pour réfléchir et prévoir ce qui va en sortir. Les choses sont trop avancées. Il faut y aller, faire le mieux possible, se donner toute la liberté d'improvisation possible. Bref, etre, face à ses événements, comme en séance "sans mémoire et sans désir." ( W R BION). SDK


Dimanche 24 janvier 1999
Normalement, mais qu'est ce qui est normal, dimanche n'est pas un jour pour penser à notre métier. Et pourtant, en voyant Celebrity de Woody Allen, j'ai associé sur le narcissisme qui nous pousse tantôt à nous exhiber dans les cénacles à la mode, tantôt à nous vexer pour des broutilles. Bien des collègues célèbres sont comme des divas, comme ces comédiens français qui s'étripent au nom de leur art. " Leur" etant, bien sur, privatif.
Alors, une fois de plus, ni la psychiatrie, ni la santé mentale ne nous appartiennent.
Nous ne pouvons, face à leur évolution au sein d'une société qui elle même évolue, que défendre un POINT DE VUE, une opinion parmi d'autres. Ceci n'étant pas, bien entendu, une critique, ni même un point de vue sur ce film. SDK


Samedi 23 janvier 1999
Comme toutes les machines, l'ordinateur, et internet, c'est bien quand ça marche. Mais la logique mercantile et industrielle fait que, dès qu'on est habitué à un système, il faut en changer, sans doute plus pour continuer à vendre que par utilité absolue. Plaise au ciel qu'il n'en soit pas de même avce la clinique, dont le rythme évolutif est plus lent. La succession de nouvelles pathologies, de nouveaux syndromes, de nouvelles échelles, me fait l'effet de répondre davantage à cette logique commerciale qu'a des évolutions de pensée. Autrefois, au XIX° siecle, les mandarins médicaux souhaitaient laisser leur nom à une maladie, maintenant on a l'impression qu'ils veulent graver dans le marbre un procédé. C'est une regression, pas un progrès.
Faut-il rappeler que les fameux DSM n'ont pas pour objectif de créer une clinique nouvelle et aussi évolutive que les modeles des constructeurs automobiles, mais de fournir un cadre pratique aux chercheurs et aux assureurs.
Laissons la clinique évoluer à son ryhtme lent, continuons à nous y fier, et laissons les marchands à leurs jeux pervers. SDK


Vendredi 22 janvier 1999
En lisant une intervention de Patrice QUENEAU au congrès de l'APNET, j'associe sur deux idées :


Jeudi 21 janvier 1999
En mettant en place la manifestation du 13 mars pour la Semaine d'information sur la Santé mentale, je suis frappé de l'interêt que suscite une approche des problèmes, quels qu'ils soient, en décalage. Plutôt que de reprendre un discours de plus sur la violence, parler de la représentation de la violence.
C'est, de fait, une constatation très générale qui donne des indications sur notre métier. Prendre en charge un malade mental, une souffrance psychique, n'est-ce pas (ou cela ne devrait-il pas être ) garantir à la personne qu'elle va être écoutée et qu'on va parler de ce qui la préoccupe AUTREMENT.
Changer l'écoute, c'est changer les données, et c'est une chance de sortir des situations bloquées, trop bloquées pour qu'on puisse s'en sortir seul, ou avec l'aide de proches.
Mais cet "autrement" ne saurait être codifié à outrance, car l'essentiel réside dans le décalage entre ce que l'un attend et l'autre ( le professionnel ) sait faire. SDK


mercredi 20 janvier 1999
On croit qu'on part bien armé, qu'un thème à la mode est un thème anodin, que l'on est trop professionnel ou trop bien analysé pour etre influencé par un thème de réflexion qui n'est pas, apriori, un thème de prédilection..... et l'on se trouve "embarqué", sans plus savoir ce qui va en sortir (de toute façon, une nouvelle appréhension des choses). C'est ce qui m'arrive avec le thème choisi par la SISM "Et si on parlait calmement de la violence " dont il reste la violence des propos, des images et des sentiments. Comme si on avait cru pouvoir passer au large de ce qui sommeille en chacun de nous à l'aide de la distanciation intellectuelle.
Banal? Non ? Mais bouleversant SDK


