HUMOR : chronique quotidienne de Simon-Daniel KIPMAN


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février 1999

Mercredi 24 fevrier 1999
Avant d'interrompre pour quelques jours de congrès cette rubrique, je voudrais livrer une recette de cuisine associative.
Placer deux ( ou plus) psychiatres sur une table ronde. On peut selon son goût améliorer le decor : un salon, ou autre. Demandez leur d'organiser quelque chose (un congrès, un numéro de revue ou autre), et très vite saupoudrez d'un thème aussi vague soit-il. Laissez frétiller quelques minutes, et les psychiatres vont échanger leurs sucs intellectuels. Très vite, ce mélange va fermenter, des bulles de passion vont apparaître.
Dans le meilleur des cas, vous pourrez à l'avance goûter les délices de votre future réunion, dans la majorité des autres, vous saurez d'avance qu'elle aura le goût de réchauffé;
Dans tous les cas, il ne vous restera qu'à faire la vaisselle pratique et organisationnelle tout seul SDK


Mardi 23 fevrier 1999
Nous naviguons toujours entre deux écueils : celui du modèle, celui de la nature. Une jeune femme m'explique combien sa mère était dépressive, et elle le dit, bien sûr, en pleurant : cherche -t-elle a se déprendre d'un modèle, qui fut celui de son enfance, celui à travers lequel elle s'est construite femme, celui qui plaisait, semble-t-il, à son père...; ou est-elle elle même dépressive, que cela vienne de ses gènes ou de sa structuration psychique ?
La question paraît bien banale, mais on sent que la demarche thérapeutique ne sera pas la même selon la manière dont on peut ou dont on souhaite y répondre.
Et un exposé des théories ne saurait suffire a éclairer le choix que chacun d'entre nous a fait, en fonction de critères moins informatifs que profondément inconscients;
C'est bien pourquoi, dans l'enseignement des théories, modèles et méthodes psychothérapeutiques, il ne faudrait pas éluder la question en s'abritant derrière une exposition-comparaison des diverses approches en cours. SDK


Lundi 22 fervrier 1999
A la fin de la semaine ( il n'y aura pas de HUMOR jeudi, vendredi, samedi ni dimanche prochain ) nous devons aller quelques uns parler de la Semaine d'Information sur la Santé Mentale au congrès d'Athenes sur la prévention en psychiatrie.
Car chacun s'accorde a reconnaître que la prévention commence par l'information, la sensibilisation et la formation..... y compris celle des psychiatres.
Et dans cette formation des psychiatres, il y a cette formation à la clinique ambulatoire, la clinique fine, la clinique prédictive qui permet de percevoir des signes d'appel, qui, toujours, précèdent l'apparition ou l'explosion d'une maladie mentale avérée. SDK


Dimanche 20 fevrier 1999
Parmi les décisions prises, il y a le lancement d'un groupe de travail de réflexion et de recherche sur la clinique ambulatoire, en étroite liaison avec la FFP.
Il y a mille raisons a la création d'un tel groupe, qu'il s'agisse de dépasser la clinique hospitaliere habituellement prise comme référence unique, qu'il s'agisse de mettre en avant une clinique de la douleur psychique, qu'il s'agisse enfin de montrer l'importance d'une clinique fine, complexe, integrant des données sociales et familiales.
Que l'AFP s'y retrouve et s'y consacre va de soi, car nous pouvons faire se rencontrer tous les acteurs de cette clinique ambulatoire : ceux du secteur et ceux de la pratique privée, ceux des actions médico-sociales et ceux du soin pur, et même, au dela de cela, les professionnels de la santé et les non professionnels. SDK


Samedi 20 fevrier 1999
Je n'ai pas eu le loisir, comme on dit, de rédiger ma chroniquette quotidienne, car la journée s'est passée en reunions des conseils de l'AFP et du SPF. Des décisions importantes ont été prises qui paraitront dans la Lettre de Psychiatrie Francaise. Mais tout au long de cette journée je me demandais pourquoi nous consacrions les uns et les autres tant de temps et d'énergie à ces activités associatives.
Pour les uns, nul doute que le militantisme et l'humanisme justifient cet engagement, au detriement de la vie familiale et professionnelle. Mais on les retrouve surtout dans les associations idéologiques et humanitaires.
Pour d'autres, le narcissisme constamment blessé de la fonction soignante (soit il guérit et il s'en va, soit il ne guérit pas .), vient se restaurer dans des appetits d'action et de pouvoir, ou plutôt de pseudo pouvoir.
Mais il y a aussi, et c'est bien dans le style donné a nos instances par Charles BRISSET, une amitié, une tolérance réciproque, une estime et une confiance commune qui justifient tout le temps mis la dedans. SDK


