HUMOR : chronique quotidienne de Simon-Daniel KIPMAN


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avril 1999


Vendredi 30 avril 1999
"homo sum ; humani nihil a me alienum puto" ("je suis homme, rien de ce qui est humain ne m'est étranger") ce vers de Terence pourrait etre consideéré comme une des premières approches de ce que nous appelons aujourd'hui le contre transfert. En tous cas, parlant de solidarité entre les hommes, il indique aussi qu'il n'y a pas de différence profonde entre le soignant et le soigné.SDK


Jeudi 29 avril 1999
Au hasard des rangements, je suis tombé sur un vieux petit Larousse, et les fameuses pages roses, de citations, vont me servir de base pour quelques jours.
" Timeo hominem unius libris" ( je crains l'homme d'un seul livre) est une pensée attribuée à Saint Thomas d'Aquin.
En psychiatrie comme ailleurs, plus qu'ailleurs les dogmatiques sont à fuir . Les querelles d'école qui nous ont déchiré il y a une ou deux decennies ont-elles rendu ser'vice à la santé mentale, en en faisant un objet de débats médiatiques, ou l'a-t-elle releguée pour longtemps dans les marécages des curiosités sectaires ? SDK


Mardi 27 avril 1999
"... J'avais un ami qui avait dressé son perroquet à dire à tout propos : "Tout cela n'a vraiment aucune importance." Croyez moi, chacun de nous, à notre âge surtout, devrait avoir un perroquet comme celui de mon vieil ami " ( Nathalie Sarraute in portrait d'un inconnu.)
Tout cela, conflits internes, querelles de personnes, atermoiements institutionnels, hésitations et erreurs, a d'autant moins d'importance qu'il faut savoir, qu'il faut choisir à quel temps on se referre : celui d'un coup, celui d'une carrière, celui d'une cure, ou celui de l'évolution de la psychiatrie, ou de la société.
De tous ces engagements professionnels, le temps immédiat du narcissisme et de ses blessures devrait être sinon banni, du moins relativisé. SDK


Lundi 26 avril 1999
Dans ce genre de rubrique quotidienne, il y a des jours ou le thème est tout trouvé, et d'autres ou rien n'est evident. C'est un peu comme des associations libres. "Et cependant, dans bien des cas.... il est nécessaire et amical d'écrire des riens plutot que de rien écrire " Goethe ( Les affinités electives)
Même de mon lieu de vacances, le contact avec les collègues reste un pôle important. SDK


Dimanche 25 avril 1999
Dernier jour avec Sun Tzu "Un général ne doit se piquer mal à propos, ni hors de raison ; il doit savoir dissimuler ; il ne doit pas se décourager après quelque mauvais succès, ni croire que tout est perdu parce qu'il aura fait quelque faute ou qu'il aura reçu quelque echec"
En un mot, le combat syndical est un travail de longue haleine, qui n'est sensible ni aux aléas des rencontres, ni aux échecs, ni aux succès sur une coourte période. Quelle que soit la conjoncture, il faut raison garder. SDK


Samedi 24 avril 1999
Toujours Sun Tzu "Un général qui ne sait pas se modérer, qui n'est pas maître de lui même, et qui se laisse aller aux premiers mouvements d'indignation ou de colère, ne saurait manquer d'être la dupe de ses ennemis". Comme quoi, non seulement il faut tenir ses nerfs, mais encore éviter le ridicule de la position "noble" mais faible. Dans nos débats, c'est toujours "la force tranquille" qui l'emporte SDK


Vendredi 23 avril 1999
Encore Sun Tzu "On se croit nécessaire... on n'aurait garde de s'exposer.... on attend une occasion plus favorable, on perd celle qui se présente" Les négociations ne justifient pas bles atermoiements et la lutte avec des interlocuteurs difficiles conduit à être capable de changer de rythme.
C'est le bon Docteur Queuille qui disait qu'il n'est pas de problème qu'une absence de décision ne finisse par résoudre. C'est peut être vrai, mais cela ne conduit jamais a des succes ?SDK