Mardi 19 janvier 1999
Un mot, aujourd'hui, de Formation Médicale Continue. Bien que l'on ne sache toujours pas bien où on en est, certains veulent en faire une sorte de Fromage Médiocre de Cantine. Fromage pour ceux qui espèrent pouvoir se partager le pactole des financements, subventions et sponsoring évidemment désinteressés de l'industrie pharmaceutique, Médiocre car on recherche délibéremment une qualité moyenne susceptible de répondre moyennnement à la demande moyenne, et de Cantine, car il s'agit de produits surgelés qui ne heurtent personne.
Alors que la FMC pourrait devenir une sorte de Formule Magique de Confrontation avec la profession, avec le monde, avec le mouvement des idées.
Mais pour cela, et je nous invite à y songer dès maintenant, chacun devrait construire son cahier des charges personnelles, s'établir un plan de formation individualisé dans lequel il pourrait faire entrer les activités qui lui sont proposées et en réclamer d'autres, plus adaptées, plus "sur mesure". SDK


Lundi 18 janvier 1999
Encore un massacre médiatisé ce matin au Kosovo. Ce siècle finissant est le siècle des massacres : massacres flamboyants des horribles guerres mondiales et des mutiples conflits locaux, si nombreux qu'on ne les compte plus ; massacres discrets par petits bouts, dix personnes un jour, cinq le lendemain, et ainsi de suite. Massacres sourds des famines et de la paupérisation, des maladies infectieuses qui (re) flambent dans des pays en voie de développement ( sic) ou de restructuration ( resic). Les medecins que nous sommes, défenseurs de la vie et de la santé, c'est a dire du bien être, luttant contre la mort, y compris la mort lente où je place la mort psychique de la démence et de la bétise, doivent se sentir bien anachroniques et déphasés. C'est sans doute pour cela qu'ils acceptent l'idée de "repenser la médecine".
A moins, bien sûr, que par un de ces effets de paradoxe dont l'histoire fourmille, ils soient à l'avant garde d'une société plus consciente des priorités que sont la santé et l'éducation en place des finances et du travail. SDK


Dimanche 17 janvier 1999
Devant les foules qui se pressent en rangs serrés dans les expositions à la mode, effaré par ces expositions de dos que l'on contemple dans des pietinements épuisants, je m'interroge sur la difficulté que j'ai à articuler des manifestations psychiatriques et des manifestations culturelles. Bien que les liens intellectuels soient évidents, tout se passe comme si on considérait les activités culturelles comme du domaine privé, et les manifestations professionnelles du domaine public. Sans doute l'érotisme et la libido ne s'y déploient pas de la même façon, mais il y a du plaisir dans les deux, et je ne vois pas en quoi un film, une pièce ou une exposition de peinture exigerait pudeur et intimité. Enfin, faut bien faire avec.
Je m'aperçoit que, pour moi, articulation est un mot clé qui revient tout le temps sous ma plume (expression ancienne pour dire mon clavier). Dans le dictionnaires des synonymes, je trouve "accentuation" et "jointure".
Autrement dit, gare à l'emphase et aux rhumatismes intellectuels. SDK


Samedi 16 janvier 1999
La vérité et le mensonge entretiennent des rapports complexes et subtils qui font le bonheur des philosophes et des cyniques . Le dernier film de Chabrol me renvoie à un travail entamé et jamais terminé sur la nécessité et la place du mensonge dans la vie psychique, en articulant mensonge et oubli. Les travaux de BION sont une excellente approche de ce délicat probleme, qui, par un détour évident, débouche aussi sur le statut de l'interprétation et sur les questions pratiques posées par l'information aux malades.
L'action syndicale est ; du point de vue de la reflexion sur son métier, assez stérilisante. En effet, elle polarise sur des questions de stratégie immédiate au détriment des questions théoriques et de fond.
Il faut donc se garder tant d'un coté que de l'autre, de trop verser dans les charmes de la théorisation absconce ou dans les délices des joutes de pseudo-pouvoir. " Père, garde toi à gauche. Père, gardes toi à droite."
La solution d'une entité double ( associative et syndicale) est un moyen d'esquiver un conflit dans lequel nous nous trouvons tous. SDK