Vendredi 19 fevrier 1999
Il y a une dizaine de millions de personnes qui travaillent ou qui militent au sein d'associations multiples. Nous tous, adhérents des associations scientifiques de psychiatres, nous comptons au nombre de ces militants. Et nous ne ménageons ni notre temps, ni notre peine.
On nous menace de contraintes comptables et budgétaires qui viendraient rendre plus lourde cette militance.
Sans doute faudrait-il réfléchir, avec d'autres associartions, à un statut du militant et de l"élu, à un statut du travail bénévole qui garantirait aussi quelque securité et reconnaissance (non financière) à ce travail de l'ombre.
Car ce travail humble et discret est celui de toutes les nouveautés, de l'avenir de nos professions. SDK


Jeudi 18 fevrier 1999
Même pour écrire trois lignes, il faut choisir un axe. Aujourd'hui, je suis partagé entre une interview de la directrice generale de l'OMS et la parution en édition de poche des livres d'Emmanuel BOVE.
Le lien entre les deux réside peut être dans le coté plat, quotidien, anonyme et presque absent des actions de santé publique que réclame la directrice de l'OMS. Pourtant, faut-il, une fois de plus, rappeler que les psychiatres francais se sont depuis longtemps interessés a la santé publique, via l'hygiène mentale, puis via l'organisation sectorisée des soins. Et que maintenant ce sont des psychiatres de toute origine qui ont créé des liens avec la Société Francaise de Santé publique, qui travaillent à un plan de santé mentale, qui font des actions de prévention, et qui se soucient de bonne pratique, et d'économie.
Alors, ne nous laissons plus faire la leçon comme si nous étions des enfants incompétents. Et disons haut et fort (et simple, comme BOVE) ce que nous faisons, ce que nous pensons, ce que nous souhaitons . SDK


Mercredi 17 fevrier 1999
Pendant que je rédige au jour le jour mes petites chroniques, il se passe des choses dans le PPF (paysage psychiatrique francais) et les manoeuvres politiques vont bon train. Ce qui est reconfortant, c'est qu'elles vont toutes dans le meme sens : il faut que la psychiatrie, la santé mentale parle d'une même voix, que cette voix soit forte (quand on n'est pas écouté, il faut bien crier ), qu'elle ait les moyens de se faire entendre ...., ce dont les pouvoirs (publics ou autres ) commencent a se rendre compte. SDK


Mardi 16 fevrier 1999
Les réunions de la commission de qualification à l'ordre des médecins me confortent dans l'idée que la psychiatrie est une discipline large, et que la majorité d'entre nous avons des activités variées. Il serait donc idiot et contre productif de renoncer à la spécialité unique, d'isoler une psychiatrie de l'enfant, et demain d'éclater encore et encore ce qui se centre sur une fonction unique : celle de penser.
Par contre, tant dans la formation initiale que dans la formation en cours d'emploi, il y a de nombreuses options possibles qui se dessinent. Il faudrait les étudier, cerner leurs limites et leurs champs d'action, réflechir aux contenus et aux méthodes pédagogiques que ces options diversifiées impliqueraient.SDK


lundi 15 fevrier 1999
Les guerriers accordent sans doute davantage d'attention à leurs ennemis qu'à leurs alliés. Il en va de même des médecins et des psychanalystes qui sont plus soucieux des forces de régression, de mort, de haine, ou de déliaison, contre lesquelles nous sommes censés lutter, que des forces de liaison, de progrès, de developpement, d'amour sur lesquelles on peut d'autant plus s'appuyer que la lutte "contre" est souvent inégale.
Se battre contre la maladie en étant attentifs à ses alliés naturels que sont le malade, ses forces de vie, son entourage pourrait mobiliser, à mon sens, l'essentiel de nos energies.
Il en va de même dans l'action politique ou syndicale : je crois être plus efficace en me battant avec les autres, et pour des idées, que contre qui que ce soit. SDK


Mardi 9 fevrier 1999
Les journaux français se croient aux Etats Unis, et espèrent faire de la copie avec le procès du sang contaminé, comme d'autres ont cru pouvoir vendre du papier avec la Monicagate.