Jeudi 22 avril 1999
Les notes des jours a venir s'appuieront sur "L'art de la guerre" de Sun Tzu, parus dans cette splendide petite collection " Les mille et une nuit"
En effet, cette lecture devrait être sur les table de chevet de tous les responsables associatifs ou syndicaux. Je cite "ardeur téméraire qu'on honore souvent des beaux mots de courage, d'intrepidité et de valeur, mais qui, au fond, ne mérite guère que celui de lacheté". Il faut en effet infiniment plus de sang froid et de courage pour accepter de discuter de ses arguments plutôt que de se draper dans une opposition systématique et sans risque, en tous cas sans risque de succès, en invoquant la morale ou l'éthique.SDK


Mercredi 21 avril 1999
Dans le même livre de principes politiques, il est stipulé que "qui a tout pr& eacute;vu devient négligent"
On sait bien que l'on ne peut jamais tout prévoir, même les pires choses (j'écris cela parce que j'entends à la radio des craintes millenaristes sur le Bug, sur la conjonction astrale du 11 aout, et sur la fin de l'histoire, des politiques, sur le grand chambardement et la future guerre mondiale ).
Aussi prévenir, en médecine, n'est pas, comme on voudrait nous le faire croire, prévoir mais tenir compte des incertitudes et des craintes SDK


Mardi 20 avril 1999
Dans les trente-six stratagèmes, livre chinois du XIV ou XV eme siècle, il est écrit "le grand jour est une cachette plus sure que la pénombre". C'est bien pourquoi entendre les hommes politiques évoquer sans cesse la transparence est aussi insupportable.
C'est pourquoi aussi nous devons maintenir la possibilité d'un dialogue long et non directif avec nos patients, pour découvrir ce qui se manifeste sous la transparence des mots, et des situations évoquées. SDK


Lundi 19 avril 1999
Quelques lignes de Levinas me font penser à la fois au conservatisme des syndicats et à celui des "impérialistes de l'inconscient" qui oublient que la psychanalyse est un POINT DE VUE sur le psychisme, qui n'en exclue pas les autres. "Le bourgeois n'avoue aucun déchirement intérieur et aurait honte de manquer de confiance en soi" Plus loin, il ajoute "Il se soucie d'affaires et de science comme d'une défense contre les choses et l'imprévisible qu'elles recèlent"
Et enfin "contre l'avenir qui introduit des inconnues dans les problèmes résolus sur lesquels il vit, il demande des garanties au présent" SDK


Dimanche 18 avril 1999
Arrivé sur mon lieu de vacances, la psychiatrie me semble tres lointaine. Et pourtant la folie des hommes n'est jamais très éloignée.
Le plaisir d'être là me renvoie à la definition de la santé par l'OMS : état de bien être.
Le bien être, dit comme cela, n'a aucun sens : ce peut être le "bonheur des pierres". Sans doute vaudrait-il mieux parler de "mieux être", qui implique l'idée d'une amélioration (soins ), d'une securité (prévention ) et d'un développement (mieux).
Le mieux être sous entend que l'on ait réussi à classer ses besoins entre nécessaires et essentiels. La futilité de nos efforts sociaux par exemple saute aux yeux dès lors qu'on est au calme SDK


Samedi 17 avril 1999
Dans les mêmes encarts publicitaires, les propositions faites (quand elles sont compréhensibles ) montrent que la conception que j'avais de la santé publique est totalement inadaptée et fausse.
Il ne faudrait pas continuer à penser santé publique en s'appuyant sur des données épidemiologiques, scientifiques, et sur la connaissance des personnes de leur fonctionnement physique et psychique, et de leur situation culturelle et sociale, mais comprendre enfin que la santé publique repose essentiellement sur la bonne circulation des medicaments. Et que cette bonne circulation repose sur des prescriptions simples et rigides, ne tenant aucun compte des marges de liberté (le vilain mot) du prescripteur et du patient.
Je crois qu'il est tant de changer nos slogans. L'inconscient n'est pas structuré comme un langage. L'inconscient est structuré comme un marché. Vous ne le saviez pas encore ? SDK