Vendredi 15 janvier 1999
Une discussion avec des spécialistes de la cindynique est une rude épreuve, car ils ont un langage fonctionnel assez fermé. Mais, comme professionnels de la fameuse "gestion des risques", ils ont beaucoup à nous apprendre, si nous nous intéressons un tant soit peu à la prévention. Différencier le danger, l'accident et le risque permet de sérier les questions. De même, distinguer le dommage "dégat ou préjudice subi par des personnes" et le détriment "dommage additionnel dû aux effets indirects et à long terme d'un accident". On voit combien les psychiatres ont à faire avec le détriment ; je veux dire le cerner, le traiter, le prévoir, et l'évaluer.
Est-ce un element pour le groupe de travail sur la clinique ambulatoire que lance l'AFP ? SDK


Mercredi 13 janvier 1999
L'omni présence de soucis sécuritaires m'amène à y revenir, alors que je pensais rebondir sur tout autre chose. Ce sera pour un autre jour.
Les politiciens de tous bords confondent allégrement traitement, prévention et répression. L'enfermement comme solution est une manière d'entériner l'ECHEC (qu'il faudrait reconnaitre, avouer et étudier) du traitement et de la prévention.
L'enfermement a un autre interêt : celui d'esquiver le problème.
Nous avons connu cela. Les malades mentaux seraient tellement mieux loin de tout, à la campagne et hors de vue. Déja des arguments de sécurité étaient invoqués : celle des populations, celle des malades, et celle des responsables pour lesquels un internement valait assurance de pas d'ennuis.
On confond ainsi sécurité ( au sens assurantiel ) et tranquillité d'esprit, cette tranquillité qui est celle des idées reçue, des conservatismes et des gestionnaires. Pour nous, médecins, psychiatres, soignants, la question des comportements déviants ne peut se poser qu'en de tout autres termes. Quel est le sens du symptôme, quel est le message qu'il véhicule, comment peut-on en soulager la personne, sans que cela nuise à son entourage.... ? .et puis : quels sont les moyens dont nous disposons, au plus près de lui ( je rappelle que c'est la doctrine du secteur ) pour entendre, comprendre, et résoudre le message ( désagréable ) délivré.
Décidemment, le ministre de l'intérieur n'est pas, et ne peut être celui des intérieurs, psychiques et physiologiques. Il y a un ministre de la santé pour cela. SDK


Mardi 12 janvier 1999
Jour ordinaire : ce matin, il y a deux réunions importantes. Je serai à l'une et disponible au téléphone pour l'autre. Cet après midi, je reçois un journaliste et un cinéaste. Entre temps, je cherche à conserver une activité clinique sans laquelle ni reflexion, ni enseignement, ni recherche, ni action syndicale n'a de sens. Le jeune cinéaste que je dois voir présente un projet plutôt brillant sur les anorexiques. Et, bien entendu, aimerait des témoins...., que, bien entendu, je ne lui fournirai pas. Mais cela relance les remarques d'hier sur la représentation et la figuration. Faut-il absolument que, pour que les spectateurs comprennent le propos, il faille " faire réél".
Faut-il, au fond, faire comme si, ou masquer l'interprétation ? Elle est pourtant centrale, et le "matériau" réaliste n'a plus de raison d'être dès lors qu'il est connu. On pourrait même aller jusqu'à dire que le cadre des psychothérapies analytiques est une mise en scène de ce qui la justifie, à savoir l'interprétation. Mais arrétons là ces flaneries intellectuelles et allons aux réunions, où l'interprétation se manifeste sous forme de stratégie. SDK


Lundi 11 janvier 1999
J'ai vu hier soir un film danois FESTEN, sorte de "Family life" maniéré et à la mode qui peut faire réflechir à la représentation de la violence ( voir la SISM). La violence, là, est tantot exhibée et, même si elle se veut insupportable pour le spectateur devient complaisante par sa mise en scène, et, du coup, perd de sa puissance. Tantôt elle est racontée, laissant le spectateur imaginer, mais le récit se voulant réaliste bride l'imagination. Tantot elle est esquissée, et alors seulement prend une dimension importante. Car ce qui compte c'est l'évocaétion par le spectateur de la violence qu'il a subie ou cru subir déja lui-même. Au spectacle, l'évocation de la violence ne peut fonctionner que si elle est presentée comme un après-coup, un rappel traumatique.