Mais, du point de vue qui est le mien en ce moment, relire les déclarations des uns et des autres me parait (ce n'est pas l'objet du procès) refléter ce qui est un sérieux problème de santé publique, à savoir l'extraordinaire résistance aux soucis de prévention. Ces résistances sont suffisamment puissantes et inconscientes pour animer tous les intervenants, politiques ou soignants. SDK


Lundi 8 fevrier 1999
Je viens de recevoir, dans cette très jolie collection des PUF consacrée aux psychanalystes de notre temps, un ouvrage consacré a W.R. BION. Cela me réjouit d'autant plus que, malgré les efforts de l'AFP (le premier colloque consacré a cet auteur en france, il y a une dizaine d'années fut suivi d'un livre "une theorie pour l'avenir"), Bion continue à être mal connu ici. Et pourtant son oeuvre, qui a la mauvaise réputation d'être difficile, devrait interesser tous les psychiatres, qu'elle parle des groupes (institutionnels ou autres), des psychotiques ou de la pensée dans ses mécanismes les plus elementaires.
Peut etre aurons nous l'occasion d'en reparler. SDK


Vendredi 5 fevrier 1999

Il y a des "jours" pour (pour la femme, pour les personnes agées ) et des jours contre (contre le sida, contre le cancer). Je ne sais pas bien ce qu'est ou ce que se veut cette journée du suicide. S'il s'agit de prévention, prévient-on un symptôme; et l'acte suicidaire n'est-il pas l'échec de toute les preventions utilisées ? S'il y a quelque chose a prévenir ce serait les mouvements dépressifs. Le suicide est toujours précédé de signes de détresse ou de souffrance qui ont été ignorés. On voit là l'importance à former les professionnels à une clinique fine et predictive, et de sensibiliser la population à ces signes d'appel.
A l'occasion ce cette journée, on a pu voir de nombreuses associations généreuses se propulser pour proposer une écoute, un soin, un soutien. Elles se substituent ainsi, et comme amateur ou comme ideologues, à ce qui serait la carence du service public, et des réseaux de psychiatres libéraux.
Cela signifie-t-il qu'ils sont déficients, ou qu'il s'agit encore une fois de réticences à accepter la souffrance mentale, et d'une manifestation de ce courant pervers qui vise à faire faire le travail des psychiatres par des non professionnels plus conformes et moins onéreux ? Evidemment, le vrai travail d'écoute, de diagnostic, de soins et de soutien n'est pas fait dans ces conditions. SDK


Jeudi 4 fevrier 1999
J'apprend que mes "humeurs" des jours précédents ne sont pas passées. Décidément, l'internet est une chose bien capricieuse, et à laquelle j'ai du mal a m'apprivoiser.
Il y a un certain temps, les mutuelles étudiantes avaient supprimé le remboursement complementaire des consultations psychiatriques, créant ainsi une ségrégation insupportable envers la souffrance psychique, poussant les soignants à des solutions plus lourdes que les psychothérapies, et instaurant une politique nefaste à la santé mentale, et à tout effort de prevention.
Au lieu de crier a l'injustice, le SPF et l'AFP ont cherché avec des responsables des mutuelles à comprendre les raisons de ce retrait, et à trouver des solutions respectant les imperatifs de santé publique.
Je viens d'apprendre que la SMEREP (une des deux mutuelle concernée) reprend les remboursements complémentaires qui avaient été supprimés, avec quelques conditions qu'il faudra discuter, et ce malgré l'inertie du ministère que nous avions appelé au secours. La MNEF est encore prise dans ses problèmes internes pour réagir.
Cela me fait réfléchir à l'importance de ces actions syndicales qui ne s'appuient que sur des dossiers établis en termes de santé publique. SDK


Mardi 2 fevrier 1999
Des psychologues américains prennent au pied de la lettre l'agression que représente pour un individu une expérience délirante, et la traitent explicitement comme un traumatisme : hospitalisation en rea, debriefing, etc.
L'attaque interne est traitée comme une attaque extérieure, comme une agression de l'inconscient vers le conscient, et cette interprétation théorique est mise en scène dans les soins.
Voilà une belle fable qui illustre les liens entre traumatisme, idéologie et société. SDK



Lundi 1 fevrier 1999
Voilà un mois que cette lettre quotidienne est envoyée, comme une bouteille à la mer; sans que je sache si elle a un interêt autre que de m'imposer une contrainte (dans le cadre d'une névrose de contrainte ?) supplémentaire, et d'augmenter le volume des lectures inutiles sur internet.
Mais je n'écris pas cela pour me plaindre, mais pour associer sur un aspect délicat à formaliser de la consultation psychiatrique. S'il est parfois aisé de " coller" un diagnostic sur un patient que l'on n'écoute pas, que l'on examine; il faut du temps pour élaborer une image de celui ci, y compris en termes psychopathologiques. Il faut du temps ET de la répétition .
Pourrons nous faire entrer cette idée d'une consultation étalée dans le temps à nos "metreurs" de sous, que sont nos maitres politiques ? SDK


Dernière mise à jour : samedi 17 juillet 1999 11:54:05

Dr Jean-Michel Thurin