Vendredi 16 avril 1999
Les encart publicitaires que s'est offert l'industrie pharmaceutiques sont pour moi l'occasion de révisions déchirantes. Je croyais, jusque là, que l'objectif des industriels était de produire pour vendre davantage et de pouvoir reverser des intérêts substantiels a leurs actionnaires. Eh bien, ce n'est pas cela du tout. L'objectif de l'industrie pharmaceutique est de défendre et de promouvoir la santé publique.
Celle-ci est cependant assez mal en point, et je suppose que ses ennemis de l'intérieur sont les organismes publics et les médecins. Quelle surprise. SDK


Jeudi 15 avril 1999
L'idée de prévention avance-t-elle dans notre pays, fait-elle quelques progrès ? On peut en douter tant elle paraît étrangère aux préoccupations des uns et des autres. Quand on parle de prévention, il s'agit toujours d'une vue ou d'une utilisation partielle.
Pour les pouvoir publics, la prévention sert de cache sexe à une remise en ordre économe, et de transfert de charges vers le social
Pour bien des collègues, l'important est de défendre une action soignante, et l'heure n'est pas à penser l'avenir. A la rigueur, on peut évoquer dépistage precoce et accès aux soins .
Pour le public, l'idée générale serait qu'il serait plus simple d'intervenir de plus en plus tôt, et de plus en plus loin de la situation actuelle.
Il y a donc beaucoup à faire pour que les soucis de prévention qui existaient dejà dans les préoccupations hygiénistes du debut du siècle retrouvent la priorité qu'elles ont perdu SDK


Mardi 13 avril 1999
Un de mes amis me fait remarquer que l'évolution de la médecine et de la psychiatrie n'est un drame que pour nous, que pour notre génération. Les jeunes et futurs collègues seront à l'aise dans les filets des "managed cares" de diverses obédiences et se débrouilleront pour y pratiquer de la bonne psychiatrie.
Se pose alors pour nous, la question de savoir comment on peut pratiquer dans des situations d'inconfort, de contrôle, de disparition de la clinique relationnelle que nous connaissons.
Ces questions se sont deja posées dans des conditions extrêmes : Bettelheim faisait des psychothérapies dans les camps, les collègues chiliens ont tenté de sauver l'honneur, on a tenté des soutiens en situation de guerre ou de catastrophe.
Dans ces situations extrêmes, on ne peut conserver (si faire se peut) que l'essentiel de notre métier. Encore faut-il definir cet essentiel. SDK


Lundi 12 avril 1999
Nous vivons dans un pays en guerre. Et cette guerre est en train de montrer ses aspects les plus hideux et les plus insupportables. Des hommes et des femmes sont menacés de bombardements, sont chassés de chez eux, errent, menacés par des groupes armés, sur les chemins, dans les forêts, voient leur environnement habituel détruit. On semble s'orienter vers une intensification de cette guerre horrible comme toutes les guerres.
Et voila que 35000 concitoyens descendent dans la rue pour défendre à son de trompe leur loisir : la chasse.
Par moment, j'ai l'impressioçn que mes categories logiques ne s'appliquent plus a ce que nous vivons. SDK


Dimanche 11 avril 1999
C'est un musicien qui nous donne une issue possible, qui ravira ceux d'entre nous qui se réfèrent a la psychanalyse. "Sauvegardons cette liberté inaliénable : le bonheur constamment espéré d'une dimension irrationnelle " Pierre Boulez
Tout y est : l'espoir; le bonheur et la liberté. (voir deux numeros passés de Psychiatrie française intitulés l'un " le bonheur" et l'autre " la liberté de penser". SDK


Samedi 10 avril 1999
A Eugene Ionesco (cité hier ), répond Edgar Morin "La connaissance progresse en integrant en elle l'incertitude, non en l'exorcisant".
Nos amateurs de diagnostics préfabriqués, de procédures à tout faire, et de rationnalisation à tout crin feraient bien de s'en souvenir.... Mais, pour eux, même la mémoire est encombrante .SDK