Dimanche 10 janvier 1999
Le travail associatif et syndical dévore le temps et l'energie de ceux qui font l'erreur de s'y consacrer. Et même le dimanche peut s'y trouver englouti.
Les réunions des bureaux de l'association et du syndicat me rappellent que pour que ce travail soit possible, il faut bien que chacun des "militants" s'y sente reconnu et soutenu par le groupe. Pas forcemment dans ses idées (sans cela, il n'y aurait ni discussion, ni progrès, ni démocratie), mais dans sa personne. Et chaque fois qu'une institution de ce genre est déstabilisée, c'est parce qu'on s'y livre à des attaques ad hominem.
Un groupe de ce genre ne peut et doit être conçu que comme une STRUCTURE DE CONFIANCE . C'est quand cette confiance réciproque règne que le groupe est efficace. Cette confiance réciproque est aussi le fondement de la relation thérapeutique avec un patient. Je ne crois pas que l'on puisse faire de bons soins ou établir de bonnes relation si l'on ne commence pas par faire confiance au malade, et à ce qu'il dit.
Traquer le "non dit" ou chercher le "vrai sens" installe une structure de défiance entre le patient et le soignant. Prendre acte de ce qu'il dit, et en chercher ensemble " l'autre sens " possible a une toute autre dimension.
SDK


Samedi 9 janvier 1999
Je suis content de ne pas avoir perdu, après tant d'années de militance, ma faculté d'étonnement. Et les reunions de bureaux de ce jour me comblent ( les comptes rendus en paraîtront dans La Lettre de Psychiatrie Française ). Comment peut -on faire face à tant d'activités nouvelles, à tant de surprises, justement, dont la plupart sont bonnes.
Oui, il y a du nouveau dans la psychiatrie, et dans la psychiatrie européenne et mondiale .
On écoute et on tient compte de ce que disent et surtout font les français, et cela nous impose des devoirs ( de compétence et de disponibilité, laquelle n'étant pas extensible, il faut que les militants se multiplient.....). Les questions de fond sont " creusées " et nos activités, tout en devenant de plus en plus complexes, creusent de plus en plus profond des sillons prioritaires, dont tous marquent l'ACTIVITÉ DU PSYCHIATRE.
Aussi dois-je m'interrompre pour retourner à ces réunions, et continuer à être surpris de ce que nous avons à faire et de ce que, tous ensemble, nous faisons. SDK.


Vendredi 8 janvier 1999
Je n'ai pas encore pu lire le rapport de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ( à moins que drogues et toxicomanies ne soient au pluriel ? ), mais ce que j'en apprend dans les journaux fait de ce jour un jour à bonne nouvelle. Enfin on parle de consommateur et des addictions, enfin on sort de cette imbécile dichotomie entre drogues licites et illicites. Mais que va-t-il en sortir ? Une fois de plus, le gouvernement est devant un choix, politique, de santé publique. S'il fait ce choix, des mesures fortes peuvent être prises qui ne couteront pas cher et qui seront économes de soins et de pertes sociales à moyen terme. Mais il semble bien que des choses importantes ont été dites.
Il va de soi que, pour une part, certaines de ces mesures pourront s'integrer sans problème au plan de santé mentale que nous souhaitons.
Demain, je vais me consacrer aux réunions des bureaux de l'association et du syndicat. je ne sais pas encore si je pourrai y échapper quelques instants pour mes quelques lignes quotidiennes, mais je suis sur que ces réunions vont apporter matière à échanges et reflexions.


Jeudi 7 janvier 1999
Voila déja une semaine que je tiens le rythme. J'espère que le contenu suit ! Dans le dernier numéro de Pour le Recherche, on signale que, enfin, les choses bougent pour la recherche en psychiatrie. Elles bougent aussi en ce qui concerne la santé mentale, et pas seulement chez les psychiatres. C'est aussi une heureuse nouvelles.
Par exemple, pour la Semaine d'Information pour la santé mentale, j'ai deux " scoop" dont on reparlera surement dans la rubrique qui lui est consacrée. Le premier est qu'il y aura une manifestation importante le lundi 15 mars ( sortez vos agendas) au ministère de la santé, organisée par notre ami Michel Lejoyeux, et qui sera honorée de la présence du ministre.
L'autre est qu'il y aura une autre manifestation, centrée sur "LA REPRESENTATION DE LA VIOLENCE " à la cité des sciences de la Villette le samedi 13 mars ( vous avez eu tort de ranger vos agendas).
De plus, ce souci de santé mentale, qui déborde largement le cadre psychiatrique, sort de nos frontières et quelques pays s'en mêlent.
La santé mentale vaut quand même mieux que la part de pouvoir, de prestige ou de fromage que de petites personnes ont voulu s'y tailler, de bric ou de broc. C'est autour de cette notion que, un jour peut être, se forgera la prévention en psychiatrie que j'appelle de mes voeux.


6 janvier 1999
Les journaux du jour bruissent des intentions de Monsieur Chevenement, le miraculé de la place Beauvau, qui voudrait, semble-t-il recreer des maisons de correction nouvelle manière. Ni l'éloignement, ni l' enfermement en institution ne sont des solutions satisfaisantes, et on peut admettre qu'il s'y résoud faute de mieux. C'est admettre alors l'incapacité ou l'incompétence des services de prévention et d'assistance actuellement disponibles, quoique qu'en quantité insuffisante. C'est surtout admettre que ces solutions insatisfaisantes et onéreuses à court et surtout long terme signent l'échec de politiques de prévention ( s'il y en a eu ) ou leur inexistence.
C'est donc pour moi l'occasion de réaffirmer une fois de plus qu'une politique de prévention
- est économique à long terme
- ne coute pas cher immédiatement
- doit s'integrer, pour ce qui nous concerne, à un vaste et véritable plan de santé mentale ( dont je parlais déja hier, mais il est des sujets ou le radotage est indispensable.)
- et donc est pensable par rapport aux maladies mentales au moins autant, et probablement davantage que face à des troubles du comportement social communément admis. SDK


Mardi 5 janvier 1999
Pourquoi, alors que les patients supportent en général si mal les périodes de fêtes, celles ci se pérennisent -t-elles ? On peut se demander pourquoi. Au lieu d'inventer des motivations cachées, il serait peut être amusant de consacrer un colloque à cette question.
Et puisque j'évoque des colloques étranges, en voici quelques uns qui seraient sans doute pleins d'enseignements : sur les premières secondes des consultations et des séances de psychothérapies. Sur l'influence de l'humeur du soignant sur les résultats de la consultation . Sur le role des benzodiazepines dans l'économie nationale.
Bref, le champs de la reflexion sur ce que nous faisons est immense, et a peine entamé . Mais on sent bien que c'est l'ancrage dans la clinique relationnelle quotidienne qui peut ouvrir à des idées nouvelles, alors que retracer des sillons déja largement entamés depuis plus d'un siecle ne risque pas de nous sortir de nos impasses actuelles . La façon de penser, la manière d'aborder les questions, le point de vue importe sans doute davantage que l'objet de la reflexion, aussi pointu soit- il . SDK


Lundi 4 janvier 1999

C'est la rentrée et tout le monde suit les enfants qui sont retournés enclasse. Il va de soi qu'il nous faut maintenant engranger les effets des diverses grèves de la fin d'année, et voir ce qui va se passer maintenant, sachant que nous sommes décidés à maintenir la pression.
Cependant, comme nous sommes encore en période de voeux, en voici quelques derniers : j'espere que les collègues continueront à nous adresser remarques et conseils. Rien de ce que nous faisons n'a de sens si ce n'est pas l'émanation de tous les psychiatres.
J'espère que la période électorale qui commence, qu'il s'agisse des européennes ou des probables présidentielles, nous permettra de renforcer le dialogue entamé, à condition que nous ne confondions pas politique électoraliste et POLITIQUE DE SANTE.
J'espere que nous ne nous laisserons pas prendre aux délices a la fois masochistes, démagogiques et sans risque de la critique pour la critique, et que nous ne serons pas, comme le disait Pierre Dac "contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre". Nous avons des choses à proposer. Jean Yves COZIC et moi avons rédigé une ébauche de plan de santé mentale, qui doit être élaboré. Que tous ceux qui veulent en parler nous le demandent, et que le débat soit le plus ouvert et le plus large possible . Ce serait une de nos contributions a des États généraux de la santé mentale. SDK