Vendredi 9 avril 1999
" Plus je m'explique moins je me comprends" écrit Eugene Ionesco. C'est sans doute un bénéfice de l'âge et de l'expérience que de percevoir la masse de sous entendu que chaque message recèle, c'est d'une certaine manière, l'accès a la complexité des choses.
Il n'est pas etonnant que cela s'accompagne d'une certaine impatience et d'une certaine lassitude SDK


Jeudi 8 avril 1999
C'est une curieuse perfidie qui fait associer, dans la même charrette de la légion d'honneur deux syndicalistes médicaux, " frères ennemis", tenant de positions radicalement differentes sur l'évolution de la médecine . Cela signifie -t-il que le ministère les tient à égale distance de ses projets, que, de toute facon, il realisera. Ou que le même ministère apprécie, quelle que soit la position publique tenue, ce type de syndicalisme ? On peut se perdre en conjectures sur le motivations du ministère. Il est vrai que, il y a quelque mois a peine, il avait accordé la même distinction a une responsable d'une association, dénoncée officiellement comme une secte . SDK


Mercredi 7 avril 1999

La violence permanente, les discriminations dont souffrent beaucoup (et bien entendu, pour de multiples raisons, nos patients) imposent cet effort permanent pour parler, pour témoigner.

" Qui répondrait en ce monde à la terrible obstination du crime, si ce n'est l'obstination du témoignage ?" ecrivait Camus. SDK


Samedi 3 avril 1999

Lundi 5 avril 1999

"L'attention aux hommes, aux personnes est plus importante que l'attention accordée aux événements et aux marchés. Si nous pouvions rester sensibles à l'importance de l'individu sans etre aveuglés par notre propre importance d'analyste" (on peut remplacer ici analyste par bien d'autres choses.), nous contribuerions davantage a la vie humaine - comme le fit l'inventeur de la roue, ce génie inconnu." W.R. Bion in Entretiens psychanalytiques. SDK


Dimanche 4 avril 1999

Qu'i s'agisse de "grande" politique ou de politique associative, ce qui différencie les prétendants et les tenants c'est que "nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes" ( La Rochefoucauld.) SDK


Cette incertitude dont je parlais hier, eller est liée au temps qui passe, à ce que l'on apprend sans cesse, à ce que l'on oublie sans cesse, et au mouvement des idées qui, bien que lent, est en même temps incessant.

Malek Haddad (en 1927) écrivait "vivre, c'est vieillir, c'est à dire, changer "

Le difficile où l'évidence de la logique interne conduit à changer, certes, sans jamais se renier. SDK



Vendredi 2 avril 1999

La situation politique m'incite à penser a cette micropolitique qu'est la politique associative. J'ai deja beaucoup dit ce que je ressentais du statut de péesident dans lequel j'ai été mis.

Ce rôle est dominé par l'incertitude : il faut trancher, dire, affirmer, défendre et proposer, car on se sent "representer" un groupe, une pensée, des positions ( qui ne sont pas toujours celles que l'on adopterait si on était seul et libre.). Mais, quelles que soient ses convictions, ce ne sont toujours que des approximations et des estimations.

Du haut (sic) de cette position de pouvoir (quelle escroquerie, que ce pouvoir.), "je donne a qui veut bien, une ignorance de plus" (G. Bataille). SDK


Jeudi 1 avril 1999

Normalement, il nous faudrait un canular, mais l'actualité m'en empêche . Qui peut supporter la guerre, même si elle est justifiée par ailleurs. Qui peut être à l'abri de cet echec des " plus jamais ça " qui accompagne c

Et comment ne pas être surpris et ecoeuré de l'utilisation médiocre, microcosmique qui est faite des évenements ?

Cela m'évoque une réflexion de Richelieu qui remet les critiques et les réflexions à leur place "Chacun conçoit les affaires selon la portée de son esprit."

Encore faut-il (et c'est peut être une réponse à une question que nous posait hier Jean michel Thurin : qu'est ce qu'une association scientifique ?") que nous ayons la possibilité de nous exercer a élargir cette portée. Certes, on pense comme on est, mais on apprend et on s'exerce à penser par l'échange et le groupe. SDK


Dernière mise à jour : samedi 17 juillet 1999 11:54:05

Dr Jean-Michel Thurin