Dimanche 3 janvier 1999

La radio ce matin annonce deux nouvelles : La première concerne l'effarant nombre de tués sur la route. Près de trois fois les chiffres de l'an dernier. Je ne peux m'empécher de faire un lien avec d'autre attitudes curieusement auto-agressives des français : notre hyperconsommation de médicaments, et en particulier de médicaments tranquillisants. Bien sûr, cette hyperconsommation peut être due aux choix de gestion de la sécurité sociale qui, mine de rien, favorise les prescriptions au détriment de la relation.
Par ailleurs un questionnaire remis à un pannel par un grand journal régional montre que les questions qui préoccupent le plus les français tournent autour de leur santé ( SIDA, cancer, etc.) plus qu'autour des cours de la Bourse. Voila qui est encourageant, et qui devrait alimenter les réflexions des Etats Généraux de la Santé. A propos de ces États généraux, j'ai peut être eu tort de déclarer que je n'attendais rien. Une réunion de malades cancéreux a insisté sur le besoin, non comblé, de dialogue et de soutien psychologique. Comme chacun sait que ce soutien ne s'improvise pas et qu'il faut un vrai professionnalisme pour y répondre, voila un formidable pour la PSYCHIATRIE DE LIAISON que, j'en suis sur, nous allons reptrendre ensemble . SDK


Le samedi 2 janvier 1999

Hier nous étions dans Euro et l'Europe, mais il faut penser à tout ce qui nous attend cette année de plus précis et de plus prosaïque. Je crois que tout cela se place sous le signe de l'OUVERTURE . Ouverture au monde par la préparation du Congrès de Paris 2000. Ouverture aux gens à travers l'intérêt renouvelé pour la santé mentale. Ouverture à la politique à travers les négociations à venir sur l'avenir de la psychiatrie. Ouverture à l'avenir, justement, à travers le souci émergent de prévention. J'ai passé une partie de ces jours d'éloignement à écrire sur la prévention en psychiatrie, et plus j'avance,plus il me semble qu'il y a beaucoup à faire ; que cela ne couterait pas cher, qu'il y suffirait d'une volonté politique justement ; et que les psychiatres, dans leur majorité, qu'ils soient publics ou privés, en cabinet ou en institution y sont prêts.
Alors l'année commence bien ; et les nuages lourds qui nous menacent se dissiperont si nous ne nous laissons pas faire . SDK


1 janvier 1999

Puisqu'internet nous offre la possibilité de dialogues presque instantanés, je vais essayer de noter au jour le jour les réactions que je peux avoir à tout ce qui touche de près ou de loin notre activité psychiatrique. Je ne suis pas sur de pouvoir le faire chaque jour, ni vous garantir que je ne me répeterais pas. Ce sont vos réactions qui me guideront.

Le premier janvier, le taux de change de l'euro sera fixé. L'heure et les années à venir vont nous amener à multiplier les échanges avec nos collègues européens. De récentes expériences montrent que si parfois ils ont besoin de notre aide dans des actions collectives, nous avons un ardent besoin de leurs avis et de leurs soutien dans les difficiles combats syndicaux qui sont les notres. Allons nous continuer à nous présenter à eux en ordre dispersé ? A offrir le ridicule spectacle de mini-syndicats cherchant à se faire valoir en adoptant des attitudes parfois grandiloquentes, parfois démagogiques et souvent inefficaces ?

Puisque c'est un jour de voeux, je nous souhaite que les syndicats s'unissent comme ont su le faire les associations scientifiques, dont aucune n'a perdu sa " personnalité" à cette union .
A demain SDK


Dernière mise à jour : samedi 17 juillet 1999 11:54:05

Dr Jean-Michel Thurin